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Pointe de Grave

La pointe de Grave (en occitan : punta de Grava) est un cap marquant l'extrĂ©mitĂ© septentrionale du MĂ©doc et du dĂ©partement de la Gironde. C'est Ă©galement la limite nord des Landes de Gascogne, de la Gascogne, de la forĂȘt des Landes et de la CĂŽte d'Argent.

Pointe de Grave
Présentation
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45° 34â€Č 10″ N, 1° 03â€Č 50″ O
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Le choronyme « Pointe de Grave » (avec une majuscule) désigne le hameau historique le plus au nord du Verdon-sur-Mer, comportant, entre autres, la cité du Balisage et la cité des Douanes.

Dépendant administrativement de la commune du Verdon-sur-Mer, ce verrou naturel faisant face à Royan et à la presqu'ßle d'Arvert est une des « portes » de l'estuaire de la Gironde, qui baigne sa cÎte orientale, tandis que sa rive occidentale est bordée par l'océan Atlantique.

Le site, qui s'inscrit dans le parc naturel rĂ©gional du MĂ©doc et le parc naturel marin de l'estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis comprend des espaces naturels prĂ©servĂ©s (cordon dunaire, forĂȘt domaniale de la Pointe de Grave, marais du Logis et marais du Conseiller), des monuments (phare de Grave, phare Saint-Nicolas, phare de Cordouan), diffĂ©rents mĂ©moriaux (monument aux AmĂ©ricains, aux membres de l'opĂ©ration Frankton) et des infrastructures touristiques (Port Bloc et Port MĂ©doc).

La pointe de Grave s'intÚgre à un ensemble géographique et touristique plus vaste, baptisé pointe du Médoc. Organisé en communauté de communes depuis 2001 (anciennement communauté de communes de la Pointe du Médoc), Le Verdon-sur-Mer appartient à la communauté de communes Médoc Atlantique depuis le , qui comprend quatorze communes dont Soulac-sur-Mer et Saint-Vivien-de-Médoc.

GĂ©ographie Ă©volutive et quelques repĂšres historiques

De l'embouchure de l'Adour Ă  la pointe de Grave s'Ă©tend un cordon dunaire quasi rectiligne de prĂšs de 250 kilomĂštres, seulement percĂ© par la vaste Ă©chancrure du bassin d'Arcachon : il s’agit de la CĂŽte d'Argent. La pointe de Grave en constitue la partie la plus septentrionale. Ses limites sont constituĂ©es, Ă  l'est, de la pointe de la Chambrette (oĂč se trouve le port industriel du Verdon, sur l'estuaire de la Gironde). Elles sont moins bien dĂ©finies Ă  l'ouest : pointe Saint-Nicolas (rocher Saint-Nicolas) ou dune de Tout-Vent, Ă  hauteur de Maison de Grave, un peu plus au sud, sur l'ocĂ©an Atlantique.

Dunes à la pointe de Grave (cÎté atlantique).

FaçonnĂ©e par les Ă©lĂ©ments, la pointe de Grave a bien souvent changĂ© de visage, au grĂ© des tempĂȘtes et des puissants courants ocĂ©aniques et estuariens, qui font se dĂ©placer les masses de sable de deux façons : transversalement ou longitudinalement (dĂ©rive littorale) Ă  la cĂŽte[1]. Le village de Saint-Nicolas-des-Graves et son prieurĂ© bĂ©nĂ©dictin situĂ© Ă  la pointe de Grave ont dĂ» ĂȘtre abandonnĂ©s au milieu du XVIIIe siĂšcle. Les habitants sont allĂ©s crĂ©er le village de Soulac qui eut Ă  subir Ă  son tour l'assaut des sables en 1771[2]. En souvenir de leur prieurĂ© englouti, les bĂ©nĂ©dictins de l’abbaye Sainte-Croix donnĂšrent le nom de Saint-Nicolas-des-Graves Ă  la chapelle Ă©difiĂ©e dans le quartier du Sablonat au sud de Bordeaux[3]. Au XVIIIe siĂšcle, la pointe de Grave s'Ă©tendait encore jusqu'aux rochers de Saint-Nicolas — aujourd'hui au large du phare Saint-Nicolas et du monument de Grave. Un phare est amĂ©nagĂ© en 1830, mais, dĂšs 1837, dans sa Statistique du dĂ©partement de la Gironde, François Jouannet indique que : « Ă©tabli d'abord sur une tour en maçonnerie, Ă  l'extrĂ©mitĂ© de la pointe, on a dĂ» le transfĂ©rer Ă  440 mĂštres Ă  l'ouest de la tour, parce que cette tour menaçait d'ĂȘtre bientĂŽt ruinĂ©e par la mer (...)[4] ».

Le phĂ©nomĂšne d'Ă©rosion marine, particuliĂšrement marquĂ© entre la fin du XVIIIe et le milieu du XIXe siĂšcle, alerte finalement les autoritĂ©s. En 1843, une campagne de travaux comprenant la crĂ©ation de brise-lames et d'Ă©pis terminĂ©s par des fascinages est mise en Ɠuvre. D'imposants blocs de pierre sont transportĂ©s depuis les cĂŽtes charentaises par gabares et installĂ©s Ă  l'extrĂ©mitĂ© de la pointe : d'oĂč le nom de « Port Bloc » donnĂ© au plus ancien port du Verdon (d'oĂč les passagers en provenance ou Ă  destination de Royan prennent le bac). Comme ailleurs en Aquitaine (mais aussi, et pour les mĂȘmes raisons, en Arvert avec la forĂȘt domaniale de la Coubre et en OlĂ©ron avec la forĂȘt de Saint-Trojan), les dunes sont fixĂ©es par la plantation de pins maritimes et de chĂȘnes-verts : c'est l'acte de naissance de la forĂȘt des Landes et de la forĂȘt domaniale de la pointe de Grave, qui forment un mĂȘme massif.

C'est depuis la pointe de Grave que La Fayette s'embarqua pour l'Amérique à bord de La Victoire en 1777.

Site stratégique de premier plan, la pointe de Grave a une histoire militaire particuliÚrement riche. C'est tout prÚs de là (entre Soulac-sur-Mer et Le Verdon), le , que débarque l'armée de John Talbot, que les Bordelais menacés par les Français ont appelé au secours, et qui sera finalement vaincue à Castillon quelques mois plus tard.

En 1777, le marquis de La Fayette, parti de Pauillac à bord de La Victoire, y fait une derniÚre halte avant de s'embarquer pour l'Amérique.

En 1917, pendant la PremiÚre Guerre mondiale, l'armée américaine du général John J. Pershing y débarque.

Les Allemands s'y installent en 1940 pendant la Seconde Guerre mondiale jusqu'en 1945. Si la France est libĂ©rĂ©e en , des poches de rĂ©sistance allemandes (ou forteresses) se sont constituĂ©es de part et d'autre de l'embouchure de la Gironde, Ă  « Pointe de Grave » (capitulation allemande le ) et Ă  Royan (capitulation allemande le , le jour mĂȘme du suicide de Hitler).

Piste cyclable (EuroVelo 1) au cƓur de la forĂȘt domaniale de la pointe de Grave, vaste pinĂšde appartenant Ă  la forĂȘt des Landes.

En 2020, la pointe de Grave est un site touristique renommĂ©, disposant de diverses commoditĂ©s (tables de pique-nique, toilettes, etc.). Elle dispose de deux plages surveillĂ©es. L'une, la plage Saint-Nicolas, sur l'ocĂ©an Atlantique (plage ocĂ©ane) est soumise Ă  de forts courants (phĂ©nomĂšnes de baĂŻnes) et Ă  la houle ; de ce fait, la baignade y est parfois dangereuse. L'autre, la plage de la Chambrette, sur l'estuaire de la Gironde, est abritĂ©e des courants. En marge des plages, des sentiers de promenade et des pistes cyclables ont Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©s, permettant de dĂ©couvrir le cordon dunaire et la forĂȘt de pins environnante. La marina de Port MĂ©doc, mise en service en 2004, donne sur l'embouchure de la Gironde. Ses abords abritent boutiques, bars et restaurants. Un petit train touristique relie la pointe de Grave au lieu-dit les Arros, aux confins de la station balnĂ©aire de Soulac, et un service de bacs permet de rejoindre Royan et les autres stations balnĂ©aires de la CĂŽte de BeautĂ©.

Histoire

Une prĂ©sence humaine depuis des milliers d’annĂ©es

La pointe du MĂ©doc est habitĂ©e depuis trĂšs longtemps, mais le plus souvent de maniĂšre sporadique et temporaire. Les hommes attirĂ©s par l’endroit stratĂ©gique Ă  l’entrĂ©e de l’estuaire furent souvent chassĂ©s par les Ă©lĂ©ments naturels, d’oĂč la difficultĂ© de trouver des traces trĂšs anciennes de leur passage, traces noyĂ©es et dispersĂ©es par les courants et les eaux, recouvertes par le sable. Les fouilles entreprises Ă  Soulac-sur-Mer laissent Ă  penser que sa prĂ©sence pourrait dater de 8000 av. J.-C., aprĂšs la dĂ©glaciation, au MĂ©solithique moyen. À ce moment-lĂ , le climat devient comparable au climat actuel[5].

Le MĂ©doc n’a cessĂ©, en effet, de se transformer au cours des millĂ©naires. Le littoral mĂ©docain n’a pas toujours Ă©tĂ© tel qu’on le connaĂźt aujourd’hui. Des documents datant de l’époque romaine, des portulans et cartes anciennes de la rĂ©gion sont le tĂ©moignage des changements de paysage[6].

Des ossements d’élĂ©phants antiques (Palaeoloxodon antiquus) retrouvĂ©s Ă  Soulac (au Gurp, un individu adulte jeune, et Ă  l’AmĂ©lie, un individu juvĂ©nile sur les sites de la Glaneuse et de la Balise) prouvent l’anciennetĂ© de ces terres.

Territoire inhospitalier, soumis aux tempĂȘtes et Ă  l’érosion, façonnĂ© par les vents et les eaux, les principaux changements du paysage sont la formation et le dĂ©placement des marĂ©cages, l’avancĂ©e dunaire, un envahissement des terres par le sable, une variation continuelle du trait de cĂŽte avec formation de bancs de sable et de pointes ou caps, et mĂȘme d’üles et d’ülots


Avant le Moyen Âge, on constate que Cordouan est un plateau rocheux rattachĂ© au continent (le phare n’existe pas encore). Soulac est sur l’estuaire de la Gironde et non en bordure d’ocĂ©an. Le Verdon est une Ăźle[7].

La zone est surtout marĂ©cageuse, d’oĂč la vocation, trĂšs tĂŽt, d’y Ă©tablir des marais salants. Sur le site de la LĂšde du Gurp qui est la zone mĂ©docaine la plus fouillĂ©e, les abords d’un marais ont Ă©tĂ© occupĂ©s pour y produire du sel (d’oĂč le nom de LĂšde) depuis le MĂ©solithique (entre 8000 et 6000 av. J.-C.) jusqu’au dĂ©but de l’AntiquitĂ©. L’étude des restes vĂ©gĂ©taux retrouvĂ©s sur place donnent des renseignements sur les paysages[5].

Quant aux déplacements de population, les exemples connus et parlants sont :

  • celui du prieurĂ© de Saint-Nicolas-de-Grave. InstallĂ© vers 1087, le prieurĂ© est dĂ©crit comme dĂ©truit en 1259, gagnĂ© par les eaux et le sable. Il est reconstruit plus au sud et en retrait du rivage ;
  • celui de Soulac : le village est abandonnĂ© au sable en 1741. Seul le sommet du clocher de la basilique Notre-Dame-de-la-fin-des-Terres Ă©merge des sables et sert d'amer aux navigateurs : un nouveau village est Ă©difiĂ© quelques kilomĂštres plus Ă  l'est au lieu-dit le Jeune-Soulac. Au tout dĂ©but, les hommes Ă©tant trĂšs mobiles (nomades), les lieux trĂšs changeants, peut-on confondre l’histoire de la pointe de Grave avec celle du Nord-MĂ©doc, dit Bas-MĂ©doc. On peut aussi la rapprocher de l’histoire des Landes de Gascogne dont le MĂ©doc fait partie.

Au Paléolithique

Quand on connait la mobilitĂ© et les rĂ©seaux d’échanges des groupes humains vivant en Aquitaine au MagdalĂ©nien[8], rien n’exclut la prĂ©sence possible et Ă©pisodique de chasseurs-cueilleurs-pĂȘcheurs nomades vivant dans le MĂ©doc pĂ©riodiquement, dĂšs le PalĂ©olithique, mĂȘme s’il est difficile de retrouver Ă  cet endroit des traces tangibles du passage de l’Homme avant le MĂ©solithique. L’absence d’abris naturels constituait certes un environnement peu propice aux Ă©tablissements humains, mais on peut faire un rapprochement avec d’autres territoires ressemblants comme la Honteyre Ă  Le Tuzan[9]. Dans ce qui pouvait ĂȘtre un dĂ©sert sableux et marĂ©cageux avec une forĂȘt primaire embryonnaire de chĂȘnes et de pins, on y a retrouvĂ© un nombre important d’outils lithiques en silex taillĂ©s.

Outils lithiques (en pierre) du Paléolithique supérieur : lame de silex, grattoir et perçoir.

Il n’est qu’à rappeler aussi la proximitĂ© de sites prĂ©historiques :

  • en Gironde, Le Caillou Ă  Lapouyade[10], le roc de Marcamps et la grotte de Pair-non-Pair (sur l’estuaire Ă  l’époque), les gisements de l’Entre-deux-Mers[11] : le talus de Saint-Germain-la-RiviĂšre, l’abri Faustin Ă  Cessac, l’abri du Morin Ă  Pessac-sur-Dordogne, le site de Moulin-Neuf, avec l’abri Lespaux et les grottes de Jaurias Ă  Saint-Quentin-de Baron
 ;
  • dans les Landes, Brassempouy (la dame de Brassempouy) ;

Des populations nomades prĂ©historiques pourraient bien, entre 12000 et 9000 av. J.-C., s’ĂȘtre installĂ©es dans cette rĂ©gion du MĂ©doc sableuse et plantĂ©e de pins, trĂšs ressemblante au Tuzan du point de vue de l'environnement, mĂȘme si l'on n’a pas pu retrouver d’objets lithiques datant de cette pĂ©riode pour en ĂȘtre sĂ»r[12].

Datant de la pĂ©riode entre 9000 et 8000 av. J.-C., un certain nombre de silex aziliens ont Ă©tĂ© dĂ©couverts Ă  Soulac (sur le fleuve Ă  l’époque) et sur l’étang d’Hourtin en formation, montrant l’installation temporaire de populations prĂ©historiques peu nombreuses cependant[13].

Au MĂ©solithique

Une occupation humaine est certaine dans le Bas-Médoc dÚs le Mésolithique : outillage microlithique (pierre taillée) retrouvé tout au long de la cÎte[13].

À cette Ă©poque, les hommes sont encore des chasseurs-cueilleurs qui commencent cependant Ă  se sĂ©dentariser. Ils vivent sous un climat proche du nĂŽtre et ne sont plus obligĂ©s de se dĂ©placer en fonction des ressources du lieu. À la diffĂ©rence des populations nomades prĂ©cĂ©dentes toujours Ă  la recherche de pĂąturages pour leurs troupeaux, ils commencent Ă  pratiquer une agriculture itinĂ©rante, sur brĂ»lis, ne se dĂ©plaçant plus que sur de trĂšs courtes distances, de terrains Ă  terrains[14].

Les fouilles archĂ©ologiques ont montrĂ© l’existence aussi, dĂ©jĂ  Ă  cette Ă©poque, d’une exploitation et d’un commerce ancien du sel dans ce secteur pouvant expliquer aussi ce dĂ©but de sĂ©dentarisation[15].

Le site archéologique de la dépression du Gurp témoigne de cette occupation humaine. L'étude des différentes couches géologiques⁣⁣, ⁣ notamment les couches huit à onze montrent de maniÚre certaine (surtout à partir de la couche onze) qu'une activité anthropique s'est déroulée sur cette zone à cette période du Mésolithique, au préboréal, au boréal, industrie de type sauveterrien, semble-t-il. Des restes végétaux, bois travaillés, charbons, silex, traces d'animaux...ont été retrouvés sur ce site de la LÚde du Gurp trÚs riche en découvertes archéologiques, un des principaux sites de la façade atlantique en ce qui concerne le Mésolithique[15].

À l’AmĂ©lie, sur la commune de Soulac-sur-Mer, au sud de la ville (dune et plage), un foyer mĂ©solithique a Ă©tĂ© dĂ©couvert : Ă©clats de silex brĂ»lĂ© et fragments de charbon de bois[5].

Au NĂ©olithique

Les traces de l’homme dans le Nord-MĂ©doc, au NĂ©olithique, sont plus nombreuses : des lames, haches de pierre, pointes de flĂšches, grattoirs ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s Ă  la plage Saint-Nicolas[16], au Grand Logis[17] (ancien lieu-dit situĂ© au hameau du Logis aujourd'hui et que l'on peut retrouver sur la carte de l'Ă©tat-major, de 1820 Ă  1866) et Ă  la station des « Douves » Ă  Saint-Seurin-de-Cadourne : on peut retrouver ces objets au musĂ©e d’ArchĂ©ologie de Soulac ou au musĂ©e d'Aquitaine de Bordeaux. La pierre polie remplace progressivement la pierre taillĂ©e.

L'homme exploite au mieux son milieu naturel, il est agriculteur (blĂ©, mil, riz, sorgho
), et, mĂȘme s’il chasse encore, il est devenu Ă©leveur en domestiquant des animaux comme le bƓuf, la chĂšvre et le sanglier[18]. On a retrouvĂ© des traces de troupeaux gravĂ©es dans les sĂ©diments de cette Ă©poque, traces de chien, empreinte de pied de berger ainsi que trace de son bĂąton (ou d’une de ses Ă©chasses ?)[19].

Une cuve à saumure datant de cette époque de la Protohistoire (3000 avant notre Úre environ) a été découverte sur la plage de la LÚde du Gurp à Soulac-sur-Mer attestant la présence de marais salants à cet endroit[20].

On a retrouvĂ© aussi sur ce site, le plus riche d'un point de vue archĂ©ologique, des poinçons, des pointes de flĂšches, des fragments de hache polie, de la cĂ©ramique
, et ce qui restait d'un petit dolmen : Ă  l'intĂ©rieur, les restes d'au moins cinq corps, trois adultes et deux enfants[21].

D'autres outils lithiques ont aussi été retrouvés à l'Amélie, à la pointe de la Négade, à la Balise, aux Cousteaux, à la Glaneuse[22].

Âge du cuivre (ou Chalcolithique)

À l’ñge du cuivre (ou Chalcolithique), continuant Ă  travailler la pierre (taillĂ©e, polie), l'homme commence aussi Ă  fabriquer les premiers objets de mĂ©tal vers 2700 avant JĂ©sus-Christ. Le cuivre Ă©tant un mĂ©tal mou, ce sont, au dĂ©but, des objets de petite taille : des objets de dĂ©coration, des objets du quotidien (tiges, alĂšnes, petits poignards de soie, gobelets
), des bijoux, pendentifs, perles en tĂŽle roulĂ©e[23]
 Les outils et armes furent longtemps faits de pierre ou d'os.

Cependant, on a pu trouver Ă  la pointe du MĂ©doc, en grand nombre, des outils et des armes faits de cuivre : une centaine de haches plates trĂšs minces, simples, sans rebords, quelques poignards Ă  languette, une vingtaine de pointes de type Palmela, un trĂšs grand nombre de hachettes[24]
 ont Ă©tĂ© dĂ©couverts sur la plage de Montalivet, Ă  Grayan-et-l'HĂŽpital, BĂ©gadan, Hourtin, Soulac-sur-Mer (La Glaneuse), Saint-Germain-d'Esteuil[25], pour un poids d’au moins une quinzaine de tonnes. La Gironde dont le sous-sol est dĂ©pourvu de cuivre occupe le premier rang en Aquitaine pour ce type de dĂ©couvertes. Cela semble vouloir indiquer une importation massive Ă  cette Ă©poque de minerai ou d’outils finis provenant d’autres rĂ©gions. Les menus objets de cuivre ont pu ĂȘtre obtenus par Ă©change, et non produits sur place. Les analyses des traces d’impuretĂ©s de ce mĂ©tal (notamment d'arsenic qui durcit le cuivre) montrent qu’une partie de ce cuivre (cuivre arseniĂ©) pourrait provenir de la pĂ©ninsule IbĂ©rique tandis que le reste contenant d'autres impuretĂ©s (antimoine, argent, nickel, cobalt
) pourrait provenir des rĂ©gions voisines : PĂ©rigord, Limousin, PyrĂ©nĂ©es-Atlantiques[26]
 Avec cette accumulation inĂ©galĂ©e d'objets de cuivre hors des rĂ©gions cuprifĂšres, on s’interroge aussi sur la nature des relations de l'homme de cette pĂ©riode avec ses fournisseurs potentiels en cuivre. L’évolution qui fera plus tard du MĂ©doc et de ses marges l’une des plus grandes rĂ©gions mĂ©tallurgiques du bronze moyen en France, s'amorcerait-elle, dĂšs l’aube de l’ñge des mĂ©taux[27] - [28] ?

Âge du bronze et les MĂ©dules

Avec le travail du cuivre, au dĂ©but par simple martelage, l'homme est devenu mĂ©tallurgiste. Il s'aperçoit bientĂŽt que le mĂ©tal est plus facile Ă  travailler lorsqu'il est chauffĂ©, puisqu'il peut ĂȘtre moulĂ©. De 3000 Ă  1000 av. J.-C. environ, il commence Ă  faire des alliages, ajoute de l'Ă©tain au cuivre pour obtenir le bronze. Cette dĂ©couverte leur permet de fabriquer des armes et des outils plus solides, plus rĂ©sistants.

Le MĂ©doc est une rĂ©gion des plus prospĂšres durant cette pĂ©riode de l'Ăąge du bronze marquĂ©e par une occupation humaine trĂšs dense : l’activitĂ© pastorale est attestĂ©e par des pistes d’empreintes de bƓufs, chevaux et petits herbivores (moutons, chĂšvres
). Elle se double d’activitĂ©s artisanales, relevant en particulier de la mĂ©tallurgie du bronze : des moules de hache et d’enclume ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s Ă  la LĂšde du Gurp. À l’AmĂ©lie, des vases datables du bronze moyen mĂ©docain ont Ă©tĂ© retrouvĂ©s. À la pointe de la NĂ©gade, on rencontre quelques tessons Ă©pais et quelques silex taillĂ©s datables pour la plupart de la mĂȘme Ă©poque.

Les MĂ©dules (peuple proto-basque) occupent le MĂ©doc, en gris sur la carte.

C’est Ă  cette pĂ©riode du bronze moyen, avant l'arrivĂ©e des Gaulois (Bituriges Vivisques) que les terres nord-mĂ©docaines se seraient fortement dĂ©veloppĂ©es, avec notamment l’installation du peuple des MĂ©dules (Meduli), qui a donnĂ© son nom aux habitants du MĂ©doc. Les MĂ©dules Ă©taient un peuple aquitain (proto-basque), prĂ©celtique que Jules CĂ©sar dĂ©crira comme un peuple n'ayant rien Ă  voir avec les Gaulois, plutĂŽt proches des IbĂšres dont ils diffĂšrent par le langage, les coutumes et les lois[29].

Haches médoquines de bronze (lames à bord large), musée de Soulac-sur-Mer.

Le MĂ©doc est la rĂ©gion d'une production massive de haches Ă  rebords Ă  tranchant Ă©troit et Ă  bords rectilignes : le docteur Ernest Berchon[30] recensa prĂšs d’un demi-millier de ces « haches Ă  double coulisse »[31] pour lesquelles il proposa le terme de « hache mĂ©doquine »[32]. Cette terminologie de hache de type mĂ©docain a depuis Ă©tĂ© adoptĂ©e par la communautĂ© scientifique pour dĂ©signer ce type de hache si particulier.

La forme des haches dĂ©couvertes dans tout le MĂ©doc sur une cinquantaine de sites diffĂ©rents, de Saint-EstĂšphe jusqu'Ă  Saint-Laurent et mĂȘme CaudĂ©ran, a Ă©voluĂ© au fil du temps avec cent vingt-six haches retrouvĂ©es qui comportaient un talon (environ 13 %). Les premiĂšres dĂ©couvertes ont souvent Ă©tĂ© faites dans des champs par des viticulteurs lors du travail de la vigne[33].

Âge du fer, Ă©poque gauloise : les Bituriges Vivisques

La rĂ©gion s’enrichit et se dĂ©veloppe encore Ă  cette Ă©poque, notamment avec l’arrivĂ©e des Bituriges Vivisques, un peuple celte venant de la Gaule celtique. Ce peuple constitue une partie des Bituriges et a Ă©tĂ© dĂ©placĂ© de la rĂ©gion de Bourges Ă  l’embouchure de la Gironde.

Ils sont installĂ©s le long de l’ocĂ©an, laissant aux MĂ©dules la partie estuaire. De fait, leur territoire se retrouve enclavĂ© dans celui des Aquitains (proto-basques, non gaulois) sans pour autant appartenir Ă  leur confĂ©dĂ©ration. Par ailleurs, comme l'indique Strabon, ils ne paient pas d'impĂŽts aux Aquitains, les deux peuples semblant vivre cĂŽte Ă  cĂŽte en parfaite intelligence. Il parle Ă  leur propos de forges en trĂšs grand nombre[34].

Les Bituriges Vivisques vont fonder au Ier siÚcle av. J.-C. un port que les Romains font prospérer sous le nom de Burdigala (Bordeaux aujourd'hui).

Il est difficile de caractériser l'habitat de cette époque. Si de nombreux sites datant de l'ùge du fer ont été repérés dans le Nord-Médoc (route de Dépée à Grayan-et-l'HÎpital, le Gurp, La Glaneuse, la Négade, l'Amélie
 à Soulac-sur-Mer, le nord du bourg à Talais, à Gaillan-en-Médoc, Brion à Saint-Germain-d'Esteuil
) grùce à la nature du mobilier (rejets domestiques), tout au plus peut-on supposer l'existence d'habitats en nombre important sans pouvoir vraiment parler d'agglomérations[35] - [36].

Les ossements d’au moins un individu datant de cette Ă©poque ont Ă©tĂ© dĂ©couverts Ă  la LĂšde du Gurp.

Les modifications incessantes de paysages au fil des siĂšcles, entre ocĂ©an, estuaire, marais, Ăźles... rendent difficile la restitution de la pointe du MĂ©doc Ă  cette pĂ©riode de l’ñge du fer, qui dĂ©bute vers 800 av. J.-C. 
 La Garonne est, semble-t-il, alors divisĂ©e en deux bras. Le bras nord est Ă  peu prĂšs au mĂȘme endroit que l’estuaire actuel. Sur le bras sud, on retrouve Soulac formant une Ăźle Ă  l’embouchure, Le Verdon formant une autre Ăźle.

Le sanglier-enseigne de Soulac-sur-Mer retrouvé en excellent état et présenté au musée d'archéologie de la ville semble provenir de cette tribu des Bituriges.

Peuples gaulois.
Enseigne gauloise de Soulac-sur-Mer (sanglier stylisé).

Des monnaies datant de l'Ăąge de fer (-725 Ă  -25 environ) ont Ă©tĂ© dĂ©couvertes sur diverses plages confirmant l'existence de sites Ă  vocation commerciale prononcĂ©e, notamment le commerce de l'Ă©tain. Il s’agit de monnaies celtiques (gauloises) en or, argent, bronze ou potin (Ă  la Glaneuse), de monnaies Ă  la croix, de monnaies de type nĂ©groĂŻde (des Volques Tectosages installĂ©s dans la rĂ©gion de Toulouse), d'oboles, de monnaies ibĂ©riques (Ă  l’AmĂ©lie), de monnaies de Carthage (Ă  la NĂ©gade)[37].

GrĂące Ă  Posidonios d'ApamĂ©e et Ă  son voyage en Gaule jusqu'Ă  l'estuaire de la Gironde, on connaĂźt mieux la gĂ©ographie de la rĂ©gion et surtout les mƓurs et la structure sociale des Gaulois.

Les descriptions datant de cette époque distinguaient les Celtes qui commerçaient avec les Grecs, des Galates, peuples guerriers qui étaient considérés comme éloignés de la civilisation.

Posidonios montre cependant que les Celtes commerçaient également avec leurs parents galates. Ils leur fournissaient des produits méditerranéens reçus des Grecs, en échange de matiÚre premiÚre (minerais surtout) et de services (mercenariat essentiellement), etc. : « Le plus souvent, les marchandises sont transportées par des voies fluviales, les unes utilisées pour la descente, les autres pour la montée » : est-ce valable pour l'estuaire de la Gironde[38] ?

La guerre des Gaules, les Aquitains, « les Aquitaine »

En 59 av. J.-C., Jules CĂ©sar devient proconsul de trois provinces romaines : la Gaule cisalpine, la Gaule narbonnaise et la Dalmatie. Profitant de cette position, il dĂ©cide d'achever la conquĂȘte des Gaules en exploitant la division des Gaulois. Ces derniers, malgrĂ© une culture commune, se rĂ©partissent alors en une soixantaine de peuplades. De 58 Ă  50 av. J.-C., Jules CĂ©sar mĂšne des expĂ©ditions militaires successives contre toutes ces tribus. Cette conquĂȘte va ĂȘtre appelĂ©e la guerre des Gaules.

Les Bituriges sont parmi les derniers Ă  ĂȘtre soumis Ă  l'autoritĂ© romaine vers 50 avant JĂ©sus-Christ.

Juste aprĂšs le siĂšge d'AlĂ©sia qui a lieu en 52 av. J.-C., Jules CĂ©sar se rend en 51 en Quercy, dans le Lot d’aujourd’hui, livrer la derniĂšre bataille de la guerre des Gaules : Uxellodunum. Il poursuit son voyage en Aquitaine, offre des postes de dĂ©putĂ©s aux Gaulois dĂ©sormais soumis, Gaulois qui lui donnent aussi des otages[29].

Dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules, Jules César, cependant, ne mentionne nullement le peuple gaulois des Bituriges, d'origine celtique habitant au sud de la Gironde et de la Garonne. Il dénomme globalement la région « Aquitania » et la dit peuplée des Aquitains, non gaulois, de langue et culture proto-basques. Ceci va alimenter, et alimente encore, une querelle des historiens, beaucoup proposant des thÚses diffusionnistes. On sait qu'à l'époque de l'ùge du fer (Aquitaine protohistorique), les Bituriges étaient relativement isolés, enclavés sur le territoire des Médules, mais semblant bien s'entendre avec eux, se partageant le territoire. Comme Strabon sembla le signifier un petit plus tard, les Bituriges Vivisques vivaient sur le territoire des Aquitains comme des étrangers, sans leur payer aucun tribut.

Le premier empereur romain, Auguste crée en 27 av. J.-C., la province romaine de Gaule aquitaine avant d'adopter définitivement, en 15 av. J.-C., administrativement, la dénomination « Aquitaine ».

L'administration impĂ©riale partage par la suite, vers l'an 300 apr. J.-C., la Gaule aquitaine en trois provinces : l'Aquitaine premiĂšre (capitale Bourges des Bituriges cubes), l'Aquitaine seconde (mĂ©tropole Burdigala des Bituriges Vivisques) et l'Aquitaine troisiĂšme, dite Novempopulanie (capitale Eauze des Élusates).

Antiquité, époque gallo-romaine

Certains ont cru reconnaĂźtre l'Ăźle d'Antros (citĂ©e par Pomponius Mela) dans l'Ăźle situĂ©e Ă  l’embouchure de la Gironde et qui serait devenue l’actuelle pointe de Grave, ou bien mĂȘme dans l'Ăźle du rocher de Cordouan, ou dans l'Ăźle de Jau, mais la position gĂ©ographique de cette Ăźle est trĂšs controversĂ©e, d'autres la situant mĂȘme Ă  l'embouchure de la Loire[39].

La culture de la vigne, connue de certains peuples gaulois, s’est longtemps cantonnĂ©e sur le littoral mĂ©diterranĂ©en, prĂšs de Marseille, tirant son origine de la colonisation phocĂ©enne. Les Romains la cultivaient depuis trois siĂšcles avant notre Ăšre. Ce n’est que vers 50 apr. J.-C. que les premiers plants de vigne apparaissent dans le Bordelais Ă  la suite de l’occupation romaine. C'est durant cette premiĂšre pĂ©riode de l'occupation romaine de la rĂ©gion bordelaise dite du Haut-Empire romain que des notables de Burdigala plantent leurs propres vignes afin de concurrencer les nĂ©gociants de la Gaule narbonnaise et d'Italie.

Le monde romain (en jaune) aprĂšs la conquĂȘte de la Gaule.

Les rĂ©cits d'Ausone (IVe siĂšcle) repris et commentĂ©s par l’abbĂ© Baurein vers 1784, donnent du MĂ©doc l'image « d'une contrĂ©e prospĂšre aux richesses prodiguĂ©es par les eaux estuariennes » (huĂźtres et sel)[40]. Les maisons de l'extrĂ©mitĂ© du MĂ©doc n'Ă©taient couvertes que de roseaux. Jacques Baurein cite M. Bullet qui dans ses MĂ©moires sur la langue celtique affirme que « "Soul" premiĂšre syllabe du mot Soulac signifie paille, chaumiĂšre ou maison couverte de paille ». D'oĂč aussi le nom du hameau « les Huttes »[41].

L'hußtre locale, naturelle, non cultivée à l'époque gallo-romaine, est l'hußtre plate (Ostrea Edulis), communément appelée belon. TrÚs appréciée des Romains, nommée par eux « callibléphare » (belle paupiÚre) pour le bord festonné de son manteau, elle était expédiée jusqu'à Rome.

Pendant trÚs longtemps encore, la récolte des hußtres ne se fera que sur des gisements naturels. Ce n'est qu'à partir du XVIIe siÚcle que va se développer une premiÚre culture d'hußtres dans les réservoirs des marais salants. Les naissains étaient récoltés sur les rochers, les hußtres juvéniles étaient élevées en bassin[42].

La pointe de la NĂ©gade renferme des vestiges de l'Ă©poque gallo-romaine.

Une amphorette gallo-romaine entiĂšre a Ă©tĂ© trouvĂ©e Ă  l’AmĂ©lie. Deux piĂšces de monnaie antiques usĂ©es mais sans trace d'oxydation ni de patine ont Ă©tĂ© dĂ©couvertes en 1970 lors du dragage de l'anse de Port Bloc : un sesterce en laiton Ă  l'effigie de Vespasien (empereur de 69 Ă  79), un dupondius en laiton reprĂ©sentant Hadrien (empereur de 117 Ă  138).

Le vignoble

Vignobles médocains : le vignoble du Bas-Médoc en vert clair.

Les premiers plants de vigne dans le MĂ©doc datent donc de l'Ă©poque gallo-romaine (vers l'an 60 apr. J.-C. environ).

Si les plus grands crus classĂ©s sont sur le territoire du Haut-MĂ©doc, le Bas-MĂ©doc (ou Nord-MĂ©doc : la partie du MĂ©doc la plus proche de l’embouchure de la Gironde, prĂšs de la pointe de Grave) possĂšde aussi de grands vins, moins rĂ©putĂ©s, sur de plus petites propriĂ©tĂ©s dites paysannes, sans pĂ©joration. Les vins du Nord-MĂ©doc ont l'appellation « mĂ©doc » (AOC) sans plus de prĂ©cision. Ce sont les vins produits au nord d'une ligne allant de Saint-Yzans-de-MĂ©doc Ă  Saint-Germain-d'Esteuil. Hors de ces deux communes, on trouve des vignes Ă  Blaignan-Prignac, Ă  BĂ©gadan, Ă  Saint-Christoly-MĂ©doc, Ă  Lesparre-MĂ©doc, Ă  Vensac, Ă  Valeyrac, jusqu'Ă  Saint-Vivien-de-MĂ©doc
 Jusqu'en 1960 environ, on vendangeait aussi au Verdon, au lieu-dit Les Huttes[43]. Les cĂ©pages de ces vins rouges sont le cabernet sauvignon, le petit verdot, le malbec et le merlot, les vignes poussant sur des terrasses de dĂ©pĂŽts de gravier alluvionnaires, lĂ©gers, favorables au cabernet ou profonds et argileux, favorables au merlot[44].

La LĂ©bade (ou Levade)

Ce territoire du Bas-MĂ©doc aux nombreux marĂ©cages fut dĂ©senclavĂ© par la construction de la LĂ©bade (ou Levade en Haut-MĂ©doc), voie difficilement datable mais, semble-t-il, antĂ©rieure au Moyen Âge, menant de Bordeaux Ă  Cordouan dont la D1215 d'aujourd'hui empreinte principalement le tracĂ©.

Cette description « jusqu'à Cordouan » que l'on trouve dans certains écrits tend à prouver l'ancienneté de cette voie. Cordouan était déjà une ßle (rattachée au continent qu'à marée basse) à l'époque gallo-romaine. Le géographe romain Pomponius Mela parle déjà d'une « ßle flottante » pour désigner Cordouan sans que l'on sache trÚs bien ce qu'il a voulu dire par là. Parle-t-il d'un effet d'optique ?

L'indépendance de son tracé vis-à-vis des églises des villages et de centres médiévaux aussi importants que Castelnau-de-Médoc ou l'HÎpital plaide donc pour une origine antérieure à l'époque médiévale. De plus, son orientation vers la pointe de la Négade prÚs duquel ont été trouvés des restes funéraires datant de l'ùge du bronze pourrait laisser penser à une origine protohistorique.

Ce mot «LĂ©bade» veut dire « levĂ©e » sous-entendu " de terre " : il vient du gascon, langue dont l'origine Ă©tymologique est le mot vascon (de Vasconie). Au Moyen Âge, il dĂ©signait des chemins non empierrĂ©s contrairement aux voies romaines. La LĂ©bade du MĂ©doc, une simple surĂ©lĂ©vation de terre, permettait ainsi de traverser Ă  pied les zones marĂ©cageuses. Elle Ă©tait Ă©galement appelĂ©e Ă  cette Ă©poque " Lou gran camin bourdelĂšs ". Des Ă©crits du XVIIIe siĂšcle parlent de " vieux chemin de Bordeaux Ă  Soulac ".

Elle restera inchangée jusqu'en 1747. Louis-Urbain Aubert, marquis de Tourny, intendant de Guyenne l'aménagera de maniÚre à en faire une route royale[45].

La LĂ©bade Ă  Avensan (devenue un pare-feu)

La LĂ©bade de l'Ă©poque partait de l'extrĂ©mitĂ© nord de la rue Sainte-Catherine Ă  Bordeaux, dĂ©jĂ  dĂ©nommĂ©e " Porte du MĂ©doc " au XIIe siĂšcle. Cette " Porta Medoca " a Ă©tĂ© dĂ©truite en 1770 afin de permettre la construction du Grand ThĂ©Ăątre. La LĂ©bade s'orientait ensuite au nord-ouest en empruntant la « rua deu Burga » aujourd'hui les allĂ©es de Tourny. Au bout de celles-ci, elle franchissait la barriĂšre Saint-Germain (Sent-German) disparue Ă©galement lors de la suppression des remparts. Elle suivait le tracĂ© des rues FondaudĂšge, Croix de Seguey, Ulysse Gayon et rejoignait Eysines puis Le Taillan-MĂ©doc. Elle traversait ensuite la Jalle de Blanquefort, rejoignait Arsac oĂč elle franchissait la Louise pour rejoindre Avensan (voir photo ci-contre).

C'est ici que la route actuelle (D1215) quitte l'ancien tracĂ© dĂ©sormais en forĂȘt et devenu pare-feu, prĂ©fĂ©rant passer par Castelnau-de-MĂ©doc. D'Avensan, elle rejoignait Saint-Laurent-MĂ©doc puis Lesparre-MĂ©doc.

Au-delĂ  de Lesparre-MĂ©doc, la LĂ©bade suivait la route actuelle jusqu'au Gua (guĂ© sur le chenal du Gua, Ă  Saint-Vivien-de-MĂ©doc) puis par un brusque coude, continuait en ligne droite jusqu'Ă  la Graouse, Ă  Vensac (selon un cheminement bordĂ© au sud, puis partiellement repris par la ligne Ă  haute tension, appelĂ© chemin rural no 21 de la Reine), puis allait Ă  Martignan (Grayan-et-l'HĂŽpital) puis suivait la D 101 (aujourd'hui D1215), quittant brutalement son orientation vers l'AmĂ©lie pour bifurquer vers le bourg de Soulac-sur-Mer. Elle transitait par Lilhan (hameau de Soulac) d'oĂč elle rejoignait le Vieux Soulac en ligne droite.

Cette partie de la LĂ©bade de Lesparre Ă  Soulac Ă©tait connue sous le nom de Chemin de la Reyne[45].

Au Moyen Âge, il existait d'autres grands axes routiers permettant de rejoindre Soulac. Le plus important Ă©tait celui qui longeait l'estuaire de la Gironde (D2 aujourd'hui, de Eysines Ă  Saint-Vivien-de-MĂ©doc) et qui Ă©tait contrĂŽlĂ© par la forteresse de Blanquefort. Un autre chemin longeant le littoral atlantique Ă©tait empruntĂ© par les pĂšlerins de Saint-Jacques-de-Compostelle : il Ă©tait dĂ©signĂ© sous le nom de Voie de Soulac, voie des Anglais ou plus simplement voie du littoral.

Les Vandales - les Huns

L’Empire romain est menacĂ© par les invasions barbares dĂšs le dĂ©but du Ve siĂšcle.

Les Vandales ont Ă©tĂ© les premiers Ă  envahir la Gaule romaine dĂšs 406 poussĂ©s par les Huns. En 408, ils investissent Burdigala. Ils dĂ©vastent l’Aquitaine mais ne s’y installent pas, continuant leur route vers l’Espagne.

Les Huns, quant Ă  eux, menĂ©s par Attila, se tournent vers l’Europe aprĂšs leur Ă©chec de conquĂȘte de la Perse. S'ils ne sont pas arrivĂ©s jusqu’en Aquitaine arrĂȘtĂ©s en 451 dans leur progression aux champs Catalauniques, prĂšs de ChĂąlons en Champagne, ils ont poussĂ© devant eux d'autres peuples germaniques qui, Ă  leur tour, ont abandonnĂ© leurs terres et se sont dĂ©placĂ©s vers l’ouest.

Le Roi des Huns Attila, le barbare qui dĂ©fia Rome, surnommĂ© Ă  la mort de Clovis le « flĂ©au de Dieu » (LĂ  oĂč son cheval passe, l'herbe ne repousse pas ! ), fut obligĂ© de se replier en Hongrie. Il est considĂ©rĂ© comme le fondateur de ce pays oĂč il est cĂ©lĂ©brĂ© en hĂ©ros, les Magyars se disant ses descendants.

Le Royaume wisigoth a duré trois siÚcles environ, mais seulement une centaine d'années d'occupation de l'Aquitaine.

Moyen Âge

Depuis le Moyen Âge, Le Verdon est connu pour ĂȘtre un espace trĂšs maritime dont la rade est abritĂ©e des vents dominants d'ouest. Les navires dĂ©sirant quitter l'estuaire de la Gironde y stationnaient avant de prendre la mer. Les habitants du Verdon vivaient essentiellement Ă  cette pĂ©riode de la pĂȘche et de l'ostrĂ©iculture, de la terre ou de l'exploitation du sel des marais salants[46]. Ces marais salants du Nord-MĂ©doc amĂ©nagĂ©s par les bĂ©nĂ©dictins de l’abbaye Sainte-Croix de Bordeaux produisaient quantitĂ© de sel dont la vente Ă©tait taxĂ©e. Les navires souhaitant se ravitailler Ă  terre dĂ©barquaient quelques marins qui, avec l'aide d'un petit canot, remontaient le chenal de Rambaud jusqu'au bourg. Ce chenal servait Ă©galement Ă  l'expĂ©dition du sel des marais.

L'Ă©rosion des vents et des flots tant ocĂ©aniques qu'estuariens a façonnĂ© cette pointe, engloutissant tantĂŽt des terres, engraissant parfois les marais, balayant les dunes sableuses qui formaient dĂšs le Moyen Âge le paysage principal[47].

DÚs le VIe siÚcle, divers peuples pénÚtrent en Médoc, tels les Francs, les Arabes, puis les Normands.

Les Francs et la Vasconie

Empire franc de 481 Ă  814.

Pour chasser les Wisigoths, les Ă©vĂȘques aquitains (les Wisigoths ont dĂ©truit la cathĂ©drale Saint-AndrĂ©!) en appellent au chef des Francs, Clovis qui s’est converti au catholicisme.

AprĂšs la bataille de VouillĂ©, en 507, ce dernier entre triomphalement, prĂ©cĂ©dĂ© par son armĂ©e, dans Burdigala. Laissant passer l’hiver, il parvient en 508 Ă  repousser les Wisigoths au-delĂ  des PyrĂ©nĂ©es : l'Aquitaine est intĂ©grĂ©e au royaume des Francs.

Le duché de Vasconie (602-610) avec Genial comme duc.

Clovis, au dĂ©part roi des Francs saliens puis roi de tous les Francs durant trente ans, meurt en 511. Ses descendants, les MĂ©rovingiens du nom d'un ancĂȘtre (lĂ©gendaire ?) MĂ©rovĂ©e vont se disputer son territoire durant de nombreuses annĂ©es.

Profitant de ces dissensions, les Vascons (peuple proto-basque comme les Aquitains) venant de Navarre en Espagne mÚnent des attaques contre le royaume franc mérovingien.

En 602, les Mérovingiens créent un duché en Aquitaine, le duché de Vasconie afin de maintenir leur autorité sur les populations locales. Genial en devient le premier duc comme l'atteste la Chronique de Frédégaire.

En 670, Loup Ier de Vasconie devient duc d'Aquitaine et de Vasconie.

En 675, Ă  la mort du roi des Francs ChildĂ©ric II, une partie de ce duchĂ© devient duchĂ© d'Aquitaine, les Vascons s'installant plus au sud. Eudes d'Aquitaine, le fils de Loup 1er, lui succĂšde de 681 Ă  735. Hunald 1er est Ă  son tour duc d'Aquitaine et de Vasconie jusqu'en 745, aprĂšs avoir prĂȘtĂ© serment de fidĂ©litĂ© Ă  Charles Martel.

Hunald Ier se retirant à l'ßle de Ré, son fils Waïfre n'a de cesse cependant de lutter lui aussi pour l'indépendance de l'Aquitaine.

L'Aquitaine absorbe complÚtement le duché de Vasconie en 1063 à la suite de la bataille de La Castelle.

Duché d'Aquitaine, puis duché de Guyenne

En 675, ChildĂ©ric II, roi d'Austrasie, puis roi de tous les Francs depuis deux ans est assassinĂ© Ă  l'Ăąge de vingt ans dans la forĂȘt de Lognes, n'ayant pas d'hĂ©ritier. L'Aquitaine jusqu'alors sous la tutelle d'un duc d'Aquitaine et de Vasconie devient indĂ©pendante (Voir carte ci-dessous) jusqu'en 781.

Duchés d'Aquitaine et de Vasconie (710-740).

Un temps appartenant au royaume d'Aquitaine avec pour souverains les rois carolingiens Louis le Pieux (781-814), fils de Charlemagne, puis Pépin Ier d'Aquitaine (817-832), l'Aquitaine et la Gascogne seront intégrées au Royaume de Charles II le Chauve en 843 lors de la partition de l'Empire de Charlemagne par le Traité de Verdun.

La rĂ©gion redeviendra un duchĂ© en 877, objet de luttes de possession entre les comtes du Poitou, les comtes de Toulouse et les comtes d'Auvergne. Cette dispute du territoire est parfaitement illustrĂ©e par le combat que se livrent les Guilhelmides et les Ramnulfides, familles pourtant apparentĂ©es, de 828 Ă  l'an 902. Ces derniers rĂ©uniront le duchĂ© d'Aquitaine avec celui du Poitou en 854, avec Poitiers pour capitale et Ramnulf Ier comme premier duc. Cette lignĂ©e (Maison de Poitiers-Aquitaine) mĂšnera tout droit Ă  AliĂ©nor d'Aquitaine, comtesse de Poitiers et de Gascogne, duchesse d'Aquitaine de 1137 Ă  1204. Cette mĂȘme annĂ©e de 1137, alors qu'elle hĂ©rite du duchĂ© d'Aquitaine, elle l'apporte en dot au Royaume de France en Ă©pousant Louis VII le Jeune. Divorçant puis se remariant avec Henri II PlantagenĂȘt, le duchĂ© devient possession de la couronne d'Angleterre en 1154.

Le duché d'Aquitaine prendra le nom de duché de Guyenne au moment du traité de Paris conclu le qui met fin au conflit albigeois. Raymond VII, comte de Toulouse, cédait alors la plus grande partie du Languedoc à la France de Louis IX, dit Saint Louis.

Ce duchĂ© de Guyenne sera Ăąprement disputĂ© par les deux couronnes de France (les Valois) et d'Angleterre (les PlantagenĂȘt) notamment lors de la guerre dite de Guyenne (1294-1297) puis lors de la guerre de Cent ans.

En 1329, le roi Édouard III d'Angleterre rend hommage à Philippe VI de Valois pour la Guyenne devenant vassal du Roi de France.

La rivalitĂ© entre les couronnes de France et d'Angleterre ne s'arrĂȘte pas pour autant et aboutit Ă  la guerre de Cent Ans en 1337 lorsque Édouard III prĂ©tend au trĂŽne de France : sa mĂšre, Isabelle de France, Ă©tait fille de Philippe IV le Bel.

Le 8 mai 1360, lors du traitĂ© de BrĂ©tigny, la France perd de nouveau la souverainetĂ© sur la Guyenne et la Gascogne entre autres, au profit des Anglais. L’essentiel sera reconquis par du Guesclin dans les annĂ©es 1370 Ă  1380 Ă  l'exception de la Guyenne (donc de la Gironde) qui restera une possession anglaise des PlantagenĂȘt jusqu'en 1453.

Les Vikings

En 799, le royaume franc de Charlemagne est la cible d'un premier raid barbare venant de la mer. Il est perpétré par un peuple scandinave, les Vikings. En 810, Louis Ier le Pieux qui n'est encore que roi d'Aquitaine fait fortifier l'embouchure de la Charente. En 813, l'ßle de Bouin aujourd'hui disparue est pillée et incendiée.

Ils ont Ă©tabli ponctuellement des bases sur l’üle de RĂ©, Ă  Taillebourg sur la Charente, sur les berges de l’Adour, Ă  Bayonne, ce qui leur permettait de mener des raids un petit peu partout sur la façade atlantique, notamment sur le Poitou et la Charente. En 852, leurs raids se concentrent de nouveau sur la Gironde. À l'automne 863, une flotte nombreuse semble avoir envahi le bassin de la Garonne. Les barbares se rĂ©pandent en Gascogne et Aquitaine, dĂ©vastant tout sur leur passage, pendant une vingtaine d'annĂ©es. Bordeaux est pillĂ© au moins trois fois : en 848, 861, 863 ou 866.

La Francie, du royaume des Francs au royaume de France

La Francie occidentale en 843

AprÚs le traité de Verdun de 843, l'Aquitaine est intégrée dans le royaume de Francie occidentale. Charles II le Chauve en devient le roi.

En 877, le duché d'Aquitaine, fief mouvant de la Francie, sera intégré dans le royaume d'Aquitaine. Ce duché se décomposera en deux duchés, le duché de Gascogne (ancien duché de Vasconie) au sud de la Garonne et le duché d'Aquitaine (plus tard appelé Guyenne) ayant pour capitale Bordeaux. En 1058, les deux duchés se réuniront.

Le temps des Seigneurs

ChĂąteau de Lesparre

Le Moyen Âge fait penser aux temps des Seigneurs. Le MĂ©doc a eu aussi ses « chĂąteaux forts » dont le plus proche de la Pointe de Grave est celui de Lesparre. Le seul vestige classĂ© au titre des monuments historiques reste la Tour de l'Honneur datant du XIVe siĂšcle, piĂšce maĂźtresse d'un systĂšme dĂ©fensif de quatre tours dont trois ont disparu.

Le systÚme féodal a une origine germanique : toutes les terres conquises par les Francs, dÚs le IXe siÚcle, étaient confiées à un chef indépendant en récompense des services rendus à la guerre. Ainsi apparut pendant un certain temps le titre de Duc des Francs qui sera finalement supprimé par les Capétiens. Ce titre fut notamment attribué à deux grandes familles de la noblesse franque, les Arnulfiens d'Austrasie et les Robertiens de Neustrie avant leur accession au pouvoir (Roi des Francs).

Les invasions barbares permirent Ă  ces chefs de se rendre indĂ©pendants de leurs gouvernants. Les autoritĂ©s romaines elles-mĂȘmes donnĂšrent cette charge de duc Ă  des chefs barbares.

Les Carolingiens aprĂšs les MĂ©rovingiens ont repris Ă  leur compte ce systĂšme. Charlemagne placera de vastes territoires sous le contrĂŽle des missi dominici (envoyĂ©s du maĂźtre). C’est Ă  peu de chose prĂšs le dĂ©but du systĂšme binaire d’allĂ©geance : suzerain, vassal. Ce systĂšme s'est mis en place progressivement au Moyen Âge avec l'apparition de la noblesse fĂ©odale, notamment avec l'un des plus anciens titre de noblesse, celui de duc dont l'origine remonte Ă  l'Empire romain, duc qui Ă©tait placĂ© Ă  la tĂȘte d'un duchĂ© : ainsi le duchĂ© d'Aquitaine constituĂ© en 675, fief mouvant de la Francie occidentale.

Ainsi, petit à petit, du XIe siÚcle au XIIe siÚcle, les populations du Saint Empire romain germanique se sont rassemblées autour d'ensembles fortifiés défendus par un seigneur : seigneuries cisterciennes, prémontrées


La seigneurie de Lesparre

La seigneurie de Lesparre connut un essor au XIIe siùcle. On connaüt cependant un seigneur de Lesparre dùs l’an 1100, Gaucelm Gombaud. Deux de ses fils lui succùderont, Raimond Gombaud et Pierre Gombaud.

À cette Ă©poque du XIIe siĂšcle, le chĂąteau de Lesparre dominait le Bas-MĂ©doc, il formait l'un des principaux fiefs des ducs de Guyenne. Les domaines annexĂ©s au chĂąteau s'accrurent rapidement dans les deux siĂšcles qui suivirent jusqu'Ă  compter une trentaine de paroisses au milieu du XIVe siĂšcle.

Tour de l'Honneur de Lesparre, seul vestige de l'ancien chĂąteau

Au XIIIe siÚcle, la seigneurie occupe une grande partie du Médoc. Elle s'étend surtout à l'ouest, tout le long de l'Atlantique, mais nulle part, semble-t-il, elle n'atteint les rivages de la Gironde. Classés en barons, les Seigneurs de Lesparre tenaient le chùteau de Lesparre et les terres alentour en fief du Duc d'Aquitaine[48].

Une premiÚre forteresse en bois est édifiée à l'emplacement d'un temple gallo-romain. Cette place forte est déjà mentionnée dans la charte de 1100.

Le chùteau fortifié des seigneurs de Lesparre comportant quatre tours de trente mÚtres de haut environ sera construit quant à lui vers 1320. Il n'en reste aujourd'hui que la Tour de l'Honneur, classée Monument Historique en 1913.

Pendant trois cent ans, de 1152 (mariage d'AliĂ©nor d'Aquitaine avec le roi anglais Henri II PlantagenĂȘt) jusqu'en 1453 (Bataille de Castillon et fin de la Guerre de Cent Ans), la seigneurie de Lesparre (duchĂ© de Guyenne) restera sous la domination des Anglais.

Le duchĂ© sera Ăąprement disputĂ© par les royaumes de France et d'Angleterre notamment lors d'un conflit armĂ© de 1294 Ă  1297 : la Guerre de Guyenne. En 1299, le TraitĂ© de Montreuil et en 1303, le TraitĂ© de Paris dĂ©cident de la fin du conflit, mais ne changent rien Ă  la prĂ©dominance anglaise. En 1329 cependant, le roi Édouard III d'Angleterre, Ă©galement duc d’Aquitaine (Guyenne et Gascogne), devient vassal pour la Guyenne de Philippe VI de Valois.

Pendant toutes ces années, on peut noter la naissance au chùteau en 1216 du célÚbre troubadour Aimeric de Belenoi neveu d'un autre troubadour originaire de la région, Peire de Corbian.

CĂ©nebrun IV de Lesparre (ou SĂ©nebrun ou Gaucem-Brun)

Parmi les seigneurs de Lesparre des plus connus, on peut citer Cénebrun IV de Lesparre (parfois écrit Sénebrun). En 1324, ce dernier a hérité du titre de sire de Lesparre équivalent à celui de ⁣⁣comte⁣⁣ ou ⁣⁣baron⁣⁣ à la mort de son pÚre. Trop jeune pour gouverner, il sera un temps épaulé par son oncle Bernard.

L'historien François-Joseph Rabanis (1801-1860) dit que les seigneurs de Lesparre étaient vassaux des ducs d'Aquitaine.

Sire de Lesparre au dĂ©but de la Guerre de Cent Ans (1337-1453), CĂ©nebrun IV soutiendra comme ses ancĂȘtres la couronne d'Angleterre.

Le roi Édouard III d’Angleterre lui accorde des droits tels celui de haute, moyenne et basse justice, celui de guet et de garde, celui de bris sur les cĂŽtes du MĂ©doc...

Cénebrun participera à plusieurs expéditions contre les Français durant cette Guerre de Cent Ans, à Auberoche en Périgord, à Poitiers lors de la chevauchée de Lancastre, à Limalonges (bataille de Lunalonge) sous les ordres du sénéchal de Guyenne...

Quand Cénébrun décÚde en 1362, c'est son fils Florimont qui lui succÚde[49].

Lesparre aprĂšs la guerre de Cent Ans

Le chĂąteau de Lesparre sera ensuite la propriĂ©tĂ© d'autres familles : la Maison d'Albret qui aida Ă  reprendre la Guyenne (le roi Charles VII nomma Amanieu d'Albret, comte d'Orval en Normandie, sire de Lesparre), la Maison de Foix, la Maison de ClĂšves (propriĂ©tĂ© de Jacques de ClĂšves, duc de Nivernais en 1536), la Maison de Matignon (le marĂ©chal Jacques II de Goyon de Matignon dĂ©cĂ©da au chĂąteau de Lesparre en 1598), la Maison d'Épernon et enfin, en dernier lieu la Maison de Gramont. Quasiment en ruine, il sera vendu comme bien national Ă  la RĂ©volution et dĂ©mantelĂ© peu aprĂšs.

Stendhal parle du MĂ©doc oĂč il a sĂ©journĂ© du 21 mars au 23 mars 1838 dans son livre « Voyage dans le Midi de la France ». Il fait alors un aller-retour entre Pauillac et Lesparre, et Ă©voque le village de Lesparre et son ancien chĂąteau dont il ne reste dĂ©jĂ  plus que la tour de l'Honneur :

« Nous arrivons à des maisons assez jolies formant rue : c'est Lesparre. Dans les mémoires du temps de Henri III, je crois, il y a un duc de Lesparre. Ce village, dont le gouvernement vient de faire un chef-lieu de sous-préfecture, a 1300 habitants. Le pavé de la rue est si mauvais, quoique formé de grandes pierres, comme à Paris, que la diligence le quitte brusquement, quoique au galop, pour prendre un chemin qui tourne le village... Je vais me promener dans la ville... Il y a des boutiques fort bien fournies, entre autres trois horlogers avec des pendules comme à Paris. Ces boutiques fournissent tous les propriétaires du Médoc... Je vois deux ou trois maisons neuves toujours en belle pierre blanche, aussi jolies qu'à Bordeaux, c'est-à-dire plus jolies qu'à Paris... Je vois une vieille tour solidement construite. Cela faisait partie du chùteau de M. le duc de Grammont, me dit un vieux paysan ; on l'a détruit. Ces maisons appartiennent encore à M. de Grammont (apparemment ce noble vieillard que je voyais autrefois chez M. de Tracy) »

Aliénor d'Aquitaine

NĂ©e en 1122 (ou 1124 ?) Ă  Belin (ou Ă  Bordeaux ?), c'est en 1130, qu'AliĂ©nor hĂ©rite du duchĂ© d'Aquitaine, son frĂšre aĂźnĂ© Guillaume Aigret Ă©tant dĂ©cĂ©dĂ© en bas Ăąge. Elle descend des Ramnulfides (Maison de Poitiers-Aquitaine) comtes de Poitiers depuis l’annĂ©e 854 (Ramnulf Ier), puis ducs d'Aquitaine.

En 1136, les seigneurs d'Aquitaine lui jurent allégeance alors qu'elle n'a que quatorze ans. Son pÚre Guillaume X, duc d'Aquitaine, avait de son vivant arrangé son mariage avec Louis, fils de Louis VI le Gros, héritier du trÎne de France. Le mariage eut lieu à Bordeaux à la cathédrale Saint-André en 1137 alors qu'elle n'a que quinze ans : elle est couronnée reine des Francs, à Bourges. Son époux, seize ans quant à lui, est couronné Roi de France sous le nom de Louis VII : il sera surnommé le Jeune, puis le Pieux. Aliénor lui apporte en dot la Guyenne, la Gascogne, le Poitou, la Saintonge... Le Royaume capétien s'étend dÚs lors au sud jusqu'aux Pyrénées.

AliĂ©nor ne s’entend cependant pas avec son mari qui la pense infidĂšle. Au retour de la deuxiĂšme croisade destinĂ©e Ă  porter secours aux États chrĂ©tiens de Palestine menacĂ©s par les Turcs, croisade Ă  laquelle participe aussi AliĂ©nor plus ou moins contrainte, une sĂ©paration est envisagĂ©e. AliĂ©nor est accusĂ©e d'adultĂšre, on lui prĂȘte une liaison avec son oncle et ancien tuteur, Raimond de Poitiers, prince d'Antioche qui les a accueillis une dizaine de jours, au printemps, lors de cette croisade. L'Ă©pisode est connu sous la dĂ©nomination d'incident d'Antioche en rĂ©fĂ©rence au premier incident d'Antioche du premier siĂšcle de toute autre nature. Il est Ă  l'origine de la lĂ©gende noire qui poursuivra et poursuit de nos jours encore les rĂ©cits de la vie d'AliĂ©nor malmenĂ©e par l'historiographie.

AprÚs 15 ans de mariage et deux filles (Marie de Champagne et Alix de France, cette derniÚre est née en 1151, une seule année avant son divorce), le second concile de Beaugency sollicité par le roi, prend pour prétexte une consanguinité éloignée pour annuler le mariage le 21 mars 1152.

AliĂ©nor a le droit de reprendre sa dot et le Royaume de France perd plus de la moitiĂ© de son territoire. Elle avait sans doute dĂ©jĂ  en tĂȘte d'Ă©pouser Henri PlantagenĂȘt, petit-fils par sa mĂšre d'Henri Ier, roi d'Angleterre, car tout est allĂ© trĂšs vite. Ce dernier avait Ă©tĂ© aperçu rĂŽdant Ă  la cour de France, en aoĂ»t 1151, Ă  l'occasion du rĂšglement d'un conflit rĂ©clamant sa prĂ©sence. Le , huit semaines seulement aprĂšs l'annulation de son premier mariage, AliĂ©nor l'Ă©pouse Ă  Poitiers. Cet Henri, futur roi d'Angleterre, est ĂągĂ© de dix-neuf ans seulement, plus jeune qu'elle de onze annĂ©es.

Le , ils sont couronnĂ©s roi et reine d'Angleterre : le MĂ©doc devient une partie d'un vaste ensemble territorial, dit « Empire PlantagenĂȘt », et passe sous influence anglaise.

Expansion de l'Empire PlantagenĂȘt

AliĂ©nor donnera naissance Ă  cinq fils et trois filles de 1153 Ă  1166. Mais AliĂ©nor est excĂ©dĂ©e par le manque d'Ă©coute et surtout l'infidĂ©litĂ© d'Henri II PlantagenĂȘt : il est le pĂšre de nombreux bĂątards.

En 1173, elle complote contre lui avec ses fils Richard, Geoffroy et Henri le Jeune.

ArrĂȘtĂ©e, elle sera emprisonnĂ©e pendant une quinzaine d'annĂ©es Ă  Chinon, puis Ă  Salisbury, puis dans divers autres chĂąteaux d'Angleterre.

AprĂšs la mort d'Henri II, le 6 juillet 1189, elle est libĂ©rĂ©e par ordre du nouveau roi, son fils Richard Ier CƓur de Lion qui s'Ă©tait entre-temps ralliĂ© Ă  son pĂšre. Celui-ci avait Ă©tĂ© dĂ©signĂ© Duc d'Aquitaine en 1172, succĂ©dant Ă  AliĂ©nor et Ă  Henri II PlantagenĂȘt, il le restera jusqu'en 1199, date de sa mort.

AliĂ©nor est alors trĂšs active, voyage, fait libĂ©rer les prisonniers d'Henri II et leur fait prĂȘter serment de fidĂ©litĂ© au nouveau roi. Elle gouverne mĂȘme Ă  la place du roi de 1189 Ă  1191 alors qu'il est parti pour la troisiĂšme croisade. Elle le rejoint pour prĂ©parer son mariage cette mĂȘme annĂ©e, mais revient prĂ©cipitamment pour empĂȘcher son plus jeune fils, Jean sans Terre, le mal-aimĂ©, de trahir son frĂšre Richard. Elle n'y parviendra qu'un temps.

Richard, quant Ă  lui, sera fait prisonnier en Autriche lors de son retour de croisade par le duc LĂ©opold V de Babenberg, Ă  la suite de manƓuvres du roi français Philippe II Auguste. Il est livrĂ© Ă  l’empereur Henri VI du Saint-Empire. AliĂ©nor devra rĂ©unir une forte rançon pour sa libĂ©ration.

Richard mourra finalement en 1199 de gangrĂšne, des suites de sa blessure Ă  ChĂąlus.

AliĂ©nor prend aussitĂŽt parti pour son dernier fils Jean : Ă  77 ans, elle parcourt tout l'ouest de la France, rallie l'Anjou qui s'Ă©tait prononcĂ© pour le comte de Bretagne, et fait prĂȘter serment Ă  Jean sans Terre dans son duchĂ© d'Aquitaine. En juillet 1202, Philippe II dit Auguste dĂ©clarera Jean sans Terre fĂ©lon, et saisira ses domaines continentaux.

Aliénor, malade, finira sa vie retirée à l'abbaye de Fontevraud, à partir de l'année 1200. Elle y mourra le 31 mars 1204, à l'ùge de 82 ans, et y sera inhumée.

La Guerre de 100 ans

La Guerre de Cent Ans va opposer la dynastie des PlantagenĂȘt Ă  celle des Valois de 1337 Ă  1453, durant en vĂ©ritĂ© 116 ans, entrecoupĂ©s de pĂ©riodes de paix.

Ce conflit a pour premiĂšre origine la rancune des CapĂ©tiens Ă  la suite de la perte d'une partie de leur territoire aprĂšs le mariage d'AliĂ©nor et d'Henri PlantagenĂȘt : ils n'auront de cesse de vouloir rĂ©cupĂ©rer l'Aquitaine. La rivalitĂ© entre les rois d'Angleterre et les rois de France est cependant dĂ©jĂ  trĂšs ancienne, certains la faisant dĂ©buter au rĂšgne d'Henri Ier, roi des Francs, de 1031 Ă  1060, Ă  propos de la Normandie dont le duc est Guillaume le ConquĂ©rant. Une grave crise Ă©conomique due Ă  la hausse des impĂŽts prĂ©levĂ©s par les seigneurs crĂ©ant une instabilitĂ© dans tout le pays, est la seconde raison de ce conflit.

Le duché de Guyenne

Le duché de Guyenne n'existait pas avant 1259, le territoire faisait partie intégralement du duché d'Aquitaine. Le nom n'apparaßt que lors du Traité de Paris entre la France et l'Angleterre. DÚs lors, et malgré cet accord, la Guyenne sera un continuel sujet de dispute entre les deux royaumes.

Le conflit avait dĂ©jĂ  commencĂ© le siĂšcle prĂ©cĂ©dent Ă  la suite du mariage d'AliĂ©nor d'Aquitaine avec le souverain anglais Henri PlantagenĂȘt, de 1159 Ă  1259, Ă©pisode de l'histoire dĂ©nommĂ© la PremiĂšre guerre de Cent ans. AprĂšs les conflits de succession pour le titre de duc d'Aquitaine, notamment entre les deux fils d'AliĂ©nor, Richard CƓur de Lion et Jean sans Terre, l'Aquitaine reste anglaise. Henri III, Édouard 1á”‰Êł, Édouard II et enfin Édouard III sont ducs d'Aquitaine de 1216 Ă  1362.

Le traité de Paris (1259)

Lors du traitĂ© de Paris en 1259 qui met fin Ă  la premiĂšre guerre de Cent Ans, Louis IX, dit Saint-Louis avait obtenu que le roi d'Angleterre Henri III PlantagenĂȘt, fils de Jean sans Terre et petit-fils d'AliĂ©nor d'Aquitaine, devienne son vassal pour l'Aquitaine.

En 1308, Édouard II d'Angleterre Ă©pouse Isabelle de France, la fille de Philippe IV le Bel⁣⁣, ⁣ afin d'apaiser les tensions, mais sans succĂšs. Au contraire mĂȘme, ce mariage donne au roi anglais des prĂ©tentions encore plus grandes, le souhait d'accĂ©der au trĂŽne de la France. D'oĂč le conflit de Saint-Sardos en 1324. Les Anglais sont dĂ©faits, mais ne perdent pas leurs possessions en Aquitaine, sauf l'Agenais.

Le problĂšme de la souverainetĂ© sur la Guyenne se pose toujours alors qu'Édouard III (fils d'Édouard II et d'Isabelle d France) se trouve ĂȘtre le vassal de Philippe VI de Valois : la cĂ©rĂ©monie d'allĂ©geance eut lieu en 1329 aprĂšs bien des tergiversations. La fin du conflit notamment Ă  propos de l'Agenais conduira directement au dĂ©clenchement de la Guerre de Cent Ans en 1337.

Ce conflit interminable comportera une quantitĂ© importante de batailles, de siĂšges, de traitĂ©s et de trĂȘves dont celle de Bordeaux en 1357.

Le traité de Brétigny (1360)
Le royaume de France et Guyenne sous Jean II le Bon

Le traitĂ© de BrĂ©tigny en 1360 permet d'arrĂȘter un temps la Guerre de Cent Ans : trĂȘve de neuf ans.

Jean II le Bon, prisonnier des Anglais depuis 1356 (Bataille de Poitiers) est libĂ©rĂ© aprĂšs quatre annĂ©es passĂ©es en rĂ©sidence surveillĂ©e Ă  Bordeaux d'abord, puis pour terminer Ă  Londres oĂč il Ă©tait beaucoup moins bien traitĂ© afin de faire pression sur le rĂ©gent Charles de France (futur roi sous le nom de Charles V le Sage).

Les CapĂ©tiens rĂ©cupĂšrent une petite partie de l'Aquitaine, mais Guyenne et Gascogne restent anglaises. Lors de ce traitĂ©, Édouard III d'Angleterre prend le titre de Seigneur d'Aquitaine. Son territoire est alors immense, sa province s'Ă©tire de la Loire aux PyrĂ©nĂ©es avec Bordeaux comme capitale.

Édouard de Woodstock dit le Prince Noir, la principautĂ© d'Aquitaine

Édouard de Woodstock, fils aĂźnĂ© d'Édouard III d'Angleterre, Prince de Galles, s'est rendu cĂ©lĂšbre par ses actes d'hĂ©roĂŻsme. Il Ă©tait de la bataille de CrĂ©cy Ă  16 ans, en 1346. Il a sauvĂ© son pĂšre lors de l'embuscade de Calais et qui a fait prisonnier le roi de France Jean II le Bon, prĂšs de Poitiers.

En 1362, Édouard III d'Angleterre rĂ©compense son fils en transformant pour lui le duchĂ© d'Aquitaine en principautĂ© : de fait.

Édouard de Woodstock devient Prince d'Aquitaine. Les historiens le dĂ©signeront plus tard sous le nom de Prince Noir au XVIe siĂšcle peut-ĂȘtre Ă  cause de la couleur de son armure (ou bien de la terreur qu'il inspirait ?).

Ses chevauchĂ©es vont marquer les esprits et il bĂ©nĂ©ficiera d'une vĂ©ritable vĂ©nĂ©ration Ă  Bordeaux : avec sa femme Jeanne, la duchesse de Kent, il Ă©tablira autour de lui une cour menant une vie somptueuse, fĂȘtant chaque victoire dans ses nombreux chĂąteaux (le chĂąteau de Lormont par exemple). Beaucoup cependant lui reprocheront le sac de Limoges en 1370.

Bertrand du Guesclin, la reconquĂȘte

À la suite de l'Ă©pisode sanglant de Limoges, le roi Charles V avait nommĂ© Bertrand du Guesclin au poste de connĂ©table de France. Quoique fait prisonnier Ă  la fin puis libĂ©rĂ© contre rançon, celui-ci s'Ă©tait dĂ©jĂ  illustrĂ© lors de la guerre de succession de Bretagne (guerre des deux Jeanne) : ses succĂšs lui valurent le surnom de Dogue Noir de BrocĂ©liande. Afin de libĂ©rer le royaume des grandes compagnies, il avait nĂ©gociĂ© avec une partie des mercenaires les entraĂźnant dans la premiĂšre guerre civile de Castille. Il est alors refait prisonnier en 1367 par le Prince Noir Ă  la bataille de NĂĄjera.

Libéré et nommé connétable de France, il va n'avoir de cesse de chasser les Anglais, utilisant souvent la ruse pour se rendre maßtre des chùteaux.

En 1374, Du Guesclin aidé du duc d'Anjou se tourne vers la Guyenne et reconquiert de nombreuses villes alors que le Prince Noir s'est retiré en Angleterre en 1371.

Le Prince Noir quitte la Guyenne

Malade (dysenterie?), ce dernier a laissé son frÚre Jean de Gand, duc de Lancastre, administrer l'Aquitaine comme Régent : son pÚre non encore décédé est malade (mort en 1377) et son fils Richard n'a que 4 ans, à l'époque[50].

Le Prince Noir dĂ©cĂšde en 1376, Ă  45 ans. Le titre de Prince d'Aquitaine n'est plus donnĂ© aprĂšs lui, l'Aquitaine redevient duchĂ©. Son fils Richard, nĂ© Ă  Bordeaux deviendra le nouveau roi d'Angleterre en 1377, succĂ©dant Ă  son grand-pĂšre sous le nom de Richard II, Ă  l'Ăąge de 10 ans. Il est le nouveau duc d'Aquitaine jusqu'en 1390. Le Prince Noir, contrairement Ă  son fils, n'aura jamais Ă©tĂ© roi d'Angleterre Ă  cause de la longĂ©vitĂ© de son pĂšre. Avant sa mort, il s'Ă©tait assurĂ© de la loyautĂ© de Lancastre pour faire monter son fils Richard sur le trĂŽne. En Ăąge de gouverner seul (Ă©mancipation en 1386, mais contrĂŽle du Parlement et des Lords Appellant), Richard II confie, en 1390, le duchĂ© d'Aquitaine Ă  Jean de Gand Lancastre qui en assurera l'administration jusqu'Ă  sa mort en 1399, le roi dĂ©cĂ©dant lui-mĂȘme en 1400.

Édouard de Woodstock s'intĂ©ressa Ă  la pointe de Grave, il fit Ă©difier sur le plateau de Cordouan la tour qui porta son nom, la Tour du Prince Noir aujourd'hui disparue.

La peste noire

Cette Ă©poque mĂ©diĂ©vale a Ă©tĂ© marquĂ©e par l'effroyable pandĂ©mie de peste noire qui dĂ©bute Ă  Bordeaux en 1348 : « ...de soudains tas de cadavres dans les rues. Des populations sidĂ©rĂ©es. De toutes parts, la mort omniprĂ©sente...des millions de morts, c'est l’épidĂ©mie ayant le plus marquĂ© la mĂ©moire collective des EuropĂ©ens par son ampleur, sa soudainetĂ© et sa lĂ©talitĂ©. »[51]. Le MĂ©doc n'a bien sĂ»r pas Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©.

La Guyenne aprĂšs la guerre de Cent Ans

La succession au trĂŽne de France Ă  la mort de Charles VII en 1461 ne fut pas aussi Ă©vidente que cela. Si Louis, l'aĂźnĂ© de ses enfants, lui succĂšde prenant le nom de Louis XI, le cadet Charles de France n'a de cesse de demander des prĂ©rogatives, complotant mĂȘme contre son frĂšre. Afin de le calmer et de l'Ă©loigner, Louis XI octroie Ă  son frĂšre en apanage plusieurs territoires : Charles est successivement nommĂ© Duc de Berry, de Normandie et enfin de Guyenne en 1469. Ce dernier gouvernera la Guyenne moins de trois annĂ©es, mourant Ă  vingt-cinq en 1472, certains diront d'empoisonnement.

La Guyenne Ă  cette Ă©poque reprĂ©sente un grand territoire administrĂ© alors par de nombreux gouverneurs. Le gouvernement gĂ©nĂ©ral de Guyenne deviendra bientĂŽt gouvernement gĂ©nĂ©ral de Guyenne et de Gascogne, agrandissant encore davantage le territoire : la Guyenne se compose alors de la Basse-Guyenne (capitale Bordeaux) et de la Haute-Guyenne (capitale Montauban). La Basse-Guyenne est divisĂ©e elle-mĂȘme en sept provinces dont le Bordelais ou Petite Guyenne. Les autres provinces sont le Bazadais, l'Agenais, le PĂ©rigord, le Condomois, le Rouergue, et le Quercy.

DĂšs 1776, Jacques Necker⁣⁣, ministre des Finances de Louis XVI mĂšne de nombreuses rĂ©formes administratives, il modernise les gĂ©nĂ©ralitĂ©s de Bordeaux (Basse-Guyenne) et de Montauban (Haute-Guyenne), elles-mĂȘmes divisĂ©es en sĂ©nĂ©chaussĂ©es.

La création des départements à la Révolution française amÚnera la disparition de la Guyenne en 1790 : elle sera divisée en cinq départements correspondant à peu de chose prÚs à ceux d'aujourd'hui : la Gironde, la Dordogne, le Lot-et-Garonne, le Lot et l'Aveyron.

Le monastĂšre de Cordouan

Vers 1085, l'abbĂ© Étienne et le prieur ErmĂ©nalde, originaires de l'abbaye bĂ©nĂ©dictine de Saint-Rigaud, en quĂȘte d'un endroit Ă  l'Ă©cart afin de fonder un ermitage, dĂ©cident de s'installer Ă  Cordouan[52] :

« Étienne, abbĂ© de Saint-Rigaud, et ErmĂ©nalde, prieur du mĂȘme monastĂšre, faisons savoir Ă  tous que voulant, par amour pour la paix, nous soustraire au tumulte orageux des affaires du siĂšcle, nous sommes arrivĂ©s, sous la protection divine, dans un Ăźlot de l'OcĂ©an occidental. Comme nous avions rĂ©solu de nous y fixer Ă  cause de sa solitude profonde, nous apprĂźmes que cette Ăźle appartenait Ă  l'Ă©glise de Cluny »

L'abbaye de Saint-Rigaud était une abbaye bénédictine (ordre obéissant à la rÚgle de Saint-Benoßt, comme Cluny) fondée par un ermite, Eustorge. Cet ermitage, bien que tout proche de Cluny, avait su résister à son influence hégémonique.

On peut ĂȘtre Ă©tonnĂ© que Cordouan comme le dit l'abbĂ© Étienne ci-dessus, fut Ă  l'Ă©poque la propriĂ©tĂ© de l'ordre de Cluny, Ă©tabli si loin de la pointe de Grave. De fait, cet ordre de Cluny est un grand ordre bĂ©nĂ©dictin crĂ©Ă© par Guillaume 1er d'Aquitaine, dit le Pieux, qui Ă©tait alors duc d'Aquitaine, mais aussi comte d'Auvergne et de MĂącon, rĂ©gion hĂ©ritĂ©e de son pĂšre. Le duchĂ© d'Aquitaine Ă©tait plus vaste que l'Aquitaine telle qu'on l'entend aujourd'hui et allait jusqu'aux confins du duchĂ© de Bourgogne.

AussitĂŽt qu'il eut fondĂ© l'abbaye de Cluny par la charte de fondation de 909, il la plaça sous l'autoritĂ© du pape Serge III. Quand Étienne de Saint-Rigaud parle du « tumulte orageux des affaires du siĂšcle », peut-ĂȘtre fait-il rĂ©fĂ©rence, en ce qui concerne la religion, Ă  la pornocratie pontificale qui a dĂ©butĂ© avec ce pape, mais terminĂ©e en 963. Les problĂšmes pontificaux ont cependant longtemps perdurĂ© avec la nomination des papes jusqu'en 1004 par l'empereur Othon II, puis Othon III, empereurs du Saint-Empire. Ces papes Ă©taient rĂ©guliĂšrement opposĂ©s Ă  des antipapes nommĂ©s par la famille romaine des Crescentii. Cette famille Ă©tait une branche de la famille des ThĂ©ophylactes, celle-lĂ  mĂȘme qui avait la mainmise sur la papautĂ© depuis le pape Serge III.

En 1085, quand l'abbĂ© Étienne et le prieur ErmĂ©nalde s'exilĂšrent Ă  Cordouan, il y avait toujours des problĂšmes de papautĂ© avec la nomination de Urbain II, Ă©lu pape cette mĂȘme annĂ©e, et celle de ClĂ©ment III, antipape. CĂŽtĂ© politique, Étienne peut faire aussi allusion au grand dĂ©sordre de l'Ă©poque avec l'affaiblissement de l'autoritĂ© des rois carolingiens qui devaient lutter contre la seconde vague d'invasion des Vikings, des Sarrasins et des Magyars (Hongrois) au Xe siĂšcle, et la prise de pouvoir de puissants seigneurs qui se sont constituĂ©s en principautĂ©s.

Le royaume des Francs sous Hugues Capet. Robert II, son fils, combat afin d'asseoir sa domination sur le duchĂ© de Bourgogne oĂč se trouve Cluny.

En 1085, la dynastie capĂ©tienne a remplacĂ© la dynastie carolingienne. Robert II, le Pieux a succĂ©dĂ© Ă  son pĂšre Hugues Capet en tant que roi des Francs : un de ses plus grands combats fut d'asseoir sa domination sur le duchĂ© de Bourgogne⁣⁣, ⁣ d'oĂč, peut-ĂȘtre aussi, le « tumulte » dans la rĂ©gion de Cluny dĂ©noncĂ© par l'abbĂ© Étienne.

Guillaume le Pieux fit Ă  l'Ordre religieux de Cluny de nombreuses concessions, lui donna de nombreux territoires, de nombreuses villas, lui permettant de prospĂ©rer, en construisant de nombreux monastĂšres ou prieurĂ©s. On peut ainsi penser que, peut-ĂȘtre, avait-il fait don de ce petit territoire de Cordouan Ă  l'Abbaye de Cluny, oĂč depuis de nombreuses annĂ©es des ermites religieux s'Ă©taient rĂ©fugiĂ©s, guidant les marins en allumant des feux.

Sachant que l'Ăźlot de Cordouan appartenait Ă  l'abbaye de Cluny, Étienne et ErmĂ©nalde s'empressĂšrent d'Ă©crire Ă  l'abbĂ© de Cluny, Hugues, pour avoir l'autorisation de s'y installer :

« Nous écrivßmes aussitÎt à l'abbé Hugues, pour lui demander son consentement ; et, peu aprÚs, nous reçûmes une réponse remplie des paroles les plus douces et les plus encourageantes, avec l'autorisation de bùtir un monastÚre consacré aux apÎtres Pierre et Paul, et soumis à l'abbé de Cluny. »

Quelques annĂ©es aprĂšs l'abandon de Cordouan de l'abbĂ© Étienne, le cartulaire de l'abbaye de la Grande-Sauve, datĂ© de 1092, mentionne que des moines sonnaient une cloche et allumaient un feu en cas de danger pour les marins. Apparemment donc, le monastĂšre ne fut pas tout Ă  fait abandonnĂ© par les moines, aprĂšs son dĂ©part pour fonder le prieurĂ© de Saint-Nicolas.

Le prieuré de Saint-Nicolas de Grave

AprĂšs trois annĂ©es environ passĂ©es Ă  Cordouan, vers 1087, la vie Ă©tant trop pĂ©rilleuse sur l'Ăźle, Étienne et ErmĂ©nalde dĂ©cident d'aller s'installer juste en face, sur le continent. Ils Ă©tablissent leur ministĂšre au lieu-dit « Grave », tout prĂšs du phare Saint-Nicolas actuel, accompagnĂ©s d'un autre religieux, Guillaume (apparemment le frĂšre d'Étienne), qui les avait rejoints entre-temps.

« Or, il Ă©tait venu lĂ , dans le dessein de s'y fixer avec nous, un religieux de Cluny, nommĂ© Guillaume, mon frĂšre Ă  moi Étienne, homme laborieux, habile Ă  la pĂȘche, et sachant se faire Ă  tous les genres d'occupations. Il faisait des filets, construisait des poissonniĂšres, et nous procurait ainsi au centuple l'abondance des promesses divines. Les habitants des contrĂ©es voisines, entendant parler de la vie que nous menions, aspiraient comme Ă  une consolation, Ă  jouir de nos entretiens. Mais comme on ne pouvait aborder sans pĂ©ril de faire naufrage, nous Ă©tions dans des transes continuelles, craignant de voir quelques-uns de ces braves gens pĂ©rir en s'exposant ainsi Ă  cause de nous. DĂ©sireux d'Ă©carter ce pĂ©ril, de l'avis des moines et sur les instances des princes, nous passĂąmes de cette Ăźle en un lieu qui en est peu Ă©loignĂ© et dont le nom est Grave. LĂ , avec la permission de ceux auxquels le lieu appartenait, nous construisĂźmes, comme nous pĂ»mes, un oratoire et des cellules. »

Les moines y amĂ©nagent donc un oratoire, comme le dit le texte ci-dessus traduit du latin, mais Ă©galement des « poissonniĂšres » (pĂȘcheries ?) et des salines.

À partir de 1322, Saint-Nicolas de Grave n’apparaüt plus dans la liste des biens de l’abbaye de Cluny.

La tour du Prince Noir

Pendant l'occupation anglaise, le Prince Noir, Édouard de Woodstock, prince d'Aquitaine, prince de Galles et duc de Cornouailles, (fils aĂźnĂ© du roi Édouard III d'Angleterre), qui gouverne la Guyenne de 1362 Ă  1371, ordonne la construction d'un Ă©difice sur ce mĂȘme rocher de Cordouan, tour qui sera appelĂ©e la Tour du Prince Noir. Au sommet de celle-ci, un ermite allume de grands feux et prĂ©lĂšve un droit de passage sur les navires entrant dans l'estuaire en gros de sterling ou en monnaie d'Aquitaine. Le Prince Noir fait aussi construire une chapelle juste Ă  cĂŽtĂ©, « Notre-Dame de Cordouan ».

Au XVIe siÚcle, deux siÚcles aprÚs sa construction, la Tour du Prince Noir est abandonnée : elle est en ruine. Les maçonneries de la « Tour des Anglais » s'étaient, avec le temps, de plus en plus dégradées demandant des réparations trop onéreuses. La construction d'un nouveau phare fut décidée.

Cartographie

C'est le dĂ©but (fin du Moyen Âge) d'une importante cartographie donnant une idĂ©e plus prĂ©cise des paysages de la pointe de Grave. L’embouchure de la Gironde est une zone stratĂ©gique pour le port de Bordeaux. Aussi, de nombreuses cartes sont dessinĂ©es Ă  l’usage des navigateurs : portulans de la fin du Moyen Âge et du dĂ©but de l’époque moderne. Certaines de ces cartes sont commandĂ©es par les pouvoirs publics aux XVIIe et XVIIIe siĂšcles. Les plus anciennes cartes marines sur lesquelles apparaissent la pointe du MĂ©doc et la Gironde datent du XIVe siĂšcle, cartes Ă©trangĂšres au dĂ©part (portugaises, puis hollandaises), la production française ne se dĂ©veloppant que durant le XVIIe siĂšcle[53].

Portulan de Guillaume Brouscon 1548
Portulan de Jean Guérard 1627

Il peut ĂȘtre intĂ©ressant de comparer le portulan de Guillaume Brouscon en 1548 Ă  celui de Jean GuĂ©rard en 1627 (Ă  une centaine d'annĂ©es de distance), ce dernier donnant un aspect du MĂ©doc trĂšs ressemblant au MĂ©doc actuel : est-ce un rĂ©el changement de paysage en si peu de temps, ou plutĂŽt, une prĂ©cision grandissante des cartes ?

Le fort de Girofle (ou de GĂ©rofle) et le fort de la Chambrette

Au XVIIe siĂšcle, durant le long rĂšgne de Louis XIV (1643-1715), et aprĂšs de nombreux conflits (Guerre de Trente Ans, Guerre franco-espagnole, Guerre de DĂ©volution, Guerre de Hollande), une des prioritĂ©s du roi est de protĂ©ger le royaume des attaques ennemies. Depuis 1655 dĂ©jĂ , Ă  l'Ăąge de vingt-deux ans, SĂ©bastien Le Preste, dit Vauban, est devenu responsable des fortifications. À partir de 1665, ce dernier donne Ă  la France une ceinture de fer. ChargĂ© de protĂ©ger les frontiĂšres, il s'attache aussi Ă  Ă©tablir ou Ă  amĂ©liorer les fortifications des villes, des ports
 Entre 1688 et 1724, Claude Masse, ingĂ©nieur et gĂ©ographe du roi Louis XIV eut pour mission de dresser les cartes les plus prĂ©cises de toute la cĂŽte atlantique, de la pointe du MĂ©doc jusqu'au Pays basque afin d'organiser et de prĂ©venir la dĂ©fense contre un Ă©ventuel dĂ©barquement ennemi. François Ferry, autre ingĂ©nieur du roi Louis XIV, fut nommĂ© directeur des fortifications pour la façade atlantique : il s'est vu confier la mission de protĂ©ger Bordeaux. Le rĂ©seau dĂ©fensif imaginĂ© par Vauban doit toujours s'intĂ©grer au modelĂ© du terrain, utiliser les spĂ©cificitĂ©s des sites, notamment profiter des dĂ©nivelĂ©s. En 1685, il est dĂ©cidĂ© d'intĂ©grer le chĂąteau des Rudel dans une citadelle, Ă  Blaye. Cette construction de la Citadelle confiĂ©e Ă  François Ferry, sous la direction de Vauban, est complĂ©tĂ©e par l'Ă©dification de deux forts, Fort PatĂ© et Fort MĂ©doc, permettant en cas d'attaque ennemie de croiser leurs feux, interdisant tout passage vers Bordeaux. Finalement, ils ne servirent qu’une seule fois, en 1814, lors d’une tentative d’invasion anglaise.

Ce « verrou de Vauban » sera complĂ©tĂ© par une sĂ©rie d’élĂ©ments dĂ©fensifs construits Ă  l’embouchure de l’estuaire, Ă  la pointe du MĂ©doc, pendant la deuxiĂšme moitiĂ© du XVIIIe siĂšcle. Deux forts furent construits Ă  cette pĂ©riode Ă  la Pointe de Grave, forts dont on peut voir l'emplacement sur la carte de Cassini : Fort Girofle, en bordure de l'ocĂ©an et, Ă  la mĂȘme latitude, Fort Chambrette sur la Gironde, dotĂ©s d'une importante batterie de canons.

Cependant, une carte de Belleyme datĂ©e de 1775 (planche No 2) n’indique plus que les « ruines de la Batterie du Fort Girofle », qui dĂ©fendait la passe sud, cĂŽtĂ© ocĂ©an, ainsi que les « Ruines de la Batterie du Fort Chambrette », sur la riviĂšre[54]. Il est probable que Fort Girofle ait disparu le premier sous les eaux, la cĂŽte non protĂ©gĂ©e Ă  cette Ă©poque Ă©tant rĂ©guliĂšrement rongĂ©e par l'ocĂ©an. Quant au fort de la Chambrette, on trouve trace d'une reconstruction de fortifications en 1816, puis en lieu et place, sera Ă©difiĂ© le Fort du Verdon, en 1878, tel que l'on peut le voir encore aujourd'hui. En 1895 enfin, une digue de protection, appelĂ©e « digue de Port-Bloc » du fait qu'elle Ă©tait constituĂ©e de blocs de pierres simplement coulĂ©s, fut rĂ©alisĂ©e. C'est de cette digue formĂ©e de blocs que le petit port qu'elle dĂ©limitait tirera son nom[55]. Alors que le fort avait Ă©tĂ© construit en bordure d'estuaire, cette digue a quelque peu Ă©loignĂ© le fort de la riviĂšre. À noter que la dĂ©nomination " de Girofle " est parfois transformĂ©e en « de GĂ©rofle » sur certaines cartes et dans certains Ă©crits, mais sur tous les actes d'Ă©tat civil du Verdon, notamment lors des recensements de la population, le lieu-dit est bien Ă©crit « Girofle ».

Les habitations

Les habitants de la pointe du Médoc se sont regroupées aux XVIIe et XVIIIe siÚcles dans les hameaux dépendants encore de la ville de Soulac : Le Verdon (autonome qu'en 1874), Le Logis (mais le bout de la pointe a plutÎt un habitat dispersé), les Grands Maisons et le Royannais. Des maisons de sauniers se trouvaient également isolées dans les zones de marais salants. Un poste de douane fut établi dÚs les années 1740 pour percevoir la gabelle mais aussi pour surveiller les navires au mouillage dans la rade.

Le sel

L’exploitation des marais salants depuis le Moyen Âge, amĂ©nagĂ©s par les BĂ©nĂ©dictins de l’abbaye Sainte-Croix de Bordeaux, alimentĂ©s par les eaux de mer Ă  la pointe du MĂ©doc, Ă©tait menacĂ©e au dĂ©but du XVIIe siĂšcle, Ă  cause de l'envasement des trois chenaux d'alimentation (chenal du Verdon dit de Rambaud, de Soulac, de Neyran) Au XVIIIe siĂšcle, le sel perd son rĂŽle primordial de monnaie qu'il avait acquis au Moyen Âge. Cette perte d'importance sociale et commerciale du sel entraĂźne la disparition de sa production, conduisant Ă  la libĂ©ration de nombreuses zones de marais salants, en partie poldĂ©risĂ©s. Le littoral Atlantique, particuliĂšrement affectĂ© par cette dĂ©cision, dispose cependant de dizaines de milliers d'hectares de marais consacrĂ©s Ă  l'ostrĂ©iculture. Celle-ci connaĂźt toutefois une dĂ©pendance importante des naissains rĂ©coltĂ©s en mer sur les rochers ou par dragage. Les gisements naturels sont ainsi surexploitĂ©s et s'Ă©puisent. Dans les annĂ©es 1850, tous les gisements français sont plus ou moins touchĂ©s par des interdictions d'exploitation[42].

Une chapelle royale, puis l'Ă©glise actuelle : Notre-Dame-du-bon-Secours et de Saint-Louis

En 1712, une chapelle royale est érigée pour apporter un secours spirituel aux marins, au hameau du Verdon, à la suite de nombreux naufrages. La qualification de « royale » est due à une Déclaration du Roi Louis XIV, datée du 31 janvier 1690, interdisant aux marguilliers et aux paroissiens d'entreprendre quelques travaux que ce soit sans une autorisation préalable[56].

Le maĂźtre d’Ɠuvre est un dĂ©nommĂ© BuissiĂšre du Verdon, sans plus de prĂ©cisions. On donnera Ă  cet Ă©difice religieux rĂ©clamĂ© Ă  cor et Ă  cri par les marins, le nom de Notre-Dame-du-Bon-Secours et de Saint-Louis. Les travaux ne furent complĂštement achevĂ©s qu'en 1723. Sa construction a Ă©tĂ© financĂ©e par un prĂ©lĂšvement sur les navires entrant et sortant de l'estuaire selon leur tonnage (dĂ©cret du Conseil du Roi Louis XIV, de 1712). Mal entretenue, elle est dite en mauvais Ă©tat dĂšs 1726. En 1793, aprĂšs la RĂ©volution, elle semble abandonnĂ©e, ne donnant lieu Ă  plus aucun office. Des soldats s'occupant des diffĂ©rentes batteries encore en place y sont provisoirement logĂ©s.

Revenue au culte dans les années 1820, Le Verdon est alors érigé en paroisse autonome en 1849, se détachant de la paroisse de Soulac pour les célébrations. Notre-Dame-du-Bon-Secours et de Saint-Louis est restaurée par Joseph TeulÚre (architecte du phare de Cordouan) en 1789.

En 1853, la construction d’une Ă©glise en lieu et place de l’ancienne chapelle jugĂ©e trop petite (chapelle visible sur le plan cadastral de 1833, accompagnĂ©e d'un cimetiĂšre au nord), est envisagĂ©e. Le conseil municipal de Soulac (dont dĂ©pend encore Le Verdon, Ă©rigĂ© en commune qu'en 1874) n’adoptera cependant le projet qu’en 1867, et les premiers travaux ne dĂ©buteront qu’en 1871, selon les plans de l’architecte Édouard Bonnore[57]. Ce dernier, nĂ© en 1820 Ă  Lesparre, fut Ă©lĂšve de Jules Bouchet (1799-1860), le cĂ©lĂšbre architecte et dessinateur parisien. Il conçut les plans de nombreuses Ă©glises (ou de rĂ©novation d'Ă©glises) du MĂ©doc et de Gironde : Saint-Vivien-de-MĂ©doc, Saint-Christoly-MĂ©doc, Queyrac, Carcans, BĂ©gadan, Saint-Caprais-de-Blaye


Cette date de 1872 et le nom de Bonnore, l’architecte, sont inscrits en plusieurs endroits dans l’église. Cette derniĂšre fut livrĂ©e au moment oĂč Le Verdon Ă©tait en train de devenir commune autonome. Il s'ensuit une Ă©tonnante et difficile passe d'armes entre les deux communes de Soulac et du Verdon. Pendant plusieurs annĂ©es, elles ne s’entendent pas sur le qui doit payer quoi, ne se mettent pas d’accord sur qui a commandĂ© les travaux, des malfaçons venant compliquer le problĂšme. L’entrepreneur Kotniski ne reçoit pas le solde de toutes ses factures. Personne ne veut prendre en charge les travaux de rĂ©parations Ă  la suite des malfaçons constatĂ©es.

Comme la plupart des Ă©glises construites en France dans la seconde moitiĂ© du XIXe, l'Ă©glise du Verdon est de style nĂ©ogothique. Son plan est en forme de croix latine. L’église comporte une nef de trois travĂ©es suivie d’un transept (formant les bras de la croix latine) puis du chƓur dans la partie prolongeant la nef. Une simple grille assure la sĂ©paration du chƓur de la nef. La nef, le transept et le chƓur sont tous trois voutĂ©s d’ogives. Les fonts baptismaux sont situĂ©s Ă  l’entrĂ©e Ă  gauche. Un monument Ă  la mĂ©moire des morts de la guerre 1914-1918 a Ă©tĂ© Ă©rigĂ© dans un des bras du transept. De nombreuses baies ornĂ©es de verriĂšres dont les vitraux ont des formes gĂ©omĂ©triques donnent le jour dans l'Ă©glise. Dans le chƓur Ă  cinq pans, on trouve des baies aveugles surmontĂ©es, elles aussi, de vitraux. Certains de ces vitraux encore en place ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©s par Jean-Baptiste LeuziĂšre (1817-1889), maĂźtre verrier Ă  Bordeaux, et son fils Pierre, nĂ© en 1844, qui ont travaillĂ© dans de nombreuses Ă©glises de la rĂ©gion. Des vitraux ont Ă©tĂ© cependant endommagĂ©s pendant la Seconde Guerre mondiale : le remplacement ou la restauration de ces derniers ont Ă©tĂ© accomplis par l'atelier Gustave Pierre Dagrant[58] (1839-1915), aprĂšs-guerre : bien que dĂ©cĂ©dĂ© depuis longtemps, sa signature a continuĂ© Ă  ĂȘtre apposĂ©e par ses successeurs.

Un monument aux morts a Ă©tĂ© Ă©levĂ©, en avant de l'Ă©glise, en 1922, face Ă  l'entrĂ©e principale. C'est une sculpture de FrĂ©dĂ©ric Balthazar, dit Freddy, Stoll reprĂ©sentant un poilu au garde-Ă -vous, le dos tournĂ© Ă  l'entrĂ©e de l'Ă©glise, en bout de la place. Les inscriptions sont sur le monument « LE VERDON SUR MER À SES ENFANTS MORTS POUR LA FRANCE » et sur la plaque commĂ©morative, on retrouve les noms des morts de 1914-1918, de 1939-1945, de la guerre d'Indochine (1946-1954) et de la guerre d'AlgĂ©rie (1954-1962.

Le « Versailles de la mer », le « phare des rois », le « roi des phares »
Localisation du phare de Cordouan

Le moins que l'on puisse dire, c'est que le magnifique phare de Cordouan n'usurpe pas tous les surnoms, tous les qualificatifs qu'on lui donne rĂ©guliĂšrement. Le moindre article, le moindre reportage, la moindre Ă©vocation sont emplis de louanges, d'Ă©loges on ne peut plus mĂ©ritĂ©s. ExtĂ©rieurement dĂ©jĂ , l'un des plus anciens et le plus remarquable des phares isolĂ©s en mer, dresse son Ă©lĂ©gante et imposante silhouette de 68 mĂštres de haut, au large de l'embouchure de la Gironde. Outre cet aspect gĂ©nĂ©ral qui sĂ©duit immĂ©diatement, toutes les dĂ©corations extĂ©rieures et intĂ©rieures sont de rĂ©elles beautĂ©s qui attirent le regard. Il en va ainsi de toutes les menuiseries en chĂȘne massif et des ferrures en bronze poli. Au premier Ă©tage, l'appartement du Roi, au second Ă©tage, la chapelle et ses quatre beaux vitraux suffisent pour programmer une visite. Que dire de la perspective de puits lorsqu'on gravit les 301 marches, puis du magnifique panorama Ă  360 degrĂ©s qui vous est offert lorsqu'on est tout en haut ? Cette audacieuse et imposante construction, au beau milieu de l'OcĂ©an Atlantique, fait honneur Ă  la science et Ă  l'art des ingĂ©nieurs français.

Phare de Cordouan à marée basse : à gauche, la poterne d'accÚs ouverte : 7 marches extérieures, puis 18 marches intérieures pour pénétrer dans la cour de la plate-forme

L'origine du nom de « Cordouan » n'est pas avĂ©rĂ©. On a pu penser que celui-ci se rattachait au nom de la ville de Cordoue dont les relations commerciales avec Bordeaux sont attestĂ©es par des chroniqueurs du XIIIe siĂšcle. Ceci n'a pas pu ĂȘtre prouvĂ©.

Par contre, l'Ăźle de Cordouan apparaĂźt :

  • en 1367, sur la mappemonde de Domenico et Francesco Pizzigano, connus sous le nom des frĂšres Pizzigani (en) avec l'appellation de " Cordo " ;
  • sur la mappemonde peinte sur parchemin par ordre de Henri II sur des donnĂ©es recueillies sous le rĂšgne de François 1er, en 1542, sous le nom de " Cordan " ;
  • en 1545, dans le plan joint au manuscrit intitulĂ© « Cosmographie » de Jean Alfonse et Paulin Secalart, sous le nom de " Ricordane " ;
  • en 1586, dans la carte annexĂ©e aux instructions hollandaises de Lucas Janszoon Waghenaer, sous le nom de " Cordam "[59] ;
  • sur la carte de Cassini (vers 1737 : triangulation des cĂŽtes de Poitou et Gascogne) sous le nom de " Cordonan "[60] : il est possible, lorsqu'on consulte les cartes postĂ©rieures Ă  celle-ci, que le « n », selon la police de caractĂšre utilisĂ©e, ou parce qu'il a Ă©tĂ© Ă©crit nĂ©gligemment, puisse Ă  un moment donnĂ© avoir Ă©tĂ© confondu avec un « u » ;
  • sur les diffĂ©rentes cartes du XVIIIe (Voir bibliothĂšque Gallica) sous le nom de "Courdouan"[61] - [62] avant de trouver enfin, fin XVIIIe, la graphie de Cordouan[63].
    Phare de Cordouan à marée haute : poterne fermée

Aux alentours du IXe siĂšcle, le plateau rocheux de Cordouan Ă©tait rattachĂ© Ă  la terre de la pointe de Grave, sĂ©parĂ© seulement par un Ă©troit chenal au moment des hautes mers, tel que semble le prouver la nature mĂȘme des rochers : calcaires lutĂ©tiens. Cette particularitĂ© fait que la commune du Verdon peut revendiquer la paternitĂ© du phare, d'autres communes souhaitant parfois se l'approprier. Il se trouve sur le territoire de la commune du Verdon-sur-Mer, sur la parcelle numĂ©ro 1 du cadastre, et les verdonnais en tirent une immense fiertĂ©.

Progressivement, Ă  cause des marĂ©es et des forts courants, le platin de Grave, tel que l'on nomme cette partie entre le phare de Cordouan et le Rocher de Saint-Nicolas, s'est plus ou moins dĂ©sagrĂ©gĂ©, formant dĂ©sormais la passe sud, rendant impossible la possibilitĂ© de se rendre Ă  pied Ă  Cordouan, mĂȘme en pĂ©riode de basse mer.

Longtemps, les hommes ont surtout naviguĂ© de jour, utilisant pour se guider non encore des phares, mais tous les repĂšres qu’ils pouvaient identifier sans ambiguĂŻtĂ©, repĂšres appelĂ©s amers par les marins : clochers, tours, collines, montagnes, rochers, maisons
 La navigation s’est donc dĂ©veloppĂ©e au dĂ©but par les cĂŽtes, cabotage, puis Ă  l’estime. Pour naviguer de nuit, par contre, les seuls points de repĂšres visibles Ă©taient les Ă©toiles, notamment l’étoile polaire, et les constellations, ainsi que toutes les lumiĂšres repĂ©rables et identifiables venant de la terre. Encore fallait-il pour pouvoir naviguer de nuit que le ciel soit dĂ©gagĂ©, qu’il ne fasse pas mauvais temps. Concernant l’étoile polaire, elle occupe toujours la mĂȘme position, pratiquement au-dessus du pĂŽle Nord, et est suffisamment lumineuse pour avoir servi de guide aux marins depuis l’AntiquitĂ©. L’équivalent pour l’autre hĂ©misphĂšre est l’étoile nommĂ©e Sigma Octantis, la plus proche du pĂŽle sud cĂ©leste mais qui est peu lumineuse : les marins des mers du sud utilisaient plutĂŽt l’étoile Beta Hydri pour trouver la direction du pĂŽle sud, d’une moins grande prĂ©cision que l’étoile polaire pour le pĂŽle nord. Le dĂ©veloppement d’instruments astronomiques et d’outils au Moyen Âge tels l’astrolabe nautique, la boussole et surtout le compas, a permis de mieux se repĂ©rer en mer. L’utilisation du gouvernail d’étambot au XIIe, puis l’invention de la caravelle par les Portugais ont facilitĂ© les manƓuvres, et permis au XVe siĂšcle les Grandes DĂ©couvertes.

C’est dans ce contexte que les hommes, en France, aux alentours du XVIIIe, dĂ©veloppent des ports de commerce colonial et crĂ©ent de nombreuses tours Ă  feu pour guider les marins et signaler les Ă©cueils et les hauts-fonds. Cependant, on estime que plusieurs tours ont Ă©tĂ© construites bien avant, sur l’ülot de Cordouan, Ă  partir du VIIe siĂšcle Ă  cause de la dangerositĂ© de l’endroit. Certains Ă©voquent ainsi, au VIIIe siĂšcle, une tour sarrasine (peut-ĂȘtre pour mieux Ă©tayer l'hypothĂšse de l’origine du mot Cordouan, venant de Cordoue). Cette derniĂšre aurait Ă©tĂ© occupĂ©e par des ermites qui alertaient les marins du danger en « sonnant du cornet »[64].

Cordouan, propriété du Verdon-sur-Mer, parcelle no 1 du cadastre

Au IXe siĂšcle, sous le rĂšgne de Louis Le Pieux, (Roi d'Aquitaine de 781 Ă  814, puis Roi des Francs, Empereur d'Occident jusqu'en 840), une tour avec un fanal (grosse lanterne) marquait l’entrĂ©e de l'estuaire Ă  l'intention des navires : des fanaux mĂ©diĂ©vaux ont ainsi Ă©tĂ© longtemps entretenus par des ermites venus s'installer sur l'Ăźlot.

Bien que le mot « phare » existe depuis au moins l'Antiquité, on a tardé à l'utiliser en France, on parlait encore au XVIIe de tours à feu, puis au début du XIXe, il était toujours question de « tours », sans plus de précision (voir cartes anciennes).

« Phare » vient du nom de l'ancienne Ăźle de Pharos (aujourd'hui rattachĂ©e au continent), oĂč Ă©tait Ă©difiĂ© le phare d'Alexandrie en Égypte, une des Sept Merveilles du monde.

Rabelais semble avoir été le premier à avoir utilisé le mot « phare » en français en 1546, dans le Tiers Livre, puis en 1552 dans le Quart Livre[65].

Longtemps, pour Cordouan, on a parlĂ© de la tour du Prince Noir, puis de la tour de Cordouan. La dĂ©nomination « Phare de Cordouan » est postĂ©rieure mĂȘme Ă  la commande du phare, en 1584.

Sur la carte de la Guyenne de Pierre de Belleyme datant du début du XIXe siÚcle, il est toujours écrit « Tour de Cordouan »[66].

L'historien Jules Michelet, dans son livre « La Mer », écrit en 1861, parle ainsi des phares :

« Les tĂ©nĂšbres disparurent de la face de nos mers. Pour le marin qui se dirige d’aprĂšs les constellations, ce fut comme un ciel de plus que la France fit descendre... Elle varia la couleur, la durĂ©e, l’intensitĂ© de leur scintillation...aux uns, elle donna la lumiĂšre tranquille, qui suffit aux nuits sereines ; aux autres, une lumiĂšre mobile tournante, un regard de feu qui perce aux quatre coins de l’horizon. »

Jules Michelet a eu tout le loisir d'observer le phare de Cordouan lorsqu'il sĂ©journa six mois sur la cĂŽte charentaise, en 1859 : il pouvait l'apercevoir en ouvrant sa fenĂȘtre dĂšs le matin, il en fit une description brillante :

« L’audace, en vĂ©ritĂ©, fut grande de bĂątir dans le flot mĂȘme, que dis-je ? dans le flot violent, dans le combat Ă©ternel d’un tel fleuve et d’une telle mer
 Il est cependant lui seul la lumiĂšre de cette mer
Pendant six mois de sĂ©jour que nous fĂźmes sur cette plage, notre contemplation ordinaire, je dirai presque notre sociĂ©tĂ© habituelle, Ă©tait Cordouan. Nous sentĂźmes combien cette position de gardien des mers, de veilleur constant du dĂ©troit, en faisait une personne
 »

Le phare de Louis de Foix
Phare de Cordouan de Louis de Foix, au début du XVIIe siÚcle, sous Henri IV

Jacques II de Goyon, seigneur de Matignon, maréchal de France (qui décÚdera au chùteau de Lesparre) est nommé gouverneur de Guyenne en 1584. Il se préoccupe à son tour de la sécurité de la navigation dans l'estuaire. Il passe commande du phare de Cordouan à l'ingénieur-architecte Louis de Foix, phare achevé de construire en 1611 : ce dernier ouvrage subsiste en partie aujourd'hui.

À la fin du XVIe siĂšcle, Cordouan n'est plus du tout rattachĂ© Ă  la terre ferme, c'est devenu une Ăźle : la difficultĂ© pour Louis de Foix d'acheminer les matĂ©riaux en bateau sur le chantier en est l'attestation.

Louis de Foix, dont on dit qu'il est originaire de la région dont il porte le nom, n'est pas n'importe qui : c'est un ingénieur architecte reconnu, d'un réel mérite : il a travaillé en Espagne, notamment à la construction du Palais de l'Escurial. Il est nommé par le roi Henri III, en 1582, ingénieur de la Tour de Cordouan. Il signe le 2 mars 1584, en présence de son ami Michel de Montaigne, maire de Bordeaux, le contrat par lequel il s'engageait à construire le phare en deux ans. Malheureusement, les mécomptes de toutes sortes ne manquÚrent pas : difficultés des travaux en pleine mer, manque de fonds, guerres de religion


Son Ɠuvre absorba plus de dix-huit ans de sa vie et la somme prĂ©vue des dĂ©penses et frais de travaux fut considĂ©rablement dĂ©passĂ©e : plus de trois fois les prĂ©visions du marchĂ©. Louis de Foix, n'Ă©tant plus payĂ© malgrĂ© de nombreuses rĂ©clamations, ruinĂ© par ses avances de fonds et les dettes qu'il avait contractĂ©es pour continuer les travaux, disparaissait aprĂšs 1602 (vers 1604?), sans que l'on sache ce qu'il Ă©tait devenu, ni les lieux de sa mort et de sa sĂ©pulture. Certains affirment qu'il fut inhumĂ© secrĂštement sur l'Ăźlot mĂȘme de Cordouan.

Son fils, Pierre de Foix, reprend sa succession, mais ruinĂ©, il transmet le flambeau Ă  François Beuscher, ancien conducteur de travaux de Louis de Foix qui termine son Ɠuvre en 1611 (sous le rĂšgne de Louis XIII), soit 27 ans aprĂšs la signature du contrat. C'est François Beuscher qui acheva la plate-forme et le parapet prĂ©servant la tour des fureurs de la mer.

Moins de cinquante ans plus tard aprĂšs l'achĂšvement des travaux, vers 1645, l’état du phare, soumis aux intempĂ©ries, s’est fortement dĂ©gradĂ©. La foudre a dĂ©truit le fanal. Colbert, alertĂ© de la colĂšre des marins depuis que le feu n’est plus allumĂ© par les gardiens, envoie le chevalier de Clerville pour une inspection. Durant trois ans, de 1665 Ă  1667, des travaux de rĂ©parations sont effectuĂ©s par un architecte nommĂ© Dominique.

En 1717, la lanterne, dont la combustion était à l'huile à l'origine, connaßt de nouveaux problÚmes : le feu a calciné tout le pourtour en pierre. Il est alors décidé de remplacer, à l'exemple des anglais, la combustion à l'huile qui en est responsable par une combustion au charbon.

L'utilisation du charbon pour faire fonctionner le fanal présenta rapidement de terribles inconvénients : les gardiens du feu devaient l'acheminer au sommet de la tour dans des paniers, c'était trÚs usant, trÚs inconfortable. Chaque nuit, la quantité de charbon à transporter était conséquente : plus de cent kilos ! Il apparut dÚs lors nécessaire de revenir au fonctionnement à l'huile.

Menaçant de s'effondrer, présentant un réel danger, toute la partie haute fut démolie en 1719. Le phare ainsi abaissé d'environ sept mÚtres n'était plus visible d'aussi loin, et les marins se plaignirent de nouveau.

La lanterne dĂ©truite en 1719 fut alors rĂ©tablie en 1726 : pose d'une lanterne en fer, remplaçant celle en pierre, Ă  la mĂȘme hauteur qu'auparavant avec une.

C'est à cette époque, en 1722, que la tour de Cordouan qui dépendait jusque-là de l'intendance de La Rochelle passa dans celle de Guyenne, dépendant désormais de la généralité de Bordeaux.

En 1739, afin d'amĂ©liorer l'accĂšs au phare, une chaussĂ©e de dĂ©barquement pierrĂ©e d'environ 260 mĂštres fut construite. Celle-ci, dĂ©couverte Ă  marĂ©e basse, a Ă©tĂ© dĂ©gradĂ©e par les Ă©lĂ©ments, mais est toujours en place. Elle a Ă©tĂ© nettoyĂ©e et consolidĂ©e tout rĂ©cemment en 2020. De gros blocs de ciment acheminĂ©s par hĂ©licoptĂšre ont Ă©tĂ© posĂ©s sur les cĂŽtĂ©s pour la protĂ©ger.

De la tour de Louis de Foix au phare de Cordouan

Architecte et ingénieur, Joseph TeulÚre (1750-1824) séjourna de longs mois à Cordouan, apportant de nombreuses améliorations à la tour. S'inspirant des progrÚs de l'époque en matiÚre d'éclairage public (réverbÚres), il s'attache à l'amélioration des réflecteurs. Il est à l'origine des réflecteurs paraboliques et du mécanisme à feu tournant perfectionnés par Augustin Fresnel. Il exhaussa la tour de vingt mÚtres en 1788 et 1789, intervenant seulement sur le troisiÚme étage. Les travaux portent alors le feu à soixante mÚtres au-dessus des hautes mers. C'est cette nouvelle tour qui constitue le phare actuel[67].

En juillet 1823, Augustin Fresnel, le grand ingĂ©nieur de la Commission des phares de France installe lui-mĂȘme Ă  Cordouan le premier appareil lenticulaire de sa conception. Il avait pratiquĂ© des essais de sa lentille auparavant, en 1822. Ce dispositif avait notamment Ă©tĂ© testĂ© sur l'Arc de Triomphe. Admiratif, l'historien Jules Michelet en parle dans son livre « La Mer » :

« une lampe forte comme quatre mille, et qu’on voit Ă  douze lieues »

Vers 1800, une commission des phares est créée.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les phares de la Pointe de Grave ont Ă©tĂ© rĂ©quisitionnĂ©s par les Allemands. Curieusement, Ă  la fin de la guerre, ils ont tout dĂ©truit, sauf les phares. Sans doute, ils en avaient trop besoin, en un endroit si dangereux, afin d'assurer la nuit, la propre sĂ©curitĂ© de leurs bateaux de la Kriegsmarine. Ils avaient repeint entiĂšrement en vert-de-gris le phare de Cordouan (mĂȘme Ă  l'intĂ©rieur !), sans doute pour tenter de le dissimuler le jour aux avions alliĂ©s.

Depuis, aprÚs guerre, de nombreux travaux d'entretien, de réparation, voire de restauration ont été entrepris à Cordouan sous la surveillance du MinistÚre de la Culture (monument historique) et de l'administration des Phares et Balises.

Ce furent d'abord des travaux d'intérieurs à partir des années 1950, puis des travaux extérieurs dans les années 1980 : le sel, les embruns, les assauts de la mer (houle ou vagues) attaquant la pierre, on refit les maçonneries s'assurant de l'étanchéité, terminant pour la partie basse par la réalisation d'une couronne en béton armé.

Son feu

Chaque phare est unique ne serait-ce que par le signal lumineux qu’il envoie aux marins. Il est nĂ©cessaire que ce signal soit bien identifiable, qu’il soit repĂ©rable et compris par les usagers de la mer. Selon l’endroit, le feu des phares peut ĂȘtre fixe, orientĂ© en n’éclairant qu’une direction, ou bien rythmĂ© avec des pĂ©riodes d’occultation et des temps d’éclairage plus ou moins longs, parfois de couleur ; certains sont dits « Ă  Ă©clairs, ou « Ă  Ă©clats ».

Entrer dans l’estuaire de la Gironde est si difficile que c’est une conjonction de plusieurs phares, en plus des bouĂ©es, qui indique les passes. Outre Cordouan, on trouve le phare de la Coubre Ă  La Tremblade, le phare de Saint-Nicolas, le phare de Grave, le phare de Terre-NĂšgre, Ă  Saint-Palais-sur-mer. Il y avait aussi autrefois le phare de ValliĂšres Ă  Saint-Georges-de-Didonne qui a fonctionnĂ© jusqu’en 1969. À la Palmyre, en 1960, Ă  l'emplacement de l'ancien phare, a Ă©tĂ© construit un radiophare.

Cordouan est un phare Ă  occultations : sa lumiĂšre est fixe (ampoule de 250 watts) mais trois panneaux de couleur passent devant celle-ci selon des Ă©carts rĂ©guliers, et la lampe s'allume et s'Ă©teint selon un tempo bien Ă©tabli. En douze secondes, on a trois secondes et six dixiĂšmes de lumiĂšre longue, une seconde et deux dixiĂšmes d’obscuritĂ©, une seconde et deux dixiĂšmes de lumiĂšre courte, une seconde et deux dixiĂšmes d’obscuritĂ©, trois secondes et six dixiĂšmes de lumiĂšre longue, une seconde et deux dixiĂšmes d’obscurité  Ce tempo s’agrĂ©mente de couleurs qui indiquent des zones autour du phare. Les trois panneaux d’occultation sont colorĂ©s : un vert et un blanc qui indiquent les passes, un rouge pour le secteur interdit Ă  la navigation. La portĂ©e de la lumiĂšre longue (blanche) est d’environ quarante kilomĂštres grĂące Ă  la lentille de Fresnel. La portĂ©e du feu est lĂ©gĂšrement diminuĂ©e pour les secteurs vert et rouge[68].

Outre son feu, l’unicitĂ© du phare de Cordouan tient pour beaucoup aussi de son lien Ă©troit avec les Rois.

La chapelle royale Notre-Dame de Cordouan
  • Notre-Dame de Cordouan
  • L'autel en 2014 avant la restauration de la chapelle en 2020
    L'autel en 2014 avant la restauration de la chapelle en 2020
  • Vitraux reprĂ©sentant Sainte Sophie et Saint-Pierre
    Vitraux représentant Sainte Sophie et Saint-Pierre
  • Vitraux reprĂ©sentant Sainte Anne et Saint Michel
    Vitraux représentant Sainte Anne et Saint Michel
  • DĂ©tail vitrail, Sainte Anne
    DĂ©tail vitrail, Sainte Anne
  • DĂ©tail vitrail, Saint Michel
    DĂ©tail vitrail, Saint Michel

Si le projet, initiĂ© par Henri III en 1584, ne prĂ©voyait pas encore l’adjonction d’une chapelle, les Ă©vĂšnements vont prĂ©cipiter les choses. En pleine guerre de Religion (huitiĂšme guerre de religion de 1585 Ă  1598), il s’agit de rendre hommage Ă  son successeur, le « bon roi Henri » qui vient de se convertir au catholicisme. Comme c’est le cas lors de la construction des chĂąteaux royaux, Louis de Foix ajoute alors Ă  son projet, en 1593 (annĂ©e mĂȘme de l'abjuration d'Henri IV), l’amĂ©nagement d’une chapelle « royale » dans la tour mĂȘme de Cordouan. On ne pourra jamais cependant qualifier cette chapelle de palatine, aucun roi en personne n’ayant fait le dĂ©placement jusqu’à Cordouan. Tel Ă©tait pourtant sans doute le but, mais ni Henri III assassinĂ© en 1589, ni Henri IV assassinĂ© en 1610 n’auront le temps ni le loisir de se rendre Ă  Cordouan, la tour n’étant terminĂ©e qu’en 1611. BaptisĂ©e Notre-Dame de Cordouan, la chapelle fut la salle amĂ©nagĂ©e en dernier au second Ă©tage.

Chacun s’accorde Ă  dire qu’elle est trĂšs belle. Faite de pierre blanche de Saintonge comme Fort Boyard, la corderie royale et l'arsenal de Rochefort, elle comporte quatre magnifiques vitraux groupĂ©s deux par deux reprĂ©sentants Saint Pierre (Petrus), Saint Michel, Sainte Sophie et Sainte Anne (parfois Ă©crit « Saint Anne », prĂ©nom Ă©picĂšne donnĂ© sous l'Ancien RĂ©gime Ă  des hommes de la noblesse tels Anne de Noailles ou Anne de Montmorency). Sur les vitraux de Cordouan, les noms sont Ă©crits en latin : Stus Petrus, Stus Michael, Sta Sophia, Sta Anna. La chapelle de Cordouan est voutĂ©e, circulaire, Ă©pousant la forme du phare, son sol est pavĂ© de marbre (gris rayĂ© de larges bandes noires). Elle comporte cinq niches et un oculus. L’autel est de marbre blanc. Deux Ă©normes coquillages, de part et d’autre, tiennent lieu de bĂ©nitiers. Les bustes qui se trouvaient dans deux des niches, ceux de Louis XIV et Louis XV, ont Ă©tĂ© enlevĂ©s Ă  la RĂ©volution. Des Rois, ne subsiste dans cette chapelle que deux monogrammes sur les murs, au-dessus des vitraux, celui d’Henri III (HDV III : Henri de Valois, le troisiĂšme) et celui d’Henri IV (HDB IIII, Henri de Bourbon, le quatriĂšme).

Bien que peu utilisĂ©e, cette chapelle a servi Ă  faire quelques cĂ©lĂ©brations : au XVIIIe siĂšcle, un moine du couvent des RĂ©collets de Royan venait tous les dimanches et jours de fĂȘte, selon le temps, y cĂ©lĂ©brer une messe. Depuis, plusieurs mariages ont Ă©tĂ© cĂ©lĂ©brĂ©s au phare dont un en grande pompe, terminĂ© par un feu d'artifice, avec quatre-vingts invitĂ©s : le nombre en avait Ă©tĂ© limitĂ©. Il y eut aussi des baptĂȘmes et des pĂšlerinages mariaux, le dernier le 5 mai 2018.

Les autres salles
  • Le vestibule au rez-de-chaussĂ©e. Cette salle carrĂ©e comporte des petites niches ayant un temps servies aux gardiens comme chambres Ă  coucher. DĂ©sormais, leur lieu de vie, cuisine et chambres, se trouve Ă  l'extĂ©rieur du phare, dans la cour (couronne du phare).

C'est ici que se situe l'entrĂ©e de l'escalier Ă  vis permettant d'accĂ©der Ă  l’appartement du Roi et Ă  la Chapelle. Cette entrĂ©e est dĂ©corĂ©e de motifs Ă  feuilles, fruits
 Au-dessus de la porte, un visage sculptĂ©, et cette inscription : « Ce phare a Ă©tĂ© restaurĂ© sous le rĂšgne de NapolĂ©on III MDCCCLV ». De fait, on trouve d’autres plaques dans le phare rappelant les nombreuses restaurations : 1665, 1727, 1789 (signature de Jean Besse aĂźnĂ©, responsable des tailleurs de pierre)


Toutes les autres salles, si elles ne sont pas « royales » sont trÚs belles aussi. Il y a, à partir du troisiÚme étage :

  • la salle des Girondins. En hommage aux dĂ©putĂ©s girondins pendant la rĂ©volution, cette salle est la premiĂšre salle construite lors de l’élĂ©vation de la tour de vingt mĂštres, sous la responsabilitĂ© de Joseph TeulĂšre ;
  • la salle du contrepoids, au quatriĂšme Ă©tage. Comme son nom l’indique, cette salle abritait jusqu’en 1987, le contrepoids servant Ă  rythmer le feu de Cordouan ;
  • la salle des lampes au cinquiĂšme Ă©tage. C’était lĂ  qu’étĂ© stockĂ© tout le matĂ©riel d’éclairage, notamment les diffĂ©rents combustibles utilisĂ©s au fil du temps : bois, charbon, blanc de baleine, huile, pĂ©trole
, groupes Ă©lectrogĂšnes ;
  • la chambre de veille au sixiĂšme Ă©tage. Cette piĂšce toute lambrissĂ©e du sol au plafond, autrefois Ă©quipĂ©e de lits, Ă©tait utilisĂ©e par les gardiens chargĂ©s de la surveillance de la lanterne.

Le phare fut aussi dĂ©corĂ©, au fil des rĂ©novations de niches, de pierres ciselĂ©es : masques de lions, fleurs, fruits, macarons, volutes, tĂȘtes fĂ©minines


Le phare de Cordouan, site classé au patrimoine mondial de l'UNESCO

ClassĂ© monument historique la mĂȘme annĂ©e que Notre-Dame de Paris en 1862 (voir base MĂ©rimĂ©e), le phare de Cordouan a prĂ©sentĂ© sa candidature dĂšs 2016 pour ĂȘtre inscrit au Patrimoine Mondial de l'Organisation des Nations Unies pour l'Ă©ducation, la science et la culture (UNESCO).

Les Ă©lus de Gironde et de Charente-Maritime avaient mis en avant cette proposition de candidature souhaitant amener un Ă©lan populaire autour de celle-ci.

En Gironde, sept sites seulement sont dĂ©jĂ  classĂ©s par l’UNESCO dont la citadelle de Blaye, le Port de la Lune, le village mĂ©diĂ©val de Saint-Émilion, ou la Basilique Notre-Dame-de-la-Fin-des-Terres, Ă  Soulac.

Le 31 janvier 2020, le prĂ©sident de la RĂ©publique, Emmanuel Macron choisit officiellement Cordouan pour concourir au nom de la France. C’était dĂ©jĂ  une premiĂšre victoire pour le Syndicat Mixte pour le DĂ©veloppement Durable de l'Estuaire de la Gironde (SMIDDEST) qui a dĂ©posĂ© la candidature, un seul site par an et par pays pouvant concourir.

Le phare de Cordouan possĂ©dait beaucoup d’atouts laissant espĂ©rer un rĂ©sultat positif Ă  cette sollicitation : c’est le plus ancien phare de France, inaugurĂ© en 1611, l’unique phare en mer encore en activitĂ©. Il reçoit environ 20 000 visiteurs par an[69]. Jusqu'en 2021, un seul phare Ă©tait inscrit au Patrimoine mondial de l'humanitĂ© : il s'agit de celui de la Corogne en Espagne, la tour romaine dite d'Hercule.

Un gros chantier de rénovation du phare de Cordouan avait été lancé pour soutenir la candidature dÚs 2010, la fin des travaux étant prévue en 2021. En 2005 déjà, une premiÚre campagne de travaux s'était concentrée sur l'extérieur : un bouclier avait été construit pour protéger la structure. Les pierres mangées par le sel avaient été remplacées, les joints refaits.

La chapelle a Ă©tĂ© finie d'ĂȘtre entiĂšrement restaurĂ©e en 2020 de mĂȘme que l'appartement du Roi.

L'État, les deux dĂ©partements de Gironde et de Charente-Maritime ainsi que la RĂ©gion ont participĂ© aux dĂ©penses Ă©valuĂ©es Ă  une dizaine de millions d'euros. Ces travaux concernaient principalement l'Ă©tanchĂ©itĂ© extĂ©rieure du phare, la rĂ©novation de la chapelle et de sa coupole Ă  caissons et l'appartement du Roi. Des compagnons, tailleurs de pierre, maçons, sculpteurs sont restĂ©s sur place, hĂ©bergĂ©s la semaine, mettant la pierre Ă  nu ou la remplaçant par d'autres pierres prĂ©sentant les mĂȘmes caractĂ©ristiques[70].

La dĂ©cision de l'Unesco concernant le classement au patrimoine mondial de Cordouan devait ĂȘtre connue durant l'Ă©tĂ© 2020 lors d'une rĂ©union de l'AssemblĂ©e gĂ©nĂ©rale, en Chine. Malheureusement, pas de chance encore pour Le Verdon-sur-Mer, aucune rĂ©solution n'a pu ĂȘtre prise en 2020, toutes les rĂ©unions programmĂ©es ont dĂ» ĂȘtre annulĂ©es pour cause d'Ă©pidĂ©mie de coronavirus (Covid-19).

La bonne nouvelle est enfin tombée le 24 juillet 2021 : réuni ce jour à Fuzhou, ville-préfecture de la province chinoise du Fujian, le comité du patrimoine mondial de l'UNESCO inscrit le phare de Cordouan sur la liste des sites exceptionnels considérant qu'il remplissait bien les critÚres de sélection.


Destruction des symboles de la royauté à Cordouan

À Cordouan, tous les bustes en marbre des Rois ont disparu : Henri III, Henri IV, Louis XIII, Louis XIV, Louis XV : subsistent seulement dans la chapelle royale, les monogrammes d'Henri III et d'Henri IV et ceux entrelacĂ©s de Louis XIV et Marie-ThĂ©rĂšse d'Autriche dans l'appartement du Roi. De chaque cĂŽtĂ© de l'escalier, on peut voir encore dans la chapelle royale, les niches oĂč logeaient les bustes de Louis XIV et Louis XV.

Un développement au XIXe siÚcle

La pointe de Grave connaĂźt un dĂ©veloppement au cours du XIXe siĂšcle : plantation de pins pour stabiliser les sables, travaux de dĂ©fenses cĂŽtiĂšres avec la construction d’épis, construction de la jetĂ©e de la pointe et de Port-Bloc, reconstruction du fort de la Pointe de Grave, construction des phares de Grave et de Saint-Nicolas


1874 sera l'année de la construction de la voie ferrée Bordeaux-Le Verdon qui permettra un désenclavement de la commune et d'envisager un avenir portuaire : celle-ci commencée par tronçons depuis Bordeaux en 1868 n'arrivera au Verdon qu'en 1875 et à la Pointe de Grave, en 1902.

La sĂ©curitĂ© de la navigation Ă  la Pointe de Grave est Ă  cette Ă©poque Ă  l'ordre du jour du ministĂšre de la Guerre et de la Marine qui contrĂŽle le territoire. Plus tard, le Port autonome de Bordeaux et l’Office national des forĂȘts cogĂšreront les terrains de la pointe de Grave.

Le problÚme se posait alors, dÚs le début du siÚcle, de baliser la passe sud de plus en plus utilisée par les petits navires, coupant au plus court, s'évitant le long détour qui consistait à contourner Cordouan

La construction (ou de la reconstruction) de deux phares est décidée, le phare de Grave et le phare Saint-Nicolas.

Phare de Grave

En 1860, le phare de Grave, plusieurs fois détruit, est reconstruit en dur. Une premiÚre tour en maçonnerie avait été édifiée en 1838 qui fut détruite par l'érosion marine. Précédemment, depuis 1823, plusieurs tours équipées de fanaux avaient été construites, parfois en bois.

Phare de la Pointe de "Graves", en 1883

Le phare Ă©tait situĂ© Ă  l'Ă©poque derriĂšre le cordon de dunes, plus prĂšs de l'estuaire que de l'ocĂ©an. Le continuel recul de la cĂŽte, prĂšs de deux kilomĂštres au XVIIIe siĂšcle, l'a considĂ©rablement rapprochĂ© de l'ocĂ©an, comme on peut le voir aujourd'hui. La tour est de forme carrĂ©e et s'Ă©lĂšve Ă  28 mĂštres. Il faut monter 120 marches pour accĂ©der Ă  la lanterne : les 86 premiĂšres marches sont faites de pierre et, dans la partie la plus haute, on compte 34 marches mĂ©talliques. En 1860, il est construit de part et d'autre du phare deux logements de gardiens.

Bateau "Le Matelier" dans la cour du musée de Cordouan

L'électrification du phare en 1954 permettra le remplacement du pétrole utilisé depuis 1911 pour faire fonctionner la lanterne, ainsi que l'automatisation. Le phare est transformé en musée depuis 1999 : dénommé « Musée du Phare de Cordouan et des Phares et Balises », cinq salles accueillent le public. Une grande partie est consacrée au Phare de Cordouan montrant à travers plusieurs maquettes son évolution. Dans la cour, depuis 2011, « le Matelier », bateau chargé d'assurer les relÚves du phare, amenant les gardiens ou les ramenant à Port-Bloc, y est exposé. Pendant plus de trente années, de 1962 aux années quatre-vingt-dix, parfois dans des conditions périlleuses à cause du mauvais temps, il a ainsi fait des navettes entre le phare et le port transportant hommes et provisions. Il était utilisé aussi par le Service des Phares et Balises en tant qu'annexe des baliseurs, en particulier dans l'estuaire jusqu'à Pauillac.

Phare Saint-Nicolas

Le Phare Saint-Nicolas

Le ministÚre des Travaux Publics, sous la TroisiÚme République, vote des crédits, en 1871, pour la construction d'un phare, le phare Saint-Nicolas, juste aprÚs la construction d'un autre phare sur l'estuaire, le phare de Richard<[71].

Il est raisonnable de penser que le nom « Saint-Nicolas » fut le nom donnĂ© et choisi par les moines du prieurĂ© de Grave qui s'est installĂ© Ă  proximitĂ© : il daterait donc des alentours de 1090 (installation du prieurĂ© Saint-Nicolas-de-Grave). C'est, en effet, peu probable, que le nom d'un saint fut choisi avant cette installation pour dĂ©signer un endroit isolĂ© de forĂȘt, au lieu-dit La Claire. Le rocher du mĂȘme nom, Rocher Saint-Nicolas, situĂ© lĂ©gĂšrement plus au sud, Ă©mergeant Ă  marĂ©e basse, et qui est le dĂ©but de l'Ăźlot de Cordouan, aurait donc reçu son nom postĂ©rieurement Ă  cette date.

Construit au milieu de la forĂȘt, le phare Saint-Nicolas, lui aussi, s'est de plus en plus rapprochĂ© de l'ocĂ©an avec l'Ă©rosion marine. D'une hauteur moindre, un peu plus de douze mĂštres, son feu, contrairement aux deux autres phares de la Pointe de Grave, est fixe et orientĂ© : il n'Ă©claire que d'un cĂŽtĂ© de maniĂšre Ă  ĂȘtre bien repĂ©rable des navires. Il Ă©tait gardĂ© jusqu'en 1936 (annĂ©e de son dĂ©classement), le gardien logeant dans une maison contiguĂ« au phare, dĂ©truite en 1964. Fonctionnant au pĂ©trole depuis sa construction, il fut Ă©lectrifiĂ© en 1948. Pour accĂ©der au feu, il faut gravir 32 marches en bois, mais arrivĂ© en haut, on ne peut profiter d'aucun panorama, le phare n'ayant pas de galerie Ă  son sommet comme Ă  Cordouan ou au phare de Grave.

Lutte contre l'Ă©rosion marine

JetĂ©e de Pointe de Grave en 2008 (Royan et son Ă©glise en face). On peut voir les anciens rails utilisĂ©s autrefois par le Port autonome pour enrocher la jetĂ©e, et deux pĂȘcheurs tout au bout
La jetée du bout de la pointe vue depuis l'estuaire. L'océan est derriÚre la jetée (PremiÚre digue finie de construire en 1846)

De tout temps, la pointe de Grave, cap fragile, a dû faire face à l'érosion marine. Le trait de cÎte a varié au fil des siÚcles, il n'est qu'à consulter les cartes anciennes pour s'en rendre compte. Pour se protéger, les pouvoirs publics ont longtemps pensé que construire digues et épis suffiraient à protéger le littoral atlantique de la pointe du Médoc.

Au XIXe siĂšcle et pendant plus de cent trente ans, jusqu'au dĂ©but de la Seconde Guerre mondiale, le service des Ponts et ChaussĂ©es entreprend de gros travaux de construction de brise-lames. Afin de limiter les effets des courants, empĂȘcher la mer d'emporter le sable et lutter contre l'avancĂ©e de l'ocĂ©an, ils Ă©difient tout d'abord de nombreux Ă©pis.

La digue perpendiculaire Ă  la jetĂ©e et son amer, et deux pĂȘcheurs cĂŽtĂ© estuaire, des pĂȘcheurs de plus en plus rares Ă  cause de l'ensablement

À partir de 1839, c'est 13 Ă©pis qui seront construits entre le bout de la pointe et la plage de la Claire ainsi qu'un Ă©pi tout au bout. D'autres travaux entrepris par l’État vers 1845 consisteront Ă  ajouter d'autres Ă©pis jusqu'aux Huttes : sept Ă©pis seront construits aprĂšs le Rocher Saint-Nicolas en allant vers Soulac (Voir carte).

Defensive Works of the Pointe de Grave
Carte d'ÉlisĂ©e Reclus publiĂ©e en 1873 montrant les Ă©pis de dĂ©fense contre l'Ă©rosion marine. Les 13 Ă©pis entre la pointe et la Claire sont bien visibles sur cette carte plus un prĂšs de la jetĂ©e du bout de la pointe.

C'est en mĂȘme temps, entre 1844 et 1846, que la jetĂ©e du bout de la pointe fut construite. Des sondages furent effectuĂ©s pour dĂ©terminer l'orientation et la profondeur de l'ouvrage. Le projet initial prĂ©voyait une longueur de 900 mĂštres, mais elle ne fut amĂ©nagĂ©e, comme un Ă©pi, que sur une longueur de 169 mĂštres. On s'aperçut alors de problĂšmes de courant qui creusait la cĂŽte, cĂŽtĂ© riviĂšre : le problĂšme fut rĂ©solu en ajoutant une digue, Ă  l'est et perpendiculairement Ă  la jetĂ©e, en 1848. À son extrĂ©mitĂ©, un amer fut installĂ© indiquant l'entrĂ©e de l'embouchure de la Gironde et l'accĂšs Ă  Port-Bloc.

La Pointe de Grave Ă©tait un hameau de Soulac Ă  l'Ă©poque
Pointe de Grave - Les wagonnets tirés par des chevaux utilisés pour l'entretien de la cÎte

La responsabilitĂ© des travaux de protection de la cĂŽte est transfĂ©rĂ©e au Port autonome de Bordeaux (PAB) Ă  partir de 1939. Son statut de port autonome date de 1920. Rapidement, les voies Ă©troites sont remplacĂ©es par des voies mĂ©triques et le cheval est remplacĂ© par des draisines Ă  moteur Diesel tirant des wagons dĂ©couverts sur lesquels les blocs et tout le matĂ©riel nĂ©cessaires aux travaux Ă©taient chargĂ©s. Une station de pesage pour les wagons se trouvait tout prĂšs de la CitĂ© des Douanes. Le rĂ©seau relativement dense des voies du Port autonome Ă  la Pointe de Grave convergeait vers les ateliers du Port autonome oĂč Ă©taient fait l'entretien et la rĂ©paration du matĂ©riel.

Toutes les voies furent réquisitionnées par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale : elles furent affectées à la construction des blockhaus du Mur de l'Atlantique.

Tous ces travaux sur la cÎte nécessitÚrent d'autres aménagements particuliers. En effet, les matériaux étaient livrés à Port Bloc qui ne s'appelait pas encore ainsi, n'étant qu'une anse non protégée. Celle-ci fut donc aménagée en port afin de faciliter l'acheminement de tous les matériaux nécessaires à la défense cÎtiÚre : rails, traverses des voies, blocs de pierre, rochers
 Ceux-ci, une fois déchargés étaient ensuite directement livrés sur place par les voies déjà aménagées : ils étaient utilisés pour la construction des épis, des digues, des jetées, éperons


Port Bloc

La premiÚre digue du port a été construite entre 1851 et 1855. Elle fut rehaussée en 1877.

En 1895, une longue digue faite de gros blocs en pierre est ajoutée dans le prolongement du port afin de protéger des eaux le fort situé à proximité.

L'origine du nom « Port Bloc » vient justement de tous ces blocs de pierre qui ont transitĂ© avant d'ĂȘtre transfĂ©rĂ©s par voie ferrĂ©e sur toute la cĂŽte, de la pointe jusqu'aux Huttes, au dĂ©but. AdministrĂ© d'abord par les Ponts et ChaussĂ©es, il dĂ©pendra du Port autonome de Bordeaux Ă  partir de 1939. Des pĂȘcheurs y installeront leurs bateaux.

Par ailleurs, l'arrivée en 1875 du chemin de fer au Verdon entraßna l'aménagement d'un ponton tout prÚs de l'entrée du port, servant aux voyageurs pour embarquer (ou débarquer) sur les bateaux reliant la Pointe de Grave à Royan. En 1877, ce ponton se trouvait juste à gauche en sortant du port : il aura disparu avant janvier 1928 (note du Conseil Général). Des bateaux à vapeur qui ont pour noms « L'Union », le « Satellite », la « Magicienne » ou le « Goéland » ont transporté des voyageurs depuis cette zone d'accostage jusqu'en 1927.

En 1928, le port est aménagé pour accueillir le bac le « Cordouan », mis en service en 1935 : l'accostage nécessite alors la construction d'une cale inclinée. Une esplanade est aussi aménagée avec parkings, bancs et plantations d'arbres.

En 1936, le baliseur du Service des Phares et Balises est autorisé à stationner dans le port lors de son transfert de Royan à la Pointe de Grave. Une place lui est réservée dans la partie sud du bassin. Sur le port, fut aussi aménagé un espace de stockage des bouées baptisé « le cimetiÚre » par les marins du baliseur : en fait, celles-ci étaient remisées là, la plupart dans l'attente d'une restauration : sablées, puis repeintes, elles étaient le plus souvent réutilisées.

Au dĂ©but de l'annĂ©e 1945, alors que la Pointe de Grave est toujours occupĂ©e par l'ennemi (Poche de la Pointe de Grave), le port est bombardĂ©, les jetĂ©es et la cale du bac sont en partie dĂ©truites. Le bac le « Cordouan » que les Allemands avaient rĂ©quisitionnĂ© pour diverses missions de transport de troupes et de vĂ©hicules est coulĂ© dans le port mĂȘme. Il sera renflouĂ© l'annĂ©e suivante[72].

En 1953, les douanes maritimes s'installent à la Pointe de Grave et leur vedette d'intervention rapide « Directeur Général Collin de Sussy » mouille dans le port.

En 1953 toujours, est construit dans Port Bloc un ascenseur à bateau afin d'y remiser et de protéger le canot de sauvetage de la nouvelle Société Centrale de Sauvetage des Naufragés (SCSN) : le « Capitaine de Corvette Cogniet ».

Port Bloc est le port emblématique et historique de la Pointe de Grave. AprÚs guerre, dans les années 1950 et suivantes, en particulier, il était animé, connaissant une forte activité. Les habitants de la Pointe se rendaient alors à la plage à Port Bloc en famille, les enfants y apprenaient à nager, car c'était plus difficile de le faire à l'Océan, à cause des vagues.

Port Bloc vers 1900
Vue de Port Bloc en 2021 : entrée dans le port du bac amphidrome "La Gironde"
Vue de Port Bloc (fond du port) en 2021

Les bateaux de pĂȘche stationnant dans le port Ă©taient nombreux : 17 patrons de pĂȘche en 1948. C'Ă©tait des va-et-vient du bac « Le Cordouan » : une partie du Port Bloc Ă©tait rĂ©servĂ©e Ă  l'embarquement pour le bac qui transporte les voitures et leurs passagers vers Royan. C'est ici que stationnaient les bateaux-pilotes qui guident les gros porteurs pĂ©nĂ©trant dans l'estuaire, le bateau-dragueur du chenal de la Gironde, les puissants bateaux de la SNSM qui assurent les sauvetages en mer, ceux du service de Balisage du chenal de l'estuaire et de toute la façade sud-atlantique, afin d'assurer la sĂ©curitĂ© de la navigation.

Le fort de la pointe de Grave, dit aussi du Verdon, ex-fort de la Chambrette, ex-fort de Grave sur d'anciennes cartes

Au XVIIIe siĂšcle, sur l'anse de la Chambrette situĂ©e sur l'estuaire de la Gironde, avait Ă©tĂ© construit un premier fort, au mĂȘme endroit : il portait le mĂȘme nom que celle-ci, le « Fort de la Chambrette ». Il Ă©tait le pendant d'un autre fort, situĂ© Ă  peu prĂšs Ă  la mĂȘme latitude, mais prĂšs de l'ocĂ©an, le « Fort de Girofle » (Ă©crit ainsi sur les registres du recensement, mais parfois dit de « GĂ©rofle »). Les deux forts ayant Ă©tĂ© dĂ©truits, celui de la Chambrette qui Ă©tait dit en ruines est reconstruit en 1816, pratiquement tel que l'on peut le voir aujourd'hui. Il Ă©tait Ă  l'Ă©poque prĂšs du rivage, mais les amĂ©nagements de Port Bloc l'en ont Ă©loignĂ©, notamment lors de la construction d'une digue de protection en 1895. Long d'environ deux cents mĂštres, il Ă©tait entourĂ© de profonds fossĂ©s larges d'environ sept mĂštres.

  • Fort de la pointe de Grave
  • Mur d'enceinte et caponniĂšre
    Mur d'enceinte et caponniĂšre
  • CrĂ©neau de pied, dĂ©tail
    Créneau de pied, détail
  • Mur d'enceinte de deux cents mĂštres de long environ, vue sur escalier pas de souris
    Mur d'enceinte de deux cents mĂštres de long environ, vue sur escalier pas de souris
  • CaponniĂšre
    CaponniĂšre

De 1877 Ă  1888, le fort de la pointe de Grave sera rĂ©amĂ©nagĂ© selon le principe du gĂ©nĂ©ral Raymond Adolphe SĂ©rĂ© de RiviĂšres. Selon son systĂšme, les quelque 200 forts construits en France Ă  partir de 1873 (lorsqu'il est nommĂ© secrĂ©taire du ComitĂ© de DĂ©fense) sont linĂ©aires, semi-enterrĂ©s, canalisant l'ennemi vers une seule ouverture oĂč une armĂ©e restreinte peut l'attendre.

Le fort sera occupé par l'armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale. Bien que bombardé par les Alliés en 1945, le profil du fort à moitié enterré, bien protégé par une DCA (défense contre l'aviation), fait qu'il a relativement peu souffert. Propriété du ministÚre des Armées, il est transformé pour accueillir une colonie de vacances réservée aux enfants de militaires à partir des années cinquante. Les salles de casernement sont réaménagées en salles d'activités et en dortoirs de huit à dix lits.

  • EntrĂ©e et cour intĂ©rieure du fort de la Pointe de Grave
  • EntrĂ©e unique du fort.
    Entrée unique du fort.
  • IntĂ©rieur du fort de la pointe de Grave.
    Intérieur du fort de la pointe de Grave.
  • Mur d'escarpe perpendiculaire Ă  Port Bloc
    Mur d'escarpe perpendiculaire Ă  Port Bloc

À partir de 1966, ce centre est gĂ©rĂ© par l'Institution de gestion sociale des armĂ©es (IGESA) jusqu'en 2018, rĂ©servĂ© plus particuliĂšrement aux enfants de 10 Ă  14 ans et aux adolescents. Ces derniers auront la possibilitĂ© pendant plusieurs annĂ©es de s'initier au parachutisme[73]. Depuis 2018, le centre semble ĂȘtre Ă  l'abandon.

La forĂȘt domaniale de la pointe de Grave

Les Landes de Gascogne, sa « forme triangulaire » sur les cartes

La forĂȘt domaniale de la pointe de Grave fait partie intĂ©grante de la forĂȘt des Landes de Gascogne qui est un massif forestier couvrant trois dĂ©partements : la Gironde, les Landes et le Lot-et-Garonne. Celui-ci, reprĂ©sentĂ© sur les cartes, est de forme triangulaire avec pour sommets du nord au sud, la Pointe de Grave, Hossegor, et NĂ©rac plus Ă  l'est.

PrĂšs du littoral atlantique, la forĂȘt est principalement domaniale mais, la plupart du temps en Gironde, elle appartient Ă  des propriĂ©taires privĂ©s. Une partie de cette forĂȘt est d'origine naturelle.

À la Pointe de Grave, on trouve essentiellement deux essences : le pin maritime (Pinus pinaster, ou Pin des Landes) et le chĂȘne vert.

Nicolas Brémontier

L'idĂ©e de planter une forĂȘt dans les Landes de Gascogne a mĂ»ri au XIXe siĂšcle pour plusieurs raisons.

Pinus Pinaster, dits pins maritimes ou pins des Landes

La premiĂšre de ces raisons Ă©tait de fixer les dunes mobiles du littoral qui menaçaient les villages d’ensablement comme on avait pu le voir pour le village de Soulac enseveli en 1741. L'ingĂ©nieur des Ponts et ChaussĂ©es, Nicolas BrĂ©montier prit connaissance des travaux entrepris sur la cĂŽte qu'il reprit Ă  son compte.

StÚle à la mémoire de Nicolas Brémontier à La Teste-de-Buch

Ses travaux initiĂ©s sous Louis XVI, ralentis par la RĂ©volution française, reprirent sous le Consulat. BrĂ©montier implanta son premier atelier de semis de pins Ă  la Pointe de Grave (ForĂȘt de Rabat), en 1801. D'autres ateliers de fixation des dunes seront mis en place sur le Bassin d'Arcachon au Moulleau, Ă  la Teste, au Cap-Ferret..., et dans les Landes Ă  Mimizan...

Fort de son expĂ©rience, diplĂŽmĂ© de l'Ă©cole des ponts et chaussĂ©es, l'ingĂ©nieur BrĂ©montier devenu inspecteur gĂ©nĂ©ral des Ponts et ChaussĂ©es est Ă©coutĂ© Ă  Paris, une commission des Dunes est crĂ©Ă©e en Gironde. Beaucoup lui reprocheront cependant de s'ĂȘtre attribuĂ© seul les techniques de fixation des dunes alors qu'un savoir-faire existait dĂ©jĂ . On peut citer par exemple les travaux des frĂšres Desbiey, les prĂ©curseurs, bien connus Ă  La Teste-de-Buch et Ă  Arcachon, et ceux du baron Charlevoix de Villiers.

Brémontier eut le mérite de convaincre le gouvernement des consuls de la nécessité de semer des pins maritimes dans les Landes. Il était aussi trÚs proche des gros investisseurs intéressés par le commerce des dérivés de la résine indispensables dans la révolution industrielle.

DĂ©cĂ©dĂ© en 1809, d'autres continueront ses travaux de mise en culture et en valeur de la forĂȘt des Landes, tels Claude Deschamps, son successeur Ă  Bordeaux comme inspecteur des Ponts et chaussĂ©es, François Jules Hilaire Chambrelent, Henri Crouzet...

De nouveaux travaux sous NapolĂ©on III, la forĂȘt au dĂ©triment des bergers landais

En 1857, est votĂ©e une loi dite « Loi relative Ă  l'assainissement et Ă  la mise en culture des Landes de Gascogne » soutenue par l’empereur NapolĂ©on III. Celle-ci oblige les communes des Landes de Gascogne Ă  assĂ©cher et assainir, sur leur territoire, toutes les zones marĂ©cageuses. Elle prĂ©voit Ă©galement pour tous les propriĂ©taires une obligation de mise en exploitation de ces grandes Ă©tendues. Or, le pin maritime est une rare culture qui pousse correctement sur ces sols. Sur le littoral, cet arbre est dĂ©jĂ  utilisĂ© pour fixer les dunes. Il est parfait aussi pour drainer l'eau.

Avant 1857 et la plantation des premiers pins maritimes, les Landes de Gascogne, pour une grande partie, Ă©taient une zone de marĂ©cages. On avait l'habitude de dĂ©nigrer ce territoire, proche d'une grande agglomĂ©ration, Bordeaux, en le disant malsain, l'accusant d'ĂȘtre le vecteur du paludisme (appelĂ© aussi malaria, ou « fiĂšvre des marais »), ainsi que celui d'autres maladies telle que la peste.

Le projet fut combattu, à l'époque, notamment par les habitants du cru, et plus particuliÚrement la population agropastorale. Ces derniers ne comprenaient pas cette propagande, se trouvant trÚs bien sur leur territoire qu'ils ne trouvaient pas si dangereux : la preuve, ils y travaillaient tous les jours pratiquant l'élevage d'ovins. La plantation de cette pinÚde se fera malheureusement au détriment des bergers landais. Ces derniers, trÚs mécontents, ont dû se résigner : sans vouloir faire de jeu de mots, ils deviendront résiniers. Une kyrielle d'épithÚtes seront désormais accolées à cette culture du pin : il sera qualifié « d'arbre d'or » et l'essence de térébenthine et la colophane deviendront « l'or blanc » des Landes de Gascogne.

Alexandre LĂ©on qui s'enrichit en exploitant de grandes parcelles replantĂ©es de pins, exportait en Angleterre des poteaux de pins bruts, dans les annĂ©es 1860. C'est peut-ĂȘtre lui qui est Ă  l'origine de l'Ă©quation : pin maritime Ă©gale arbre d'or des Landes[74].

La résine

Si on a cessĂ© de cultiver le pin pour sa rĂ©sine vers 1990, on continue aujourd'hui d'exploiter la forĂȘt pour son bois. Cette forĂȘt, telle que nous la connaissons aujourd'hui, est presque la mĂȘme que celle rĂ©sultant de la loi de 1857. Par endroits cependant, en particulier autour du Bassin d'Arcachon, on assiste Ă  une dĂ©forestation, rĂ©sultat d'une urbanisation rampante. Heureusement, ce danger amĂšne des dĂ©fenseurs de la nature Ă  se constituer en associations afin d'attĂ©nuer le phĂ©nomĂšne : il est possible de citer, par exemple, l'ADDUFU (Association de DĂ©fense des Droits et de la ForĂȘt UsagĂšre) qui a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 1920. Seule la ville de La Teste-de-Buch a conservĂ© en Gironde ce statut de forĂȘt usagĂšre. L'exploitation Ă  outrance de la forĂȘt amĂšne aussi parfois sa dĂ©gradation, amoindrissant la biodiversitĂ©, perturbant le cycle de l'eau et le climat[75].

Pot de résine
Le gemmage du pin

L'industrie de la rĂ©sine du pin aura durĂ© aussi longtemps que ses produits dĂ©rivĂ©s (tĂ©rĂ©benthine, colophane, goudron de pin, noir de fumĂ©e
) se sont bien vendus : ces derniers, de moins en moins utilisĂ©s, ont Ă©tĂ© supplantĂ©s par les produits issus de la distillation du charbon, puis du pĂ©trole. Mais la moindre utilisation n'est pas la seule raison de l'arrĂȘt de la production de rĂ©sine en Aquitaine car l'industrie chimique s'en sert toujours pour la fabrication de nombreux produits : laques, adhĂ©sifs, peintures, vernis, marquages routiers, cosmĂ©tiques, et mĂȘme dans les chewing-gums


DĂ©jĂ  un petit hameau Ă  Maison de Grave

Au XIXe siÚcle, la commune du Verdon, devenue autonome, se développe rapidement avec la construction de nouvelles maisons. On dénombre de plus en plus d'ostréiculteurs profitant de la prolifération de l'hußtre portugaise. On compte 187 maisons au cadastre en 1882. Un moulin à vent fonctionnait encore à cette époque ; il était situé sur l'ancienne route de Soulac, juste avant le hameau des Grands Maisons, en partant du Verdon, sur la gauche (lieu-dit Le Moulin). Il est mentionné aussi au cadastre une tuilerie, au hameau du Logis, et une briquÚterie au lieu-dit Beauchamp, prÚs de Soulac.

À Pointe de Grave, un vĂ©ritable petit hameau, en pleine forĂȘt, voit le jour Ă  Maison de Grave : la construction de ces bĂątiments est liĂ©e aux travaux de dĂ©fense de la cĂŽte contre l’érosion initiĂ©s en 1840 (Maison de l'ingĂ©nieur, logements pour les conducteurs et le forgeron, une forge transformĂ©e plus tard en logement de gardiens, un atelier de charpentier, des remises pour les wagons, pour le bois
)[76].

L'ostréiculture

L'hußtre n'a pas attendu 1866 pour se développer dans l'estuaire de la Gironde puisque, dÚs l'Antiquité, il a été établi que les girondins en consommaient, mais
 cette année-là, un évÚnement fortuit va amener le développement grandissant de l'ostréiculture à la pointe nord du Médoc : la prolifération de l'hußtre portugaise (ou hußtre creuse).

Collecteur d'huĂźtres Ă  Talais.

Selon une tradition bien établie, la magallana angulata, de son nom scientifique, a proliféré dans l'estuaire à la suite du déchargement de la cargaison pourrissante du bateau à vapeur « Le Morlaisien », en provenance de l'embouchure du Tage. Son capitaine, Hector Barthélémy Patoizeau[77] jeta à la mer, entre Talais et Saint-Vivien-de-Médoc, ce qui lui restait d'hußtres les croyant totalement avariées. L'hußtre portugaise s'est bien acclimatée à son nouveau milieu, s'y est reproduite.

HuĂźtre portugaise ou Magallana angulata

La pĂȘche : poissons, crustacĂ©s, coquillages

La pĂȘche a de tout temps Ă©tĂ© une activitĂ© importante des verdonnais. SitĂŽt la LibĂ©ration, elle s'est organisĂ©e notamment avec la crĂ©ation d'une pĂȘcherie en 1950 Ă  Pointe de Grave. Le problĂšme de cette Ă©poque et des prĂ©cĂ©dentes Ă©tait la conservation des poissons. Il fallait vite revenir au port, car il n'y avait pas de glace sur les bateaux. Il fallait consommer ou vendre le poisson rapidement et il y avait beaucoup de pertes. La fabrication sur place au Verdon de pains de glace a Ă©tĂ© un progrĂšs permettant l'ouverture d'une, puis de deux pĂȘcheries Ă  Pointe de Grave. En 1948, 17 patrons pĂȘcheurs pour autant de bateaux Ă©taient inscrits maritimes auprĂšs du Syndic des gens de mer : la majoritĂ© des bateaux stationnaient Ă  Port Bloc. Les mareyeurs prĂ©venus de l'arrivĂ©e des pĂȘcheurs se pressaient auprĂšs des bateaux Ă  la descente de la marchandise.

Certains pratiquent la pĂȘche aux casiers (nasses), de mai Ă  octobre pour capturer les crustacĂ©s : crevettes (ou chevrettes), homards (trĂšs nombreux aprĂšs guerre), langoustes, araignĂ©es, gros crabes (dits tourteaux ou dormeurs, trĂšs prĂ©sents aussi), le crabe vert (dit aussi enragĂ©).

On pĂȘche au Verdon plusieurs sortes de crevettes.

D'autres pĂȘchent (ou pĂȘchaient) au carrelet : il y avait deux estacades de carrelets installĂ©es Ă  demeure Ă  la pointe du mĂŽle. D'autres pĂȘchent au filet, Ă  la traĂźne, au chalut ; ou au filet tendu Ă  marĂ©e basse (dans la vase pour ne pas ĂȘtre dĂ©gradĂ© par les crabes) et relevĂ© Ă  marĂ©e haute, pĂȘche dite « Ă  la courtine » localement. D'autres enfin pĂȘchent Ă  la ligne.

Les principaux poissons pĂȘchĂ©s au Verdon Ă©taient et sont, les thons, les mulets dits « mules », les bars ou loups, dits « loubines » ou « brignes » au Verdon, les maigres, dits mĂ©grats ou maigrats en gascon, les raies, les anguilles, les congres, les Ă©perlans (en fait les faux Ă©perlans, ou athĂ©rines), les soles et cĂ©teaux (ou sĂ©teaux), les anchois, les lottes (ou baudroies)


Enfin, au Verdon, on pĂȘche et on a beaucoup pĂȘchĂ© les coquillages : huĂźtres, moules, tellines, dits « lavagnons » localement, patelles dits « berniques » couteaux (solens), coques, dits sourdons, les palourdes, les bigorneaux


La pĂȘche, en gĂ©nĂ©ral, est exercĂ©e par des professionnels inscrits maritimes, mais elle peut aussi ĂȘtre pratiquĂ©e Ă  titre rĂ©crĂ©atif.


Une voie ferrée pour désenclaver le Médoc

TER Nouvelle-Aquitaine Ă  la Pointe de Grave, en 2019

DÚs 1852, il fut envisagé de construire une voie de chemin de fer de Bordeaux jusqu'à Soulac. Cette fin de siÚcle, le XIXe, offre en effet l'opportunité de développer concomitamment le train et les stations des bords de mer, transformant celles-ci en stations climatiques.

En 1857, une premiÚre concession pour la construction d'une voie ferrée Bordeaux-Le Verdon est accordée par l'empereur Napoléon III. On peut lire dans le bulletin des Lois de l'Empire français du deuxiÚme semestre, tome dixiÚme :

« no 5087- DĂ©cret impĂ©rial qui approuve la Convention, passĂ©e, le 17 octobre 1857, pour la concession d’une ligne de Chemin de fer de Bordeaux au Verdon, NAPOLÉON, par la grĂące de Dieu et la volontĂ© nationale, EMPEREUR DES FRANÇAIS, Ă  tous prĂ©sents et Ă  venir, SALUT. Sur le rapport de notre ministre secrĂ©taire d’état au dĂ©partement de l’agriculture, du commerce et des travaux publics ; Vu la soumission prĂ©sentĂ©e par les sieurs Barincou, Bergmiller, Michel Chaine, Degane, LefĂšvre-Laroche, Princeteau et Tabuteau pour la concession d’un chemin de fer de Bordeaux Ă  Le Verdon (Gironde)
 »

Toutefois, les souscripteurs renoncent l'année suivante, et un nouveau décret impérial annule la concession le 15 juin 1861.

En 1863, le projet est relancé, la ligne de chemin de fer Bordeaux-Le Verdon est déclarée d'utilité publique. La concession est alors adjugée à messieurs Poujard'hieu, Barman, et Jarry-Sureau. Ces derniers forment la Compagnie du chemin de fer du Médoc.

Les travaux débutent en 1865 avec un tronçon Bordeaux-Saint Louis jusqu'à Macau. En 1873, la ligne atteint Lesparre, en 1874, Soulac et enfin en 1875 Le Verdon.


La ligne de chemin de fer venant de Bordeaux Saint-Louis arrive enfin Ă  la Pointe de Grave en 1902

Ce n'est qu'en 1902 que la ligne venant de Bordeaux est prolongée jusqu'à la Pointe de Grave.

Gare du Verdon

TrÚs vite, la Compagnie du Chemin de Fer du Médoc ayant des difficultés de trésorerie, elle est rachetée en 1910 par la Compagnie des chemins de fer du Midi et du Canal latéral à la Garonne.

En 1917, une connexion est faite avec la ligne de ceinture ce qui permet de relier les deux gares de Saint-Jean et de Saint-Louis. La ligne sera électrifiée en 1934.

En 1938, l'exploitation de la ligne est intégrée dans les services de la SNCF. L'ensemble des actifs ferroviaires de la compagnie du Midi (créée en 1852 par les frÚres Pereire) est nationalisé.

En 1968, la Gare de Ravezies remplacera la gare Saint-Louis (905 mĂštres plus loin vers le Nord, au Bouscat) tout en conservant le nom de Saint-Louis jusqu'en 2008. En 2012, la gare de Ravezies est Ă  son tour fermĂ©e.

Les bacs Pointe de Grave - Royan

Les passages d'eau en bateau ont contribué, comme le train vers le sud, à désenclaver le Médoc vers le nord, cette fois-ci, en direction des Charentes. Plus particuliÚrement, en 1935, la mise en service du bac le « Cordouan », permettra le transport de tous les véhicules, ouvrant une nouvelle Úre au développement de la région.

Avant le bac « Le Cordouan »

TrĂšs tĂŽt, il est apparu nĂ©cessaire d'Ă©tablir des liaisons rĂ©guliĂšres pour rejoindre la ville de Royan trĂšs attractive, situĂ©e juste en face de la Pointe de Grave. Les liaisons terrestres en passant par Bordeaux obligeaient Ă  faire un dĂ©tour de plus de 200 kilomĂštres, alors que seulement six kilomĂštres environ sĂ©parent les deux villes, Ă  vol d'oiseau.

La ville de Royan connut un essor au XIXe siĂšcle, en mĂȘme temps que se dĂ©veloppe la vogue des bains de mer, ces derniers le plus souvent recommandĂ©s Ă  des fins thĂ©rapeutiques. La mode des sĂ©jours Ă  la mer est lancĂ©e, au dĂ©but, par la sociĂ©tĂ© mondaine, des personnalitĂ©s qui partagent leur vie entre la capitale, les grandes villes et la campagne. L'aristocratie bordelaise se montre trĂšs intĂ©ressĂ©e par la station balnĂ©aire de Royan qui a une rĂ©putation de luxe avec de belles villas et un trĂšs beau front de mer : c'est pour eux un lieu de villĂ©giature. C'est Ă  la mĂȘme Ă©poque que la navigation fluviale se dĂ©veloppe avec l'apparition de bateaux utilisant l'Ă©nergie de la vapeur pour se mouvoir, application de la dĂ©couverte (le fardier, premier vĂ©hicule Ă  vapeur) faite par Nicolas Joseph Cugnot, en 1770. Les pionners en matiĂšre de navigation Ă  la vapeur sont, s'appuyant sur le travail et les expĂ©riences de Denis Papin, le français Claude de Jouffroy d'Abbans, puis l'amĂ©ricain Robert Fulton : ils mirent en application l'utilisation de la vapeur pour la propulsion des roues Ă  aubes mues prĂ©cĂ©demment manuellement.

La vapeur au service du transport de passagers fut expĂ©rimentĂ©e sur les cours d'eau amĂ©ricains par John Fitch, d'oĂč certainement l'idĂ©e d'exporter ce modĂšle amĂ©ricain en France et en particulier sur l'estuaire de la Gironde.

Pour l'histoire, le premier « steamer » autorisĂ© Ă  naviguer sur le fleuve fut mis Ă  flot en 1818 : il s'appelait « La Garonne », construit Ă  Lormont sous brevet amĂ©ricain, brevet dĂ©posĂ© sous le nom de « steam boat ». Ce bateau fonctionnait au moyen de « deux roues Ă  pelles placĂ©s au centre et en dehors ». En suivant, en 1820, avec le mĂȘme brevet, fut construit Ă  Bordeaux « Le Triton » autorisĂ© Ă  naviguer sur l'ocĂ©an.

DĂ©sormais, il sera plus facile de se rendre Ă  Royan depuis Bordeaux ou Le Verdon : avant la vapeur, en effet, on utilisait pour les traversĂ©es de l'estuaire les bateaux de pĂȘche ou des bateaux Ă  voiles. Un ponton flottant d’embarquement Ă©tait installĂ© Ă  la sortie de Port Bloc, sur la gauche, peu avant l'Ă©peron de la jetĂ©e de la Pointe, ponton dĂ©truit en 1928.

De nombreuses compagnies maritimes à vapeur vont alors voir le jour à Bordeaux. Tout d'abord, elles furent créées pour se déplacer d'une rive à l'autre, telle la Compagnie des Hirondelles, en 1865 : il n'y avait, en effet, à cette époque, qu'un seul pont, le Pont de Pierre, fini de construire en 1821, seul et unique jusqu'en 1965 ! TrÚs vite, ces compagnies desservent de nouvelles destinations plus éloignées : vers l'amont (Service du Haut de la riviÚre) et vers l'aval (Service du Bas de la riviÚre). Ce dernier service était assuré en 1895 par la compagnie maritime « Gironde et Garonne » : l'embarquement pour Royan se faisait depuis la Place des Quinconces. Les Bordelais avaient baptisé toute cette flottille de bateaux à vapeur, les « Gondoles de la Garonne », à la suite de l'apparition de la Compagnie des Gondoles et de la Compagnie des Abeilles, le monopole de gestion de ces bateaux-bus ayant été refusé à la Compagnie des Hirondelles[78].

L'arrivée du train au Verdon en 1875, puis à la Pointe de Grave en 1902, va permettre un développement local du tourisme et l'organisation des traversées facilitées vers la ville de Royan.

Des petits bateaux à vapeur vont proposer, avant 1900, des services réguliers aux voyageurs depuis la zone d'accostage à la sortie de Port Bloc, jusqu'en 1927 : « l'Union », « le Satellite », « la Magicienne » : patron Rivet, apparemment échouée à Royan lors du raz-de-marée de 1924, remplacée par le bateau « le Goëland ».

Depuis 1920 cependant, un autre bateau (celui de M. Poma, marin Ă  Blaye) assurait dĂ©jĂ  un service public subventionnĂ© par le Conseil gĂ©nĂ©ral, une liaison maritime entre Pauillac et Blaye pouvant raccourcir le trajet de contournement. En 1930, des avenants Ă©taient signĂ©s dans l'attente du service du bac, Ă  l'Ă©tude. Il existait mĂȘme, Ă  cette Ă©poque, un troisiĂšme service public de franchissement de la Gironde subventionnĂ© par le Conseil GĂ©nĂ©ral (convention prĂ©vue jusqu'en 1942), l'entreprise Vigneaud Georges dont le navire reliait Saint-Christoly (Saint-Christoly-de-MĂ©doc depuis 1898) Ă  Mortagne, en Charente-Maritime (Mortagne-sur-Gironde depuis 1895).

Le 28 février 1927, une convention est signée entre le préfet (Conseil Général, département de la Gironde) et un entrepreneur privé, un marin, Jules Etcheber, qui met son bateau à disposition contre des subventions. L'objet en est l'exploitation du service public fluvial de transports de voyageurs et marchandises entre la Pointe de Grave (Gironde) et Royan (Charente inférieure, à l'époque). La convention est révisable chaque année. Arrivée à expiration le 15 mai 1928, la nouvelle convention doit s'occuper du problÚme du ponton-débarcadÚre, à l'extérieur de Port-Bloc qui a disparu le 29 janvier 1928. C'est à cette date que le Port autonome de Bordeaux a autorisé l'entrepreneur à utiliser ses installations de Port Bloc. Il est à penser que le bateau de Jules Etcheber était un vapeur acheté à la Compagnie des Hirondelles, à Bordeaux datant de 1894 (Hirondelle no 11) : ce bateau est déclaré dans l'annuaire de la Marine marchande avec comme armateur Etcheber PÚre et Fils, à Pauillac.

Un problÚme surgit dÚs la premiÚre année entre le Conseil Général et la Compagnie du Midi qui gérait la voie de chemin de Fer, Bordeaux-Pointe de Grave. Cette derniÚre avait traité un accord directement avec la Compagnie maritime Bordeaux-Océan. Elle délivrait aux voyageurs bordelais des billets de train incluant une traversée de l'estuaire, jusqu'à Royan. On pouvait donc se rendre dans cette ville depuis Bordeaux, mais en n'utilisant que cette compagnie maritime : il n'était nullement proposé d'utiliser le service public subventionné par les départements.

L'entreprise Etcheber se plaint alors de pertes de recette importantes, notamment durant l'Ă©tĂ©, causĂ©es par cette dĂ©fection des passagers venant de Bordeaux par le train. Elle se dit aussi gĂȘnĂ©e par le peu de temps dont elle peut disposer Ă  l'accostage au ponton. À l'occasion de cette nouvelle convention de 1928, monsieur Jules Etcheber prĂ©cise qu'il rĂ©trocĂšde Ă  partir du 15 mai son entreprise Ă  son fils Maurice Etcheber, marin Ă  la Pointe de Grave, pour des raisons familiales et de santĂ© impĂ©rieuses.

Le bac « Le Cordouan » en 1935

Le bac "Le Cordouan" commencera son service en 1935. Ce tout premier bac, transportant tous les véhicules, est le bateau qui va marquer l'histoire locale pendant de nombreuses années, il restera inoubliable de tous ceux qui l'ont connu et emprunté.

AprĂšs la destruction du ponton situĂ© Ă  la sortie du port, en 1927, des autorisations sont demandĂ©es afin de pouvoir faire entrer ce futur bac dans Port Bloc mĂȘme. Des amĂ©nagements sont nĂ©cessaires dont la construction d'une cale inclinĂ©e. En 1928, en mĂȘme temps que la cale d'accostage, on crĂ©e des parkings, on amĂ©nage les abords en plantant des arbres, en mettant des bancs pour accueillir le public.

Cette mĂȘme annĂ©e de 1928, le conseil gĂ©nĂ©ral dit que la question de la traversĂ©e de la Gironde Ă  l'aide d'un moyen de transport puissant, qui permettra le passage de tous les vĂ©hicules routiers, est Ă  l'Ă©tude et n'a point encore Ă©tĂ© rĂ©solue, espĂ©rant une solution dans un avenir proche.

Aux termes d'une nouvelle convention avec le conseil gĂ©nĂ©ral en date du 9 janvier 1930, le service public du passage d'eau Ă  Pointe de Grave est toujours confiĂ© Ă  l'entreprise privĂ©e Etcheber (Maurice), Ă  Pauillac, pour une durĂ©e de deux annĂ©es supplĂ©mentaires Ă  compter du 15 mai 1929, moyennant l'allocation d'une subvention forfaitaire annuelle de 60 000 francs : Ă  noter la contribution de la Compagnie ferroviaire du Midi pour 4 000 francs, le port autonome de Bordeaux ayant refusĂ© quant Ă  lui d'apporter une quelconque contribution financiĂšre[79].

Le 18 avril 1935, l'entreprise Etcheber exploite toujours le service public fluvial de Pointe de Grave Ă  Royan, signant un quatriĂšme avenant Ă  la convention de 1930. Le conseil gĂ©nĂ©ral inscrit au budget supplĂ©mentaire un crĂ©dit prĂ©visionnel de 30 000 francs, montant approximatif du dĂ©ficit d'exploitation jusqu'Ă  la fin de l'annĂ©e. Il est notĂ© que les nouveaux avenants doivent permettre de continuer le service jusqu'Ă  que le bac le Cordouan en construction soit en Ă©tat de fonctionner.

En effet, en cette annĂ©e 1935, le bac " Le Cordouan " est toujours en construction aux Chantiers de la Gironde, cofinancĂ© par les dĂ©partements de Gironde, de Charente InfĂ©rieure et la Compagnie du Midi. Il ne sera mis en service que le 14 juillet de cette mĂȘme annĂ©e.

La gestion provisoire du bac est confiée en premier au Port autonome de Bordeaux, la Compagnie du Midi ayant décliné l'offre. Les deux départements concernés sont chargés d'aménager les cales.

Le bac " Le Cordouan " restera le seul en fonctionnement jusqu'en 1960, malgré les projets, dÚs le début, d'ajouter un second bateau, projet toujours repoussé pour coûts trop élevés. Il jouera un rÎle historique en 1940, utilisé par les Allemands pour transporter en Gironde leurs troupes, leurs véhicules et matériels. Coulé en 1945, il sera renfloué en 1946 et reprendra du service de longues années encore.

Comme nombre d'autres bateaux, le « Cordouan » fut rĂ©quisitionnĂ© par les Allemands et servit Ă  leurs dĂ©placements de troupes et de vĂ©hicules : le marĂ©chal Erwin Rommel monta Ă  son bord afin d'inspecter les dispositions prises lors de la construction du Mur de l'Atlantique. Il fut aussi utilisĂ© par l'occupant pour mouiller des mines Ă  l'entrĂ©e de l'estuaire, afin d'en interdire l'accĂšs Ă  d'autres bateaux. SabordĂ© par les Allemands dans Port Bloc Ă  la fin de la guerre, il fut renflouĂ© et rĂ©parĂ©. C'est le seul bac de Pointe de Grave oĂč il eut Ă©tĂ© possible de vivre la scĂšne culte du film Titanic puisque ce fut le seul qui donnait la possibilitĂ© aux passagers d'accĂ©der au gaillard avant, ce qui Ă©tait trĂšs apprĂ©ciĂ© par les voyageurs.

Le Cordouan finit sa vie au fin fond du port de Bordeaux : rouillé, abandonné, il fut finalement détruit aprÚs 1970.

Le 1er janvier 1939, il Ă©tait dĂ©cidĂ© de confier, Ă  nouveau, la gestion du bac, aprĂšs concours, Ă  un entrepreneur privĂ©, lequel exploiterait « Ă  meilleur compte que le Port autonome ». Et, c'est l'entreprise Etcheber de Royan qui est de nouveau choisie pour deux annĂ©es, pour 400 000 francs d'Ă©conomie ! Maurice Etcheber gĂšrera le service du bac « Le Cordouan » pendant la guerre 1939-1945, et jusqu'en 1960.

ParallĂšlement Ă  la mise en service du bac le « Cordouan », le Conseil gĂ©nĂ©ral de Gironde subventionnait non loin de lĂ , depuis 1934, un autre service public, toujours en place aujourd'hui en 2021 : un service de bac entre Lamarque et Blaye. Le bateau d'alors s'appelait « Les Deux-Rives ». RĂ©quisitionnĂ© par les Allemands en 1941 comme beaucoup d'autres bateaux Ă  l'Ă©poque, il fut utilisĂ© par ces derniers entre La Pallice et l'Ăźle de RĂ© jusqu'en 1945. Revenu sur la Gironde, il a repris du service avant d'ĂȘtre remplacĂ© par le « CĂŽtes de Blaye » en 1980 (bateau construit en 1970, ex Duchesse Anne). En 2014, ce dernier est Ă  son tour remplacĂ© par un bac amphidrome, le « SĂ©bastien Vauban » qui continue les allers et retours entre les deux communes.

Gare du bac depuis 1957 : seule modification depuis cette date : les toilettes autrefois à l'extérieur ont été réaménagées dans la salle d'attente

Une gare du bac servant de salle d'attente en cas de mauvais temps fut construite en 1957 ; les alentours sont de nouveau aménagés pour tenir compte de l'augmentation du trafic, les parkings sont corrigés, permettant une meilleure gestion des files de voitures en attente d'embarquement. Des toilettes publiques modernes équipées de lavabos sont aussi construites, en sous-sol, en avant de la gare. Des bancs sont disposés tout le long du quai, face à la cale, permettant aux spectateurs d'assister aux embarquements et aux débarquements. Des arbres sont plantés tout le long des parkings. Des jumelles d'observation publique (longues-vues panoramiques) avec monnayeurs sont disposées en bout du quai, à l'entrée de Port Bloc, permettant d'observer le magnifique panorama depuis le port du Verdon (mÎle d'escale) d'un cÎté et toute la cÎte charentaise de l'autre, de Mortagne jusqu'à Saint-Palais : vue sur Pontaillac, Royan, Saint-Georges-de-Didonne, Meschers, Talmont


En 1960, l'entrepreneur privĂ©, accusĂ© de mauvaise gestion et ayant mis fin Ă  ses jours, le Conseil GĂ©nĂ©ral choisit Ă  nouveau le Port autonome comme gestionnaire provisoire du service. La gestion proprement dite, sur le terrain, Ă©tait confiĂ©e Ă  un rĂ©gisseur des dĂ©penses et des recettes nommĂ©es par le DĂ©partement. Cette gestion fut un peu plus structurĂ©e en 1972 par la crĂ©ation d'une RĂ©gie dĂ©partementale des Passages d'Eau de la Gironde, avec Ă  sa tĂȘte un Directeur, un capitaine d'armement, un mĂ©canicien d'armement.

En 2021, c'est toujours le Département de Gironde qui gÚre les bacs, la dénomination Conseil Général depuis la Révolution française ayant été changée en Conseil départemental, en 2015.

L'aprÚs « Cordouan »

En 1960, le bac « CĂŽte d’Argent », construit Ă  La Pallice, est mis en service. Il devait remplacer le Cordouan qui commençait Ă  donner des signes de fatigue. MalgrĂ© sa capacitĂ© d'embarquer environ soixante vĂ©hicules, il ne suffisait pas cependant, Ă  empĂȘcher la saturation l'Ă©tĂ©, avec des files d'attente interminables de voitures allant parfois jusqu'Ă  l'allĂ©e de Rabat, et ce, malgrĂ© une organisation sur plusieurs files. À Royan, de mĂȘme, il y avait des files de vĂ©hicules tout au long du bord de mer. L'organisation sur plusieurs files n'allait d'ailleurs pas sans problĂšmes, les gens se disputant, se passant devant en changeant de file sans autorisation. Les placeurs (et amarreurs) durent adopter, afin d'Ă©viter les bagarres, un systĂšme d'affichage sur le pare-brise de grands cartons numĂ©rotĂ©s indiquant l'ordre d'arrivĂ©e. Il arrivait que l'on eut besoin d'utiliser un deuxiĂšme jeu de 100 numĂ©ros, ce qui peut donner une idĂ©e du nombre de vĂ©hicules qui attendait le bac suivant. En juillet et aoĂ»t de l'Ă©tĂ© 1962, on fut obligĂ© de faire appel Ă  nouveau au Cordouan pour dĂ©sengorger le trafic, dans l'attente encore d'un nouveau bateau. La journĂ©e inaugurale du bac « CĂŽte d'Argent » fut rocambolesque : le capitaine qui n'Ă©tait pas habituĂ© Ă  manƓuvrer un bateau Ă©quipĂ© de propulseurs Ă  la place des hĂ©lices, heurta violemment la cale de Royan provoquant une grave avarie de coque. Les invitĂ©s occupĂ©s Ă  manger sur le pont des voitures furent renversĂ©s ainsi que toutes les tables. DĂšs le lendemain, le bateau partait en rĂ©paration Ă  La Rochelle[80].

Bac Le Verdon mis en service avant les bacs amphidromes

En 1964, on construit un autre bac, « la Gironde » pour rĂ©pondre et toujours Ă  l'augmentation du trafic, notamment l’étĂ©. C'est le dĂ©but de la traversĂ©e assurĂ©e par 2, parfois 3 bateaux en mĂȘme temps afin de juguler les longues files d'attente en pĂ©riode estivale, le Cordouan reprenant parfois du service.

Bac l'Estuaire au départ de Royan (au fond l'église de Royan)
Bac amphidrome La Gironde accostant Ă  Port Bloc

En 1968, c’est « le MĂ©docain » qui prend le relais, aprĂšs le 14 juillet car retardĂ© par un mouvement social : il donne l'image d'un « fer Ă  repasser » avec un pont supĂ©rieur pour accueillir encore plus de voitures : environ 25 vĂ©hicules lĂ©gers pouvaient monter sur le pont laissant un peu plus de places, en bas, pour les camions. Les semi-remorques de 17 mĂštres (nouvelle norme routiĂšre) avaient en effet du mal Ă  embarquer, le pont ne faisant que 15 mĂštres : des manƓuvres Ă©taient donc nĂ©cessaires[81]. Le fait de fonctionner avec trois bateaux (le CĂŽte d'Argent, la Gironde, le MĂ©docain) permettait un plus grand nombre de rotations et beaucoup moins d'attente pour les passagers. Il Ă©tait aussi plus aisĂ© en pĂ©riode non estivale d'envoyer les bateaux Ă  tour de rĂŽle Ă  Bordeaux pour vĂ©rifications, rĂ©parations et maintenance (peintures, contrĂŽles de sĂ©curité ) : souvent, un des bateaux s'arrĂȘtait en pĂ©riode hivernale.

Puis, un autre bac, « Le Verdon » est opĂ©rationnel avant la mise en service de bacs amphidromes. Il fut baptisĂ© le 18 aoĂ»t 1978 et avait la particularitĂ© d'ĂȘtre beaucoup plus large que les autres : il pouvait accueillir plus de voitures du fait de sa largeur, et permettait aux grands camions avec remorques de se garer sans faire de manƓuvres (gain de temps). Des places pour les voitures se trouvaient aussi sur une cale plate, sous les amĂ©nagements passagers. Il Ă©tait aussi plus puissant (deux propulseurs arriĂšre de plus de 1000 chevaux) et Ă©tait Ă©quipĂ© d'un troisiĂšme propulseur d'Ă©trave (Ă  l'avant) qui permettait de mieux se positionner, plus facilement, lors des accostages.

De nos jours, deux bateaux effectuent les rotations : les bacs amphidromes " l'Estuaire " (construit en 2009) et " la Gironde ", deuxiÚme du nom (construit en 2002), d'une capacité de 138 véhicules environ de tourisme chacun[82].

La traversĂ©e dure environ 20 Ă  25 minutes pour une distance de 6 kilomĂštres (un peu plus de 3 milles), de cale Ă  cale, Ă  vol d'oiseau : cependant, les bateaux n'empruntent pas toujours cette ligne droite car devant jouer avec les courants.

Un habitat dispersé et varié

Lors de cette pĂ©riode (aprĂšs 1900), de nouvelles habitations ne cessent d’ĂȘtre construites sur cette langue de terre afin d’y loger la population travaillant surtout dans le domaine maritime ou forestier, comme le prouvent les divers recensements de la population.

Toutefois, mis Ă  part le quartier du Logis (toujours Ă©crit ainsi sur les actes d'Ă©tat civil et non le Logit avec un « t » comme sur certaines cartes) formant un petit hameau, le restant des habitations de la pointe est encore assez dispersĂ© dans la forĂȘt, en bordure de l'ocĂ©an, sur le Port-Bloc


Jean Larrieux, ancien Maire du Verdon de 1965 Ă  1976, dit, parlant de l'habitat Ă  la Pointe de Grave :

« Ces constructions (dont la Gare de la Pointe, N.D.L.R.) Ă©taient en bois, mais l’intĂ©rieur Ă©tait doublĂ© en briques : la Marine interdisait les constructions en dur et limitait leur hauteur pour ne pas gĂȘner le tir des canons de 240 qui Ă©taient sur le fort... Une vingtaine d’habitations formait le village de la Pointe. CĂŽtĂ© mer, devant la gare, il y avait la maison du conducteur des Ponts et ChaussĂ©es, une maison d’un entrepreneur de travaux publics, les deux logements du Phare de Grave et quelques autres particuliers dans la forĂȘt jusqu’à Maison CarrĂ©e (logement de fonctionnaire des Ponts et ChaussĂ©es). En plus, les baraques des pĂȘcheurs, les deux hĂŽtels et la maison du gardien du fort. Au phare Saint-Nicolas : le gardien et sa femme. »

Lui-mĂȘme, fils du chef de gare, habitait une maison de fonction dĂ©truite aujourd’hui, tout prĂšs du Monument des AmĂ©ricains[83].

L'Office national des ForĂȘts et le Port autonome de Bordeaux, propriĂ©taires avec l'ArmĂ©e de la majoritĂ© des terrains de Pointe de Grave n'autoriseront plus, aprĂšs-guerre, de reconstruire en forĂȘt ou sur le domaine maritime. Cependant, en l'an 2000, au cƓur de la forĂȘt domaniale, le Grand Port maritime de Bordeaux a revendu au Conservatoire du littoral, 40 hectares de terrains entre Saint-Nicolas et les Cantines constituant le site de Maison de Grave, qui constituait dĂ©jĂ  un petit hameau en 1840. Depuis 2012, aprĂšs de lourds travaux de restauration et d’amĂ©nagements, la Maison de Grave a Ă©tĂ© confiĂ©e Ă  un exploitant privĂ© : on y trouve dĂ©sormais un restaurant, deux gĂźtes (maison de l’IngĂ©nieur et maison du PĂšlerin) et un centre Ă©questre[84]


En consultant les archives dĂ©partementales de la Gironde, on peut constater de nombreuses naissances Ă  la Pointe de Grave (Ă©crit avec une majuscule, choronyme de la pointe de Grave) : actes d’état civil de Soulac avant 1874, actes du Verdon de 1875 Ă  1911, et du Verdon-sur-Mer aprĂšs cette date[85].

Pointe de Grave comptait 109 habitants au recensement de 1896, la population passe Ă  173 habitants en 1906 (Le Logis compris).

De 1926 Ă  1933, prĂšs de 1 000 ouvriers[86] (environ 700 d'aprĂšs le dossier inventaire du Patrimoine d'Aquitaine) sont venus participer Ă  la construction du mĂŽle d’escale dont un grand nombre d’étrangers (Espagnols, Portugais, Italiens, AlgĂ©riens, Polonais, Yougoslaves, Russes, Allemands, Africains
). Tous ne sont pas repartis Ă  la fin du chantier, certains se sont mariĂ©s et sont restĂ©s au Verdon-sur-Mer, ou dans la rĂ©gion[87].


Le monument commĂ©moratif « À la gloire des AmĂ©ricains »

Le phare de Cordouan, monument emblĂ©matique de la Pointe de Grave depuis 1611, sous le rĂšgne de Louis XIII, a Ă©tĂ© Ă©clipsĂ© un temps, pendant quatre petites annĂ©es de 1938 Ă  1942 par un autre monument, gigantesque (75 mĂštres de haut), le "Monument aux AmĂ©ricains".

Pointe de Grave - monument aux américains

Ce monument commĂ©moratif fut Ă©rigĂ© afin de montrer notre reconnaissance au peuple amĂ©ricain venu combattre Ă  nos cĂŽtĂ©s, en 1917. Il Ă©tait aussi censĂ© rendre hommage au marquis Gilbert du Motier de la Fayette, hĂ©ros de la guerre d'indĂ©pendance des États-Unis, guerre qui a Ă©tabli un premier lien entre les deux nations. Le MĂ©doc avait dĂ©jĂ  un attachement particulier avec le marquis de La Fayette. Ce n'est pas exactement de la Pointe de Grave qu'il s'est embarquĂ© pour l'AmĂ©rique en 1777 sur le bateau " La Victoire " mais de Pauillac, juste Ă  cĂŽtĂ©. La Fayette a de toute façon croisĂ© au large du Verdon avant de rejoindre le port basque de Pasaia pour le grand dĂ©part.

En 1919, trĂšs peu de temps aprĂšs l'armistice, une souscription publique, cĂŽtĂ© français et amĂ©ricain, est lancĂ©e afin de financer ce projet ambitieux et trĂšs dispendieux. Il est estimĂ© Ă  plusieurs millions de francs (plus de quatre millions en tout cas), la participation de l'État français Ă©tant d'un million et demi de francs. Devant la difficultĂ© pour trouver les sommes nĂ©cessaires au financement, la souscription ne suffisant pas, le projet sera revu Ă  la baisse : de nombreuses dĂ©corations (bas-reliefs, statues
), amĂ©nagements
sont supprimĂ©s, ajournĂ©s ou modifiĂ©s.

Le , le prĂ©sident français Raymond PoincarĂ© se rend Ă  la Pointe de Grave pour poser la premiĂšre pierre. Lors de cette cĂ©rĂ©monie, les États-Unis sont reprĂ©sentĂ©s par leur ambassadeur Hugh Campbell Wallace.

Malgré l'enthousiasme lors du lancement du projet, cinq années plus tard, en 1925, devant la difficulté pour rassembler les fonds, les travaux n'ont toujours pas commencé.

Les travaux débutent au cours de l'été 1926, l'argent nécessaire à la construction de la partie principale étant enfin réuni. Le monument ne sera terminé qu'en 1938, vingt ans aprÚs la fin de la guerre!

La mise en Ɠuvre du projet avait Ă©tĂ© confiĂ©e au sculpteur et peintre Albert BartholomĂ© qui a rĂ©alisĂ© le dessin de la croix de guerre 1914-1918. Ce dernier va solliciter l'architecte en chef des monuments historiques AndrĂ© Ventre pour concevoir les plans du monument. On fait appel au sculpteur et verrier Henri-Édouard Navarre et au sculpteur montalbanais dĂ©jĂ  cĂ©lĂšbre, reconnu et consacrĂ© Antoine Bourdelle pour les dĂ©corations. Bourdelle devait Ă©laborer une statue en bronze de vingt mĂštres de haut reprĂ©sentant « La France » identifiĂ©e Ă  AthĂ©na, statue qui devait ĂȘtre placĂ©e face Ă  l'OcĂ©an, regardant l'AmĂ©rique. Devant les restrictions de budget, ses mensurations furent rĂ©duites et aucune des diffĂ©rentes duplications de la statue ne fut installĂ©e au Verdon.

Le monument aux AmĂ©ricains, construit en bout de pointe, Ă©tait en bĂ©ton armĂ© afin de bien rĂ©sister Ă  toutes les intempĂ©ries, avec une assise profonde. Un escalier monumental menait jusqu’au vestibule, accessible par deux portes.

L'inauguration eut lieu le 4 septembre 1938 juste avant les accords de Munich censĂ©s Ă©viter une nouvelle guerre. Cette cĂ©rĂ©monie fut commentĂ©e dans les journaux et par la presse en gĂ©nĂ©ral. De nouveaux mĂ©dias comme la radio et les cinĂ©mas qui diffusent des actualitĂ©s avant le film, relayent l'information. Le gouvernement français Ă©tait reprĂ©sentĂ© par Georges Bonnet, le ministre des Affaires Ă©trangĂšres dans le gouvernement d'Édouard Daladier. Les États-Unis avaient dĂ©pĂȘchĂ© sur place William Christian Bullitt, leur ambassadeur en France.

Certains Ă©voquent la prĂ©sence de Louis Rothschild, alias Georges Mandel, ministre des Colonies Ă  l'Ă©poque, une figure locale. D'autres parlent de John Kennedy, fils de l’ambassadeur des États-Unis au Royaume-Uni, Joseph Patrick Kennedy, dit Joe. Ce dernier n'a eu qu'un fils prĂ©nommĂ© John, le futur prĂ©sident des États-Unis, ĂągĂ© de 21 ans, en voyage dans toute l'Europe, Ă  l'Ă©poque.

Le président de la République Albert Lebrun, lui, n'a pas fait le déplacement contrairement à Raymond Poincaré pour la premiÚre pierre.

Pointe de Grave, bouclier en bronze d'Henrin Navarre, seul vestige de l'ancien monument avec un buste de Lafayette conservé à la Mairie du Verdon

Le 30 mai 1942, Ă  peine quatre annĂ©es aprĂšs son inauguration, le monument est dynamitĂ© par les Allemands qui occupent le MĂ©doc et qui ne peuvent pas supporter un symbole aussi humiliant[88]. Il fallut qu'ils s'y prennent Ă  deux fois car la construction en bĂ©ton armĂ© de l’architecte AndrĂ© Ventre Ă©tait solide et rĂ©sistait bien Ă  l’explosif. Le quartier avait auparavant Ă©tĂ© Ă©vacuĂ©. Du monument, seuls subsistent un buste de La Fayette conservĂ© aujourd'hui Ă  la mairie du Verdon et un bouclier sculptĂ© d'Henri Navarre, en bronze, qui a Ă©tĂ© insĂ©rĂ© dans la stĂšle commĂ©morative bĂątie Ă  la hĂąte en 1947. La promesse formulĂ©e par le gouvernement français de reconstruire le monument ne fut en effet jamais tenue : la stĂšle actuelle, beaucoup plus sobre, signale l’emplacement de l’ancienne construction et la reconnaissance de la France envers notre alliĂ© amĂ©ricain[89].

Conséquences de la guerre

La fin du conflit de 1914-1918 fut dramatique sur le plan sanitaire avec une pandĂ©mie de grippe espagnole dĂ©cimant les populations et les garnisons, notamment pendant le mois d'octobre 1918. Au Verdon, on note sur les registres d'Ă©tat civil une quinzaine de dĂ©cĂšs dĂ©clarĂ©s Ă  l'infirmerie militaire du fort de Pointe de Grave. De mĂȘme, on note une douzaine de dĂ©cĂšs sur les navires le plus souvent militaires en rade du Verdon (anglais, brĂ©siliens, norvĂ©giens, amĂ©ricains, français
). Cette grippe espagnole causera encore plus de morts que la guerre elle-mĂȘme (10 millions de morts environ), certains avançant le chiffre peut-ĂȘtre un peu exagĂ©rĂ© de cinquante millions de morts[90].

En 1918, la France est certes victorieuse. Comme partout en France, Le Verdon va connaĂźtre quelques annĂ©es difficiles avant que la vie ne reprenne vraiment ses droits de travail et d'insouciance. On va d'ailleurs appeler cette pĂ©riode, Ă  partir de 1920, les AnnĂ©es folles, un autre chrononyme comme l'Ă©tait celui de la Belle Époque.

Le travail, c'est d'abord la construction du mĂŽle en 1927 avec l'arrivĂ©e de familles sur le territoire, c'est le Port autonome de Bordeaux qui embauche pour l'entretien des cĂŽtes, c'est le Balisage, les douanes
 C'est aussi la forĂȘt (rĂ©sine
), l'entretien des marais, c'est l'installation de nombreux commerces et artisans
 Beaucoup d'enfants, au sortir de l'Ă©cole (classes de fins d'Ă©tude) faisaient leur apprentissage chez un patron (mĂ©canique, restauration, commerce, couture
).

C'est le dĂ©but de l'Ăąge d'or de la pĂȘche aux huĂźtres et de la pĂȘche tout court (crevettes, poissons, coquillages
).

Cette période correspond aussi à un nouveau développement du tourisme : on peut venir en train à la Pointe de Grave depuis 1905, la traversée par bac de l'estuaire, vers Royan, devient un service public subventionné par le Conseil Général de Gironde. C'est le retour de la vogue des bains de mer. L'air marin, iodé, est alors recommandé par les médecins des villes pour soigner de nombreuses maladies, notamment respiratoires : neurasthénie, asthme, tuberculose
La natation est aussi recommandée à cette époque pour les articulations : arthrite, arthrose


Le raz-de-marée du 9 janvier 1924

Dans la nuit du au , une tempĂȘte exceptionnelle balaie les cĂŽtes de France. Du FinistĂšre Ă  Biarritz, les dĂ©gĂąts sont considĂ©rables. Les bateaux sont coulĂ©s dans les ports, fracassĂ©s contre les quais, en perdition quand ils sont en mer, mĂȘme les gros navires. Les terres sont inondĂ©es, l'eau envahit les maisons, les arbres sont arrachĂ©s. Tout est dĂ©solation comme aprĂšs un Ă©pisode de guerre. La presse de l'Ă©poque dĂ©crit le phĂ©nomĂšne en le dĂ©signant du terme de «raz-de-marĂ©e». Cette qualification est sans doute impropre car il n'a pas Ă©tĂ© notĂ© de sĂ©isme sous-marin. Cela montre nĂ©anmoins la violence de l'Ă©vĂšnement qui a marquĂ© l'esprit des contemporains.

La tempĂȘte de 1924 Ă©tait associĂ©e Ă  de fortes pluies. La mer dĂ©passait le niveau supĂ©rieur des plus grandes marĂ©es d’équinoxe. On signale alors des vagues de sept Ă  huit mĂštres. Les pertes humaines sont trĂšs importantes, on compte de nombreux noyĂ©s emportĂ©s par l'ocĂ©an. Ce sont parfois de simples curieux s'Ă©tant trop approchĂ©s, balayĂ©s par des " vagues scĂ©lĂ©rates ", des dĂ©ferlantes des plus dangereuses dont, parfois, on ne se mĂ©fie pas assez car imprĂ©visibles. Par endroit, les dunes sont rongĂ©es par les vagues sur une dizaine de mĂštres. Dans les ports, c'est un spectacle de dĂ©solation.

À l'heure du bilan, on ne compte plus les Ă©paves de bateaux sur les plages, les dĂ©gĂąts considĂ©rables tout au long de la cĂŽte : quais, digues, routes, maisons, poteaux tĂ©lĂ©phoniques et tĂ©lĂ©graphiques
tout est plus moins dĂ©truit, effondrĂ©, en ruine[91].

À la sortie de la voĂ»te de la poterne, au phare de Cordouan, des repĂšres sur la maçonnerie tĂ©moignent des hauteurs atteintes par la mer lorsque les vagues sont poussĂ©es par les vents de tempĂȘte : ainsi lors de ce fameux « raz-de-marĂ©e » du , la mer a atteint 8,50 mĂštres au-dessus du zĂ©ro des cartes marines.

La cause de ce " tsunami " reste trĂšs hypothĂ©tique. Toutefois, Ă  la place d'un sĂ©isme qui l'aurait provoquĂ©, on pense plutĂŽt Ă  un important Ă©boulement Ă  la limite du plateau continental, Ă©boulement qui aurait engendrĂ© un important mouvement de masse d’eau[92].

Un autre phĂ©nomĂšne rappelant un raz-de-marĂ©e, mais sans tempĂȘte, avait eu lieu le 24 dĂ©cembre 1892, dans le golfe de Gascogne. Le port des Sables-d’Olonne s’est soudain vidĂ©, les marins ont alors quittĂ© les bateaux pour rejoindre les quais. Quand la mer est revenue Ă  grande vitesse et avec violence, les bateaux ont rompu leurs amarres, ils se sont entrechoquĂ©s, ont heurtĂ© le quai passant parfois par-dessus les digues, le mĂŽle
Le phĂ©nomĂšne a durĂ© un certain temps puis tout est rentrĂ© dans l’ordre[93].

Le port autonome de Bordeaux

Un projet de l'extension du port de Bordeaux en créant un avant-port au Verdon-sur-mMr voit le jour en 1910, une proposition de la Chambre de Commerce.

Dans l'esprit de ses concepteurs, cet avant-port devait permettre aux paquebots d'Ă©viter de remonter l'estuaire sur prĂšs de cent kilomĂštres avec tous les dangers et tous les frais (dragage, pilotage
) que cela reprĂ©sentait. Outre l'aspect Ă©conomique et le gain de temps, l'avantage d'Ă©tablir un tel port Ă  cet endroit est la profondeur de l'estuaire, plus de douze mĂštres de tirant d'eau, permettant aux gros navires une facilitĂ© pour accoster, rapidement, sans aucune difficultĂ©, sans besoin de manƓuvrer.

Le plan projetait aussi d'amĂ©liorer, en mĂȘme temps, toutes les infrastructures permettant aux voyageurs de pouvoir rejoindre Bordeaux s'ils le dĂ©siraient : routes, voies ferrĂ©es


DĂšs 1914, il est donc dĂ©cidĂ© de construire au Verdon-sur-Mer, un mĂŽle d'escale. À cause de la guerre, le projet sera reportĂ©.

Les travaux ne commenceront effectivement qu'en 1926, décidés par le port autonome de Bordeaux nouvellement institué deux années auparavant, en 1924. L'inauguration aura lieu .

DÚs l'année suivante, en 1934, le port autonome obtient l'électrification de la ligne de chemin de fer jusqu'à la gare maritime.

En 1960, le mĂŽle est transformĂ© en terminal pĂ©trolier en utilisant les piliers en trĂšs mauvais Ă©tat mais toujours en place. Le port pĂ©trolier sera lui-mĂȘme abandonnĂ© en 1974[94].

DÚs la fin de seconde guerre mondiale, le Port autonome développera ses structures à la Pointe de Grave avec la construction d'un atelier, l'emploi de personnel, local la plupart du temps, sauf dirigeants. Il va investir dans l'achat de matériel, notamment afin de lutter contre l'érosion ou l'ensablement de la cÎte. En effet, en 1939, le port autonome a hérité de cette responsabilité en lieu et place des Ponts et Chaussées.

Tous les jours ou presque, des draisines tirant des wagonnets vont circuler durant de longues années sur les voies ferrés construites à cet effet, sur des digues longeant la cÎte, au plus prÚs de l'océan, pour aller enrocher et lutter contre les éléments.

La port autonome sera régi ensuite par un décret de 1965. Une nouvelle réforme entraßnera sa transformation en grand port maritime, le . Cette nouvelle loi de 2008 qui supprime les ports autonomes comme bon nombre d'autres établissements publics est de fait une privatisation et une ouverture à la concurrence. Ses infrastructures se répartissent sur six sites : Le Verdon-sur-Mer, Pauillac, Blaye, AmbÚs, Bassens et Bordeaux.

Depuis la transformation du Port autonome de Bordeaux en Grand Port maritime, abandonnant Ă  son sort le site du Verdon qui aurait pu ĂȘtre pour lui un atout car en eau profonde, le port de Bordeaux rĂ©trograde rĂ©guliĂšrement dans le classement des ports français. Ses activitĂ©s diminuent sans cesse, il abandonne une partie de ses infrastructures, vend des terrains, s'appauvrit
Il se situe, selon les classsements, Ă  la 7e ou 8e place des ports français, rattrapĂ© par le port de La Rochelle. Il faut dire que l'abandon du projet mĂ©thanier, mauvais choix, a Ă©tĂ© aussi un coup dur pour le Grand Port maritime de Bordeaux dont il tarde Ă  se remettre.

Le mîle d’escale du Verdon (1926-1944)

La gare maritime du Verdon oĂč ont accostĂ© un temps les plus grands paquebots transatlantiques a fait la fiertĂ© des verdonnais jusqu'Ă  sa fin tragique. De fait, la commune, de 1933 jusqu'Ă  l'occupation en 1940, n'a pas eu le temps de savourer trĂšs longtemps son succĂšs touristique. Sept petites annĂ©es pour le mĂŽle, quatre pour le monument aux amĂ©ricains, la malĂ©diction a sapĂ© une nouvelle fois tous les efforts faits pour rendre la pointe du MĂ©doc attractive.

Le projet d'un terminal maritime de passagers au Verdon qui était étudié depuis 1914 sera abandonné à cause de la premiÚre guerre mondiale : il ne sera reconsidéré qu'en 1925 par le tout nouveau Port autonome de Bordeaux. Les travaux commenceront l'année suivante en 1926, confiés à l'entreprise familiale de travaux publics Hersent d'origine normande spécialisée dans la construction de ports, conjointement avec une autre entreprise, allemande celle-ci, dirigée par Julius Berger.

La construction du mĂŽle d'escale du Verdon-sur-Mer fut une vĂ©ritable prouesse technique, un chantier "pharaonique" de cinq annĂ©es oĂč les derniĂšres innovations en la matiĂšre furent dĂ©ployĂ©es. Ainsi, il fallut enfoncer dans le sol sous-marin, trĂšs profondĂ©ment (huit mĂštres environ) pas moins de 90 piles en bĂ©ton armĂ© pour consolider l'ouvrage, assurer sa stabilitĂ©, prĂ©venir l'affouillement.

Des amortisseurs hydrauliques furent mis en place afin que les gros paquebots, en accostant, ne fragilisent pas l'ouvrage. Un peu moins de mille ouvriers se relayĂšrent sur le chantier, pour une grande partie de la main d'Ɠuvre Ă©trangĂšre. Le chantier est gigantesque et attire une main d’Ɠuvre Ă©trangĂšre, europĂ©enne, nombreuse. Des journaux de toutes les rĂ©gions publient des annonces pour recruter des ouvriers. Espagnols, Portugais, Italiens, Yougoslaves
 se font embaucher dans les entreprises qui construisent l’édifice. Des baraquements spĂ©ciaux sont construits aux abords pour les hĂ©berger[95].

L'ouvrage mesurait un peu plus de 300 mĂštres de long (dont cinq tronçons de soixante mĂštres reposant chacun sur douze piles) et les bateaux, selon leur longueur, leur hauteur de quille, leur jauge, pouvaient accoster d'un cĂŽtĂ© ou de l'autre du mĂŽle (deux quais). La profondeur Ă©tait moindre cĂŽtĂ© plage, douze mĂštres environ au lieu de quatorze. Reposant sur les piles, une plateforme en bĂ©ton armĂ© de 38 mĂštres de large.

Le mÎle fut appelé localement «gare à terre», gare maritime, faisant référence aux bùtiments qui lui furent associés :

  • La gare pour les voyageurs, trĂšs luxueuse, d'un pur style art dĂ©co, directement Ă  proximitĂ© des quais, se composait d'un hall, salle des pas perdus, d'une salle d'accueil des voyageurs, salle de rĂ©ception et d'attente
 Il y avait Ă©galement un salon oĂč l'on pouvait boire et se restaurer, un bureau des douanes, un bureau de poste[96]


À l'extĂ©rieur, un parking, des grues de chargement et de dĂ©chargement, puis une voie routiĂšre et une voie ferrĂ©e sur un long viaduc courbe de 372 mĂštres afin d'accĂ©der au mĂŽle depuis la terre ferme ou de le quitter.

  • Plus loin, le long de la route d'accĂšs au mĂŽle, un long bĂątiment, genre bĂątiment industriel, permettait d'entreposer les marchandises dĂ©barquĂ©es des bateaux ou en attente d'embarquement.

Le chantier considérable demanda le transport sur place de tonnes et de tonnes de matériaux : blocs de pierre, béton, gravier, moellons, acier
, des wagons et des wagons entiers.

GrĂące au viaduc, les trains s’approchaient au plus prĂšs de l’escale. L'annĂ©e suivant la mise en service de la gare, en 1934, le chemin de fer fut Ă©quipĂ© d'une des premiĂšres lignes Ă©lectrifiĂ©es de la SNCF.

AprĂšs quatre ans de travaux, le mĂŽle est inaugurĂ© le 22 juillet 1933. La Compagnie GĂ©nĂ©rale Transatlantique a dĂ©pĂȘchĂ© pour l'occasion un des fleurons de sa flotte, le Champlain transportant huit cent passagers en provenance de New York. Deux trains au dĂ©part transportĂšrent six cent d'entre eux Ă  Paris, Bordeaux ou Lourdes avant que le bateau ne regagne Le Havre, son port d'attache.

De nombreuses personnalitĂ©s politiques, maritimes
invitĂ©es du Port autonome de Bordeaux Ă©taient prĂ©sentes lors de ce premier jour. Le gouvernement français Ă©tait reprĂ©sentĂ© par Pierre Appell, sous-secrĂ©taire d'État aux travaux publics et au tourisme Ă  l'Ă©poque dans le premier cabinet d'Édouard Daladier. La presse de l'Ă©poque se rĂ©pand alors en rĂ©cits Ă©logieux sur Le Verdon.

Plus d’une soixantaine de paquebots transatlantiques feront escale (dĂ©barquant touristes et passagers) ainsi que des navires de commerce notamment venant d’OcĂ©anie, avec des peaux pour l’usine de Mazamet. Chaque escale Ă©tait une source d’animation pour le village. Les terrains Ă  proximitĂ© de la gare maritime sont sujets Ă  la spĂ©culation.

L’une des derniĂšres escales de paquebot est celle du " Massilia " en juin 1940 qui embarquera quarante parlementaires alors repliĂ©s Ă  Bordeaux (gouvernement de Paul Reynaud) tentant de rejoindre Casablanca pour y constituer un gouvernement. C'est depuis Le Verdon aussi que la Banque de France mettra Ă  l'abri une partie de la rĂ©serve d'or française en le chargeant sur le croiseur le Primauguet.

Pendant la seconde guerre mondiale, le long entrepÎt appelé "gare à terre" sera réquisitionné par les Allemands puis utilisé encore par les Américains durant l'aprÚs-guerre.

Le mĂŽle qui avait Ă©tĂ© construit en partie avec des dommages de guerre allemands et en partie aussi par l'entreprise allemande Julius Berger sera dynamitĂ© et dĂ©truit, revers de fortune et triste retour des choses, par les troupes d’occupation allemandes le 11 novembre 1944. Toutes les tentatives de remises en Ă©tat ont Ă©chouĂ© aprĂšs-guerre, malgrĂ© les efforts de la municipalitĂ© du Verdon. Depuis, les vestiges de cette gare maritime ultra moderne pour les annĂ©es 1930, ne seront rĂ©utilisĂ©s qu'aprĂšs des travaux de dĂ©blaiement, en 1966, permettant de crĂ©er un appontement pĂ©trolier inaugurĂ© en 1967. L’aventure du pĂ©trole durera 20 ans et s’arrĂȘtera Ă  son tour[97].

Les « piscines » et l'érosion marine

AprÚs-guerre, les plages qui se formaient naturellement derriÚre les digues étaient trÚs appréciées des familles habitant le Médoc et des touristes.

La mer, Ă  marĂ©e haute ou par temps de tempĂȘte, passait par-dessus toutes ces digues construites et entretenues par le port autonome, constituant en se retirant des retenues d'eau que l'on nommait localement " les piscines ". La population pouvait s'y baigner pratiquement sans danger pour les enfants contrairement aux baĂŻnes de l'OcĂ©an.

On trouvait ces " piscines " à la Claire, à Saint-Nicolas, aux Cantines, tout au long de la cÎte jusqu'à Soulac. Tous les étés, beaucoup de monde fréquentait ces plages, on "allait aux piscines" jusqu'à ce que, malheureusement, les digues soient petit à petit, en moins de 20 ans, recouvertes par le sable, le port autonome (PAB) ayant cessé de procéder à l'enrochement et à l'entretien des jetées.

En quelques annĂ©es seulement, toutes les constructions Ă©laborĂ©es pour lutter contre les Ă©lĂ©ments (digues, rails, Ă©pis
), et mĂȘme des blockhaus allemands ont disparu, ensevelis sous le sable, montrant Ă  l'Ă©chelle humaine ce que pouvait reprĂ©senter un tel phĂ©nomĂšne d'enfouissement. Cela nous permet de mieux comprendre comment la ville de Soulac a pu disparaĂźtre complĂštement, totalement ensablĂ©e en 1744. La quantitĂ© de sable dĂ©placĂ©, la rapiditĂ© de l'Ă©vĂšnement expliquent l'impossibilitĂ© des hommes de pouvoir rĂ©agir Ă  une Ă©poque oĂč on n'avait pas les moyens techniques d'aujourd'hui : des alertes avaient eu lieu prĂ©cĂ©demment au XIVe siĂšcle (trois mĂštres d'Ă©paisseur de sable au niveau de l'Ă©glise), en 1659 (la voĂ»te a cĂ©dĂ© sous la pression du sable), en 1737 (les portes sont obstruĂ©es
)
[98] En un seul jour de tempĂȘte, l'ocĂ©an peut transporter des tonnes et des tonnes de sable Ă  des kilomĂštres de distance : exemple de la tempĂȘte Klaus Ă  l'origine de la formation d'une Ăźle Ă  l'embouchure de la Gironde, le 25 janvier 2009.

Chaque année, maintenant, l'hiver passé, les municipalités des communes proches de l'océan doivent seules procéder au désensablement des rues, des jetées, des fronts de mer
ou au contraire, au réensablement pour éviter que des habitations disparaissent dans l'océan. Elles luttent comme elles le peuvent contre l'avancée des eaux et des sables vers l'intérieur des terres.

Le phĂ©nomĂšne d'Ă©rosion est bien illustrĂ© par l'Ă©pisode emblĂ©matique de l'Ă©vacuation de l’immeuble "Le Signal" Ă  Soulac-sur-Mer. Ce bĂątiment rĂ©sidentiel de 78 appartements est devenu le symbole de l'Ă©rosion marine dans le nord-MĂ©doc. En 1970, il Ă©tait Ă  deux cents mĂštres environ de l'ocĂ©an. Depuis, la plage avance de plus de quatre mĂštres tous les ans, le trait de cĂŽte a reculĂ© d'une quarantaine de mĂštres devant l'immeuble[99]. Le sable des dunes Ă  Soulac, Ă  l'AmĂ©lie, Ă  Montalivet, Ă  Lacanau
, tout au long du littoral au sud de la pointe est avalĂ© par l'ocĂ©an
pour aller se dĂ©poser Ă  l'embouchure de la Gironde.

Ensablement au bout de la pointe de Grave

Les photos ci-dessous montrent l'ensablement des plages au nord de la plage des Cantines


Ensablement plages de Saint-Nicolas et de la Claire

Une nouvelle Ăźle comme dit plus haut s'est mĂȘme formĂ©e en 2009 prĂšs du plateau de Cordouan. Un banc de sable de quatre mĂštres environ au-dessus de la mer est assez soudainement apparu. D'une surface approximative de quatre hectares, Ă  un endroit repĂ©rĂ© autrefois comme un haut-fond, (environ trois mĂštres) cette Ăźle sans nom peut donner une idĂ©e de la quantitĂ© extraordinaire de sable dĂ©placĂ©e[100].

Le combat contre la nature à la Pointe de Grave n'est pas sans rappeler un autre combat, celui de Benoßt Bartherotte, depuis 1985, pour sauver une autre pointe, celle du Cap-Ferret. Inlassablement, le styliste et homme d'affaires girondin défend sa propriété des assauts de l'océan en déversant des tonnes de roche devant chez lui.

Il en a fait un défi personnel en construisant, tout seul, à ses frais, une digue, une immense muraille de pierres qu'il faut sans cesse entretenir. Cette digue de prÚs de cinq cent mÚtres a pour but de protéger sa propriété et les habitations qui s'y trouvent[101]. Ses importants investissements personnels pour lutter contre l'érosion marine sont toutefois controversés, certains l'accusant de déplacer le problÚme un peu plus loin. Benoßt Bartherotte dit avoir grandi avec cette phrase : « Contre la nature, on n'y peut rien, mais moi, si ! »[102]. Grùce à l'allongement du musoir, la mer en effet ne vient plus ronger la dune.

Les autoritĂ©s reconnaissent aujourd'hui que Benoit Bartherotte a sauvĂ© la pointe du Cap-Ferret[103] mĂȘme si le problĂšme a Ă©tĂ© dĂ©placĂ© vers la plage dite des blockhaus dans la partie ouest de la pointe. La seule solution pour rĂ©soudre ce problĂšme semble bien l'allongement vers le sud de la digue en question plutĂŽt que de rĂ©ensabler inlassablement la plage, projet aussi coĂ»teux (14 millions d'euros) pour moins de rĂ©sultat, une grande partie du sable Ă©tant repris rapidement par la mer.

Une question grave se trouve ainsi posée : faut-il, comme on le faisait autrefois, protéger le littoral, ou ne faut-il plus le faire comme aujourd'hui?

Les rochers et des digues dégradées ont réapparu aux Arros, libérés du sable
RĂ©apparition des digues, rochers et piscines naturelles aux Arros

Dans les années quatre-vingt- dix, la défense quasi-systématique des cÎtes contre l'érosion marine est remis en cause, notamment dans un document de travail du ministÚre de l'Environnement de décembre 1995.

Cette Ă©tude tend Ă  dĂ©montrer que l'Ă©volution des littoraux est inĂ©luctable Ă  cause principalement de l'Ă©lĂ©vation du niveau de la mer (1 millimĂštre par an).

Les vents, les courants, la houle, le clapot
mĂȘme en dehors des phĂ©nomĂšnes exceptionnels que sont les tempĂȘtes mettent en suspension des sĂ©diments qui sont transportĂ©s ensuite Ă  plusieurs kilomĂštres de distance. Les nombreux ouvrages transversaux (Ă©pis) ont stabilisĂ© la ligne de cĂŽte pour ne mieux le dĂ©placer qu'un peu plus loin, chez le voisin, dit le rapport.

Pourtant, en ce qui concerne la pointe de Grave, le Port autonome de Bordeaux faisait un travail certes trÚs onéreux et lourd mais qui semblait nécessaire aux yeux de la population. De la jetée de la pointe jusqu'à Soulac, la dune était protégée.

À la Pointe de Grave, beaucoup regrettent la disparition de toutes ces constructions de protection de la cĂŽte initiĂ©es en 1839 par le service maritime des Ponts et ChaussĂ©es. Pendant des dizaines d’annĂ©es et des dizaines d'annĂ©es, le port autonome de Bordeaux a continuĂ© les travaux, a amĂ©nagĂ© puis entretenu laborieusement des digues prĂ©sentant un atout touristique non nĂ©gligeable pour la rĂ©gion. Elles donnaient un aspect diffĂ©rent, atypique, trĂšs attrayant, singularisant le site, lui donnant l'aspect d'un front de mer que l'on ne trouve nulle part ailleurs sur toute la façade atlantique.

BelvédÚre du blockhaus de la pointe de Grave sur la dune montrant l'ensablement de la jetée

Désormais, la pointe de Grave ressemble, cÎté océan, à toutes les autres stations balnéaires vulnérables de la cÎte d'Argent : des dunes rongées par l'océan, des plages s'amenuisant à marée haute ou, au contraire, devenant immenses car s'ensablant (avec beaucoup de marche pour approcher l'eau)


La pointe de Grave ensablée, nouvelle plage?

Un espoir subsiste cependant de voir certaines de ces " piscines " réapparaßtre, en allant vers Soulac, car l'océan transporte le sable de cette zone vers le nord. C'est ainsi qu'en 2019 et 2020, des digues malheureusement fortement dégradées et plus ou moins ensablées encore, ainsi que des rochers et des retenues d'eau ont réapparu aux Arros, aux Huttes, aux Cantines
 Par contre, les plages de Saint-Nicolas, de la Claire et de la Pointe de Grave (du coup, on peut citer le bout de la pointe comme une nouvelle plage ! ) sont fortement ensablées.

La guerre 1939-1945 : seconde guerre mondiale

L'histoire de la pointe de Grave durant le seconde guerre mondiale a été trÚs mouvementée en raison de sa position stratégique sur la façade atlantique. L'occupation du canton de Saint-Vivien par les Allemands va en effet perdurer jusqu'au 20 avril 1945 (poche de la pointe de Grave) prÚs de huit mois aprÚs la libération de Paris (25 août 1944). La capitulation de l'Allemagne (armistice du 8 mai 1945) aura lieu juste aprÚs la reddition des six derniÚres forteresses établies sur le littoral atlantique dont Royan et la pointe de Grave. Dunkerque, Lorient et Saint-Nazaire étaient d'ailleurs encore occupées au moment de la signature.

L'aprĂšs-guerre, de 1945 Ă  1953

En 1952, la géographe Micheline Cassou-Mounat, professeur à l'université de Bordeaux 3, donne une description assez précise du spectacle de désolation de la pointe de Grave, à la fin de la guerre.

« Le Bas-MĂ©doc est sorti de la tourmente plus directement atteint que le reste du Bordelais : les digues rompues, les mattes inondĂ©es, la forĂȘt incendiĂ©e, les bourgs en ruine, le quasiment neuf et magnifique monument aux AmĂ©ricains dynamitĂ©, le majestueux mĂŽle d'escale accueillant les paquebots depuis moins d'une dĂ©cennie et qui faisait la fiertĂ© des habitants du Verdon-sur-Mer, dĂ©truit. Jusqu'au fond des campagnes, Ă©vacuĂ©es et pillĂ©es, ravagĂ©es de trous de bombes, les dĂ©gĂąts ont Ă©tĂ© immenses donnant Ă  ce coin de terre un aspect lamentable[104]. »

Des baraquements provisoires sont construits à Saint-Vivien-de-Médoc pour loger les populations sinistrées : une cité provisoire est ainsi installée à proximité de l'église en 1955. La plupart de ces baraquements ont été détruits en 1973[105].

Compte-tenu de sa position stratégique, la pointe du Médoc est appelée à se reconstruire rapidement. Tout au bout de la pointe, la construction de deux cités participe à une augmentation importante de la population. La Cité du Balisage dont 4 logements (2 maisons jumelles) avaient été construites probablement avant la Seconde Guerre mondiale, vers 1939, est complétée par 2 autres logements. La cité des Douanes, est construite vers 1954 : elle comporte vingt-trois logements. Deux maisons seront ajoutées dans les années 1960, au nord, pour loger les cadres dirigeants. Le développement du tourisme utilisant la Régie des Passages d'Eaux (bacs Le Verdon-sur-Mer à Royan), va emmener une animation particuliÚre du hameau de la Pointe de Grave.

La base américaine du Verdon-sur-Mer

AprÚs guerre, les Américains établissent une base militaire américaine au Verdon jusqu'en 1958.

« D'abord logĂ©s dans des tentes, utilisant la gare Ă  terre pour stocker leur matĂ©riel, ils ne tardent pas Ă  s’installer dĂ©finitivement en construisant des baraquements en dur, d'abord sur la dune de la plage derriĂšre le chenal qui longe le chemin de la Batterie, puis Ă  la Grande Combe. LĂ , ils vont Ă©tablir comme sur toutes les bases militaires amĂ©ricaines de France un "Post Exchange" (PX), c'est-Ă -dire un magasin hors taxes qui employait la population locale comme le prĂ©voyait les accords franco-amĂ©ricains. Les employĂ©s français Ă©taient trĂšs bien payĂ©s. Ils avaient des avantages qui n'existaient pas en France : des versements Ă  une retraite complĂ©mentaire, un treiziĂšme mois avec une prime pour ceux qui parlaient anglais. Ils changeaient d'Ă©chelon trĂšs rĂ©guliĂšrement, avaient des primes de repas. Les salaires Ă©taient payĂ©s par l'Intendance militaire française : un payeur de la Caserne Xaintrailles Ă  Bordeaux apportait les enveloppes Ă  chaque fin de mois et le TrĂ©sor amĂ©ricain payait la contrepartie. Au dĂ©part mobile (au moyen d'un camion ouvrant sur le cĂŽtĂ©), avec un magasin provisoire Ă  la gare Ă  terre et un stock dĂ©posĂ© dans un blockhaus derriĂšre la capitainerie, le PX fut ensuite construit en bois Ă  la Grande Combe. Il comportait un self-service trĂšs bien approvisionnĂ© : on y trouvait tout ce qu'on peut trouver en grande surface. Un snack-bar, une laverie, un salon de coiffure...y Ă©taient adjoints. Il y avait aussi un campement pour les vĂ©hicules amphibies, un dĂ©pĂŽt d'essence en camions-citernes...Un service appelĂ© "European Exchange System" (EES) s'occupait de l'approvisionnement. La majoritĂ© des marchandises provenaient d'un magasin central situĂ© en BaviĂšre dans le district de Moyenne-Franconnie, en Allemagne. Au PX, on trouvait des conserves, de la biĂšre, du vin, des cigarettes, de l'habillement, des parfums, des montres, des bijoux, des mĂ©dicaments, un rayon mĂ©nager, des appareils photos, des fusils de chasse, des postes de radio, des magnĂ©tophones, des tourne-disques...Comme c'Ă©tait des magasins de l'ArmĂ©e amĂ©ricaine, les prix dĂ©fiaient toute concurrence, 20 Ă  25 % moins chers qu'en France ou aux États-Unis, et l'on pouvait commander par catalogue. Comme par enchantement, de nombreux foyers verdonnais se retrouvĂšrent Ă©quipĂ©s de postes de radio et de tourne-disques sur lesquels ils pouvaient Ă©couter les disques amĂ©ricains non encore vendus en France, notamment les premiers disques d'Elvis Presley pas encore connu au Verdon. Il y avait aussi beaucoup de soldats noirs amĂ©ricains qui avaient leur propre musique de jazz et leurs trompettistes, sans oublier les soldats venant de l'Ouest amĂ©ricain reconnaissables Ă  leur accent avec leurs chants cow-boys et auxquels il ne fallait surtout pas parler de jazz. Les verdonnais se sont habituĂ©s Ă  voir des jeeps circuler dans les rues occupĂ©es par deux militaires chacun coiffĂ© d'un casque sur lequel figuraient en gros deux lettres blanches : "MP" pour "Military Police". La police militaire amĂ©ricaine eut, en dehors de la simple police visant les militaires amĂ©ricains, Ă  rĂ©gler pas mal de conflits opposant leurs soldats Ă  la population locale, dans les bars ou les bals. Les enfants se sont peu Ă  peu habituĂ©s Ă  voir les militaires lancer de leur camions des friandises. Ils les guettaient du bord des routes en criant : "Chewing-gum! Chewing-gum!" Outre la fameuse gomme, ils pouvaient lancer de l'arriĂšre des camions ou par les vitres des voitures, des sachets de « milk » (lait en poudre), des bĂątonnets de confiture...et autres bonbons colorĂ©s au goĂ»t pharmaceutique moins apprĂ©ciĂ©s. DĂšs novembre 1954, l'armĂ©e amĂ©ricaine dĂ©cide d'organiser des opĂ©rations NODEX (News Offshore Discharge Exercise), c'est-Ă -dire des opĂ©rations de dĂ©barquement sur la façade atlantique française. Cinq sites furent choisis dont Le Verdon. Ces manƓuvres militaires mobilisaient plusieurs milliers d'hommes de toutes armes. Les dĂ©barquements avaient lieu sur la plage de la Chambrette et prĂšs du mĂŽle. Ce fut trĂšs spectaculaire. Il y avait des chalands LST (Landing ship tank), des Dukws et autres voitures amphibies qui fascinaient les enfants. Ces derniers, impressionnĂ©s, n'avaient pas l'habitude de voir des bateaux se poser sur le sable et se transformer comme par miracle en vĂ©hicules pouvant rouler sur la terre ferme. Des liberty ships mouillaient en rade, une flottille de bateaux LCM (Landing Craft Mechanized) a rejoint Port-Bloc, beaucoup d'engins bruyants et de camions ont rejoint les diffĂ©rents camps par les routes. À partir de 1955, les AmĂ©ricains ont fait un nouveau camp Ă  Beauchamp jusqu'Ă  la limite du cimetiĂšre de Soulac. Ce qui a le plus Ă©tonnĂ© les habitants du Verdon fut leur dĂ©part comme prĂ©cipitĂ© : tout fut nettoyĂ© trĂšs rapidement, dĂ©mantelĂ©, les AmĂ©ricains n'emportant pas tout avec eux. Ils creusĂšrent un immense trou et enterrĂšrent lavabos, sanitaires, restes de baraquement...et mĂȘme des motos et des vĂ©hicules. Les baraquements dĂ©montĂ©s ont Ă©tĂ© transportĂ©s prĂšs du stade, en face du groupe scolaire oĂč chacun pouvait se servir en bois, en piĂšces de charpente. »[106]

Le service des phares et balises

En 1936, une subdivision du service des phares et balises est crĂ©Ă©e Ă  la Pointe de Grave. À cette date, ce service qui existait prĂ©cĂ©demment sur le port de Royan en Charente-InfĂ©rieure (le dĂ©partement ne changea de nom pour devenir maritime qu'en 1941) transfĂšre ses compĂ©tences en Gironde, Ă  Port Bloc. Un bĂątiment est alors construit en brique pour servir d'atelier. Ce dernier sera agrandi par la suite.

Une citĂ© de 4 logements (2 maisons jumelles) est crĂ©Ă©e en 1938 pour loger le personnel (gardiens de phare, personnel navigant
) dans une enceinte baptisĂ©e la citĂ© du Balisage. Cette propriĂ©tĂ© du service du Balisage n'a qu'une seule entrĂ©e pouvant ĂȘtre fermĂ©e par un portail : elle est clĂŽturĂ©e, grillagĂ©e tout autour. Trois autres portails cadenassĂ©s pouvant servir notamment aux pompiers donnent sur des chemins de forĂȘt dont un pare-feu. Deux logements supplĂ©mentaires, des maisons individuelles, seront construits aprĂšs-guerre dans la citĂ©.

Le service des phares et balises pendant la seconde guerre mondiale

À peine installĂ© Ă  Port Bloc, le service des phares et balises est confrontĂ© Ă  la guerre. Il va fonctionner quasiment normalement au tout dĂ©but de celle-ci en prenant certaines prĂ©cautions : camouflage des phares, baisse de l'intensitĂ© et de la portĂ©e des feux, ou leur arrĂȘt Ă  la demande, mise en place de feux de secours...Le service est cependant affectĂ© par la mobilisation des plus jeunes.

En 1940, durant la période confuse avant l'armistice du 22 juin, on procÚde à la destruction de certaines installations, des bateaux-feux par exemple : certains sont déplacés à La Rochelle. Le service déménage à Bordeaux. Le baliseur Georges-de-Joly (construit en Allemagne! rattaché au port de Brest) et le baliseur André Blondel (anciennement « FinistÚre », basé aussi à Brest) rejoignent à Plymouth le service des phares anglais. AprÚs guerre, affecté à Dunkerque en 1946, l'André Blondel arrivera à la Pointe de Grave en 1973.

Durant l'occupation, les allemands rĂ©quisitionnent des logements (dont les quatre logements de la CitĂ© du Balisage), des locaux dont ceux du service du balisage, des matĂ©riels, des bateaux dont le bac «le Cordouan», et mĂȘme des personnes dans le cadre du travail forcĂ©. Ce travail s'effectuait sur site (mais avec parfois des travailleurs Ă©trangers) contrairement au service du travail obligatoire (STO) qui se faisait en Allemagne.

Le service des phares et balisse passe alors fin 1940 sous la tutelle pleine et entiÚre de la « Hafenkommandatur », le commandement militaire des ports de la Marine allemande.

À la fin de la guerre, alors que les allemands retranchĂ©s dans leur poche de rĂ©sistance ont tout dĂ©truit ou presque Ă  la Pointe de Grave (le mĂŽle, le monument aux amĂ©ricains...), on peut ĂȘtre Ă©tonnĂ© qu'ils n'aient pas touchĂ© aux phares dont celui de Cordouan : sans doute en ont-ils eu besoin jusqu'au dernier moment pour assurer la sĂ©curitĂ© de leurs propres bĂątiments[107].

Une maison double de la Cité du Balisage à Pointe de Grave - les villas "Orion" et "Grande Ourse" construites en 1938.
Le balisage

Comparable à la signalisation routiÚre pour la circulation automobile, la signalisation maritime désigne la mise en place de tout un dispositif en mer et sur les cÎtes destiné à faciliter la navigation tout en assurant toujours plus de sécurité.

À l'aide de feux et de balises, le balisage signale aux navigateurs, sur site, tous les dangers qui pourraient les menacer tels les Ă©cueils, les bancs de sable, les rochers, les Ă©paves, les hauts fonds... dangers qui peuvent ne pas ĂȘtre apparents Ă  la surface de l'eau Ă  l'Ɠil nu. Les balises peuvent aussi permettre aux marins d'Ă©viter l'Ă©chouement (Ă  ne pas confondre avec l'Ă©chouage) en indiquant les passages, les chenaux, les routes d'accĂšs aux ports par exemple, en leur indiquant ce que les marins appellent les eaux saines. Il a pour but aussi d'Ă©viter les abordages ou collisions entre navires avec, comme sur la route, des voies et des sens de circulation, des limitations de vitesse...

Pointe de Grave, entrée de la Cité du Balisage ; à gauche les deux maisons individuelles supplémentaires construites aprÚs guerre : la villa "Sirius" et la villa "Véga".

Le service du balisage assure la dĂ©pose des bouĂ©es et balises et leur entretien. Il peut aussi ĂȘtre amenĂ© Ă  s'occuper des amers quand ces derniers sont artificiels, posĂ©s Ă  dessein, tels ceux sur les jetĂ©es et digues et ceux indiquant l'entrĂ©e des ports. Il existe des amers naturels, des rochers par exemple et d'autres que constituent les bĂątiments et monuments tels les clochers d'Ă©glise. Le chĂąteau d'eau du Verdon-sur-Mer est un amer trĂšs utilisĂ© par les capitaines des navires entrant dans l'estuaire de la Gironde.

Le service des phares et balises assure aussi le bon entretien des phares et s'occupe de leur fonctionnement : il relÚve depuis 2010 de la direction interrégionale de la Mer (DIRM).

Un service du balisage initié sous Napoléon Ier

S'il existait bien un balisage des cÎtes sous l'Ancien régime, ce dernier dépendait d'initiatives locales, publiques ou privées.

En 1790, Louis XVI crĂ©e un grand ministĂšre de la Marine et des colonies, la marine de guerre devient nationale et non plus royale, mais on continuera cependant longtemps encore Ă  l'appeler «la Royale» mĂȘme encore aujourd'hui.

Pendant la RĂ©volution, ce ministĂšre de la Marine crĂ©e un service national de signalisation maritime rendu nĂ©cessaire en temps de guerre. En effet, les monarques europĂ©ens sont inquiets de voir ce qui se passe en France, prĂ©occupĂ©s par les idĂ©es de rĂ©volution pouvant se propager dans leurs pays. La guerre qui menace pouvant avoir lieu aussi bien sur terre que sur mer (batailles navales) notamment contre les britanniques, nĂ©cessite alors cette main mise de l'État sur la gestion de la signalisation en uniformisant les rĂšgles et en centralisant les dĂ©cisions.

Une loi du 15 septembre 1792 prévoit que le MinistÚre de la Marine procÚdera au choix de l'emplacement et à la surveillance des balises, des bouées tonnes, des amers et des phares. La dépose des bouées et autres balises, leur entretien, les travaux dépendront quant à eux du MinistÚre de l'Intérieur.

Napoléon Ier qui s'est proclamé empereur en 1804 souhaite un systÚme plus performant de surveillance et de sécurisation du trafic maritime, ce dernier devenant de plus en plus important.

Le 7 mars 1806, il crée le premier, à cette fin et par décret, un « Service des Phares et Balises ».

DÚs 1811, l'action de ce service fut pilotée par la Commission des phares.

Cette nouvelle administration, Ă  ses dĂ©buts, Ă©tait rattachĂ©e Ă  l'École des ponts et chaussĂ©es dĂ©pendant du ministĂšre de l'IntĂ©rieur. En 1819, le premier directeur nommĂ© de la commission des phares fut Augustin Fresnel qui inventera le systĂšme lenticulaire pour les phares. MalgrĂ© une mort prĂ©maturĂ©e, Fresnel fit de nombreuses dĂ©couvertes notamment concernant la diffraction de la lumiĂšre. Il installera lui-mĂȘme, Ă  Cordouan, le premier appareil lenticulaire de sa conception, en juillet 1823.

Le Service des Phares et Balises de la Pointe de Grave

Le Service des Phares et balises de la Pointe de Grave installé à Port Bloc en 1936 est chargé de l'entretien, outre les balises et amers, des trois phares verdonnais : le phare de Cordouan, le phare de Grave, le phare Saint-Nicolas.

Il s'occupe de la dépose, et du relevage pour réparations, des bouées disposées en mer afin d'assurer la sécurité de la navigation sur toute la façade sud-atlantique et dans l'estuaire de la Gironde. D'autres services identiques gÚrent la partie nord atlantique et la Manche, à Nantes et au Havre.

Dépose d'une bouée depuis le baliseur Charles RibiÚre

Le service dispose d'un bateau, dit baliseur, armĂ© Ă  Port Bloc. Alternativement, suivant l'entretien et le suivi des bateaux Ă  Bordeaux, il utilise le bateau Charles RibiĂšre. (le premier du nom, armĂ© de 1921 Ă  1934, le second du nom, armĂ© de 1934 Ă  1973) ou le bateau Jasmine jusqu'en 1964, corvette anglaise construite en 1941, transformĂ©e en 1948 comme baliseur Ă  Caen. Dans les annĂ©es cinquante, le service disposait d'un bateau annexe plus petit et plus mobile, l'Ibis pouvant ĂȘtre utilisĂ© pour les petites balises et le ravitaillement du phare de Cordouan. Cette annexe sera remplacĂ©e en 1962 par le bateau Le Matelier.

1952 - Carnet d'embarquement d'un chauffeur (mot hĂ©ritĂ© de la marine Ă  vapeur remplacĂ© par le mot mĂ©canicien de marine aujourd’hui) sur les baliseurs Charles RibiĂšre et Jasmine et sur le bateau annexe l'Ibis

Le retour à Port Bloc du baliseur aprÚs la récupération en haute mer (pour entretien à terre, et réparation) d'une bouée (remplacée par une autre en bon état de fonctionnement) a toujours été une aubaine pour les verdonnais : en effet, c'était l'assurance de repartir avec de trÚs grosses moules sauvages distribuées gratuitement : trÚs appétissantes, venant du grand large, elles s'étaient fixées naturellement sur la bouée afin de s'y développer.

L'endroit, prĂšs de Port Bloc, oĂč sont stockĂ©es les grandes bouĂ©es mĂ©talliques pouvant atteindre une vingtaine de mĂštres de haut et pesant jusqu'Ă  une quinzaine de tonnes a quelque chose de spectaculaire qui a toujours attirĂ© l'Ɠil des visiteurs. TrĂšs imposantes et colorĂ©es, rebondies, Ă  cĂŽtĂ© parfois de longues et lourdes chaĂźnes peintes en noir, mĂ©talliques elles-aussi, elles sont en attente pour la plupart d'ĂȘtre rĂ©parĂ©es et restaurĂ©es afin de reprendre du service. Le personnel qui nomme familiĂšrement l'endroit "le cimetiĂšre" et qui est chargĂ© d'entretenir ces bouĂ©es doit revĂȘtir une tenue de scaphandrier au moment du sablage (jet de sable sous pression). Cette opĂ©ration consiste Ă  enlever la rouille et l'ancienne peinture abimĂ©e par l'eau salĂ©e et les embruns. On ne peut repeindre les balises que lorsqu'elles sont complĂštement dĂ©capĂ©es. Ce travail du sablage est sans doute appelĂ© Ă  disparaĂźtre, les bouĂ©es Ă©tant de plus en plus faites en plastique.

En 1973, le "Charles RibiÚre" est remplacé par le baliseur "André Blondel" qui a travaillé précédemment à Boulogne, à Dunkerque, puis au Havre.

La subdivision du Verdon-sur-mer assure les mĂȘmes fonctions que Bayonne sur le dĂ©partement de la Gironde et une partie de l’estuaire du fleuve Gironde, y compris l’entrĂ©e du bassin d’Arcachon.

Plan Polmar Terre

Depuis 1978, le service des phares et balises de la Pointe de Grave (chapeautĂ© depuis 2010 par la Direction interrĂ©gionale de la Mer) assure aussi le stockage et l’entretien du matĂ©riel Polmar Terre pour la façade sud atlantique, matĂ©riel spĂ©cialisĂ© mis Ă  la disposition des prĂ©fets pour lutter contre la pollution marine lorsque celle-ci atteint les cĂŽtes.

Le plan Polmar Mer qui ne concerne pas Le Verdon est déclenché quant à lui par le Préfet maritime pour des interventions en pleine mer.

Ce service nommĂ© " Centre InterdĂ©partemental de Stockage et d'Intervention " (CISIP) est appelĂ© Ă  lutter contre la pollution marine accidentelle. Il dispose d’une trentaine d’agents assurant la gestion et la maintenance des matĂ©riels, personnel entraĂźnĂ© et formĂ© Ă  son dĂ©ploiement.

En plus des navires dĂ©diĂ©s, le baliseur ocĂ©anique " Gascogne " et un mini-baliseur (18,70 mĂštres), le " Pointe de Grave " qui s'occupe davantage des balises portuaires, le CISIP dispose d'un bureau et d'un hangar afin de stocker tout le matĂ©riel nĂ©cessaire pour une intervention dans l'urgence.

Parmi les nombreux matériels entreposés, on peut citer les barrages flottants, les pompes à hydrocarbures


Le dragage

L'estuaire de la Gironde, ses ports, ses chenaux de navigation, ses canaux
 ont de tout temps été confrontés à l'ensablement ou à l'envasement perturbant la navigation des navires. Les hommes depuis toujours ont dû s'adapter ou bien pratiquer ce que l'on appelle le dragage.

Le dragage tel qu'on le pratique aujourd'hui est le résultat d'une longue évolution. Au fil du temps et des progrÚs techniques, les hommes ont sans cesse apporter des améliorations dans leur savoir-faire.

Les Romains, déjà, pratiquaient le dragage maritime retirant les sédiments accumulés dans les ports et les chenaux. Ils avaient recours la plupart du temps aux esclaves pour effectuer ce travail.

Avant eux, les Égyptiens (dragage du Nil) et les PhĂ©niciens nettoyaient les fonds marins Ă  l'aide d'un matĂ©riel rudimentaire : perches, pelles, seaux, mĂąts de charge, barges,...

Les ingĂ©nieurs romains avaient inventĂ© au Ier siĂšcle un ciment extrĂȘmement solide, rĂ©sistant Ă  l'attaque de l'eau, qui leur permettait d'amĂ©nager leurs ports tels Portus Julius, un des premiers du genre, en construisant des bassins, des jetĂ©es, des quais...

Cependant, sans dragage systĂ©matique, les ports qu’ils protĂ©geaient Ă©taient menacĂ©s puis dĂ©truits par l’accumulation de limon, de sable ou de vase. On ne sait pas s'ils ont pratiquĂ© des opĂ©rations de dragage Ă  la Pointe de Grave mais on a retrouvĂ© des piĂšces de monnaie romaine dans l'anse de Port Bloc. Ceci prouve bien la prĂ©sence des Romains dans le MĂ©doc Ă  l'Ă©poque de Vespasien et d'Hadrien, les deux empereurs Ă  l'effigie de ces piĂšces de monnaie.

Au Moyen Âge, on pratiquait le dragage plutĂŽt Ă  partir de la terre ferme que depuis des barges. Pour cela, on utilisait une sorte de charrue reliĂ©e Ă  un axe rotatif, tirĂ©e par des hommes ou des animaux.

Au XVIIe siĂšcle, le Français Denis Papin invente la pompe centrifuge, machine rotative capable d’aspirer une large quantitĂ© de substances en suspension dans l'eau, transportĂ©es ensuite Ă  l'aide de tuyaux.

Au XVIIIe siÚcle, l'invention de la machine à vapeur par Thomas Newcomen et Thomas Savery, perfectionnée par James Watt (Machine de Watt) est la découverte qui fait énormément progresser les techniques de dragage : on n'a plus recours à la traction animale, celle du cheval, gommant ainsi bien des problÚmes.

L’utilisation de machines Ă  vapeur a permis le fonctionnement de grandes pompes pouvant dĂ©placer une quantitĂ© de sĂ©diments plus importante. GrĂące Ă  ces machines plus puissantes, on a pu se servir d'Ă©quipements plus gros, plus performants, notamment de grands godets
 Le service de dragage par engin Ă  vapeur alla de pair, du point de vue de la navigation, avec une augmentation importante de la taille des navires, et plus particuliĂšrement de leur tirant d'eau.

Le dragage des fonds marins ne va cependant pas toujours sans problĂšmes : les modifier peut ĂȘtre la cause de dĂ©stabilisation et de perturbation du milieu, du rĂ©seau trophique : cela peut avoir une influence sur les courants, sur les animaux et les plantes[108].

RĂ©guliĂšrement, de la mĂȘme façon, le fait de retirer du sol marin des granulats crĂ©e des polĂ©miques.

Les navires sabliers sont confrontĂ©s au mĂȘme souci de la protection de l'environnement que le dragage.

L'extraction de sable et de gravier au fond de l'eau afin de les utiliser dans le bùtiment et les travaux publics, ou pour l'amendement agricole, peut avoir un impact important, irréversible, sur le milieu naturel.

Les verdonnais en gĂ©nĂ©ral, et les habitants de la Pointe de Grave en particulier, gardent des souvenirs mitigĂ©s des nombreuses opĂ©rations de dragage qu'ils ont eu Ă  supporter depuis la guerre. Supporter est bien le mot juste car les dragues font un bruit infernal. Ça tape, ça cogne, ça grince
et par un mystĂšre difficile Ă  comprendre ça ne s'arrĂȘte jamais, mĂȘme la nuit : est-ce un problĂšme de programmation et qu'il y a urgence afin que les bateaux ne s'Ă©chouent pas ? Est-ce un problĂšme de coĂ»t, plus la drague Ă©tant immobilisĂ©e pour ce service, plus c'est cher? Est-ce un problĂšme de dĂ©lai Ă  respecter dans un contrat ? Sans doute, toutes ces propositions sont de bonnes raisons, mais est-ce que ce vacarme infernal serait encore tolĂ©rĂ© en 2020, Ă  l'Ă©poque oĂč pourtant l'isolation phonique des maisons est bien supĂ©rieure Ă  ce qu'elle Ă©tait autrefois?

Les enfants, eux, la journĂ©e, Ă©taient attirĂ©s notamment lors du dragage de Port Bloc par le spectacle de la bruyante drague et de sa marie-salope : attirĂ©s par le bruit, mais aussi peut-ĂȘtre par polissonnerie, fascinĂ©s et amusĂ©s de l'incongruitĂ© et de la grossiĂšretĂ© du mot dĂ©signant le chaland qui l'accompagne, associĂ© qui plus est au mot "drague". Cette dĂ©nomination est heureusement dĂ©suĂšte aujourd'hui mais non encore oubliĂ©e.

« En mars 1976, la drague "Jean Rigal" qui travaillait de nuit à la construction du terminal à conteneurs est accusée d'avoir provoqué l'envasement des parcs ostréicoles. Les ostréiculteurs seront indemnisés, mais la culture de l'hußtre, c'est bel et bien fini : le 31 mai 1976, il y avait obligation de cesser l'activité et d'évacuer les parcs. Du Verdon jusqu'à Cheyzin, à Talais et à Saint-Vivien, tous étaient envasés sur une épaisseur de 60 centimÚtres par endroits. De toute façon, l'aventure industrielle et pétroliÚre qui s'était terminée en 1974 avait, semble-t-il, occasionné une pollution au cadmium rendant les hußtres impropres à la consommation. »[109]

Depuis 2013, le Grand Port Maritime de Bordeaux utilise la drague aspiratrice "Anita Conti" fonctionnant jour et nuit sans s'arrĂȘter. Ce bateau d'une longueur d'environ 90 mĂštres embarque 18 marins. Il intervient uniquement dans l’estuaire de la Gironde et drague jusqu'Ă  une profondeur de vingt-deux mĂštres. Dans le secteur amont, on a plutĂŽt utilisĂ© jusqu'Ă  derniĂšrement le bateau "la Maqueline", drague Ă  benne beaucoup plus bruyante. C'Ă©tait le plus ancien navire de la flotte du groupement d’intĂ©rĂȘt Ă©conomique (GIE) Dragages-Ports crĂ©Ă© en 1979, incluant le MinistĂšre des Transports et les grands ports maritimes dont celui de Bordeaux.

" La Maqueline " fut remplacĂ©e en 2020 par la drague " l'Ostrea ", drague Ă  injection d’eau utilisant le gaz naturel comme carburant, plus respectueuse de l'environnement[110].

D'autres chasses en MĂ©doc et la cueillette des champignons

Vivant au plus prĂšs de la nature, en milieu tout Ă  la fois rural et maritime, les mĂ©docains ont toujours Ă©tĂ© attirĂ©s par la forĂȘt et par l'eau, d'oĂč leur goĂ»t pour la pĂȘche, la chasse et la cueillette (champignons surtout).

Les autres chasses

Outre la chasse Ă  la tourterelle qui a dĂ» ĂȘtre abandonnĂ©e au vu des nombreux problĂšmes qu'elle posait, les habitants du MĂ©doc ont pratiquĂ© et pratiquent parfois encore d'autres chasses.

Parmi celles-ci, il y a la chasse avec appelants vivants qui consiste Ă  attirer les oiseaux avec l'aide d'autres oiseaux de la mĂȘme espĂšce, Ă©levĂ©s ou capturĂ©s. Les oiseaux ainsi trompĂ©s se posent Ă  cĂŽtĂ© de leur congĂ©nĂšres dans les pins (palombes) ou sur l'eau (canards), Ă  portĂ©e de fusil. Parfois, l'appelant peut ĂȘtre un simple appeau.

La chasse à la palombe se pratique généralement à partir de palombiÚres ou de pylÎnes. La chasse au gibier d'eau, canards et oies sauvages (sauvagine) se fait de nuit, dans les marais, à partir d'une tonne.

Les mĂ©docains pratiquent aussi la chasse au petit gibier : grive musicienne, merle noir (turdidĂ©s)[111], ou Ă  d'autres passereaux comme l'Ă©tourneau sansonnet
Certains pratiquent la chasse avec chien (faisan, perdrix, pluviers, vanneaux
) et la chasse plus confidentielle Ă  la bĂ©casse et Ă  la bĂ©cassine, oĂč il ne suffit plus d'avoir un simple chien de chasse mais un chien d'arrĂȘt, bien dressĂ©. La chasse Ă  la passĂ©e, trop opportuniste, est interdite, sauf pour les canards.

Les médocains tirent aussi sur les liÚvres et les lapins de garenne, mais il faut compter avec les maladies. Quant aux sangliers (cochons sauvages?), aux cerfs et aux chevreuils, leur population était en augmentation, surtout un peu plus au sud de la pointe de Grave. Ils sont chassés à l'aide de battues[112].

Les champignons

En ce qui concerne les champignons, les mĂ©docains cherchent surtout le magnifique et goĂ»teux cĂšpe de Bordeaux (Boletus edulis), mais aussi beaucoup d’autres champignons.

CĂšpe de Bordeaux (Boletus edulis)

D’autres bolets d’abord (en privilĂ©giant les noms locaux) :

  • le cĂšpe tĂȘte-noire (boletus aereus, dit aussi cĂšpe bronzĂ©, ou tĂȘte-de-nĂšgre) ;
  • le cĂšpe de pin (boletus pinophilus) ;
  • le cĂšpe bai (boletus badius) aux pores bleuissants. Il est aussi trĂšs bon, surtout jeune. Le bleuissement lorsqu'on le blesse, qu'on le coupe ou le meurtrit, est dĂ» Ă  un chromogĂšne qui s’oxyde au contact de l’air. Une de ses particularitĂ©s, il contient de la thĂ©anine, c’est mĂȘme la seule source de thĂ©anine avec le thĂ©. Une autre particularitĂ© moins agrĂ©able celle-ci, il est trĂšs sensible aux polluants, il fixe le cĂ©sium 137 ;
  • le cĂšpe d'Ă©tĂ© (boletus reticulatis) ;
  • le pible, de l'ancien nom du peuplier (leccinum auriantiacum, dit aussi bolet orangĂ© ou bolet rude). Il pousse Ă  proximitĂ© des marĂ©cages. À manger plutĂŽt jeunes (car la chair devient vite spongieuse) et sans la queue ;
  • Un autre champignon de la famille du pible, c'est-Ă -dire des bolets dits raboteux ou rudes (leccinum), en rĂ©fĂ©rence Ă  leur pied rugueux, est le bolet dit des chĂȘnes verts (leccinum lepidum) que l'on trouve beaucoup au Verdon, un peu Ă  l'intĂ©rieur des terres (vers les Cantines) et qui pousse, comme son nom l'indique sous les chĂȘnes verts.

Les mĂ©docains ne s’intĂ©ressent pas qu’aux bolets, ils ramassent toute une variĂ©tĂ© d’autres champignons :

  • les catalans (Lactaires dĂ©licieux) ;
  • les coulemelles (macrolepiota procera, ou lĂ©piote Ă©levĂ©e) ;
  • les pieds-de-mouton (hydnum repandum), facilement reconnaissables car l'hymĂ©nium est fait de picots, blanchĂątres Ă  crĂšme ;
  • les girolles (cantharellus cibarius, ou chanterelles)


Les médocains sont aussi trÚs friands et depuis toujours des bidaous (tricholoma equestre, ou tricholome doré) trouvés dans le sable.

Le bidaou (Tricholoma equestre)

Ce champignon mĂ©rite qu’on s’y arrĂȘte car ces derniĂšres annĂ©es, il a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ© dangereux, voire mortel consommĂ© en trop grande quantitĂ© (plus de 300 grammes, mĂȘme rĂ©partis sur plusieurs jours), ou trop rĂ©guliĂšrement. Ceci a beaucoup Ă©tonnĂ© les girondins qui en consomment depuis des dizaines et des dizaines d’annĂ©es sans avoir remarquĂ© quoi que ce soit, sans avoir Ă©prouvĂ© le moindre malaise. Le bidaou est accusĂ© aujourd'hui de provoquer des d'empoisonnements (rhabdomyoloses) intervenus aprĂšs une consommation excessive ou rĂ©pĂ©tĂ©e. On aurait recensĂ© 12 cas mortels dans les annĂ©es 1990. Il est interdit Ă  la vente depuis 2001, classĂ© dĂ©sormais dans la catĂ©gorie des champignons toxiques.

La cueillette des champignons, en tous cas, voilĂ  une activitĂ© qui ne prĂȘte pas Ă  la polĂ©mique comme la chasse, sauf Ă  pĂ©nĂ©trer dans les propriĂ©tĂ©s privĂ©es.

La surveillance des cĂŽtes

De longue date, il est apparu nécessaire aux hommes d'exercer une surveillance et une protection des cÎtes.

Il s'agissait surtout au dĂ©but, de prĂ©venir, de se dĂ©fendre et de protĂ©ger les populations locales contre des invasions ennemies. Cette nĂ©cessitĂ© a amenĂ© par endroit une dĂ©fense des territoires toute militaire : fortification cĂŽtiĂšre, artillerie cĂŽtiĂšre
 Ces dispositifs de garde-cĂŽtes terrestres auxquels ont pu s'ajouter plus tard d'autres moyens, maritimes cette fois, ne pouvaient ĂȘtre mis en place en tous lieux. Le besoin d'alerter des postes militaires Ă©loignĂ©s a amenĂ© les hommes Ă  inventer des moyens de communication rapides. Ces derniers, au fil du temps, ont Ă©tĂ© de plus en plus performants. Les appels sonores pour avertir et appeler Ă  l'aide, tel " le cor de Roland " Ă©tant de faible portĂ©e, on prĂ©fĂ©ra trĂšs vite l'utilisation pour communiquer de signaux optiques. Au dĂ©but, ce fut de simples signaux de fumĂ©e colorĂ©s, des foyers lumineux (feux et torches), des pavillons et drapeaux
 L'ingĂ©nieuse invention des frĂšres Chappe (tĂ©lĂ©graphe) amĂšne le dĂ©ploiement des premiers sĂ©maphores sur tout le territoire cĂŽtier.

Les premiers sémaphores

Les premiers sémaphores cÎtiers n'étaient pas destinés à la sécurité des marins. C'était un outil de défense chargé de signaler aux populations, par signaux optiques, toute approche de l'ennemi.

Déjà, du temps des Romains, les postes militaires étaient prévenus d'un danger venu de la mer par des signaux de fumée communiqués depuis des tours de guet établies le long des cÎtes.

Au XVe siĂšcle, les GĂ©nois avaient mis en place en Corse un systĂšme de surveillance maritime de 87 tours communiquant entre elles par des feux.

Au XVIIe, le rĂšgne de Louis XIV est une longue suite de conflits qui opposent frĂ©quemment la France et l'Angleterre. Jean-Baptiste Colbert, ministre d'État chargĂ© entre autres du SecrĂ©tariat de la Marine, est Ă  l'origine de l'utilisation sur nos cĂŽtes de messages codĂ©s Ă  l'aide de pavillons de tissu Ă  motifs colorĂ©s. Ce procĂ©dĂ© continue Ă  ĂȘtre utilisĂ© de nos jours sur les navires pour se signaler ou pour communiquer entre eux.

En 1801, Charles Depillon propose un systÚme de communication inspiré du télégraphe de Chappe qui utilise des signaux visuels transmis de place en place. Avec Depillon apparaissent les premiers sémaphores cÎtiers dont on peut considérer qu'il en est l'inventeur. Son dispositif trÚs simple à installer, peu onéreux, consistait en un mùt de douze mÚtres de haut environ sur lequel étaient articulés 4 bras pouvant prendre 301 positions pour autant de signaux possibles.

En 1806, NapolĂ©on Ier demande au ministĂšre de la Marine de mettre en place une surveillance de la circulation des navires depuis la terre. Charles Depillon Ă©tant dĂ©cĂ©dĂ© trop tĂŽt en 1805, c'est l'amiral Louis Jacob nommĂ© prĂ©fet maritime qui va ĂȘtre amenĂ© Ă  dĂ©velopper la construction des premiers sĂ©maphores sur nos cĂŽtes.

À Granville oĂč il Ă©tait affectĂ© en tant que commandant de Marine, Louis Jacob teste le systĂšme conçu par Charles Depillon Ă  la pointe du Roc, en 1806. Dans la foulĂ©e, la Marine française adopte le dispositif et le met en place tout le long des cĂŽtes.

Un temps abandonnés, durant l'Empire de Napoléon III, un décret de 1862 rétablit les sémaphores avec mission de service public : 134 postes " électro-sémaphoriques " sont opérationnels dÚs 1866.

La fin du XIXe siÚcle voit en effet le développement de l'énergie électrique : celle-ci remplace petit à petit le gaz pour l'éclairage public mais n'entrera dans les foyers qu'aprÚs 1900.

Le systĂšme de communication imaginĂ© par Charles Dupillon va cependant perdurer longtemps encore malgrĂ© tous les progrĂšs dans le domaine de l'Ă©lectricitĂ© et l'apparition de l'appareil imaginĂ© par Samuel Morse (manipulateur morse) dĂšs 1840, ce dernier s'appuyant lui-mĂȘme sur des recherches prĂ©cĂ©dentes.

Chaque sĂ©maphore devient donc en 1863 un bureau tĂ©lĂ©graphique fonctionnant comme les autres bureaux des PTT et ouvert au public pour le service des dĂ©pĂȘches privĂ©es (tĂ©lĂ©grammes payants). DotĂ©s d'un tĂ©lĂ©graphe, le service n'est assurĂ© que pendant le jour. Les sĂ©maphores sont Ă©galement associĂ©s aux opĂ©rations de sauvetage et recueillent des informations mĂ©tĂ©orologiques.

Les sémaphores utilisent alors deux langages :

  • les signaux basĂ©s sur les positions des bras articulĂ©s qui sont compris par les marins ;
  • les signaux du "code international des signaux" datant de 1856, basĂ©s sur les pavillons colorĂ©s convertibles en lettres ou mots. Par exemple, l'association des pavillons blanc et rouge est comprise comme la lettre " C " ou le mot " oui ".

Certains sémaphores étaient équipés d'un petit canon afin d'attirer l'attention de navires notamment en cas de visibilité médiocre et de péril.

À partir de 1897, le personnel de sĂ©maphores est dĂ©sormais gĂ©rĂ© par le MinistĂšre de la Marine.

En 1958, le service de télégraphie est fermé. Les sémaphores sont désormais chargés de la surveillance de l'espace maritime, aérien et terrestre, militaire et civil. Ils doivent, en particulier, participer à la sécurité de la navigation et à la sauvegarde de la vie humaine dans la zone cÎtiÚre.

Aujourd'hui, le sĂ©maphore est un poste de surveillance opĂ©rationnel 24 heures sur 24. C'est un lanceur d'alerte chargĂ© de la prĂ©vention et de l'assistance Ă  la navigation en cas de pĂ©ril, chargĂ© de la rĂ©gulation du trafic maritime et de la pĂȘche. On compte aujourd'hui 59 sĂ©maphores sur tout le littoral français en 2020.

Le CROSSA Étel

En 1970 sont créés les CROSS (Centres Régionaux Opérationnels de Surveillance et de Sauvetage). Dirigés par des administrateurs des affaires maritimes, les CROSS sont gérés par du personnel de la Marine nationale.

Le sĂ©maphore de la Pointe de Grave travaille avec le CROSSA Étel (A comme Atlantique, Étel du nom de la commune du Morbihan oĂč est Ă©tabli le Centre de gestion), directement sous l'autoritĂ© du PrĂ©fet Maritime de l'Atlantique et du directeur interrĂ©gional de la mer Nord Atlantique-Manche Ouest. Il existe quatre autres Cross en France.

CompĂ©tent de la Pointe de Penmarc’h (FinistĂšre) Ă  la frontiĂšre espagnole, le CROSS Étel couvre huit dĂ©partements littoraux et l’ensemble du golfe de Gascogne. Il emploie 67 personnes de statut civil ou militaire.

Il exerce les missions suivantes :

  • La coordination du sauvetage en mer ;
  • La surveillance de la navigation maritime et la sĂ»retĂ© des navires ;
  • Le recueil et la diffusion de l’information nautique, les bulletins mĂ©tĂ©o en radio VHF notamment.

En outre, le CROSS Étel est dĂ©signĂ© Centre national de surveillance des pĂȘches maritimes et a pour autre mission de surveiller les pollutions marines. En ce sens, les CROSS vont jouer un rĂŽle primordial dans la perspective et la mise en Ɠuvre du Brexit.

Ils recueillent les informations relevées par les avions et les hélicoptÚres des douanes et de la Marine nationale dotés de dispositifs de détection de pollution spécialisés. Ils exploitent ces informations et les transmettent aux autorités chargées du déclenchement du Plan Polmar (pollution marine). Ils concourent à la recherche des auteurs des pollutions sous le contrÎle de l'autorité judiciaire.

Les CROSS travaillent en lien étroit avec les sémaphores qui leur communiquent les appels de détresse.

Le sémaphore de la pointe de Grave

La Pointe de Grave est un endroit stratégique pour surveiller la navigation. Sur les cartes du XIXe siÚcle, on peut trouver la trace d'un premier sémaphore sur la dune de Saint-Nicolas, le point culminant de la commune du Verdon (une quarantaine de mÚtres de hauteur).

Pour exercer ces missions, le personnel du sémaphore dispose d'une " chambre de veille ", au second étage, piÚce équipée de larges baies vitrées permettant une observation à 360° située tout en haut d'une tour. Il dispose aussi de paires de jumelles trÚs puissantes, d'un télescope orienté vers la zone maritime à surveiller, d'un radar dont on peut voir la grande antenne et de moyens de radiocommunication. Le rez-de-chaussée que les gardiens utilisaient autrefois pour y installer des couchettes n'est plus guÚre utilisé aujourd'hui. Les logements de gardiens sont situés désormais en contrebas, hors de la zone militaire sécurisée, tout prÚs du monument aux Américains. Un blockhaus tout à cÎté a été transformé en bureau, un autre sert d'héliport.

En 1864, au Second Empire, le sémaphore de la pointe de Grave fut reconstruit tout au bout de la pointe, au sommet de la dune de dix-sept mÚtres de haut.

Le sémaphore de la pointe de Grave, zone militaire

Détruit par les Allemands en 1943, il fut remplacé provisoirement par un simple poste d'observation jusqu'en 1951. C'est à cette date que le sémaphore fut reconstruit tel qu'on peut le voir actuellement. Il fait partie des 59 sémaphores surveillant le littoral français.

La "chambre de veille" est une construction de forme hexagonale entiÚrement vitrée permettant une observation tout à la fois du cÎté océan et du cÎté riviÚre. Un balcon surmonté d'une plateforme permet aux gardiens de sortir à l'extérieur de la tour pour une observation à l'aide des jumelles longue portée sans vitre interposée[113].

Aujourd'hui, en 2021, la surveillance est assurée par du personnel non navigant de la Marine nationale, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Au nombre de neuf, les militaires, trois guetteurs chaque jour, se relaient en haut de la tour quatre heures d'affilée, avec une coupure de huit heures : par exemple, de 12 heures à 16 heures puis de minuit à 4 heures[114].

Terrain militaire, l'enceinte est protégée de murs et de grillages surhaussés de fils de fer barbelés, avec interdiction de stationner à proximité, de photographier ou de filmer. Le lieu est sous vidéosurveillance, il est interdit d'y entrer sans autorisation.

Les passes, les tempĂȘtes, les naufrages

ArrivĂ©s dans le golfe de Gascogne, les navires dĂ©sireux de rejoindre l’estuaire de la Gironde doivent emprunter les passes. Ce sont des chenaux entretenus et surveillĂ©s permettant d’éviter les bancs de sable et les Ă©cueils. Les passes sont au nombre de deux, de part et d’autre du phare de Cordouan.

Les passes
  • La passe sud (ou passe de Grave) est peu profonde et relativement Ă©troite : elle ne peut ĂȘtre creusĂ©e davantage Ă  cause du plateau rocheux de l'Ăźlot de Cordouan qui la traverse. Elle est ouverte Ă  la seule navigation des tout petits bateaux de pĂȘche ou de plaisance, et de prĂ©fĂ©rence en cours de journĂ©e et par beau temps.

MalgrĂ© la proximitĂ© des phares de Grave, de Saint-Nicolas et de Cordouan, la passe reste dangereuse la nuit car elle ne comporte qu’un petit nombre de balises, non Ă©clairĂ©es. Par mauvais temps, la houle et les courants peuvent Ă  tout moment faire dĂ©river les bateaux et les drosser Ă  la cĂŽte, sur les bancs de sable ou sur le rocher de Cordouan.

Le chenal de la passe sud chemine en effet entre le banc des Olives situé à son entrée, à droite quand on se dirige vers l'estuaire (à proximité de la pointe de la Négade à Soulac-sur-Mer), puis on trouve à gauche, le plateau de Cordouan et le banc du Chevrier, puis pour finir, le banc du Gros Terrier et le platin de Grave, à droite de nouveau, autant de dangers pour la navigation.

  • La passe nord (ou grande passe) est appelĂ©e aussi passe de l’ouest car l’entrĂ©e du chenal est trĂšs avancĂ©e dans l’ocĂ©an, entre le banc du Matelier et le banc de la Mauvaise. On rencontre, en se dirigeant vers l’estuaire le banc de la Coubre (prĂšs de la pointe de la Coubre). Au milieu du chenal, on rencontre un autre banc, celui de Montrevel puis beaucoup plus loin, le banc de Saint-Georges, sur l’estuaire. Contrairement Ă  la passe sud, les balises y sont nombreuses et Ă©clairĂ©es.

Concernant les phares, quand on entre dans l'estuaire par la passe nord on a du cÎté gauche, sur la cÎte de Saintonge, le phare de la Coubre à La Tremblade, le phare de la Palmyre devenu un radiophare, puis le phare de Terre NÚgre, à Saint-Palais-sur-Mer. Sur le cÎté droit, le phare de Cordouan. Cette grande passe est le chenal de grande navigation, il est emprunté obligatoirement par tous les grands bùtiments, paquebots, cargos, pétroliers, porte-conteneurs
 arrivant sur l'estuaire.

Les capitaines de ces bateaux doivent prévenir le port autonome de Bordeaux de leur désir de pénétrer dans l'estuaire de la Gironde douze heures au moins avant leur arrivée à la bouée dite d'atterrissage. Cette bouée nommée BXA pour le port de Bordeaux délimite au large de l'estuaire et de Cordouan les eaux profondes des eaux saines, c'est-à-dire sans danger tout autour : elle indique l'axe et le milieu du chenal.

AprĂšs s'ĂȘtre signalĂ©s Ă  la capitainerie du PAB situĂ©e Ă  Bassens par contact radio, les capitaines attendent les ordres : c’est Ă  partir de cette bouĂ©e que les navires seront pris en charge par les pilotes de la Gironde soit par radioguidage soit directement par la montĂ©e Ă  bord d’un pilote.

La station de pilotage de la Gironde

La navigation Ă  l'embouchure de la Gironde qui a de tout temps Ă©tĂ© dangereuse ne peut ĂȘtre envisagĂ©e que si on connaĂźt parfaitement l'endroit et toutes les difficultĂ©s auxquelles on doit s'attendre en empruntant l'une ou l'autre des deux passes. Cette spĂ©cifitĂ© de l'estuaire de la Gironde a justifiĂ© l'installation au Verdon-sur-Mer d'une Station de Pilotage.

Les eaux de l'estuaire sont en effet agitées par des courants contraires, les courants de flot (ou flux) à la marée montante allant à la rencontre des courants de la riviÚre et les courants de jusant (ou reflux) à marée descendante. L'eau salée de l'océan remonte trÚs loin le fleuve quand la marée monte, les eaux douces de la Garonne et de la Dordogne profitent de la marée descendante pour aller vers l'océan. La rencontre des deux eaux est une zone qui peut s'avérer dangereuse de remous, de clapot et de tourbillons (maëlstroms). Ces derniers peuvent aussi se produire lors de la rencontre d'obstacles : le phénomÚne est trÚs visible tout au bout de la jetée de la pointe, l'océan étant à notre gauche et la riviÚre, la Gironde, à notre droite quand on regarde vers Royan.

La houle du large ajoute à la dangerosité pour la navigation quand les courants sont contraires : venant de l'ouest en général, elle grossit et déferle sur les bancs. Le vent à l'origine des vagues ajoute à la déformation de la surface de l'eau, celles-ci pouvant à tout moment déferler en cas d'obstacle ou de diminution de la profondeur des fonds marins : banc, plage


La rencontre des eaux qui se produit à chaque marée montante devient trÚs spectaculaire entre juin et octobre lors des trÚs gros coefficients de marée donnant à voir le phénomÚne du mascaret. Celui-ci se produit quand l'onde de marée rencontre un courant opposé de vitesse égale. Cette vague qui remonte l'estuaire puis les deux fleuves de Dordogne et Garonne sur plus de cent kilomÚtres peut par endroits atteindre la vitesse de vingt kilomÚtres à l'heure et la hauteur d'un mÚtre trente environ : irréguliÚre, elle dépend surtout des fonds marins, ralentissant si la profondeur diminue. Sur la Dordogne, on peut parfaitement observer le phénomÚne sur la commune de Vayres, depuis le port de Saint-Pardon, en aval de Libourne. Les surfers se donnent réguliÚrement rendez-vous pour un moment festif en période de mascaret : ils peuvent se maintenir sur leur planche ou leur paddle jusqu'à une dizaine de minutes.

Les courants par gros coefficient de marĂ©e (marĂ©es de vives-eaux) peuvent atteindre la vitesse de cinq nƓuds (un peu plus de neuf kilomĂštres Ă  l'heure).

Le répit consistant à l'absence de courant entre deux marées appelé étale est de trÚs courte durée, toujours moins de vingt minutes : il y a deux étales de pleine mer et deux étales de basse mer par vingt-quatre heures.

Les mouvements de sable de la passe nord sont trÚs importants, les bancs y sont en perpétuel mouvement, modelés par les courants, rajoutant du danger au danger : le banc de la Mauvaise en premier, à l'entrée du chenal, portant bien son nom, le banc du Matelier, le banc de Montrevel, la flÚche sablonneuse de Bonne Anse (banc de la Coubre), les battures de Cordouan, puis tout à la fin, le banc de Saint Georges à la sortie des deux passes en face de la Pointe de Grave


D'importants travaux de dragage ont eu lieu en 2013 et 2014 afin de sécuriser autant que ce peut cette entrée de la passe ouest. Un chenal de trois kilomÚtres et demi, large de trois cent mÚtres a été creusé rognant notamment le banc du Matelier afin de ralentir l'ensablement. Les granulats ont été récupérés. La profondeur à cet endroit pourra passer de onze mÚtres à quinze mÚtres environ. Les travaux " titanesques " ont nécessité l'utilisation d'une drague géante de cent cinquante mÚtres de long environ, le " Bartolomeu Dias "[115].

Les zones les plus dangereuses de la grande passe sont, du nord au sud :

  • la pointe de Chassiron qui est le prolongement du plateau d'Antioche : il est absolument dĂ©conseillĂ© de s'en approcher si la houle est supĂ©rieure Ă  un mĂštre, la zone Ă©tant dangereuse en raison de dĂ©ferlantes imprĂ©visibles ;
  • la cĂŽte ouest de l'Ăźle d'OlĂ©ron : l'endroit est rocheux avec peu de fond, dangereux Ă  marĂ©e basse ou par mauvais temps. Le port de la CotiniĂšre est difficile d'accĂšs ;
  • le banc de la Mauvaise : de sinistre rĂ©putation, confirmĂ©e par les multiples Ă©paves dangereuses ensablĂ©es en bordure et en arriĂšre du banc, impraticable par houle d'ouest ;
  • le plateau de Cordouan et ses battures (bancs de roche sĂ©parĂ©s par des fonds plus ou moins grands) qui se dĂ©couvre en partie Ă  basse mer. Les hauts fonds Ă  proximitĂ© varient de un Ă  cinq mĂštres sans transition[116].

Comme dans beaucoup d'autres estuaires, les navires de commerce et de croisiĂšre ne peuvent naviguer sur celui de la Gironde sans faire appel Ă  un pilote du Service de pilotage. La station est dirigĂ©e par un PrĂ©sident du Syndicat des Pilotes en liaison avec le reprĂ©sentant de l'État, le PrĂ©fet de Gironde[117].

Les hauts fonds présents un peu partout nécessitent une étude approfondie de la carte : la ligne de sonde de cinq mÚtres est en général la limite probable d'apparition des déferlantes. Toutes ces considérations de dangerosité de l'endroit justifient une connaissance parfaite de celui-ci justifiant cette aide du Service de Pilotage.

C'est à la bouée BXA (Bordeaux Atterrissage), à l'entrée de l'estuaire, que commence l'obligation pour les gros navires de se mettre en rapport avec la station de pilotage. Cette balise marque le début du chenal, elle est différente des autres : elle est noire et blanche, son feu est blanc, et elle est munie d'un dispositif qui la fait siffler sous l'effet de la houle.

Les capitaines des gros navires (d'une longueur inférieure ou égale à deux cents mÚtres) stationnés à cette bouée en attente d'instructions peuvent ensuite s'avancer, guidés par radio, jusqu'à la bouée verte 13A qui marque la jonction des passes nord et sud. C'est à hauteur de cette balise (point de transfert habituel qui peut varier cependant en fonction des conditions météorologiques) que les pilotes de la Gironde auront la possibilité de monter à bord du bateau et d'en prendre le commandement.

Le Pilotage de la Gironde assure ce service aux navires pour une centaine de kilomùtres depuis le large jusqu’à Bordeaux sur la Garonne, et en aval de Libourne sur la Dordogne.

Dans certaines conditions, par beau temps et si le navire mesure moins de cent vingt mĂštres, le capitaine peut rester le maĂźtre Ă  bord recevant simplement des conseils et l'assistance des pilotes de la Gironde par radio.

Dans la cas contraire, trĂšs grands navires, mauvais temps, transport de matiĂšres dangereuses ou polluantes
 un pilote du Verdon monte Ă  bord et dirige lui-mĂȘme les opĂ©rations de remontĂ©e de l'estuaire. Le pilote dĂ©signĂ© prend la responsabilitĂ© de la traversĂ©e et donne les consignes de navigation.

Les pilotes basĂ©s au Verdon-sur-Mer utilisent pour se rendre sur les bateaux une vedette rapide et par mauvais temps, ils peuvent ĂȘtre hĂ©litreuillĂ©s depuis l'hĂ©licoptĂšre mis Ă  leur disposition depuis 1985.

Ils disposent actuellement de deux vedettes du nom de " Quinoa " mise en service en 2010 et " Eider " depuis 2018.

Leur premier hĂ©licoptĂšre Ă©tait de type Écureuil, c'est dĂ©sormais un Eurocopter EC 135.

Les officiers de port surveillent les navires depuis cette bouĂ©e BXA et sur tout l'estuaire jusqu'Ă  Bordeaux grĂące aux images du radar installĂ© Ă  La Palmyre, l'un des plus puissants et des plus modernes d’Europe[118].

La totalitĂ© de l'estuaire et une partie de la Garonne, jusqu'au Pont de pierre Ă  Bordeaux et mĂȘme jusqu'Ă  l'Ăźle d'Arcins Ă  Latresne sont en domaine maritime. Commence ensuite la zone fluviale avec d'autres rĂšgles de navigation, d'autres balises.

Les pilotes de la Gironde sont des pilotes aguerris ayant la parfaite connaissance des fonds marins, des courants, des passes ainsi que de tous les dangers de l'estuaire. Ils sont nécessaires pour aider, assister, remplacer provisoirement les capitaines des gros navires la plupart du temps ignorants de la spécificité locale, venant souvent de pays étrangers ou de régions trÚs éloignées de la cÎte girondine.

Le personnel de la station de pilotage est « un personnel commissionnĂ© par L’État pour la conduite des navires Ă  l'entrĂ©e et Ă  la sortie des ports, dans les ports, rades et eaux maritimes des estuaires, cours d'eau et canaux » prĂ©cise l'article de loi L5000-1 du code des transports.

Il est fait mention de pilotes de la Gironde dĂšs le dĂ©but du XVIe siĂšcle, l'obligation de pilotage remontant Ă  l'Ă©dit de 1551 pris sous le rĂšgne d'Henri II : « le patron du navire, pour Ă©carter tout danger menaçant la vie des hommes ou la cargaison, sera tenu, en tous lieux oĂč la nĂ©cessitĂ© et l’usage le commandent, de prendre un pilote ; s’il ne l’a pas fait, il sera puni pour chaque fois d’une amende de 50 rĂ©aux d’or 
 ».

C’est en 1681 que l’ordonnance de Colbert marque le dĂ©but d'une structuration de ceux que l’on appelait alors les « pilotes lamaneurs ».

À l’époque, la plupart des pilotes Ă©taient des pĂȘcheurs installĂ©s sur la cĂŽte charentaise. Ils se livraient une concurrence fĂ©roce allant Ă  la quĂȘte de leurs clients trĂšs loin de l'embouchure de la Gironde, de l'Espagne au sud jusqu'en Bretagne au nord[119]. Au cours des siĂšcles suivants, des stations de pilotage vont s'Ă©tablir tout au long de l'estuaire. Il faudra attendre 1919 pour voir s’amorcer une vraie rĂ©organisation de la profession sur les rives de l’estuaire avec l’arrĂȘt de la concurrence et la mise en commun des moyens et des ressources,

En 1949, on assiste Ă  une fusion de toutes les diffĂ©rentes stations pour n’en former plus qu’une, le « Pilotage de la Gironde».

Aujourd’hui, la station compte au maximum 27 pilotes actifs regroupĂ©s au sein du « Syndicat professionnel des pilotes maritimes » ainsi que 25 salariĂ©s rĂ©partis entre le siĂšge administratif de Bassens et la base logistique du Verdon-sur-Mer[120].

Les tempĂȘtes

Par beau temps, le passage en bateau par l’une ou l’autre des deux passes de Gironde est trĂšs agrĂ©able et pratiquement sans danger. Par gros temps, au contraire, l'entreprise de rejoindre l'estuaire depuis l'ocĂ©an est des plus pĂ©rilleuses. Il y eut Ă  cet endroit des passes et dans le golfe de Gascogne un nombre incalculable de naufrages, surtout autrefois lorsque les alertes mĂ©tĂ©orologiques n’existaient pas.

Jules Michelet, le cĂ©lĂšbre historien, dit en 1861 dans son livre « La Mer » que par temps de tempĂȘte, il faut dĂ©jĂ  pouvoir trouver l’entrĂ©e de la passe :

« Celui qui manque Cordouan, poussĂ© par du vent du Nord, a Ă  craindre ; il pourra manquer encore Arcachon
 Le golfe de Gascogne, de Cordouan Ă  Biarritz, est une mer de contradiction, une Ă©nigme de combats. En allant vers le midi, elle devient tout Ă  coup extraordinairement profonde, un abĂźme oĂč l’eau s’engouffre. Un ingĂ©nieux naturaliste la compare Ă  un gigantesque entonnoir qui absorberait brusquement. Le flot, Ă©chappĂ© de lĂ  sous une pression Ă©pouvantable, remonte Ă  des hauteurs dont nos mers ne donnent aucun autre exemple. »

L’historien a passĂ© six mois environ (de juillet Ă  dĂ©cembre 1859) en Saintonge, Ă  Saint-Georges (Saint-Georges-de-Didonne aujourd’hui) pour Ă©crire un livre. Il voyait la mer en ouvrant sa fenĂȘtre et s’est rendu plusieurs fois sur la plage de Royan et sur les promontoires alentour. Il a pu selon ses propres mots admirer Cordouan, d'aprĂšs lui un ouvrage audacieux dĂ» au gĂ©nie de l'Homme. Il fut le tĂ©moin d’une tempĂȘte et d’un naufrage heureusement sans consĂ©quences autres que matĂ©rielles, en octobre 1859 :

« La tempĂȘte que j’ai le mieux vue, c’est celle qui sĂ©vit dans l’Ouest, le 24 et le 25 octobre 1859, qui reprit plus furieuse et dans une horrible grandeur, le vendredi 28 octobre, dura le 29, le 30 et le 31, implacable, infatigable, six jours et six nuits, sauf un court moment de repos. Toutes nos cĂŽtes occidentales furent semĂ©es de naufrages. Avant, aprĂšs, de trĂšs graves perturbations baromĂ©triques eurent lieu ; les fils tĂ©lĂ©graphiques furent brisĂ©s et pervertis, les communications rompues. Des annĂ©es chaudes avaient prĂ©cĂ©dĂ©. On entra par cette tempĂȘte dans une sĂ©rie fort diffĂ©rente de temps froids et pluvieux... J’observai cette tempĂȘte d’un lieu aimable et paisible, dont le caractĂšre trĂšs doux ne fait rien attendre de tel. C’est le petit port de Saint-Georges, prĂšs Royan, Ă  l’entrĂ©e de la Gironde. Je venais d’y passer cinq mois en grande tranquillitĂ©, me recueillant, interrogeant mon cƓur
 A cette gaietĂ© des eaux, joignez la belle et unique harmonie des deux rivages. Les riches vignes du MĂ©doc regardent les moissons de la Saintonge, son agriculture variĂ©e... J’avais bien vu des orages. J’avais lu mille descriptions de tempĂȘte, et je m‘attendais Ă  tout. Mais rien ne laissait prĂ©voir l’effet que celle-ci eut par sa longue durĂ©e, sa violence soutenue, par son implacable uniformité  Du premier coup, une grande teinte grise ferma l’horizon en tous sens ; on se trouva enseveli dans ce linceul d’un morne gris de cendre, qui n’îtait pas toute lumiĂšre, et laissait dĂ©couvrir une mer de plomb et de plĂątre, odieuse et dĂ©solante de monotonie furieuse. Elle ne savait qu’une note. C’était toujours le hurlement d’une grande chaudiĂšre qui bout.
 Quand le vaisseau, emportĂ© de la haute mer par cette houle furieuse, arriva la nuit prĂšs des cĂŽtes, il avait mille chances pour une de ne pas entrer en Gironde. A sa droite, la pointe lumineuse du petit phare de Grave lui dit d’éviter le MĂ©doc ; Ă  sa gauche, le petit phare de Saint-Palais lui fit voir le roc dangereux de la "Grand’Caute" du cĂŽtĂ© de la Saintonge. Entre ces feux blancs et fixes Ă©clatait sur l’écueil central le rouge Ă©clair de Cordouan, qui, de minute en minute, montre le passage. Par un effort dĂ©sespĂ©rĂ©, il passa... »

Si l'on continue à lire ce chapitre écrit par Jules Michelet, on s'aperçoit que si le bateau en difficulté qu'il observe depuis la cÎte réussit à bien entrer dans la passe ouest, c'est pour finalement mieux s'échouer à Saint-Palais sans faire de victimes heureusement. Les marins, miraculeusement, ont pu regagner la plage.

  • Une tempĂȘte atypique, assez ressemblante Ă  celle qu'il a Ă©tĂ© donnĂ© Ă  voir Ă  Jules Michelet, aussi longue, se dĂ©roula du 17 au 21 septembre 1930. Elle dura quatre jours et cinq nuits frappant toute la cĂŽte atlantique : 27 thoniers disparurent provoquant la mort de 207 marins.
Les tempĂȘtes, de 1980 Ă  l'an 2000 : Hortense et Martin

Les derniĂšres tempĂȘtes, les plus rĂ©centes, ont marquĂ© les esprits de nos contemporains ayant souvent des consĂ©quences dramatiques. Sont-elles plus violentes? plus nombreuses et rapprochĂ©es? plus mĂ©diatisĂ©es?

Elles ont occasionné en tous cas des dégùts humains et matériels considérables, davantage d'ailleurs sur terre que sur mer car les marins avertis par les opérations vigilance de Météo-France ont davantage le temps aujourd'hui de mettre leur navire à l'abri : il y a moins de drames en mer qu'autrefois.

Depuis 1954, on attribue aux tempĂȘtes un prĂ©nom, masculin ou fĂ©minin selon les annĂ©es paires ou impaires, sur une idĂ©e d'une Ă©tudiante puis mĂ©tĂ©orologue allemande, Karla Wege, dĂ©cĂ©dĂ©e en 2021. Ce systĂšme a Ă©tĂ© adoptĂ© en premier par le service mĂ©tĂ©orologique de l'universitĂ© de Berlin d'oĂč l'attribution, du moins au tout dĂ©but, de prĂ©noms Ă  consonance germanique. Depuis 2017, le nom qui est attribuĂ© aux tempĂȘtes est choisi en concertation par les services mĂ©tĂ©orologiques de la France, de l'Espagne et du Portugal pour les dĂ©pressions du littoral atlantique et sur leur territoire. Les Pays-Bas, le Royaume-Uni et l'Irlande ont leurs propres prĂ©noms pour les tempĂȘtes sĂ©vissant sur leur pays.

  • le 7 novembre 1982, une tempĂȘte qui frappe la France depuis la veille atteint les cĂŽtes d'Aquitaine.

Des rafales Ă  plus de 100 km/h impactent la Gironde et les dĂ©partements plus au Nord : les Landes sont Ă©pargnĂ©es. La dĂ©pression atlantique extrĂȘmement creuse gĂ©nĂšre un vent violent qui est la cause de nombreux dĂ©gĂąts : chutes d'arbres et de poteaux Ă©lectriques, toitures arrachĂ©es, inondations, bateaux drossĂ©s Ă  la cĂŽte ou subissant des dĂ©tĂ©riorations dans les ports[121]


  • le 4 octobre 1984, la tempĂȘte Hortense, premiĂšre du nom, est particuliĂšrement violente avec des vents en rafales Ă  160 km/h, arrachant les toits des maisons, dĂ©racinant ou cassant les arbres, coulant des bateaux dans les ports, privant d'Ă©lectricitĂ© les habitants, les lignes aĂ©riennes Ă©tant coupĂ©es par les chutes d'arbres ou Ă  cause des poteaux renversĂ©s ou cassĂ©s.
  • la tempĂȘte d'octobre 1987 sur toute l'Europe puis sur le golfe de Gascogne avec des vents violents et de fortes prĂ©cipitations a causĂ© aussi de nombreux dĂ©gĂąts matĂ©riels : le fait que le phĂ©nomĂšne se soit passĂ© de nuit avec un coefficient de marĂ©e faible a permis d'Ă©viter sans doute des destructions plus considĂ©rables et des drames humains.
  • le 07 fĂ©vrier 1996, une nouvelle dĂ©pression atlantique impacte la cĂŽte atlantique et une partie de la France avec le record des vents les plus violents enregistrĂ©s officiellement (133 km/h) jusqu'au nouveau record qui sera Ă©tabli lors de la tempĂȘte Klaus en 2009. Des rafales encore plus fortes Ă  prĂšs de 180 km/h dans le MĂ©doc coĂŻncideront avec la marĂ©e haute.

Les consĂ©quences du passage de cette tempĂȘte qualifiĂ©e de « tempĂȘte du siĂšcle d'une violence inouĂŻe » le lendemain par le journal Sud-Ouest sont dramatiques. La forĂȘt est trĂšs touchĂ©e : un nombre incalculable d'arbres, plusieurs centaines, se retrouvent Ă  terre ou sont Ă©cimĂ©s notamment dans les Landes. 260 000 foyers sont privĂ©s d'Ă©lectricitĂ©. La population est aussi privĂ©e de tĂ©lĂ©phone, plus d'une centaine de poteaux ont Ă©tĂ© arrachĂ©s. Des arbres tombent sur les voies arrĂȘtant la circulation des trains. Des bateaux rompent leurs amarres et se fracassent sur les digues ou s'Ă©chouent sur les plages partant Ă  la dĂ©rive. De nombreuses toitures s'envolent. La Garonne et la Dordogne dĂ©bordent provoquant de nombreuses et dramatiques inondations[122].

Surtout, on dĂ©nombre cinq morts et plusieurs dizaines de blessĂ©s dans notre rĂ©gion du sud-ouest. Une promeneuse Ă  Bordeaux Ă©crasĂ©e par la chute d'un arbre, un pĂȘcheur de pibales disparu avec son bateau Ă  Saint-Yzans-de-MĂ©doc 
font partie des victimes[123].

À la suite de cette tempĂȘte, MĂ©tĂ©o-France met en place de nouveaux services destinĂ©s Ă  mieux anticiper les risques de submersions marines dont le projet VIMERS (du nom de " vimer de mer " dĂ©signant en Bretagne une forte tempĂȘte avec ou sans submersion marine). Ce projet est coordonnĂ© avec le SHOM (Service Hydrologique et OcĂ©anographique de la Marine) qui Ă©tudie les marĂ©es et le CĂ©rema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilitĂ© et l’amĂ©nagement). Ce projet initiĂ© sur la Bretagne car financĂ© partiellement par la DREAL Bretagne et le Conseil RĂ©gional local, a vocation Ă  s'Ă©tendre Ă  tout le territoire.

L'annĂ©e 1999 fut marquĂ©e par deux terribles tempĂȘtes : Lothar et Martin.

  • le 26 dĂ©cembre 1999, la tempĂȘte Lothar dĂ©vaste le nord de la France.
  • le 27 dĂ©cembre 1999, le lendemain de cette tempĂȘte Lothar, c'est le sud du pays qui est Ă  son tour touchĂ© par une tempĂȘte baptisĂ©e celle-ci du nom de Martin. Le vent souffle par endroits Ă  prĂšs de 200 kilomĂštres Ă  l'heure en rafales.

Cette derniĂšre va avoir en Aquitaine et dans les Charentes des consĂ©quences dramatiques sur la forĂȘt dĂ©jĂ  touchĂ©e par la tempĂȘte de 1996. Elle dĂ©truit pratiquement trente millions de mĂštres cubes d'arbres, certains avançant mĂȘme le chiffre de quarante millions : ce sont pour la plupart des pins maritimes.

Dans le MĂ©doc, ce sont plus de 40 000 hectares de forĂȘt sur 135 000 qui sont ravagĂ©s, un tiers des arbres de la presqu'Ăźle sont Ă  terre, environ dix millions de mĂštres cubes, une douzaine d'annĂ©es de rĂ©colte. C'est une catastrophe sylvicole sans prĂ©cĂ©dent, du jamais vu : certains journaux parlent le lendemain de « tempĂȘte du siĂšcle » (en lieu et place de la tempĂȘte de 1996 dĂ©jĂ  surnommĂ©e ainsi), d'« apocalypse dans la forĂȘt du MĂ©doc ». Le paysage mĂ©docain donne Ă  voir une vaste et dĂ©solante zone de chablis, ce dernier ayant trĂšs peu de valeur marchande. Certains sylviculteurs cependant prennent l'initiative, malgrĂ© le coĂ»t, de ramasser ce bois, de stocker les grumes en les mettant Ă  l'abri des insectes ravageurs (le scolyte en particulier) attendant des jours meilleurs pour la vente. Ils sont obligĂ©s de l'arroser rĂ©guliĂšrement pour Ă©viter sa dĂ©tĂ©rioration. D'autres sylviculteurs manquant de moyens ou Ă©tant mal assurĂ©s prĂ©fĂšrent laisser le bois non rentable sur place autorisant l'affouage. Cet abandon peut avoir cependant un effet nĂ©faste sur le climat et la vĂ©gĂ©tation favorisant la prolifĂ©ration des insectes dits ravageurs[124].

En Gironde, en plus des dĂ©gĂąts en forĂȘt, les pluies et les fortes marĂ©es conjuguĂ©es ont fait dĂ©border par endroits les eaux de l'estuaire et de la Garonne. On frĂŽle l'accident nuclĂ©aire : deux rĂ©acteurs de la centrale du Blayais se retrouvent Ă  l'arrĂȘt car l'eau est passĂ©e par-dessus la digue protĂ©geant les lieux Ă  Braud-et-Saint-Louis.

Les dégùts sont considérables : 250 000 foyers girondins n'ont plus d'électricité ne pouvant plus s'éclairer mais certains ne pouvant plus se chauffer non plus. Il n'y a plus de téléphone durant vingt-quatre heures : les poteaux sont souvent à terre et il manque de relais pour les portables. Les moyens de transports ne fonctionnent plus : les trains restent en gare, les avions sont cloués au sol.

Le bilan humain est trĂšs lourd. On dĂ©nombrera une trentaine de morts dans le quart sud-ouest de la France. La plupart furent victimes de chutes d'arbres. Le coĂ»t global lors de ces deux tempĂȘtes, Lothar et Martin, est estimĂ© dans les colonnes de l'Express Ă  plus de sept milliards d'euros de dĂ©gĂąts assurĂ©s, « le plus gros sinistre de l'histoire de l'assurance française ».

On peut citer trois autres tempĂȘtes faisant aussi d'importants dĂ©gĂąts dans la rĂ©gion aprĂšs l'an 2000 : dĂ©gĂąts des eaux, toits arrachĂ©s, chute d'arbres et de poteaux Ă©lectriques, etc
 : Renate, Klaus et Xynthia, cette derniĂšre Ă©tant la plus grave du point de vue humain avec 53 victimes en VendĂ©e Ă  cause des inondations.

Les tempĂȘtes les plus rĂ©centes (aprĂšs l'an 2000) : RĂ©nate, Klaus, Xynthia
  • la tempĂȘte Renate le 3 octobre 2006 :

L’Aquitaine et l’Auvergne sont les rĂ©gions les plus touchĂ©es. Les vents les plus forts atteignent la vitesse de 130 km/h dans les terres, plus de 160 km/h sur le littoral accompagnĂ©s de prĂ©cipitations remarquables.

On ne compte plus les innombrables interventions des pompiers, les routes coupĂ©es par les inondations, les foyers sans Ă©lectricitĂ© et tĂ©lĂ©phonie
 On dĂ©plore un mort et de nombreux blessĂ©s. L'Ă©conomie locale est Ă  l'arrĂȘt, les services publics et de nombreuses entreprises sont Ă  l'arrĂȘt, il n'y a plus de ramassage scolaire, les Ă©coles sont fermĂ©es


  • la tempĂȘte Klaus du 24 janvier 2009 : Ă©normĂ©ment de sinistrĂ©s, parfois privĂ©s de maisons pour une longue pĂ©riode.

Le Sud-Ouest est le plus impactĂ©, les vents sont des plus violents. On dĂ©nombre douze victimes et plus de quatre cent blessĂ©s en France du fait de la chute d’arbres, de projections de dĂ©bris de toiture, d'accidents divers de voiture ou de chutes des toits, d'Ă©lectrocution dus aux fils tombĂ©s Ă  terre, de la privation d'Ă©lectricitĂ©, certaines personnes ne pouvant plus par exemple faire fonctionner leurs appareils respiratoires
d'autres personnes s'intoxiquant au monoxyde de carbone du fait du mauvais fonctionnement de leurs appareils de chauffage d'appoint ou de leurs groupes Ă©lectrogĂšnes.

Les dĂ©gĂąts considĂ©rables sont estimĂ©s Ă  plus d'un milliard d’euros. La forĂȘt landaise a Ă©normĂ©ment souffert, fragilisĂ©e par les deux journĂ©es trĂšs pluvieuses des 22 et 23 janvier. Certaines parcelles ont Ă©tĂ© dĂ©truites Ă  60 %.

Xynthia provoqua la mort de cinquante-neuf personnes dont trente-cinq en VendĂ©e et vingt-neuf sur la seule commune de La Faute-sur-Mer. Beaucoup d'habitants durent abandonner leurs logements pour ne jamais y revenir, logements promis Ă  la destruction car classĂ©s dĂ©sormais en zone inondable. PrĂšs de 700 maisons en contrebas de la digue du fleuve cĂŽtier Lay ont Ă©tĂ© rachetĂ©es par l'État pour ĂȘtre ainsi dĂ©truites Ă  La Faute-sur-Mer et Ă  L'Aiguillon-sur-Mer. Elles Ă©taient situĂ©es Ă  un mĂštre cinquante sous le niveau de pleine mer des vives-eaux.

Les rafales de vent ont dĂ©passĂ© les 160 km/h Ă  l'Île de RĂ© et sur les Deux-SĂšvres, bien plus violentes encore sur les PyrĂ©nĂ©es soufflant Ă  prĂšs de 240 km/h au pic du Midi.

Les dommages occasionnĂ©s par la tempĂȘte Xynthia ont Ă©tĂ© Ă©valuĂ©s Ă  plus de deux milliards d'euros.

  • la derniĂšre tempĂȘte en date est la tempĂȘte Alex en octobre 2020. Comme les prĂ©cĂ©dentes, celle-ci participe grandement Ă  l'Ă©rosion de la cĂŽte. À Soulac-sur-Mer, par exemple, l'estran est fortement dĂ©graissĂ© provoquant l'Ă©lĂ©vation de la plage de prĂšs d'un mĂštre, tout le sable emportĂ© se dĂ©posant en partie sur le banc de Saint-Nicolas. La dune est emportĂ©e en divers endroits de la cĂŽte atlantique, Ă  l'AmĂ©lie, Ă  la pointe de la NĂ©gade
avec un recul de deux Ă  cinq mĂštres par exemple Ă  LĂšge-Cap-Ferret.
Classement des tempĂȘtes

Depuis 1997, MĂ©tĂ©o-France privilĂ©gie un classement des tempĂȘtes portant le nom d'une de ses ingĂ©nieurs, Christine Dreveton qui l'a inventĂ©.

Elle est plus pratique que l'Ă©chelle de Beaufort prenant en compte toutes les caractĂ©ristiques des tempĂȘtes et non plus seulement la seule vitesse du vent.

Cette classification vise ainsi Ă  faciliter le travail des assurances devant indemniser les victimes de tempĂȘtes pour les dĂ©gĂąts subis. Elle donne davantage de lisibilitĂ© en ce qui concerne la localisation, la trajectoire, la durĂ©e, la surface touchĂ©e, etc. La qualification des vents en termes de cyclones, typhons, ouragans, etc. correspond surtout Ă  une dĂ©nomination prenant en compte l'endroit du globe oĂč se produit le phĂ©nomĂšne. Les tornades sont un autre phĂ©nomĂšne mĂ©tĂ©orologique : elles sont, semble-t-il, de plus en plus nombreuses sous nos latitudes. De violents orages accompagnent souvent les tempĂȘtes, ils en sont mĂȘme Ă  l'origine. Celles-ci, outre le vent, sont accompagnĂ©es en gĂ©nĂ©ral de fortes prĂ©cipitations : pluie, neige, grĂȘle
On ne peut pas dire par contre que les marĂ©es ont une influence sur la mĂ©tĂ©o, mĂȘme si celles-ci, au moment des grandes marĂ©es, peuvent constituer un facteur aggravant quant aux destructions occasionnĂ©es

MĂ©tĂ©o-France a dĂ©fini aussi pour chaque tempĂȘte un indice de sĂ©vĂ©ritĂ© dĂ©nommĂ© SSI (Storm Severity Index) de douze Ă©chelons qualifiant le phĂ©nomĂšne d'exceptionnel, de fort ou de modĂ©rĂ©. Cet indice prend en compte la vitesse maximale des rafales et la surface affectĂ©e par celles-ci en utilisant la formule du climatologue anglais Hubert Horace Lamb (en).

La classification Dreveton range les tempĂȘtes en 12 types, en utilisant 2 lettres qui peuvent ĂȘtre une majuscule ou une minuscule. Le fait d'utiliser une minuscule Ă  la place d'une majuscule indique une "attĂ©nuation" : faible dĂ©pression, dĂ©pression peu Ă©tendue, dĂ©pression localisĂ©e, dĂ©pression stationnaire[125]


Pour l'exemple, la tempĂȘte Xynthia, la plus grave humainement et pour les inondations est classĂ©e SD par MĂ©tĂ©o-France (dĂ©placement large et Ă©tendu), sans aucune minuscule qui pourrait attĂ©nuer la gravitĂ© des dĂ©gĂąts occasionnĂ©s. Si la tempĂȘte en elle-mĂȘme n'avait rien d'exceptionnel en soi du point de vue des vents, les phĂ©nomĂšnes de submersion (Ondes de tempĂȘte) ont eu de telles consĂ©quences dramatiques (morts, destructions
) que les assureurs en sont mieux renseignĂ©s : Sd aurait indiquĂ© une dĂ©pression locale, peu Ă©tendue.

Par ailleurs, pour minimiser leurs dĂ©penses, les assureurs tentent de gĂ©rer le risque tempĂȘte autrement en agissant en amont sur la prĂ©vention, en exigeant que l'assurĂ© prenne tel ou tel type de prĂ©caution, voire, comme le fait la MAIF, en prĂ©venant elle-mĂȘme l’assurĂ© que la tempĂȘte arrive et qu’il doit suivre certaines prescriptions[126].

La météorologie marine

De nos jours, grĂące aux progrĂšs faits en termes de prĂ©visions mĂ©tĂ©orologiques, surtout depuis l'observation de la Terre par satellite, de nombreux drames humains sont Ă©vitĂ©s. Il est difficile de trouver des statistiques et des comparatifs selon les annĂ©es mais on peut estimer que les naufrages dus au mauvais temps, sont trĂšs rares aujourd'hui sur l'ocĂ©an atlantique comme sur les passes de Gironde. Quand on consulte les bilans des interventions de la SociĂ©tĂ© de sauvetage (SNSM), les accidents maritimes encore trop nombreux sont dus Ă  des avaries, au mauvais entretien des matĂ©riels, Ă  des imprudences
 Sur les ocĂ©ans et sur les mers du monde, ils concernent moins les petits bateaux que les gros navires, le nombre de naufrages de bateaux de plus de cent tonnes ayant lui-mĂȘme Ă©tĂ© divisĂ© par deux les dix derniĂšres annĂ©es[127].

Les dictons des marins d'autrefois sont amusants et explicites : "Femme de marin, femme de chagrin", mais aussi "Qui Ă©coute trop la mĂ©tĂ©o passe sa vie au bistro"
 N'empĂȘche que la mĂ©tĂ©orologie marine permet aujourd'hui de prĂ©venir les navigateurs suffisamment Ă  l'avance de l'arrivĂ©e prochaine du mauvais temps. Cela leur permet de prendre leurs prĂ©cautions et de se mettre eux-mĂȘmes Ă  l'abri ainsi que leur bateau. De la sorte, de nombreux drames en mer sont Ă©vitĂ©s, il y a beaucoup moins de naufrages de nos jours qu'autrefois.

En fait, les hommes s'intéressent depuis l'Antiquité aux phénomÚnes météorologiques. On croit savoir que le terme "météorologie" fut inventé par Aristote au premier millénaire avant Jésus-Christ. Un de ses traités en quatre livres (le quatriÚme est apocryphe) fut traduit du grec ancien avec pour titre "Météorologiques". Avant lui, Anaximandre de Milet déjà, avait déclaré que la colÚre des éléments pouvait trouver une explication et n'avait pas de cause divine, ce que l'on pourrait considérer comme une premiÚre approche scientifique.

Longtemps, la recherche mĂ©tĂ©orologique n'a pas eu toute la rigueur scientifique nĂ©cessaire, d'oĂč la subsistance jusqu'Ă  rĂ©cemment de nombreux dictons liĂ©s aux saisons, Ă  l'agriculture et Ă  la navigation.

La météorologie fait de rapides progrÚs

L'invention d'instruments de mesure remarquables et de divers dispositifs et appareils vont faire progresser cette nouvelle science au fil des siĂšcles : le thermoscope par exemple, ancĂȘtre du thermomĂštre, perfectionnĂ© sous le nom de thermomĂštre de GalilĂ©e, le baromĂštre inventĂ© par Evangelista Torricelli, l'anĂ©momĂštre dont l'existence est connue depuis le XVe siĂšcle inventĂ© par Leon Battista Alberti mais qui sera perfectionnĂ© au XVIIe siĂšcle par Robert Hooke notamment, un chercheur polymathe


Blaise Pascal dĂ©couvre que la pression diminue avec l'altitude. Edmund Halley cartographie les alizĂ©es. Benjamin Franklin montre que la foudre est un phĂ©nomĂšne Ă©lectrique et parle de l'influence du Gulf Stream. Luke Howard donne des noms aux nuages. Francis Beaufort imagine une Ă©chelle qui classe les vents en fonction de leur vitesse et dĂ©crit leurs effets sur les vagues. Gaspard-Gustave Coriolis dĂ©crit la force qui porte son nom. William Reid dĂ©crit les dĂ©pressions, leur comportement et leur rĂŽle dans les phĂ©nomĂšnes de tempĂȘte
 En mĂȘme temps, les premiers rĂ©seaux d'observation se dĂ©veloppaient.

En 1654, on doit à Ferdinand II de Médicis la création en Italie d'un véritable réseau météorologique entre plusieurs grandes villes : Florence, Parme, Bologne


En 1840, l'invention fondamentale du télégraphe électrique développé par Samuel Morse permet la transmission rapide des informations météorologiques.

En 1849, Joseph Henry établit sur tout le territoire américain, à l'instar de ce qui s'est fait deux siÚcles plus tÎt en Italie, un grand nombre de stations d'observation partageant leurs informations à l'aide du télégraphe électromagnétique de son invention.

En 1873, les pays les plus avancĂ©s dans le domaine de la recherche mĂ©tĂ©orologique, une dizaine de nations europĂ©ennes plus les États-Unis, crĂ©ent l'Organisation mĂ©tĂ©orologique internationale (OMI).

En 1902, le météorologue français Léon Teisserenc de Bort étudie l'atmosphÚre grùce à l'utilisation massive de ballons-sondes. Cela lui permet de découvrir deux couches qu'il baptisa des noms de troposphÚre et de stratosphÚre. Il ne put découvrir les couches supérieures trop hautes pour les ballons-sondes mais ouvrit la voie au développement de l'aérologie appliquée à la météorologie. On a pu ainsi par la suite établir l'existence d'une zone intermédiaire et l'étudier : il s'agit de la tropopause.

Les pilotes et les passagers des avions connaissent bien le phénomÚne de turbulence atmosphérique appelé parfois improprement "trou d'air" qui se produit en haute troposphÚre ou en basse stratosphÚre à mesure que les avions approchent de cette zone de température minimale, la tropopause. Il ne peut y avoir de trous dans l'air tout comme il ne peut y avoir de trous dans l'eau, la sensation de chute est dû au vent qui change tout d'un coup de direction ou d'intensité. Ce sont les cerfs-volants puis les ballons-sondes qui ont permis d'étudier ce que l'on appelle les courants-jets (jet-streams en anglais) à proximité desquels se produisent les fameuses turbulences en air clair (CAT).

Un rĂ©chauffement pouvant atteindre jusqu'Ă  une dizaine de degrĂ©s peut se produire en entrant dans la stratosphĂšre qui est une couche atmosphĂ©rique oĂč la tempĂ©rature augmente avec l'altitude contrairement Ă  la troposphĂšre oĂč la tempĂ©rature va en diminuant Ă  cause de la baisse de pression. Entre les deux couches, la tropopause prĂ©sente une tempĂ©rature constante, minimale : juste en dessous, le vent est maximal (courant-jet).

En 1919, l'école de Bergen, en NorvÚge, sous la direction de Vilhelm Bjerknes, développe l'idée de front météorologique : discontinuité entre deux masses d'air expliquant la formation du mauvais temps, des dépressions (basses pressions), des anticyclones (hautes pressions)


La météorologie pendant la Seconde Guerre mondiale

Durant la Seconde Guerre mondiale, la recherche météorologique est jugée nécessaire à la bonne marche des armées. La météorologie est devenu un outil indispensable à l'élaboration des tactiques concoctées par les états-majors, elle participe à la mobilisation générale appelée effort de guerre.

Des Ă©coles sont crĂ©Ă©es afin de former des mĂ©tĂ©orologues aussi bien en Angleterre qu'en Allemagne. Certains n'hĂ©sitent pas Ă  parler de "Guerre mĂ©tĂ©orologique de l'Atlantique nord" pour dĂ©crire cette compĂ©tition entre les nations belligĂ©rantes. Il s'agissait de se procurer les meilleurs renseignements afin de les mettre tout de suite au service de la stratĂ©gie et de la planification des opĂ©rations militaires. Ainsi, le routage mĂ©tĂ©orologique des navires devint la rĂšgle, le trajet des convois de ravitaillement pouvait ĂȘtre changĂ© Ă  la derniĂšre minute. Les opĂ©rations maritimes pouvaient ĂȘtre ajournĂ©es de mĂȘme que le dĂ©ploiement de l'aviation pouvait ĂȘtre modifiĂ© en fonction des prĂ©visions des mĂ©tĂ©orologues prises trĂšs au sĂ©rieux dĂ©sormais. Beaucoup s'accordent Ă  dire que la mĂ©tĂ©orologie moderne commence aprĂšs guerre, avec petit Ă  petit une mondialisation des donnĂ©es et la moindre considĂ©ration des dictons sans portĂ©e scientifique.

La météorologie aprÚs guerre

En 1951, l'Organisation météorologique mondiale (OMM) est fondée par l'ONU en remplacement de l'Organisation météorologique internationale (OMI) qui avait été créée en 1873 : son rÎle est de diffuser des données météorologiques le plus largement possible de par le monde.

De fait, depuis longtemps déjà, les capitaines de navires consignaient dans leurs journaux de bord les conditions de navigation. Se transmettant les informations, ils furent les premiers à mettre en place une sorte de veille météorologique en mer.

Une premiĂšre rĂ©union afin d'organiser la transmission des donnĂ©es au niveau mondial eut lieu en 1853 Ă  Bruxelles rĂ©unissant dix pays dont la France et les États-Unis. Visant Ă  amĂ©liorer la sĂ©curitĂ© sur les mers et les ocĂ©ans, elle dĂ©bouche sur la crĂ©ation de l'OMI en 1873.

De nouveaux instruments se sont développés aprÚs guerre. Le radar dont le principe est découvert par Heinrich Hertz en 1888 (ondes électromagnétiques réfléchies par les surfaces métalliques) sera mis au point en 1935 par Robert Watson-Watt qui fut le premier à en déposer le brevet. AprÚs guerre, les chercheurs David Atlas et John Stewart Marshall perfectionnent cette technologie afin de l'adapter à la prévision du temps : ils sont les concepteurs des premiers radars météorologiques.

En 1960, le premier satellite météorologique (TIROS-1) est mis en orbite. On parle désormais de météorologie spatiale : cette derniÚre complémentaire de la météorologie terrestre apporte des données trÚs précises notamment sur l'impact du soleil sur notre environnement.

Les télécommunications par ondes radio développées au début du XXe siÚcle puis celles par satellites viennent révolutionner la diffusion des informations météorologiques.

Les satellites permettent de recueillir des informations concernant les zones peu couvertes par les autres formes terrestres d'observation et de prévision du temps : les systÚmes de télédétection embarqués apportent de nouvelles données qui sont complémentaires de celles données depuis la Terre par les appareils de mesure.

Les informations transmises sous forme de messages numériques codés sont trÚs affinées se présentant le plus souvent sous une forme d'un graphique trÚs accessible à l'analyse.

Le développement des ordinateurs plus puissants dans les années 1970 et des superordinateurs dans les années 1980 mÚne à une meilleure résolution des modÚles de prévision numérique du temps.

Au dĂ©but des annĂ©es 2000, le dĂ©veloppement de l'internet permet des prĂ©visions trĂšs prĂ©cises, trĂšs affinĂ©es du temps qu'il fera dans les prochains jours. Cela profite Ă  tous les marins de la planĂšte : prĂ©venus gĂ©nĂ©ralement trĂšs longtemps Ă  l'avance, jusqu'Ă  sept jours, ils peuvent se prĂ©server de toutes les tempĂȘtes en cessant de naviguer, en allant se mettre Ă  l'abri le temps qu'il faut.

La vigilance météorologique

Depuis 2001, en France, la vigilance météorologique est une procédure mise en place par Météo-France en collaboration avec le ministÚre de l'Intérieur et tous les ministÚres concernés, notamment par le dérÚglement climatique.

Ceux-ci peuvent varier selon les gouvernements mis en place mais concernent les domaines de l'écologie, du développement durable, de la transition écologique (et solidaire), de la Mer, du tourisme, des transports, de l'aménagement du territoire...

Des alertes informent les Français et les pouvoirs publics en cas de risques majeurs, de phénomÚnes météorologiques potentiellement dangereux.

Les points de vigilance concernés sont le vent, les fortes précipitations, les orages, la neige et le verglas, les risques d'avalanches pour la montagne (depuis 2001), les canicules et les grands froids (depuis 2004), les risques d'inondation (depuis 2007) en relation avec le Service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations (SCHAPI), les vagues de submersion marine sur les cÎtes (depuis 2011)...

Météo-France publie chaque jour des cartes de vigilance météorologique utilisant des couleurs selon les quatre niveaux de risques. Le rouge requiert une vigilance absolue dans les zones concernées, l'orange correspond à une grande vigilance, le jaune demande une attention particuliÚre, le vert indique l'absence de danger.

La mĂ©tĂ©orologie marine se concentre plus particuliĂšrement sur le domaine de la mer. Elle intĂ©resse tous les navigateurs voguant sur l'eau, mers ou ocĂ©ans (marins de mĂ©tier tels ceux du commerce ou les militaires, les pĂȘcheurs, les plaisanciers, les rĂ©gatiers...) et est au service de leur sĂ©curitĂ©.

Pour cela, sont publiĂ©es plusieurs fois par jour des cartes de mĂ©tĂ©o marine pour chaque zone marine. Des bulletins mĂ©tĂ©o cĂŽtiers ou concernant le large sont par ailleurs Ă©mis sans arrĂȘt sur tous les canaux de communication dont la VHF entre autres (bande marine de trĂšs haute frĂ©quence, very high frequency en anglais) utilisĂ©e pour la communication des marins entre eux.

Il existe mĂȘme pour relever et transmettre les informations des bouĂ©es mĂ©tĂ©orologiques, dĂ©rivantes ou ancrĂ©es, utilisant en gĂ©nĂ©ral le systĂšme Argos pour la collecte des donnĂ©es. Jusque trĂšs rĂ©cemment, vers 2010, des navires mĂ©tĂ©orologiques spĂ©cialement stationnĂ©s en mer avaient le mĂȘme emploi que ces bouĂ©es : ils furent abandonnĂ©s devant les progrĂšs de la mĂ©tĂ©orologie spatiale.

Des BMS, bulletins météorologiques spéciaux sont prévus en cas de grand danger : vents trÚs forts, de 7 et 8 sur l'échelle de Beaufort..

Les renseignements transmis concernent les vents, la houle, les marĂ©es, les courants, la tempĂ©rature de l'eau, la pression atmosphĂ©rique, la tempĂ©rature et l'humiditĂ© de l'air, etc. Outre les tempĂȘtes et la houle, le brouillard souvent imprĂ©visible Ă  un endroit prĂ©cis, la brume de mer masquant les plages... sont aussi dangereux pour la navigation.

La météorologie marine est une spécialité qui constitue une composante primordiale pour le routage en navigation, maritime et aérienne. Elle est divisée en deux composantes : la météorologie cÎtiÚre et la météorologie de la haute mer.

Le balisage et les marins eux-mĂȘmes au service de la mĂ©tĂ©o

Avec le développement de l'électronique, des bouées fixes ou dérivantes ont été équipées d'appareils de prise de mesure automatique de tous les paramÚtres en temps réel. Telle la bouée Gascogne Ouest Arcachon qui donne le niveau de houle. On peut trouver d'autres bouées météorologiques au large du Cap-Ferret, de Saint-Jean-de-Luz, de l'ßle d'Oléron, de l'ßle d'Yeu
et des bouées fixes en pleine mer, trÚs éloignées des cÎtes, telle la bouée no 62001 et la bouée no 62163. Toutes ces bouées donnent de précieux renseignements à Météo-France.

Outre ces bouées, jusque dans les années 2010, des navires à l'ancre, en pleine mer, dits météorologiques, étaient spécialement équipés de tous les appareils de mesure nécessaires à la prévision du temps depuis des endroits précis. Ils utilisaient en particulier le radiosondage et pouvaient transmettre de précieuses informations à la communauté marine. Ces navires qui jouÚrent un rÎle important pendant la seconde guerre mondiale furent souvent la cible de l'Allemagne nazie et de ses alliés de l'Axe.

Les observations en mer sont depuis longtemps effectuĂ©es plus ou moins rĂ©guliĂšrement par les marins embarquĂ©s sur des unitĂ©s des marines nationales, de la marine marchande, par des pĂȘcheurs travaillant sur des chalutiers hauturiers ou cĂŽtiers, par des scientifiques affectĂ©s sur des navires ocĂ©anographiques. Ils prennent note de la force et la direction du vent, de la tempĂ©rature et l'humiditĂ© de l'air, du type et de l'intensitĂ© des prĂ©cipitations, du givrage par les embruns, de la visibilitĂ© et de l’état de la mer en gĂ©nĂ©ral. Ces informations sont transmises par radio ou par satellite vers des banques de donnĂ©es accessibles Ă  tous que l'on peut facilement interroger Ă  distance.

Les naufrages

Si l’on ne s’en tient qu'aux naufrages provoquĂ©s par le mauvais temps, les mauvaises conditions de navigation et les tempĂȘtes, l’endroit particuliĂšrement dangereux des passes de la Gironde avec de nombreux Ă©cueils cautionne dĂ©jĂ  la prĂ©sence sur place d’un sĂ©maphore (poste d’observation), d’un Cross (centre organisationnel d’alerte et de secours), de la SNSM (secours au plus prĂšs des marins en danger).

Les naufrages dans le golfe de Gascogne, les passes de la Gironde et l'estuaire de la Gironde trĂšs nombreux autrefois sont de nos jours davantage dus Ă  des imprudences, des facteurs accidentels (dĂ©faillances mĂ©caniques, avaries, pannes de moteur, incendies, vĂ©tusté ), beaucoup moins Ă  cause des intempĂ©ries. Il y en a moins de naufrages et ils ont en gĂ©nĂ©ral des consĂ©quences moins graves grĂące aux progrĂšs techniques, Ă  l'Ă©volution des prĂ©visions mĂ©tĂ©orologiques, Ă  l'intervention rapide des secours.

Pour donner une idĂ©e de l’activitĂ© importante et de l’utilitĂ©, de la nĂ©cessitĂ© de la SNSM, on peut citer les statistiques publiĂ©es par l’association :

En 2019 par exemple, sur tout le littoral français, le bilan de la SNSM est le suivant :

  • 3932 interventions, dont 1550 de SAR (« Search and Rescue ») : 398 interventions rien que pour le CROSS Étel dont 143 interventions Ă  hauteur du dĂ©partement de la Gironde
  • 7240 personnes secourues
  • 3457 flotteurs impliquĂ©s : navires de commerce ou Ă  passagers, bateaux de pĂȘche, navires de plaisances Ă  moteur et Ă  voiles, navires fluviaux, planches Ă  voile, engins de plage, kitesurf, kayak, avirons de mer
 Les plaisanciers Ă  moteur sont les plus impactĂ©s car souvent trĂšs imprudents (20 morts en 2019) ainsi que les pĂȘcheurs (11 morts en 2019) qui prennent le plus de risques
  • 40 personnes embarquĂ©es dĂ©cĂ©dĂ©es ou disparues

Ces chiffres ne concernent que les interventions par bateau (Sauveteurs embarqués) et ne comptabilisent pas les secours sur les plages, les accidents de plongées (autonome avec bouteille, ou apnée), les missions de sécurité civile, les hélitreuillages, etc. Si l'on comptabilise tous les accidents concernant les autres missions de la SNSM, on passe à quatre-vingts morts au lieu de quarante en 2019.

Un tĂ©lĂ©film de 2010, "TempĂȘtes" retrace la vie quotidienne de ces sauveteurs, ces hommes courageux prenant tous les risques pour venir au secours des marins. La tragĂ©die du 7 aoĂ»t 1986, sur les rochers de Kerguen Ă  LandĂ©da au bout de la presqu'Ăźle de Sainte-Marguerite qui coĂ»ta la vie Ă  cinq de ces hĂ©ros en est la triste illustration.

Autrefois, il n'Ă©tait pas rare non plus que les naufrages soient malheureusement provoquĂ©s intentionnellement par les hommes eux-mĂȘmes.

La folie, la convoitise, la cupiditĂ©, la bĂȘtise furent la cause de nombreux drames humains, d'affreuses tragĂ©dies : la course, la piraterie, les conflits entre les pays ou nations Ă©taient autrefois autant de dangers de mort pour les marins.

Par exemple, en janvier 1627, une tempĂȘte exceptionnelle frappe le golfe de Gascogne. Sept navires portugais coulent et s'Ă©chouent sur les cĂŽtes atlantiques dont le "Sao Bartolomeu" prĂšs de Lacanau, le "Sao Filipe" au Grand Crohot Ă  LĂšge, la "Santa Helena" prĂšs de Capbreton. Deux de ces bateaux, des caraques chargĂ©es de richesses diverses ramenĂ©es de l'Inde, Ă©taient escortĂ©s de galions de guerre pour les protĂ©ger. Le bilan humain fut estimĂ© Ă  deux mille morts environ dont beaucoup appartenaient Ă  la noblesse portugaise. Moins de trois cent personnes furent sauvĂ©es. Tout du long des cĂŽtes atlantiques, des marchandises et des matĂ©riels de toute sorte se retrouvĂšrent sur les plages : de grandes quantitĂ©s d'Ă©pices (poivre, cannelle, noix de muscade, clous de girofle
), de riches tissus tels que les indiennes, du mobilier et des objets d'art tels que ceux qu'on peut admirer au MusĂ©e de la Compagnie des Indes Ă  Lorient. Des centaines de canons, une fortune en diamants et pierreries fut engloutie, disparue


Cette tragĂ©die nous fut rapportĂ©e par Francisco Manuel de Melo et par le capitaine de l'un des galions miraculeusement sauvĂ©. La confrontation de toutes les sources a permis de montrer que toutes ces richesses ont surtout profitĂ© aux pilleurs d’épave de la cĂŽte landaise et plus particuliĂšrement au duc d’Épernon, Jean-Louis de Nogaret de La Valette[128]
Le droit de bris sous l'Ancien rĂ©gime alimenta parallĂšlement ce que certains qualifient toutefois de lĂ©gendaire, l'existence de naufrageurs.

Ainsi Jules Michelet qui s'est toujours passionné pour la mer et les gens de mer écrit[129]:

« ...ils pilleraient tranquillement sous le feu de la gendarmerie. Encore, s'ils attendaient toujours le naufrage, mais on assure qu'ils l'ont souvent préparé. Souvent, dit-on, une vache, promenant à ses cornes un fanal mouvant, a mené les vaisseaux sur les écueils »

Une cinquantaine d'années plus tard, Guy de Maupassant décrit quelque chose de ressemblant[130] :

« ...les naufrageurs devaient attirer les vaisseaux perdus en attachant aux cornes d'une vache dont la patte était entravée pour qu'elle boitùt, la lanterne trompeuse qui simulait un autre navire »

Un des plus gros drames, la plus grande catastrophe maritime française, eut lieu dans le golfe de Gascogne il y a une centaine d'années. Le 12 janvier 1920 le paquebot français de la Compagnie des Chargeurs Réunis, l'Afrique fit naufrage dans le Golfe de Gascogne. Il y eut 568 victimes.

De nombreuses épaves jonchent les fonds marins prÚs des cÎtes visitées par les plongeurs sous-marins, parfois visibles à marée basse de vives-eaux. On peut citer parmi celles-ci l'épave du Hollywood, un paquebot américain échoué le 29 novembre 1945 au large de Soulac-sur-Mer.

Sur l'estuaire et la Garonne, les Allemands ont sabordĂ© prĂšs de deux cents navires en aoĂ»t 1944 faisant autant d'Ă©paves au fond des eaux. Certains bateaux ont pu ĂȘtre renflouĂ©s tel le bac Le Cordouan coulĂ© dans Port-Bloc, d'autres ont pu ĂȘtre enlevĂ©s car en eau peu profonde. D'autres restent Ă  jamais au fond de l'ocĂ©an ou de la riviĂšre.

Parfois, les grandes marĂ©es font resurgir ce qu'il reste de grands navires sur les plages mĂȘmes. Ainsi, Ă  Contis, dans les Landes, Ă  chaque grande marĂ©e, depuis le 21 mars 2011 (marĂ©e d’équinoxe exceptionnelle de coefficient 118) reparaĂźt l'Ă©pave du "Renow" Ă©chouĂ© lĂ  le 13 janvier 1889. Le naufrage de ce grand navire mĂ©tallique qui transportait du charbon illustre parfaitement le danger qu'il y a Ă  trop s'approcher des cĂŽtes, notamment landaises.

D’autres Ă©paves y sont visibles, telles que les deux prĂ©sentes sur la plage de Lespecier Ă  Mimizan : celle de l'Apollonian Wave, un pĂ©trolier grec de 9 800 tonnes, et celle du Virgo, un cargo grec. Ces deux navires pris dans une forte tempĂȘte se sont Ă©chouĂ©s Ă  une centaine de mĂštres d’écart dans la journĂ©e du 2 dĂ©cembre 1976.

On peut citer pour illustrer la dangerositĂ© du banc de la Mauvaise le naufrage par temps de tempĂȘte dĂ©cembre 1968 du Liberty Ship Azuero qui fut coupĂ© en deux. Tous les passagers furent sauvĂ©s grĂące Ă  l'intervention du canot Capitaine de Corvette Cogniet de la SNSM et d'un hĂ©licoptĂšre de la Gendarmerie.

Un des derniers drames s'étant déroulé dans le golfe de Gascogne est le naufrage du cargo porte-conteneurs italien Grande America, le 12 mars 2019 : les vingt-sept hommes d'équipage furent sauvés mais le bateau en sombrant fut à l'origine d'une nappe d'hydrocarbures d'environ dix kilomÚtres de long sur un kilomÚtre de large. Celle-ci fit craindre aux autorités une marée noire qui aurait pu toucher le littoral de Gironde et de Charente-Maritime trois à quatre jours plus tard. Le Grande America qui gßt partiellement enfoncé sur un banc de sable par quatre mille six cent mÚtres de fond est intÚgre. Les conteneurs restant à bord ne présentent pas de risque de remontée à la surface. La zone du naufrage reste sous surveillance aérienne et par satellite. Finalement, la pollution a été réelle mais limitée grùce à toutes les mesures prises.

Les restes de l’Apollonian Wave et du Virgo.

L’enquĂȘte historique menĂ©e par Jean-Jacques Taillentou[131] recense de Biscarrosse Ă  Tarnos prĂšs de 180 naufrages entre le XVIIe siĂšcle et 1918 :

« À l’époque, la cĂŽte landaise Ă©tait encore plus dangereuse qu’aujourd’hui car il n’y avait aucun repĂšre. Il n’y avait pas de villages, pas de balises, pas de ports, de trĂšs forts courants et des bancs de sable. Sans compter les tempĂȘtes du golfe de Gascogne et les Ă©normes erreurs de navigation. En clair, lorsque les marins se trouvaient Ă  proximitĂ© de la cĂŽte, il Ă©tait bien souvent trop tard »


Une station de sauvetage Ă  la pointe de Grave

À la pointe de Grave, la SociĂ©tĂ© centrale de Sauvetage des naufragĂ©s (SCSN), ancĂȘtre de la SNSM, va chapeauter dĂšs 1865, Ă  sa crĂ©ation, la station dite alors de l’Embouchure de la Gironde. Secourant les personnes en danger sur l'ocĂ©an, prĂšs des cĂŽtes et dans l’estuaire de la Gironde, la SCNM assure le sauvetage Ă  l'aide de bateaux Ă  vapeur : remorqueurs, chalutiers


En 1953, la SCSN affecte Ă  Port Bloc un canot de sauvetage, le "Capitaine de Corvette Cogniet". En mĂȘme temps, fut construit dans Port Bloc, un ascenseur Ă  bateau Ă©lectrique permettant de mettre Ă  sec, Ă  l'abri quand il est inutilisĂ©, le canot de sauvetage protĂ©gĂ© ainsi des tarets. L'ascenseur Ă  bateaux sera dĂ©truit lorsque la SNSM quittera Port Bloc.

Le "Capitaine de Corvette Cogniet" Ă©tait un canot tous temps de 1re classe, c'est-Ă -dire ayant l'autorisation de sortir pour effectuer des opĂ©rations de sauvetage dans n'importe quelle condition de vent et de mer. Reconnaissable Ă  sa coque de couleur verte, il Ă©tait insubmersible, autoredressable. Construit en bois en 1952 par les chantiers navals de FĂ©camp, il mesurait un peu plus de quatorze mĂštres et Ă©tait Ă©quipĂ© de deux moteurs diĂ©sel Baudoin de 55 CV lui permettant une grande manƓuvrabilitĂ© alliant vitesse et stabilitĂ©. Il a servi pendant 18 ans Ă  Port-Bloc jusqu'en 1971, date Ă  laquelle il rejoint la station de l'Aber-Wrac'h Ă  LandĂ©da dans le FinistĂšre. Ce bateau aura malheureusement un destin tragique : dans la nuit du 6 au 7 aoĂ»t 1986, il se fracasse sur les rochers de Kerguen en portant secours Ă  un voilier en dĂ©tresse sur l'Ăźle du Bec causant la mort des cinq membres de l'Ă©quipage.

En 1967, la SCSN change donc de nom et de statuts devenant la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM).

Depuis 1995, la pointe de Grave dispose d'un nouveau canot tous temps de prĂšs de 18 mĂštres de long, le "Madeleine Dassault" immatriculĂ© SNS 085 financĂ© pour moitiĂ© par le groupe Marcel Dassault. Ce bateau fut baptisĂ© du nom de l'Ă©pouse de l'industriel français qui avait Ă©tĂ© kidnappĂ©e en 1964. La coque du bateau est en composite fibre de verre et rĂ©sine polyester et est Ă©quipĂ© de deux moteurs diĂ©sel Iveco de 380 CV. Il a Ă©tĂ© complĂštement restaurĂ© Ă  LĂ©chiagat en 2013 durant trois mois : entretien peinture et replastification de la coque, rĂ©vision mĂ©canique et Ă©lectronique... Durant son absence, le sauvetage a Ă©tĂ© assurĂ© par les canots de Royan et de la CotiniĂšre[132].

En 2005, le port d'attache de la SNSM devient Port-MĂ©doc.

La FĂȘte de la mer

« Depuis 1954, une FĂȘte de la Mer est organisĂ©e en aoĂ»t Ă  la Pointe de Grave (le 15 aoĂ»t en gĂ©nĂ©ral, parfois le 14 juillet) afin d'alimenter la caisse du ComitĂ© local de sauvetage. À cette occasion, est organisĂ© une procession de bateaux munis du grand pavois.Un hommage sur l'eau est rendu aux marins disparus en mer, une gerbe bĂ©nite est jetĂ©e Ă  l'eau depuis le canot de sauvetage puis tous les bateaux de la procession sont bĂ©nis. Une messe a lieu sur le baliseur ou sur le quai en plein air. Des balades en mer sont organisĂ©es. Toute la journĂ©e, le site de Port-Bloc accueille une fĂȘte foraine. Des concours sont organisĂ©s : pĂȘche, pĂ©tanque...La SNSM vend des insignes. CĂŽtĂ© animations, on peut citer au fil des ans : des courses Ă  la godille, des courses Ă  l'aviron, des courses Ă  la poursuite de canards lĂąchĂ©s dans le port, des courses Ă  la nage (traversĂ©es du port) avec la participation une annĂ©e de Jean Boiteux et Christine Caron (qui ont plus que distancer leurs adversaires), des joutes nautiques... Il y avait aussi le mĂąt de cocagne (sur le grĂ©ement du bateau-feu, de cinq ou six mĂštres), des concours de dĂ©guisements, des dĂ©monstrations trĂšs spectaculaires de sauvetage, parfois avec un systĂšme de poulie tendu depuis le fort jusqu'au quai du Balisage (la personne secourue passait d'un bateau Ă  l'autre, au-dessus de la foule, dans une "bouĂ©e-culotte"), d'autres fois avec hĂ©licoptĂšre, des jeux de kermesse (courses en sac, course Ă  l’Ɠuf dans une cuillĂšre, le chamboule-tout avec des boĂźtes de conserves, la course en arriĂšre (au rĂ©troviseur)... Tout cela se terminait en gĂ©nĂ©ral par un vin d'honneur offert Ă  la population, un feu d'artifice, puis un bal »[133].

La douane maritime

Quand en 1953, les douanes maritimes, plus exactement dit, la Garde-CÎtes des douanes françaises, s'installent à la Pointe de Grave, ils disposent d'une premiÚre vedette, le "Directeur Général Collin de Sussy". Une Cité des douanes de 18 logements pour accueillir le personnel et leur famille (tous occupés) est créée en 1954. Deux maisons supplémentaires sont construites en suivant, derriÚre la Cité des Douanes, prÚs du phare de Grave, afin de loger les cadres des Phares et Balises.

Pointe de Grave, vue extrémité sud de la Cité des Douanes

Cela représentait un afflux de population important pour le bout de la pointe et une vingtaine d'enfants pour l'école. La municipalité de l'époque, un moment tenté par une classe unique sur place, a finalement opté pour la mise en place d'un service de ramassage scolaire vers l'école du Bourg.

TrÚs rapidement, le service des douanes s'est développé et s'est doté d'un matériel sophistiqué et notamment un superbe bateau trÚs rapide, la vedette Suroßt (deux moteurs développant une puissance de 960 chevaux et dont le rayon d'action s'étendait de Saint-Gilles-Croix-de-Vie à Saint-Jean-de-Luz). Cette brigade garde-cÎte sera transférée du Verdon à Royan, en 1983.

À Soulac, par exemple et au hasard, en 1815, 9 enfants sur 24 sont fils ou filles de douaniers. C'est la profession la plus nombreuse avec celle de saunier[134]. Il faut remonter Ă  RĂ©volution pour trouver trace de la Ferme gĂ©nĂ©rale, institution qui avait pour vocation de prendre en charge la recette des impĂŽts indirects, droits de douane, droits d'enregistrement et produits domaniaux. Celle-ci disparaĂźt au bĂ©nĂ©fice de la RĂ©gie des douanes (crĂ©Ă©e le ) : la douane maritime est, alors, organisĂ©e et rĂ©cupĂšre ainsi en France 270 embarcations pour 1 200 marins.

Un mémoire des archives nationales précise son implantation et sa composition : entre autres, 3 grandes pataches sont affectées à Bordeaux et au Verdon.

Cette administration dispose alors d'un personnel nombreux permettant Ă  l'État de garantir un contrĂŽle prĂ©cis, dans les eaux françaises, des flux de marchandises, monĂ©taires ou de personnes et conduisent, aussi, les douaniers Ă  exercer de plus en plus de missions "non-douaniĂšres" auxquelles ils sont habilitĂ©s. Ils obtiennent le droit d'injonction, d'arrĂȘt par la force et l'usage des armes, si nĂ©cessaire, d'accĂšs, de contrĂŽle et de fouille, de visite des navires et des marchandises, des moyens de transport et des personnes, de confiscation, saisie ou retenue des marchandises de fraude et de sommes d'argent


L'allée de Rabat

On ne peut pas parler de la Pointe de Grave sans Ă©voquer une route quasi-mythique et magique pour tous ses habitants de l’aprĂšs-guerre, jusque dans les annĂ©es soixante-dix : l’AllĂ©e de Rabat, un tronçon de la D 1215. (Quelle est l’origine de son nom?). Fin dix-neuviĂšme, c'Ă©tait l'ancienne voie empruntĂ©e par les wagonnets Ă  traction hippomobile transportant depuis le port du Verdon les blocs utilisĂ©s Ă  la construction de la jetĂ©e de la pointe de Grave. Cette route, la seule, l’unique route qui permet aux habitants de rejoindre le bourg du Verdon-sur-Mer, Ă©tait aprĂšs guerre une route de forĂȘt de chĂȘnes verts sans Ă©clairage, trĂšs noire, avec une frondaison trĂšs resserrĂ©e, formant voĂ»te, ne permettant d’apercevoir une seule Ă©toile, la nuit. Aucune habitation, la maison du garde forestier du coin du Chemin de la Claire Ă©tait dĂ©saffectĂ©e, n’étant plus qu’une ruine. Cette route Ă©tait, de plus, flanquĂ©e d’un cimetiĂšre tout au bout de l'allĂ©e, en bordure du chemin, sans aucune barriĂšre, ni dĂ©limitation (sauf des chaĂźnes, tendues entre des poteaux en ciment, au ras du sol), oĂč Ă©taient enterrĂ©s tous les soldats Allemands, morts pendant l’épisode de guerre de la poche de la Pointe de Grave : juste des croix (avec des noms ou la marque "Inconnu"[135]) sur les tombes (au nombre de 102[136], une tombe double)[137], le sinistre cimetiĂšre militaire allemand ! Cette route alimentait toutes les peurs des habitants de la Pointe de Grave devant se rendre au Bourg, de nuit, accompagnĂ©s des bruits de la forĂȘt et des cris des animaux nocturnes. En 1960, elle avait Ă©tĂ© le lieu d’une tentative de meurtre suivie d’un suicide[138] ce qui, Ă  l’époque, n’était pas pour rassurer les habitants. Les jeunes gens de la Pointe voulant se rendre, le soir, au bal ou Ă  la fĂȘte du village, Ă©vitaient de se dĂ©placer seuls. Ils traversaient «la zone dangereuse» en pressant le pas, parfois mĂȘme en courant, ou bien en pĂ©dalant un peu plus vite quand ils Ă©taient Ă  vĂ©lo, pour arriver rapidement en zone dĂ©couverte (aprĂšs guerre, jusque dans les annĂ©es soixante, trĂšs peu de personnes possĂ©daient un vĂ©hicule). Ils s'organisaient parfois en partant plus tĂŽt, en fin de journĂ©e, quand il fait encore jour, mais le retour Ă©tait inexorablement de nuit.

Allée de Rabat à la Pointe de Grave, dans les années 1960. Au fond, "l'entrée du tunnel"

AprĂšs 1964, il y eut une exhumation des corps des soldats allemands pour les regrouper au cimetiĂšre militaire allemand de Berneuil, (notamment les soldats inconnus), en Charente-Maritime. Le cimetiĂšre de Berneuil a Ă©tĂ© inaugurĂ© le 24 juin 1967 et abrite aussi une partie des 490 prisonniers de guerre allemands dĂ©cĂ©dĂ©s du typhus, Ă  Saint-MĂ©dard-en-Jalles (camp de Germignan) ainsi que les corps de soldats allemands tuĂ©s par les maquisards, dans les poches de Royan et Pointe de Grave. D'autres corps ont Ă©tĂ© rĂ©cupĂ©rĂ©s par leur famille, en Allemagne, via une association d'amitiĂ© franco-allemande, et le Volksbund Deutsche KriegsgrĂ€berfĂŒrsorge.

Aujourd'hui, l'allĂ©e de Rabat a un peu d'Ă©clairage public, la vĂ©gĂ©tation y est beaucoup moins luxuriante, des arbres ont Ă©tĂ© coupĂ©s, les sous-bois nettoyĂ©s, l'allĂ©e gardant tout de mĂȘme l’aspect d’une route de forĂȘt, lĂ©gĂšrement ombragĂ©e, non habitĂ©e, avec des zones de pique-nique.

"Cette partie de la forĂȘt, en lisiĂšre de la façade estuarienne de la Pointe de Grave, prĂ©sente un intĂ©rĂȘt historique et paysager remarquable" d'aprĂšs la DREAL Aquitaine (Direction rĂ©gionale de l'Environnement, de l'AmĂ©nagement et du Logement). "Les chĂȘnes verts qui composent l'essentiel du couvert forestier tĂ©moignent des premiers ateliers de plantations de dune au XIXe siĂšcle et crĂ©ent une ambiance paysagĂšre tout Ă  fait originale". Le site est classĂ© "Site d'intĂ©rĂȘt pittoresque" par un dĂ©cret du 07/04/1939. La Dreal regrette que « la majeure partie de ce site soit actuellement dĂ©diĂ©e Ă  l'accueil du public et que son utilisation avec des aires de pique-nique transforme la vision d'une forĂȘt exceptionnelle en parc public banalisĂ©. L'allĂ©e de Rabat est une invitation Ă  rentrer en forĂȘt et son aspect visuel actuel demande une requalification pour lui redonner son attrait premier. Le site protĂ©gĂ©, dans son pĂ©rimĂštre actuel, ne rĂ©pond que trĂšs partiellement aux enjeux de prĂ©servation et de rĂ©habilitation de ce paysage exceptionnel, d'intĂ©rĂȘt national et europĂ©en et une extension du site classĂ© Ă  l'ensemble de la Pointe de Grave est Ă  l'Ă©tude »[139].

Le Chemin latéral

Dans le prolongement de l’allĂ©e de Rabat se situe le Chemin latĂ©ral, bien connu aussi des habitants de la Pointe de Grave, avant-guerre et aprĂšs-guerre. Ce chemin permettait et permet toujours aujourd’hui aux habitants de Pointe de Grave de rejoindre le Bourg, au plus court, sans passer par l’ancienne route qui traverse le hameau du Logis. Ce chemin a sans doute Ă©tĂ© amĂ©nagĂ© pour le passage des vĂ©hicules en mĂȘme temps que la construction de la ligne de chemin de fer, c’est-Ă -dire vers 1900, la ligne Le Verdon-Pointe de Grave Ă©tant achevĂ© en 1902 ; ou plus probablement, fin dix-neuviĂšme, pour livrer passage aux wagonnets Ă  traction animale transportant depuis le port du Verdon, les blocs utilisĂ©s Ă  la construction de la jetĂ©e de la pointe de Grave. Ce chemin a largement Ă©tĂ© empruntĂ© par les vĂ©hicules allemands pendant la guerre 39-45 puis par les vĂ©hicules amĂ©ricains aprĂšs-guerre, tous les deux ayant participĂ© Ă  en faire un chemin carrossable. Ce chemin est latĂ©ral (d’oĂč son nom) par rapport Ă  la ligne de chemin de fer qu’il cĂŽtoie tout du long, ou si l’on veut aussi, latĂ©ral par rapport Ă  la plage de la Chambrette dont il est sĂ©parĂ© par un cordon dunaire. Il cĂŽtoie sur une grande partie le nouveau port de plaisance, Port-MĂ©doc. Il rejoint directement, depuis la Pointe, la rue de la Batterie (ancien Chemin de la Batterie) au Verdon, et permet d’éviter les deux passages Ă  niveaux se situant Ă  chacune de ses extrĂ©mitĂ©s. Il restera pour beaucoup le Chemin LatĂ©ral, appellation qu'il a gardĂ©e pendant des dizaines d'annĂ©es. D'aucuns, dans « MĂ©moires de Verdonnais »[140], parlent encore aujourd'hui du Chemin LatĂ©ral et non de l’avenue de la Chambrette, nom qui lui a Ă©tĂ© donnĂ© rĂ©cemment : il a d’ailleurs, au vu de sa largeur, davantage l’aspect d’un chemin que d’une avenue. Il est coupĂ©, sur un cĂŽtĂ©, par un seul autre petit chemin, en son milieu, venant du quartier du Logis, chemin baptisĂ© aujourd’hui Passage Grenouilleau. Il a Ă©tĂ© modifiĂ© en son extrĂ©mitĂ© nord ne donnant plus directement sur l’allĂ©e de Rabat mais sur une nouvelle route rejoignant Port-MĂ©doc, l’allĂ©e de DĂ©clide. Des maisons en nombre limitĂ© ont Ă©tĂ© Ă©difiĂ©es sur la bande dunaire, aprĂšs 1950, entre le chemin et la plage, s'appuyant pour certaines sur les Ă©lĂ©ments dĂ©fensifs en bĂ©ton, restes des bunkers du Mur de l’Atlantique. En 1975, c’est le long de ce chemin qu'a Ă©tĂ© construit le siĂšge des pilotes de l'estuaire, associant poste de contrĂŽle et logements[141].

Le hameau du Logis

Le quartier du Logis est un hameau historique du Verdon-sur-Mer dĂ©jĂ  citĂ© par l’abbĂ© BAUREIN, en 1784. C’est l’endroit oĂč se sont naturellement regroupĂ©s les tout premiers habitants de la pointe de Grave, le long et de chaque cĂŽtĂ© de la seule route de l’époque menant au bout de la presqu’üle, route qui fut longtemps dĂ©nommĂ©e dĂ©partementale no 1 (puis D101) de la Gironde (D1215 aujourd’hui). Il y avait d’autres habitants Ă  la pointe de Grave mais l’habitat Ă©tait plus Ă©pars, plus diffus, dans la forĂȘt, en bordure d’ocĂ©an ou de riviĂšre. Le hameau s’étalait tout le long de la route, limitĂ© par le cordon dunaire Ă  l’est (Port MĂ©doc aujourd'hui), toute la zone marĂ©cageuse Ă  l’ouest, la forĂȘt de Rabat au nord. Le quartier Ă©tait emprisonnĂ© pour la plus grande partie entre le Marais du Logis et la ligne de chemin de fer. La limite sud pourrait ĂȘtre aux confins du marais du mĂȘme nom, c'est-Ă -dire Ă  la barriĂšre de chemin de fer, tout prĂšs de la gare du Verdon. On pourrait dire aujourd’hui que le Logis se situait le long de l’avenue de Pointe de Grave depuis la barriĂšre de chemin de fer, Ă  la fin de l’allĂ©e de Rabat, au nord (premiĂšre barriĂšre), jusqu’à la deuxiĂšme barriĂšre, au sud, tout prĂšs de la gare. Pour faire plus simple, le hameau du Logis s'Ă©tendait tout le long du marais du mĂȘme nom, le Marais du Logis. On disait dans les annĂ©es soixante, de "chez Rabenne" Ă  "chez Verrier", du nom des habitants, de barriĂšre Ă  barriĂšre. Or, la carte IGN confine le hameau Ă  l'extrĂ©mitĂ© sud du marais dans le triangle entre la voie de chemin de fer, la route de la Batterie et la nationale D1215, le rĂ©sumant Ă  quelques maisons, et l'Ă©crit avec un "t" Ă  la fin! Il existe aujourd'hui (2020) quelques panneaux indicateurs (Logit avec un "t") le signalant dans cette zone mais plus aucun panneau de localisation de hameau de type E31. On ne comprend d'ailleurs pas trop cette carte IGN : le marais du Logis est bien Ă©crit avec un "s" mais lorsqu'on agrandit la carte, en faisant un zoom, en se rapprochant, il change de nom et on le retrouve Ă©crit avec un "t"!

Le quartier est coupĂ© par la premiĂšre rue rencontrĂ©e menant au Bourg, Ă  savoir le Chemin de la Batterie, Ă  peu prĂšs au niveau oĂč le chenal de Rambeaud (du Logis ?) traverse la route.

Les plus anciens recensements de la population du Verdon font Ă©tat, pour Le Logis, de : 41 habitants en 1891, 57 en 1896, 82 en 1901, 84 en 1906, 69 en 1911, 62 en 1921, 83 en 1926.

Le Verdon et ses marais : marais du Logis, marais du Conseiller

La ville du Verdon-sur-Mer est cernĂ©e par les marĂ©cages : le Marais du Logis au nord et nord-est, le Marais du Conseiller Ă  l'est, et au sud-ouest. Ceci a amenĂ© la commune, de tout temps, Ă  mener des plans de lutte contre les moustiques. Qui ne se souvient, dans les annĂ©es cinquante, de la jeep (des pompiers?) sillonnant les rues du village, de la Pointe Ă  Soulac, Ă©quipĂ©e d'un canon Ă  DDT, bombardant cet insecticide sur tous les arbres et fourrĂ©s qu'elle rencontrait, ainsi que sur les plans d'eau. Il fallait rentrer vite et fermer toutes les portes et fenĂȘtres : l'odeur (lĂ©gĂšre) n'Ă©tait pas trop dĂ©sagrĂ©able, mais cela piquait les yeux et pouvait faire Ă©ternuer.

Plus connu sous le sigle DDT, le dichloro-diphĂ©nyl-trichloroĂ©thane (synthĂ©tisĂ© en Suisse en 1939) est un insecticide qui a Ă©tĂ© largement utilisĂ© Ă  partir des annĂ©es 1950 pour lutter contre le paludisme et le typhus avec des rĂ©sultats spectaculaires. Le DDT avait sauvĂ© bien des vies, dans les troupes alliĂ©s, dĂšs la seconde guerre mondiale. Mais voilĂ , il est interdit en France en 1971, puis placĂ© en 2001 sur la liste des "12 salopards" (en rĂ©fĂ©rence au film) par la Convention de Stockholm. Des Ă©tudes rĂ©centes publiĂ©es par l'OMS en 2006 montrent qu'il n'Ă©tait pas si toxique que ça pour l'Homme et prĂ©conisent son retour dans certaines circonstances[142] : bien sĂ»r, pas en grande quantitĂ© et de maniĂšre extensive comme ça avait Ă©tĂ© fait dans l'agriculture, par exemple. Dans la nature et en grande quantitĂ©, il a Ă©tĂ© prouvĂ© qu'il n'avait pas, bien sĂ»r, de discernement en ce qui concerne les insectes qu'il tuait, mais aussi qu'il pouvait ĂȘtre responsable de la disparition d'oiseaux, de poissons, etc.

Aujourd'hui, la lutte consiste surtout Ă  s'attaquer aux larves.

Le marais du Logis jouxte donc, Ă  l'ouest, le hameau du Logis, limitĂ© au nord par la forĂȘt de Rabat, Ă  l'ouest par la forĂȘt domaniale de Pointe de Grave, au sud par le chemin du Toucq. Cette zone humide d'environ 91 hectares (dont 49 hectares de bassins), se situe au nord du bourg du Verdon, bordĂ©e par une zone forestiĂšre plantĂ©e de chĂȘnes verts sĂ©culaires, classĂ©e Espace Naturel Sensible (42 hectares de bordure forestiĂšre humide). La lisiĂšre ainsi crĂ©Ă©e augmente la richesse biologique de ce milieu Ă  la fois doux et saumĂątre (eaux pluviales pour les eaux douces, eaux de l'estuaire pour les eaux saumĂątres). DerniĂšre Ă©tape littorale avant l'estuaire de la Gironde, le marais du Logis est une halte privilĂ©giĂ©e pour les oiseaux migrateurs. Il est formĂ© de bassins d'eau douce, dĂ©connectĂ©s du systĂšme hydraulique estuarien et alimentĂ©s par le bassin versant et les remontĂ©es d’eau souterraine, et de bassins d'eau saumĂątre alimentĂ©s par le chenal du Logis (ou chenal de Rambeaud aujourd'hui) qui traverse la zone urbanisĂ©e du bourg du Verdon. Le chenal est jalonnĂ© d’ouvrages (Ă©cluses et clapets) dont la manipulation permet de faire remonter ou non l’eau saumĂątre dans le marais. Les bassins, lorsqu’ils existent encore, sont sĂ©parĂ©s par des bosses (prairies) anciennement pĂąturĂ©es. Longtemps aprĂšs guerre, il y eut sur ce territoire une ferme, et des vaches laitiĂšres paissaient dans ces prairies. ExploitĂ© dĂšs le XIIe siĂšcle, le marais du Logis a permis au fil du temps diverses activitĂ©s : saliculture, pĂȘche et chasse, ostrĂ©iculture, Ă©levage, tourisme
 AncrĂ© dans la mĂ©moire locale de la Pointe de Grave, ce marais a subi une dĂ©prise agricole et un manque d'entretien qui augmentait les risques d'inondation. La commune l'a rachetĂ© en 1979 et l'a ouvert au public aprĂšs l'achat de terrains contigus par le Conseil gĂ©nĂ©ral de la Gironde. Un plan de gestion a Ă©tĂ© Ă©tabli de 2006 Ă  2010 par l'association locale Curuma afin de restaurer sa fonctionnalitĂ© : capacitĂ© auto-Ă©puratoire, entretien des ouvrages, crĂ©ation d'un champ d'expansion des crues
CURUMA CPIE MĂ©doc (Centre Permanent d'Initiatives pour l'Environnement en MĂ©doc) est une association de protection de l'environnement qui travaille auprĂšs des acteurs du MĂ©doc afin de promouvoir une gestion durable des espaces naturels humides et la pĂ©rennisation en ces lieux d'activitĂ©s socio-Ă©conomiques soutenables. L'assocciation a Ă©tĂ© fondĂ©e en 1993 Ă  la suite de la crĂ©ation d’une autre association chargĂ©e de tester les possibilitĂ©s d’élevage des gambas dans les marais de la Pointe du MĂ©doc. Curuma tire son nom du japonais "Kuruma ebi", espĂšce de crevette (Penaeus japonicus) Ă©levĂ©e depuis le dĂ©but des annĂ©es 1990 dans les marais maritimes mĂ©docains.

Il a été établi à l'aide des conseils de l'association, un suivi de la qualité du milieu : salinité, température, concentration en oxygÚne
 et a été programmé un entretien régulier du site : maintien des haies, débroussaillage, entretien des zones boisées, des fossés
 Les traitements anti-larvaires ont été limités par une démoustication réguliÚre. La biodiversité du site est évalué réguliÚrement : amphibiens, cistudes, odonates (libellules) papillons
Un pùturage alterné (vaches et chevaux) est mis en place. La municipilalité actuelle (2020) parle de faire du marais du Logis "l'écrin du Verdon".

Au sud-ouest du bourg, se trouvent les marais du Conseiller qui s'Ă©tendent sur plus de 200 hectares. Ils sont constituĂ©s Ă  la fois de dĂ©pressions adoucies (Giraudeau, Grands Maisons), dĂ©connectĂ©es du systĂšme hydraulique estuarien et alimentĂ©es par le bassin versant, et de bassins saumĂątres alimentĂ©s par le chenal du Conseiller et le chenal du Port. Ces chenaux alimentent les zones de la Vissoule, du Proutan et du Conseiller, Ă  partir de l'estuaire de la Gironde par l'intermĂ©diaire de la darse du Verdon.

Une Association syndicale des marais du Conseiller fut créée en 1843 par ordonnance royale. Sur la carte de l'Atlas du Département de la Gironde (1888), ces espaces sont devenus des réservoirs à poissons. Cette activité a perduré longtemps encore pendant la premiÚre moitié du XXe siÚcle comme le prouvent d'anciennes cartes postales, se doublant parfois de la récolte du sel dans des marais salants : les augmentations et diminutions du cadastre indiquent la construction d'un entrepÎt de sel en 1875 (parcelle A 1635, appartenant à Moynet).

Avec l'amĂ©nagement de l'avant-port du Verdon, les marais du Conseiller sont achetĂ©s progressivement par le Port Autonome de Bordeaux Ă  divers propriĂ©taires privĂ©s, pour la plupart ostrĂ©iculteurs ou exploitants agricoles. En 1974, la route menant au mĂŽle et traversant les marais est amĂ©nagĂ©e. En 1980, le Port Autonome devient le propriĂ©taire principal de cette zone. Une partie des marais du Conseiller est alors remblayĂ©e en prĂ©vision d'amĂ©nagements qui ne seront finalement pas rĂ©alisĂ©s. Les marais sont dĂšs lors laissĂ©s Ă  l'abandon mĂȘme si une association tente de relancer une activitĂ© aquacole. En 1992, le Conseil gĂ©nĂ©ral de la Gironde achĂšte trois hectares avec le projet de valoriser les marais de la Pointe du MĂ©doc, tout en prĂ©servant les zones humides. L'association Curuma, assure depuis la conservation et la prĂ©servation de ces espaces (en mĂȘme temps que le marais du Logis), tout en contribuant Ă  la rĂ©introduction de l'activitĂ© conchylicole.

Le chenal du Conseiller se prolonge au Nord par le chenal de Rambeaud, rejoignant le Marais du Logis au centre du Verdon, et par le chenal de la Vissoule Ă  l'Ouest[143].

L'Ă©levage de gambas

Dans ces mĂȘmes marais (Marais du Conseiller), fin des annĂ©es 1980, on procĂ©da au Verdon Ă  une expĂ©rimentation d'Ă©levage de gambas. La question Ă©tait de savoir si cette crevette originaire de l'OcĂ©an Indien et de l'OcĂ©an Pacifique (Penaeus japonicus, de son nom scientifique) s'acclimaterait bien dans le MĂ©doc. Et serait-ce rentable?

De tels essais avaient déjà eu lieu en France, notamment, tout prÚs, en Charente, en 1984.

Des fermes aquacoles ont Ă©tĂ© amĂ©nagĂ©s, la gestion Ă©tant confiĂ©e Ă  l'IFREMER (Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer) qui dĂ©pend du ministĂšre de l'Écologie (de la Transition Ă©cologique depuis 2020) et du ministĂšre de l'Enseignement supĂ©rieur et de la Recherche (et de l'Innovation depuis 2017).

Les quantitĂ©s rĂ©coltĂ©es se sont accrues au fil des ans : 240 kg en 1984, 750 kg en 1985, 2 800 kg en 1986, 4 275 kg en 1987.

En 1981, le CEPRALMAR, une association crĂ©Ă©e en 1981, regroupant des Ă©lus et des professionnels de la mer, reprend les essais de grossissement sur une base plus extensive encore. Elle obtient des rĂ©sultats encourageants mais les coĂ»ts de production restent Ă©levĂ©s. La crevette japonaise, dite aussi crevette impĂ©riale ou kuruma, nĂ©cessite beucoup de soins. C'est un animal aux mƓurs nocturnes : la journĂ©e, elle reste enfouie dans la vase, ne sortant que la nuit pour se nourrir. Les marais doivent ĂȘtre entretenus en fonction : il faut les vidanger sans les vider complĂštement pour garder la vase du fond, l'ensemencer pour dĂ©truire les prĂ©dateurs : poissons, crustacĂ©s, ou larves d'insectes, comme par exemple les larves de libellule. Il faut renouveler l'eau rĂ©guliĂšrement, calculer la nourriture qu'on leur donne en fonction de la quantitĂ© de crevettes dans l'Ă©levage. Il faut disposer d'une Ă©tendue d'eau suffisantante : 5 hectares au moins.

Il faut amener l'électricité au milieu du marais. Toutes ces exigences coûtent trÚs cher, et ce n'est que soutenue par la puissance publique que l'activité a pu se développer[144].

La pĂȘche de la pibale

Une autre pĂȘche traditionnelle au Verdon est la pĂȘche de la civelle, dite pibale localement. Cette pĂȘche est trĂšs rĂ©glementĂ©e, seuls quelques pĂȘcheurs professionnels sont autorisĂ©s Ă  la pratiquer Ă  cause de la diminution constante de la ressource.

La pibale est l'alevin de l'anguille, poisson migrateur qui se reproduit à des milliers de kilomÚtres de l'estuaire de la Gironde, dans la mer des Sargasses. La larve de l'anguille arrive sur nos cÎtes d'octobre à mai aprÚs un long voyage, et commence alors la remontée des cours d'eau : poisson catadrome. Cette reproduction en un seul lieu, si loin, n'a apparemment pas encore été prouvée scientifiquement, les balises posées sur des anguilles ne nous conduisant pour le moment qu'aux Açores.

Les pibales sont toutes petites, moins de soixante-quinze millimĂštres, lorsqu'emportĂ©es par les courants et les marĂ©es, elles pĂ©nĂštrent dans l'estuaire de la Gironde ou le bassin d'Arcachon. Les pĂȘcheurs les capturent de la rive ou d'un bateau postĂ© Ă  l'entrĂ©e d'un chenal, de nuit en gĂ©nĂ©ral, Ă  marĂ©e montante. Cette pĂȘche est trĂšs rĂ©glementĂ©e, trĂšs surveillĂ©e, un quota de pĂȘche est fixĂ© qu'il ne faut pas dĂ©passer. Une fois ce quota atteint, la pĂȘche s'arrĂȘte. Les autorisations pour la pratique de cette pĂȘche spĂ©cifique Ă©tant limitĂ©es, les licences sont trĂšs difficiles Ă  obtenir.

Tout du long de sa remontĂ©e des fleuves, la pibale grossit, se transforme : elle perd sa transparence, se noircit, puis devient "anguille jaune", tout d'abord. Trop petite pour la pĂȘcher Ă  l'hameçon, on utilise pour l'attraper un tamis au maillage trĂšs fin. En bateau, on tend gĂ©nĂ©ralement au milieu d'un chenal, des filets Ă  mailles trĂšs fines, Ă  contre-courant : les civelles portĂ©es par la marĂ©e sont "drossĂ©es" au fond du filet (pĂȘche appelĂ©e drossage).

La civelle ou pibale
Pibales non encore cuites

Sur le site du Verdon, les pĂȘcheurs pratiquent un tour de rĂŽle pour positionner leurs bateaux en tĂȘte du chenal. Pour que ça soit Ă©quitable, le premier (la meilleure place) devient le dernier le lendemain. La pĂ©riode de pĂȘche autorisĂ©e est, en gĂ©nĂ©ral, janvier et fĂ©vrier. Le maillage ne doit pas permettre d'attraper des pibales plus petites que 0,75 cm.

La pibale pĂȘchĂ©e au Verdon jusque dans les annĂ©es 1970, en surpopulation Ă  l'Ă©poque, Ă©tait consommĂ©e sur place, d’octobre Ă  avril. Elle n'avait aucune valeur marchande, on l'appelait mĂȘme le "plat du pauvre". On donnait le surplus aux poules qui en raffolaient. L'anguille avait Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e espĂšce nuisible. Trop nombreuses, les anguilles empĂȘchaient les autres poissons de bien se nourrir, notamment tous les salmonidĂ©s qui voyaient leur population diminuer.

L'engouement des Espagnols, des Japonais, des Chinois
pour cette petite bĂȘte va complĂštement changer la donne. Devenue trĂšs rentable, la pĂȘche, ouverte Ă  tous, a amenĂ© un braconnage et une surexploitation.

La ressource a diminuĂ© trĂšs rapidement amenant l'intervention des autoritĂ©s de la pĂȘche et un durcissement de la loi. Le prix sur le marchĂ©, en 2019, Ă©tait d'environ 400 euros par kilo[145]. La civelle est devenue, dĂšs lors, l'objet de tous les trafics. Cette mĂȘme annĂ©e, un rĂ©seau international a Ă©tĂ© dĂ©mantelĂ© : depuis le MĂ©doc, les civelles, via l'Espagne puis le Portugal, terminaient dans les assiettes en Asie[146].

Les anguilles, menacées d'extinction, sont aujourd'hui protégées. L'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) a élaboré, au niveau européen, un plan de sauvegarde de l'espÚce. L'anguille fait aussi partie, au niveau mondial, de la liste des animaux protégés par la Convention de Washington : ces accords visant à protéger toutes les espÚces en danger sont connus sous le nom de CITES en anglais (Convention on International Trade of Endangered Species)[147].

Les thoniers basques et espagnols

« Un Ă©vĂšnement pratiquement rituel a fortement frappĂ© les esprits des habitants de Pointe de Grave dans les annĂ©es cinquante et dĂ©but soixante : l'arrivĂ©e des thoniers basques et espagnols, au mois d'aoĂ»t, dans Port Bloc. À cette pĂ©riode, les anchois sont dans le golfe de Gascogne chassĂ©s par les thons qui remontent vers le Nord. Les thoniers espagnols et basques capturaient ces anchois pour leur servir d'appĂąts vivants (conservĂ©s dans des viviers) pour attraper les thons Ă  la ligne. DĂšs qu'un avis de tempĂȘte Ă©tait signalĂ©, ils venaient s'abriter au plus prĂšs, pendant deux ou trois jours, Ă  Port Bloc. C'Ă©tait quelque chose de grandiose que de voir le port empli de thoniers Ă  pavillon espagnol ou basque dĂ©bordant littĂ©ralement de bateaux (jusqu'Ă  102) : ne restait plus qu'un fin chenal pour la sĂ©curitĂ© afin de pouvoir entrer et sortir du port, en cas de nĂ©cessitĂ©. Et quelle animation sur les quais et Ă  la Pointe de Grave! La communication entre marins pĂȘcheurs et la population n'Ă©tait pas toujours facile car trĂšs peu de ces pĂȘcheurs parlaient français, mais ils se montraient trĂšs gĂ©nĂ©reux : c'Ă©tait l'assurance pour beaucoup de verdonnais de repartir avec du thon et des anchois pour plusieurs repas. »[148]

Les commerces, les animations

À Pointe de Grave, point d’épicier, point de boucher, point de charcutier, point de boulanger, ni de pĂątissier
 point de pharmacie, ni de mĂ©decin. Les commerces se sont de tout temps regroupĂ©s dans le bourg, sauf peut-ĂȘtre une Ă©picerie Ă  l’extrĂ©mitĂ© du Logis, mais assez Ă©loignĂ©e, tout prĂšs du village. Les habitants, pour faire leurs courses, devaient donc se dĂ©placer, se rendre au bourg, mais aprĂšs guerre, peu de personnes avaient un vĂ©hicule. Le plus souvent, ils attendaient patiemment le passage d’un service Ă  domicile, assurĂ© par les commerçants du bourg eux-mĂȘmes, en camion, en voiture
. « On allait au fourgon ! ». Des noms de commerçants sont restĂ©s gravĂ©s dans la mĂ©moire des anciens : Gaillard, RonziĂ©, Baleau, TrĂ©paud
 et le nom des porteuses de pain. On se souvient aussi du passage des livreurs de pains de glace, de bois de chauffage, puis de charbon (anthracite, coke, gaillette, boulets,..), puis de fuel, plus tard
 pour le chauffage. Dans les annĂ©es cinquante, la majoritĂ© des gens chauffaient encore leurs habitations avec des poĂȘles Ă  bois ou Ă  charbon et prĂ©paraient toujours leurs repas Ă  l’aide d’une cuisiniĂšre qui fonctionnait grĂące Ă  la combustion d’une de ces deux matiĂšres. Dans beaucoup de familles, on continuait Ă  utiliser des cuisiniĂšres datant du dĂ©but du siĂšcle (le XXe). En fonte noire, d’un poids Ă©norme et d’une soliditĂ© Ă  toute Ă©preuve, elles comportaient une plaque de foyer conçue pour faire chauffer deux casseroles, un four et une rĂ©serve d’eau chaude : leurs ornements et leurs boutons de prĂ©hension Ă©taient la plupart du temps en laiton.

Le passage du limonadier Ă©tait trĂšs guettĂ© par les enfants : ils Ă©taient friands de sirops, de sodas, des fameux "Pschitt" orange ou citron, de limonade, du bon Cacolac, une boisson de fabrication vraiment bordelaise
, mais aussi d’AntĂ©site, trĂšs consommĂ©e Ă  cette Ă©poque. C’était plus Ă©conomique que les sirops (dix gouttes pour un verre) mais la rĂ©glisse Ă©tait-elle vraiment meilleure que le sucre pour leur santĂ© ? Les parents achetaient le vin au marchand de vin, le limonadier assurant parfois les deux services.

AprĂšs-guerre, on pouvait aller s’habiller aux Nouvelles Galeries, aller Ă  la mercerie, Ă  la droguerie, chez le quincailler, chez la fleuriste, chez le coiffeur
 mais toujours au bourg, il fallait faire une dizaine de kilomĂštres aller-retour, soit une quarantaine de minutes pour s’y rendre, autant pour le retour, deux fois treize minutes en vĂ©lo (source Mappy). Les jeunes pouvaient aller danser au Casino, voir un film au cinĂ©ma CinĂ©lux, toujours au bourg. La fĂȘte du village avait lieu au bourg aussi, le plus souvent prĂšs du vieux port ostrĂ©icole (face Ă  l'ancienne Mairie), le premier dimanche d'aoĂ»t.

Les habitants de la Pointe tenaient cependant leur revanche par rapport au village : ils pouvaient manger du poisson, des coquillages, des crustacĂ©s
 Ă  leur guise, Ă  leur faim, Ă  leur dĂ©sir. Il y avait, en effet, pas moins de deux pĂȘcheries prĂšs de Port Bloc, la premiĂšre ouvre en 1950. Comme distraction, ils avaient aussi la FĂȘte de la Mer, organisĂ©e tous les 15 aoĂ»t (en gĂ©nĂ©ral) autour de Port Bloc.

Le site Ă©tant plutĂŽt tournĂ© vers le tourisme, il y avait beaucoup d’animation en Ă©tĂ©. On pouvait y manger et y dormir (de nombreux hĂŽtels et restaurants avant-guerre, plus aucun hĂŽtel en 2020), on pouvait aller au cafĂ©, manger au restaurant, acheter des cornets de frites, des chichis, des friandises
, acheter des glaces, du tabac
, se dĂ©saltĂ©rer dans les bars. Le bac, Port Bloc, les plages, la colonie des ArmĂ©es, au fort
 Ă©taient l’assurance d’un afflux important de population.

Les touristes pouvaient acheter, de leur cĂŽtĂ©, des souvenirs au Bazar du port : des coquillages dĂ©corĂ©s (si gros parfois qu'ils ne pouvaient avoir Ă©tĂ© pĂȘchĂ©s localement dans l'ocĂ©an atlantique), des bibelots, toutes sortes de gadgets, de nombreux objets artisanaux, des porte-clefs, des couteaux aux manches dĂ©corĂ©s, tous ces objets souvenirs griffĂ©s aux noms de Pointe de Grave ou de Le Verdon-sur-Mer, des cartes postales, des phares de Cordouan (sous toutes ses formes, maquettes, au cƓur d’un coquillage, en porte-clefs, en bois
parfois dans des boules Ă  neige, etc. Cordouan Ă©tait alors la Tour Eiffel locale.

À la Pointe, on n’a jamais eu non plus de difficultĂ©s pour pĂȘcher : on pouvait acheter une canne, des hameçons, des leurres, des appĂąts
, tous les articles nĂ©cessaires dans le magasin, sur place. C’était une attraction, un spectacle vivant que de voir tous ces pĂȘcheurs au lancer (le sport local), trĂšs nombreux aprĂšs-guerre, Ă©tĂ©s comme hivers, alignĂ©s les uns trĂšs prĂšs des autres, sur la jetĂ©e de la Pointe, sur les rochers, et tout au long de la cĂŽte ou de la riviĂšre. Aujourd'hui (2020), les pĂȘcheurs Ă  la ligne se font plus rares, pratiquement plus aucun en pĂ©riode hivernale.

PĂȘcheurs Ă  pointe de Grave, plutĂŽt cĂŽtĂ© riviĂšre Ă  cause de l'ensablement du bout de la pointe.
PĂȘcheurs Ă  la pointe de Grave, mais pas autant qu'avant

On peut s'interroger sur les causes de ce dĂ©sengouement. L'espace dĂ©diĂ©, cĂŽtĂ© ocĂ©an, s'est rĂ©duit comme peau de chagrin Ă  cause de l'ensablement : plus de la moitiĂ© des rochers sont dĂ©sormais sous le sable et, Ă  marĂ©e basse, seule l'extrĂ©mitĂ© de la jetĂ©e baigne encore dans l'ocĂ©an. Cette dĂ©saffection, est-elle due Ă  la nouvelle rĂ©glementation qui s'est durcie, du point de vue du permis de pĂȘcher et des contrĂŽles sanitaires? Est-ce dĂ» Ă  la rarĂ©faction des touristes ne venant rien que pour ça?
, le camping de la Chambrette avant sa fermeture (transformation?) accueillait beaucoup de ces pĂȘcheurs. Est-ce dĂ» Ă  la rarĂ©faction du poisson tout simplement?

Les plus sportifs, Ă  cette Ă©poque d'aprĂšs-guerre, prĂ©fĂ©raient le cĂŽtĂ© ocĂ©an ou le bout extrĂȘme de la jetĂ©e, sur les rochers, face aux remous (rencontre de l'ocĂ©an avec la riviĂšre). Les autres se mettaient cĂŽtĂ© estuaire. Les fils parfois s’emmĂȘlaient, surtout si on avait un novice Ă  cĂŽtĂ© de soi. Il Ă©tait frĂ©quent aussi que les lignes s’accrochent aux rochers et cassent : plombs, hameçons Ă©taient perdus, il fallait remonter une ligne. Plus rare, mais c’est arrivĂ© aussi plus d’une fois, un pĂȘcheur maladroit pouvait attraper un passant ou un autre pĂȘcheur avec son hameçon.

Les pĂȘcheurs parvenaient souvent Ă  sortir de l'eau de gros poissons, parfois au prix d'une Ăąpre et longue bataille avec l'animal qui parfois, gagnait et emportait la ligne : mules, maigres, loubines
mais le plus spectaculaire Ă©tait la sortie de l'eau des raies, si dangereuses : il fallait se mĂ©fier, s'Ă©carter, et rapidement enlever le "dard" (Ă©pines au bout de la queue) qui pouvait provoquer de trĂšs graves blessures, parfois mortelles.

Capsule d’Ɠuf de raie rejetĂ©e sur les plages.

Les raies semblent trĂšs nombreuses dans cette partie de l'ocĂ©an : on trouve, en effet, une quantitĂ© extrardinaire d'Ɠufs de raies (capsules) en se promenant sur la plage, en hiver. C'est un animal fascinant de par son alimentation (poisson muni de dents pour broyer les coquillages) et son mode de reproduction (oviparitĂ©). Concernant le tĂ©moignage de cette vie marine, il est aussi courant de retrouver sur les plages des os de seiche ou des mues de crabe.

Dans les rochers, certains descendaient au plus prĂšs de l'eau, afin de pratiquer la pĂȘche Ă  la balance : ils attrapaient des crabes (des Ă©trilles ou des crabes verts, le plus souvent), des crevettes (des crevettes roses ou des bouquets), et plus rarement des crustacĂ©s
 Afin d'avoir plus de chance de pĂȘcher, Ă  pied, des dormeurs ou des homards, il fallait plutĂŽt aller en pleine mer, au rocher de Cordouan, par exemple, mais il fallait possĂ©der un bateau.

À marĂ©e basse, beaucoup pratiquaient aussi le ramassage de coquillages et la pĂȘche aux crabes dans les rochers, pĂȘche largement interdite aujourd’hui pour cause de pollution : huĂźtres, moules, bigorneaux, « chapeaux chinois »  Les enfants, eux, ramassaient des Ă©toiles de mer et pĂȘchaient de petits poissons, des petits crabes et des crevettes avec leurs Ă©puisettes, dans les trous d’eau. Les plus grands, armĂ©s d’haveneaux pouvaient pĂȘcher la santĂ©, notamment derriĂšre la digue de Port Bloc, prĂšs des installations du Balisage, cĂŽtĂ© riviĂšre.

Si on ajoute la chasse, la cueillette de champignons, et sur un autre plan, l’animation touristique, personne ne s’ennuyait aprĂšs-guerre Ă  la Pointe de Grave malgrĂ© la pĂ©nurie de certains commerces.

La guerre d’Indochine (1946-1954)

Il est des conflits qui se dĂ©roulent loin de chez nous qui affectent cependant bien des familles sur les territoires. La guerre d’Indochine, de 1946 Ă  1954 a fait environ 60 000 morts dans l’armĂ©e française, soit autant que le conflit amĂ©ricano-vietnamien qui allait suivre, et deux fois plus que le total des militaires français morts pendant la guerre d'AlgĂ©rie. DiĂȘn BiĂȘn Phu et le gĂ©nĂ©ral Giap resteront des noms glorieux pour les Vietnamiens, mais des souvenirs tragiques pour les Français.

En 1963 a été construit à Fréjus dans le Var une nécropole nationale, le Mémorial des Guerres d'Indochine prévu pour accueillir les corps de 20 000 soldats rapatriés du Viet Nam.

Sur un mur de 64 mĂštres de long figurent aussi les noms de prĂšs de 35 000 soldats disparus ou rendus aux familles. Ariane Bondroit de l'Association nationale des anciens prisonniers InternĂ©s DĂ©portĂ©s d'Indochine (ANAPI) estime que « sur les 12 277 Français dĂ©tenus par le Viet Minh, seuls 5 154 ont Ă©tĂ© libĂ©rĂ©s vivants. Les autres sont morts de maladies, de maltraitance, ou ont craquĂ© Ă  la suite de lavage de cerveau apparentĂ©s Ă  de la torture mentale infligĂ©s par les zĂ©lotes communistes. »

La France se retirera d'Indochine aprĂšs DiĂȘn BiĂȘn Phu, (dont la bataille dura du 20 novembre 1953 au 7 mai 1954) et une guerre de plus de huit annĂ©es[149].

Un habitant du Verdon, NORMANDIN André Rémi, dont le nom figure sur le monument aux morts du village, fut tué au combat le 27 janvier 1947, au Tonkin (Son Bach) : sergent au 3e bataillon de montagnards, il était originaire de Montguyon, en Charente, et avait moins de 25 ans.

La guerre d'Algérie (1954-1962)

Un conflit à peine achevé (, fin de la guerre d'Indochine), un autre commence (). La guerre d'Algérie sera aussi longue que la guerre précédente : elle durera huit années. Avec la guerre 1939-1945, la France aura donc connu 23 ans de guerre, sans répit ou presque.

La guerre d'AlgĂ©rie est une guerre d'indĂ©pendance et de dĂ©colonisation. L'AlgĂ©rie Ă©tait française depuis 1830 (prise d'Alger). ImmĂ©diatement, le roi Charles X se fait nommer « roi de France et d'Alger » mais la deuxiĂšme rĂ©volution française (les Trois Glorieuses) le chasse de son trĂŽne la mĂȘme annĂ©e, on pourrait dire le mĂȘme mois (juillet 1830).

La conquĂȘte totale de l'AlgĂ©rie se continua sous Louis-Philippe (1830-1848), sous la DeuxiĂšme RĂ©publique (1848-1852) et le Second Empire (NapolĂ©on III) jusqu'Ă  la reddition de la Kabylie et du sud algĂ©rien en 1857 : capture de Lalla Fatma N'Soumer. Ceci n'empĂȘchera pas des insurrections localement notamment en 1870, et 1871 : rĂ©volte de Mokrani.

Certains s'accordent mĂȘme Ă  dire que l'AlgĂ©rie ne fut dĂ©finitivement conquise qu'en 1902 aprĂšs les campagnes du Sahara.

Les combats en Algérie furent longtemps appelés les «évÚnements d'Algérie» sans doute par euphémisme. Pourtant, à partir de la fin de l'année 1954 (la Toussaint rouge), on est bien obligé de parler de «guerre » si l'on considÚre les attentats et les batailles dans la région montagneuse de l'AurÚs et en Kabylie.

La guerre d'Algérie oppose les nationalistes algériens du Mouvement national algérien (MNA) et du Front de libération nationale (FLN) à la France. En mars 1954, est créé un Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA) qui débouchera sur une branche armée du FLN, l'Armée de libération nationale (ALN).

Ce conflit fut à la fois militaire et diplomatique mais prit l'apparence également d'une guerre civile. S'il se déroula principalement sur le territoire de l'Algérie française, il aura également des répercussions en France métropolitaine. Les attentats n'épargnent pas la Métropole notamment à partir de 1961 lors de la création de l'Organisation de l'Armée secrÚte (OAS). Dans les villes françaises, quasiment tous les jours quelque part, de 1961 à 1963, eurent lieu des fusillades, des plastiquages, des attentats à la grenade, des sabotages...Bordeaux et sa région ne furent pas épargnées. Des meurtres et autres crimes tels les atteintes à la personne notamment par le recours à la torture, furent perpétrés durant cette période d'un cÎté comme de l'autre.

La guerre d'Algérie entraßne aussi une grave crise politique en France avec pour conséquence, en 1958, le retour au pouvoir de Charles de Gaulle aprÚs le putsch d'Alger. C'est la fin de la QuatriÚme République, les débuts de la CinquiÚme République.

Les forces armées françaises eurent fort à faire face à la détermination de l'Armée de libération nationale (ALN) qui petit à petit s'est organisée se dotant d'un état-major général (EMG).

En 1961, face à l'enlisement du conflit, le général de Gaulle aprÚs avoir longtemps défendu l'Algérie française, propose finalement un référendum d'autodétermination de l'Algérie.

Ce rĂ©fĂ©rendum conduit une fraction de l'armĂ©e française Ă  se rebeller. Cette tentative de coup d'État eut pour meneurs quatre gĂ©nĂ©raux : Maurice Challe, Raoul Salan, Edmond Jouhaud, AndrĂ© Zeller aidĂ©s de membres de l'OAS dont Jean-Jacques Susini. On est alors loin du «l'AlgĂ©rie française, de Gaulle au pouvoir» de 1958, slogan profĂ©rĂ© par trois des gĂ©nĂ©raux putschistes.

La rĂ©bellion s'accompagne de la dĂ©sertion de tous les officiers et sous-officiers algĂ©riens (DAF) qui Ă©taient encore restĂ©s fidĂšles Ă  l'ArmĂ©e française. Finalement, Challe et Zeller sont rapidement arrĂȘtĂ©s, plus de 200 officiers sont relevĂ©s de leur fonction, la plupart traduits en justice : c'est l'Ă©chec de l'insurrection.

Les accords d'Évian (18 mars 1962) censĂ©s mettre un terme Ă  la guerre n'empĂȘchent pas l'attentat d'Alger puis le massacre d'Oran le jour mĂȘme de l'indĂ©pendance de l'AlgĂ©rie, le 5 juillet 1962. D'autres violences continueront aprĂšs le cessez-le-feu fomentĂ©es principalement par l'OAS mais aussi par l'ALN malgrĂ© les accords entre le gouvernement français et le tout nouveau gouvernement de la RĂ©publique algĂ©rienne.

Ce dénouement du conflit conduit à l'exode massif des français d'Algérie, les Pieds-noirs, prÚs de 700 000 personnes.

Il y aura lors de ce conflit prĂšs de 25 000 militaires français tuĂ©s et environ 65 000 blessĂ©s[150].

Trois Verdonnais seront tués sur le sol algérien, une famille sera particuliÚrement touchée. Leurs noms figurent sur le monument aux morts du village. Il s'agit de Maurel Georges Philippe, 20 ans, décédé le 30 avril 1956, Tard André et Tard Marcel, 21 ans, soldat du 3e régiment parachutiste d'infanterie de marine, décédé le 25 mars 1959, à l'hÎpital d'Orléansville (ex département d'Alger).

L'avant-port pétrolier du Verdon (1964-1984)

L'aventure pĂ©troliĂšre du Verdon ne fut qu'une parenthĂšse de la vie du village, elle durera moins de vingt ans. Tout dĂ©bute en 1964. Les travaux d'amĂ©nagement vont durer deux ans. Une premiĂšre cargaison de pĂ©trole brut sera livrĂ©e le par toute proportion gardĂ©e un "petit" navire citerne, "Le Passy", 206 mĂštres de long, 33 000 tonnes, fabriquĂ© Ă  Odense au Danemark en 1961. Et en 1984 dĂ©jĂ , tout sera arrĂȘtĂ© aprĂšs un repli sensible des importations dĂšs 1973 lors du premier choc pĂ©trolier, repli qui ne fera que s'amplifier.

L'idée premiÚre du projet était de faire venir dans un avant-port de trÚs gros bateaux, de gros tankers, afin d'approvisionner en quantité et au moindre coût les raffineries de Gironde encore en fonctionnement. Ces derniÚres, en effet malheureusement, cesseront toutes leur activité de raffinage dans les années 1980 touchées de plein fouet par le second choc pétrolier de 1979 qui se produit aprÚs celui de 1973. Elles se reconvertiront en simples dépÎts. Les raffineries fermées, plus besoin de faire venir du pétrole en si grande quantité, et le dépÎt de brut au Verdon est lui aussi interrompu.

Cette derniĂšre crise pĂ©troliĂšre de 1979 fut en partie orchestrĂ©e par l'Organisation des pays exportateurs de pĂ©trole (OPEP) mais avait aussi d'autres causes telles la modification de l'offre due Ă  la rĂ©volution islamique en Iran et la guerre de ce pays avec l'Irak. Elle va aboutir aprĂšs une envolĂ©e historique des prix Ă  un contre-choc pĂ©trolier qui va diviser par trois le prix du baril : il passera alors de 30 dollars Ă  10 dollars. Devant les lourdes pertes financiĂšres, le raffinage sur place s'arrĂȘtera en 1984 pour AmbĂšs et en 1985 pour Pauillac en mĂȘme temps que le dĂ©mantĂšlement des cuves de la pointe du MĂ©doc.

L'avant-port pĂ©trolier du Verdon Ă©vitait le dĂ©placement des bateaux jusqu'Ă  Pauillac, AmbĂšs, Bassens ou Bordeaux. L'avantage, outre le gain de temps, Ă©tait de pouvoir recevoir en eau profonde de trĂšs gros tonnages, jusqu'Ă  300 000 tonnes, alors que seuls les bateaux de moins de 100 000 tonnes avaient jusque-lĂ  l'autorisation de remonter l'estuaire de la Gironde. Et encore, les plus gros devaient s'arrĂȘter Ă  Pauillac, seuls ceux de vraiment petite taille pouvaient continuer jusqu'Ă  AmbĂšs. Depuis Le Verdon oĂč il Ă©tait stockĂ© dans des cuves, le pĂ©trole brut Ă©tait ensuite acheminĂ© jusqu'aux raffineries par des bateaux plus petits, des caboteurs tels le PĂ©tro-Verdon et le PĂ©tro-Gironde (construits par la sociĂ©tĂ© Petromer et mis en service en 1967) qui pouvaient remonter l'estuaire jusqu'Ă  AmbĂšs assurant une navette. La Shell a quant Ă  elle privilĂ©giĂ© le choix de la construction d'un olĂ©oduc jusqu'Ă  Pauillac (50 km environ) pour le transport jusqu'Ă  son site de raffinage.

Les raffineries alors desservies se situaient à Trompeloup, commune de Pauillac (raffinerie des Pétroles Jupiter, puis Shell-Berre, premiÚre ouverture en 1931, fermeture en 1986), au Bec d'AmbÚs (Bayon-sur-Gironde) et Bassens (raffinerie Elf créée en 1930, dépÎts gérés aujourd'hui par les Docks des pétroles d'AmbÚs (DPA), fermeture en 1987), à AmbÚs (raffinerie Esso dite de Bordeaux, créée en 1959, fermeture en 1983).

En plus des approvisionnements maritimes, Esso, filiale d'Exxon, exploitait le pĂ©trole acheminĂ© par olĂ©oducs depuis tous les petits gisements français du sud-ouest (un gisement Ă  Lacq exploitĂ© depuis 1951, un plus gros gisement Ă  Parentis-en-Born, les deux tiers de la production mĂ©tropolitaine depuis 1954, un autre Ă  Cazaux, deuxiĂšme plus gros gisement, depuis 1959, puis Ă  Meillon depuis 1965, Saint-Faust et Aubertin depuis 1966, Mothes Ă  Ychoux, Lucats-Cabeil, gisements non loin de Parentis plus modestes, Ă  Lugos...). La plupart de ces gisements dont certains, Lacq par exemple, sont plus ou moins Ă©puisĂ©s, sont gĂ©rĂ©s depuis 1997 par une entreprise canadienne, Vermilion Energy. Cette sociĂ©tĂ© et l'entreprise Maurel & Prom (Ă  Mios et sur le Bassin d'Arcachon) ont depuis continuĂ© jusqu'en 2018 leurs activitĂ©s de forage en Gironde et en Aquitaine Ă  la recherche de nouvelles sources. La loi Hydrocarbures de 2017 met un terme dĂ©finitif Ă  la prospection en France et prĂ©voit aussi d'arrĂȘter la production sur notre territoire en 2040.

À partir de cette annĂ©e de 1985, les sites pĂ©troliers de l'estuaire jusqu'Ă  Bordeaux ne seront plus que des dĂ©pĂŽts, des sites de stockage, le pĂ©trole brut Ă©tant envoyĂ© Ă  Donges, en Loire-Atlantique, la seule raffinerie dĂ©sormais de la façade atlantique (SociĂ©tĂ© Elf, puis Total).

Le pétrolier "Le Magdala", 1970.

DĂšs 1965, l'Entreprise de recherches et d'activitĂ©s pĂ©troliĂšres (Erap) qui va donner naissance dans la foulĂ©e Ă  la sociĂ©tĂ© Elf-Erap puis plus tard Ă  Elf Aquitaine, entreprise française encore publique Ă  l'Ă©poque, installe non loin du mĂŽle les premiĂšres cuves de dĂ©pĂŽts de pĂ©trole brut. Elf installe quatre rĂ©servoirs peints en vert Ă  l'Ă©poque, Ă  toit flottant, pour une capacitĂ© de 170 000 m3.

En 1969, la compagnie anglo-nĂ©erlandaise Shell installe Ă  son tour des dĂ©pĂŽts au Verdon dans des cuves encore plus grandes (65 000 m3 chacune) Ă  l'emplacement du petit aĂ©rodrome du Royannais qu’elle relie Ă  sa nouvelle raffinerie de Pauillac par un pipeline. La marque amĂ©ricaine Esso construit Ă©galement un dĂ©pĂŽt la mĂȘme annĂ©e. En tout, les trois parcs de stockage (privĂ©s, sauf la sociĂ©tĂ© Elf privatisĂ©e qu'en 1994), appartenant aux trois compagnies de raffinage de la Gironde (Elf, Shell, Esso), avaient une capacitĂ© totale de 800 000 m3.

Les nouvelles installations du port pĂ©trolier furent amĂ©nagĂ©es Ă  l'emplacement mĂȘme de l'ancien mĂŽle d'escale qui permettait de recevoir de trĂšs gros paquebots et qui fut dĂ©truit par les Allemands Ă  la fin de la guerre 1939-1945. Les six tronçons encore debout furent reliĂ©s entre eux par des passerelles mĂ©talliques. Tout du long, sur 300 mĂštres environ, furent enfoncĂ©s dans le sol des ducs-d'Albe afin de permettre l'accostage et l'amarrage des gros tankers. Le dĂ©chargement des navires se faisaient Ă  l'aide de bras hydrauliques de la marque allemande Mannesmann. Sur un pylĂŽne furent installĂ©s de trĂšs gros projecteurs pour recevoir les bateaux Ă  toute heure.

Les gros travaux furent effectuĂ©s par l'entreprise Hersent (ne pas confondre avec la sociĂ©tĂ© de presse Hersant), une entreprise familiale de travaux publics trĂšs importante pendant l'entre-deux-guerres, connue en particulier pour l'amĂ©nagement, la crĂ©ation et l'exploitation de nombreux ports et arsenaux : Anvers, Lisbonne, Sidi-Abdallah et Bizerte en Tunisie, FĂ©dala, Dakar, Rosario... Cette famille est Ă  l'origine aussi de nombreux travaux rĂ©alisĂ©s en France, Ă  Dunkerque, Cherbourg, Toulon, mais aussi Ă  Bordeaux : collaboration Ă  la construction des quais verticaux en utilisant des caissons Ă  air comprimĂ© pour les fondations. C'est cette mĂȘme entreprise Hersent qui avait participĂ© dĂ©jĂ  en 1926, au mĂȘme endroit, avec l'entreprise allemande Julius Berger, Ă  la construction du premier mĂŽle d'escale destinĂ© Ă  recevoir les paquebots du monde entier. C'est sur les vestiges de ce mĂŽle dĂ©truit par les allemands que furent adossĂ©s les nouveaux quais en utilisant les piles encore debout. L'appontement permettait l'accostage et l'amarrage de supertankers de plus de 300 mĂštres de long. Le Magdala fut le premier d'une telle longueur Ă  accoster au Verdon. Construit Ă  Saint-Nazaire et appartenant Ă  la compagnie Shell, d'un peu moins de 220 000 tonnes, c'Ă©tait le plus gros pĂ©trolier du monde lors de son lancement en 1968. À partir de 1970, le gigantisme des navires pĂ©troliers ne cessera de croĂźtre jusqu'Ă  atteindre 550 000 tonnes (plus de quarante citernes).

L'aventure pĂ©troliĂšre du Verdon-sur-Mer se terminera donc dans les annĂ©es 1980 avec la crise du second choc pĂ©trolier. DĂ©jĂ , aprĂšs la premiĂšre crise de 1973, il avait Ă©tĂ© envisagĂ© de s'orienter en mĂȘme temps que le port pĂ©trolier vers un complexe industriel chimique : la multinationale amĂ©ricaine Dow Chemical avait projetĂ© de s'installer au Verdon avec un site opĂ©rationnel en 1982. Devant les difficultĂ©s, les enquĂȘtes publiques qui n'en finissent pas, la sociĂ©tĂ© amĂ©ricaine abandonnera son projet d'implantation au Verdon et choisira l'Espagne pour dĂ©velopper son industrie (Tarragone en 1966 aprĂšs Bilbao en 1960, puis Tudela et Ribaforada).

L’avant-port du Verdon Ă©voluera alors vers une autre activitĂ©, celle de terminal conteneurs.

Le dĂ©pĂŽt de pĂ©trole brut a cessĂ© au Verdon en 1984 et toutes les cuves ont Ă©tĂ© dĂ©mantelĂ©es en 1985 pour ĂȘtre emportĂ©es en Italie[151].

Le terminal Ă  conteneurs depuis 1973

AprÚs le premier choc pétrolier de 1973, le port autonome de Bordeaux envisagea de diversifier les activités de son avant-port du Verdon. AprÚs l'échec d'installation d'un complexe chimique par la Dow Chemical les autorités portuaires s'orientent vers un terminal pour porte-conteneurs.

En 1974, moins de dix ans aprÚs la mise en service du terminal pétrolier, Le Verdon deviendra le troisiÚme port français pouvant accueillir des porte-conteneurs. Il est doté d'un premier portique de manutention (chargement et déchargement) puis d'un deuxiÚme en 1975. L'année suivante, en 1976, sera mis en service le poste pour navires roll-on, roll-off permettant d'accueillir des rouliers[152].

Les premiers travaux confiĂ©s Ă  l'entreprise Dodin ont dĂ©butĂ© en novembre 1973 par un enrochement Ă  l'aide de gros blocs en amont de l'appontement pĂ©trolier. À partir de juin 1974, furent posĂ©es des palplanches afin d'effectuer un gabionnage. Deux quais de deux cents mĂštres seront ensuite construits et de nombreux travaux d'amĂ©nagement se feront tout autour. Le dragage Ă  proximitĂ© a permis d'utiliser le sable rĂ©cupĂ©rĂ© comme remblai. La "route pavĂ©e" trĂšs connue des verdonnais sous cette dĂ©signation qui allait directement du port ostrĂ©icole au chĂąteau d'eau a Ă©tĂ© dĂ©placĂ©e pierre Ă  pierre (AllĂ©e des BaĂŻnes aujourd'hui) afin d'agrandir la zone portuaire : elle se trouve maintenant plus au nord au plus prĂšs du village. Les cabanes sur pilotis Ă©quipĂ©s de carrelets ont Ă©tĂ© dĂ©truites ainsi qu'un rĂ©servoir Ă  poissons en eau saumĂątre. Une route d'accĂšs au port dĂ©truisant d'autres rĂ©servoirs Ă  poissons a Ă©tĂ© tracĂ©e Ă  travers les marais : elle permet de rejoindre directement le port depuis le quartier des Huttes (Route de la zone industrielle aujourd'hui aboutissant prĂšs du chĂąteau d'eau).

Une rampe oblique permettant le dĂ©barquement et l'embarquement des camions et des engins de manutention, une zone pouvant accueillir les conteneurs y compris frigorifiques, des parkings, un embranchement ferroviaire...ont Ă©tĂ© mis en place. Un hangar de 12 000 m2 a Ă©tĂ© construit.

À l’embouchure de la Gironde, en eau profonde (douze mĂštres cinquante) avec 200 hectares de terrains disponibles dont le quart sera classĂ© en zone franche dans les annĂ©es 1990, le terminal Ă  conteneurs du Verdon a tout pour sĂ©duire. Il entrera officiellement en service le 23 juin 1976 avec un navire roulier arrivant d'Australie, le "Tombarra".

DĂšs 1975, afin d'exploiter au mieux le terminal fut crĂ©Ă© un groupement d'intĂ©rĂȘt Ă©conomique (GIE), la VAT (Verdon Aquitaine Terminal) regroupant trois sociĂ©tĂ©s (la Compagnie gĂ©nĂ©rale maritime dite CGM, la compagnie Delmas et le Groupe Balguerie crĂ©Ă© Ă  l'origine en 1930 par Alfred Balguerie, un descendant de Jean-Étienne Balguerie). Cette derniĂšre sociĂ©tĂ© Balguerie Ă©tait particuliĂšrement active, elle assurait un important trafic avec l'Australie et la Nouvelle-ZĂ©lande.

En 1980-1981, le quai Ă  conteneurs est allongĂ© de cent cinquante mĂštres par les Chantiers d'Aquitaine permettant Ă  un troisiĂšme bateau d'accoster. Il est Ă©quipĂ© d'un troisiĂšme portique de la marque Ceretti-Tanfani. Ces amĂ©nagements ont Ă©tĂ© accompagnĂ©s du creusement de la darse et de l'allongement des terre-pleins. À cette Ă©poque, une quinzaine de bateaux accostaient tous les mois parfois trois Ă  la fois[151].

À partir de 1985, la crise Ă©conomique aidant, la France perd beaucoup de parts de marchĂ© en ce qui concerne le trafic des marchandises par conteneurs. Elle est concurrencĂ©e par d'autres ports europĂ©ens de la mer du Nord, de l'Espagne sur la MĂ©diterranĂ©e, de l'Italie... MĂȘme Le Havre et Marseille les mieux classĂ©s du pays se voient rĂ©trograder dans le classement europĂ©en du point de vue du volume de marchandises transitant par leur port. Au Verdon, le trafic diminue concurrencĂ© mĂȘme par le site de Bassens.

Le journal sud-ouest commente cette désescalade dans ses colonnes du 30 juin 2016, l'entreprise ferroviaire Europorte se désengageant du nouveau projet de relance de l'activité :

« Quarante annĂ©es aprĂšs sa crĂ©ation, le port du Verdon est Ă  la peine. Encore et toujours. L’ultime mĂ©saventure de quatre dĂ©cennies d’un vĂ©ritable chemin de croix est constituĂ©e par la dĂ©cision d’Europorte (groupe Eurotunnuel) de renoncer au redĂ©marrage du site, Ă  l’arrĂȘt depuis fĂ©vrier 2013, et pourtant dotĂ© de nouveaux portiques achetĂ©s d’occasion en Italie. »[153]

Le grand port maritime de Bordeaux (GPMB) avait pourtant annoncĂ© en 2015 son dĂ©sir de vouloir remettre en route son terminal Ă  conteneurs du Verdon tout en l'associant au dĂ©veloppement du site de Bassens : l’espoir Ă©tait enfin revenu.

Dans un plan s'Ă©talant jusqu'en 2020, il Ă©tait question de dĂ©velopper sept terminaux (Le Verdon, Pauillac, Blaye, AmbĂšs, Grattequina, Bassens et Bordeaux) avec pour chacun des attributions spĂ©cifiques. Pour Le Verdon, Ă  la suite d'un appel d'offres, une desserte ferroviaire reliant Bruges avait donc Ă©tĂ© attribuĂ© Ă  Europorte pour un contrat de quinze ans. Cette derniĂšre avait signĂ© elle-mĂȘme un contrat avec la SociĂ©tĂ© de Manutention portuaire d'Aquitaine (SMPA).

Malheureusement un conflit avec les syndicats de dockers est venu compliquer la situation, les sociétés de manutention formulant des exigences financiÚres et de formation[154].

C’est dans un contexte tendu qu’Europorte a dĂ©cidĂ© en mai de rĂ©silier dĂšs 2015 la convention avec le GPMB ainsi que le contrat avec SMPA.

« Si le projet s’arrĂȘte, c’est qu’il n’est pas viable Ă©conomiquement », rĂ©sume Julien Bas, coprĂ©sident de l’Union maritime et portuaire de Bordeaux. Par le biais d’un communiquĂ©, Europorte dit nĂ©anmoins ĂȘtre « attachĂ© au projet » et vouloir trouver une solution.

Dans ce dossier, qui apparaĂźt minĂ©, il faudra maintenant compter sur l’intervention d’un mĂ©diateur.

RĂ©uni le 16 juin 2016, le conseil de surveillance du GPMB a rĂ©affirmĂ© le dĂ©veloppement de l'avant-port du Verdon comme priorité 

En septembre 2016, une procĂ©dure d’attribution de la rĂ©gie d’exploitation du terminal conteneurs Ă  la sociĂ©tĂ© SMPA (SociĂ©tĂ© Manutentionnaire portuaire d’Aquitaine) est engagĂ©e. Une annulation de cette procĂ©dure est prononcĂ©e le 4 novembre 2016 par le tribunal administratif de Bordeaux Ă  la suite d'une requĂȘte, pour dĂ©faut de publication et donc de mise en concurrence, de la sociĂ©tĂ© Sea Invest, acteur du trafic conteneurs installĂ© Ă  Bassens. Le conseil d'État saisi confirme l'attribution de l'exploitation Ă  SMPA et condamne Sea Invest Ă  rĂ©gler 4 000 euros au Grand Port Maritime de Bordeaux et la mĂȘme somme Ă  SMPA en remboursement des frais liĂ©s Ă  la procĂ©dure. MalgrĂ© cette dĂ©cision, le feuilleton continue au 17/02/2017[155]. En effet, dans les jours qui ont suivi l’annulation de la mise en rĂ©gie par le tribunal administratif de Bordeaux le port a convoquĂ© en urgence un conseil d’administration extraordinaire pour lancer un nouvel appel d’offres qui, dĂ©sormais, juridiquement, prime sur la mise en rĂ©gie rĂ©habilitĂ©e par le Conseil d’État. D'aprĂšs le GPMB, SMPA qui a licenciĂ© des salariĂ©s n'est pas en mesure de dĂ©marrer l'activitĂ©.

La Mission interministĂ©rielle pour l’amĂ©nagement de la cĂŽte aquitaine (MIACA)

De 1967 Ă  1988, la MIACA est chargĂ©e de dĂ©finir l’amĂ©nagement touristique du littoral aquitain. Les actions menĂ©es lors de ces deux dĂ©cennies ont largement profilĂ© le littoral aquitain dans sa configuration actuelle.

En Gironde et dans les Landes, l’objectif est d’intĂ©grer l’exploitation touristique dans le dĂ©veloppement Ă©conomique et social du territoire. La MIACA s’est appuyĂ©e pour cela sur une politique fonciĂšre active et un programme gĂ©nĂ©ral d’équipement et de services. Cette Mission a bĂ©nĂ©ficiĂ© d’une ligne spĂ©cifique du budget national, considĂ©rĂ©e aujourd’hui comme gĂ©nĂ©reuse au regard des budgets des pouvoirs publics qui subissent actuellement des coupes budgĂ©taires, rendant plus difficile la mise en Ɠuvre de leurs projets.

Le plan Biasini (1972-1974) avait retenu comme objectifs pour la pointe du MĂ©doc :

  • Faire cohabiter le tourisme et le dĂ©veloppement industriel et portuaire
  • AccroĂźtre le rĂŽle d’avant-port bordelais du Verdon pour le trafic de conteneurs
  • DĂ©velopper les fronts de mer de Soulac et de l’AmĂ©lie[156].

Il a cependant Ă©tĂ© constatĂ© qu’il n’existe pas d’étude exhaustive sur les actions, les rĂ©sultats et l’hĂ©ritage de la MIACA. Aucune synthĂšse partagĂ©e, ni d’inventaire ne peuvent servir de bilan 30 ans aprĂšs la crĂ©ation de la MIACA.

Afin de dĂ©terminer les orientations nouvelles pour l'avenir, une mission de rĂ©flexion sur le littoral a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en 2002 permettant la publication d’un Livre Bleu, vĂ©ritable Ă©tat des lieux du littoral aquitain issu d’une large concertation. Le Livre Bleu a notamment bĂ©nĂ©ficiĂ© des avis du Conseil SupĂ©rieur du Littoral Aquitain, organisme regroupant les Ă©lus, administrations, associations, et experts, crĂ©Ă© Ă  l’initiative de l’État et de la RĂ©gion pour permettre une discussion partenariale entre les diffĂ©rents acteurs et institutions du territoire.

Ainsi, afin de disposer d’un outil opĂ©rationnel permettant d’assurer le pilotage partenarial d’une politique intĂ©grĂ©e du littoral, sur proposition du Conseil rĂ©gional, l’État et la RĂ©gion sont convenus de crĂ©er un Groupement d'IntĂ©rĂȘt Public (GIP) ouvert au DĂ©partement de la Gironde. Il associe Ă©galement la CommunautĂ© de communes du littoral dont la Pointe du MĂ©doc.

Le , le ComitĂ© InterministĂ©riel d’AmĂ©nagement et CompĂ©titivitĂ© des Territoires actait ainsi la crĂ©ation du GIP Littoral Aquitain. L’ingĂ©nierie mise en Ɠuvre par le GIP Littoral concerne trois domaines principaux : l’organisation de l’espace littoral, la gestion de la bande cĂŽtiĂšre et l’amĂ©nagement touristique durable. Celui-ci fut officiellement approuvĂ© par un arrĂȘtĂ© du PrĂ©fet de RĂ©gion Aquitaine datant du 16 octobre 2006, validant ainsi la convention constitutive signĂ©e par l’ensemble de ses membres[157].

XXIe siĂšcle

Toponymie, mystĂšre des cartes

On peut ĂȘtre Ă©tonnĂ© parfois de trouver des orthographes diffĂ©rentes pour un mĂȘme lieu selon que l’on consulte tel document ou tel autre, telle carte ou telle autre. Cela rappelle d’autres dĂ©bats girondins jamais tranchĂ©s dĂ©finitivement, puisqu’on continue de constater des diffĂ©rences dans les Ă©crits des uns et des autres sur les cartes, et mĂȘme sur les diffĂ©rents panneaux indicateurs pour les usagers de la route : Pilat ou Pyla ? Leyre ou l’Eyre ?
 La pointe de Grave n’échappe pas Ă  ce problĂšme des diffĂ©rentes graphies toponymiques. Les locaux utilisent des graphies pour leurs correspondances, pour leurs documents que l’on ne retrouve pas sur certains documents cartographiques. Cela peut-ĂȘtre le fruit, bien Ă©videmment, de l’évolution des noms tout au long d’une histoire longue et mouvementĂ©e, riche en apports successifs : Ă©poques proto-basques (MĂ©dules, Aquitains, Vascons), Ă©poque gauloise (Bituriges vivisques), Ă©poque gallo-romaine, Ă©poques germaniques (Wisigoths, Francs), occupation anglaise, offensive arabe, occupation normande
, mais cela est un sujet Ă  confusion qui mĂ©riterait d’ĂȘtre Ă©clairĂ© par les autoritĂ©s locales et dĂ©finitivement tranchĂ©.

Localisation Hameaux historiques du Verdon-sur-Mer (OpenStreetmap) : Pointe de Grave, Le Logis, Les Grands Maisons, Le Royannais.

Souvent, l’usage actuel de graphies locales date depuis trĂšs longtemps. Ainsi l’abbĂ© Baurein Ă©crit-il en 1784, dans ses VariĂ©tĂ©s bordelaises, alors que Le Verdon n'est pas encore commune autonome, mais qu'un hameau de Soulac : « Les principaux villages de Soulac sont : Le Verdon, La Pointe de Grave (avec majuscule), Le Logis (avec un "s"), La Grand'Maison, Le Royannais, Tous-Vens, Les Huttes, Le vieux Soulac, Lilhan, Neyran, La Longue. », mais
sur le plan de la commune publiĂ© sur le site municipal, il est Ă©crit "Marais du Logit" (avec un"t"), alors que tous les actes d'Ă©tat civil des archives dĂ©partementales font mention de "Le Logis". Il est alors lĂ©gitime de se poser la question de savoir pourquoi, de tout temps, les maires successifs de Soulac et du Verdon ont toujours Ă©crit Logis avec un "s" sur les papiers officiels (notamment les registres d'État civil et tous les recensements de la population), que, en 1784, on Ă©crivait dĂ©jĂ  Logis, et que sur les cartes d'aujourd'hui, le mot est parfois orthographiĂ© "Logit". Qui a dĂ©cidĂ© de faire autrement, et Ă  quelle date ?

Quand on lit les fiches de l’Inventaire gĂ©nĂ©ral du patrimoine culturel de la Gironde, Ă©tablies par le Conseil dĂ©partemental de la Gironde, on peut lire au grĂ© de ces fiches, le Logis, Ă©crit un coup avec un « s », un coup avec un « t », ce qui ajoute Ă  la confusion. Celle-ci est d'ailleurs entretenue aussi par la carte IGN elle-mĂȘme qui bafouille ses toponymes : le Marais du Logis est Ă©crit correctement mais il suffit de faire un zoom avant pour le voir apparaĂźtre Ă©crit avec un "t", magie des cartes.

Par contre, il est bien Ă©crit "Grand Maisons" sur cette mĂȘme carte de la commune, conformĂ©ment Ă  l'adresse postale des habitants du hameau (mais avec des guillemets, comme si l'on n'Ă©tait pas sĂ»r). "Grand Maisons" est bien attestĂ©, on l'a vu, depuis 1784 par l'abbĂ© Baurein dans ses "VariĂ©tĂ©s Bordelaises" mais la carte IGN du GĂ©oportail Ă©crit le nom du hameau "Grandes Maisons", dĂ©nomination qui prĂ©sente moins d'originalitĂ© et qui n'est pas conforme Ă  l'usage local? Est-ce une frilositĂ© qui consiste Ă  ne pas vouloir accorder Ă  un adjectif une valeur d'adverbe? L'usage devrait avoir force de loi : personne, au Verdon, ne parle de "Grandes Maisons", personne n'Ă©crit le Logis avec un "t". Quand les petits verdonnnais allaient Ă  l'Ă©cole communale, leurs instituteurs leur apprenaient dĂ©jĂ  Le Logis et Grand Maisons : il serait rageant qu'il en fut autrement en 2020, mĂȘme pas une cinquantaine d'annĂ©es aprĂšs.

Cahier d'Ă©colier - Plan de Le Verdon-sur-mer, montrant les hameaux, en 1959
Notre village : Le Verdon-sur-Mer - Leçon de géographie locale apposée au plan ci-dessus

Indifféremment, on trouve aussi Port Bloc et Port Médoc, écrit sans ou avec tiret.

L'abbé Baurein apporte des éclaircissements sur certaines origines des noms :

« Le Royannais est vraisemblablement un quartier oĂč s'Ă©tablirent anciennement quelques habitants de Royan. Il y avait anciennement un passage de la Saintonge Ă  la cĂŽte du MĂ©doc, ou pour mieux dire, au lieu de Soulac, qui Ă©tait trĂšs frĂ©quentĂ©....On ne saurait s'imaginer la quantitĂ© de pĂšlerins qui allaient anciennement Ă  Saint-Jacques de Compostelle et Ă  Rome. Il parait, par un titre du 8 Septembre 1343, qu'Ă  l'occasion du passage des pĂšlerins qui s'embarquaient pour la Saintonge, soit Ă  Soulac soit Ă  Talays (avec un "y"), paroisses contiguĂ«s, il y eut entre les habitants de ces deux paroisses des querelles trĂšs sĂ©rieuses et des batteries sanglantes, dans lesquelles plusieurs d'entre eux restĂšrent sur la place. Cette affaire fut terminĂ©e par une sentence rendue suivant la façon de juger de ce temps-lĂ .

Il n'y a personne qui ne sache la signification du mot « huttes », qui désigne des petits logements faits avec du bois et de la paille, c'est-à-dire des chaumiÚres, anciennement en usage dans le Bas-Médoc, au temps du poÚte Ausonne.

Le quartier de Lilhan a pris cette dĂ©nomination du voisinage de la paroisse de mĂȘme nom, engloutie par les eaux de la mer, si tant est que ce ne soit pas un restant de son territoire »[158].

On peut aussi s'Ă©tonner que la dĂ©nomination de certaines rues aient complĂštement disparu de la carte IGN censĂ©e faire rĂ©fĂ©rence. On trouve sur cette carte la forĂȘt de Rabat mais plus l'allĂ©e de Rabat, la CitĂ© des Douanes mais pas la CitĂ© du Balisage
 Par contre, on trouve Maison CarrĂ©e pour dĂ©signer un chemin de forĂȘt. On trouve le nom de lieux-dits complĂštement inconnus des verdonnais (en gros caractĂšres, et en gras qui plus est), connu sans doute des seuls et rares habitants du lieu, tels Le Pastin, les Brandes, Le Grenouilleau, Faille Marais
 Les vĂ©ritables hameaux historiques de Pointe de Grave et du Logis ont de quoi ĂȘtre jaloux : Le Logis n'est Ă©crit qu'en tout petit (et avec un t!) : il est cantonnĂ© Ă  quelques maisons au sud du Marais du Logis. Ce mĂȘme Marais du Logis est orthographiĂ© avec un "s" sur cette mĂȘme carte IGN puis se transforme en Logit avec un "t" du seul fait de zoomer la carte[159], ce qui est vraiment contradictoire! Le hameau de La Pointe de Grave n'est mĂȘme pas mentionnĂ© malgrĂ© toute une agglomĂ©ration de maisons, en deux citĂ©s. De la sorte, les lecteurs des dites cartes pensent que la Pointe de Grave est un endroit complĂštement dĂ©sert, non habitĂ©, tel la pointe du Raz, et ne la reconnaissent plus comme un choronyme. Sur la carte IGN toujours, seule l'extrĂ©mitĂ© de la pointe (le cap) est indiquĂ©e, mystĂšre des cartes. Les cartes Ă©tudiant les itinĂ©raires (ViaMichelin, Mappy
) mentionnent bien l'AllĂ©e de Rabat et mentionnent aussi le Logis. Curieusement, le nom du Marais du Logis est bien Ă©crit avec un "s" sur la carte Michelin, mais pas le hameau!

Grands Maisons depuis le XVIIIe siĂšcle.

Il est vrai qu'Ă  l'heure du numĂ©rique, plus beaucoup de personnes ne se penchent sur les cartes IGN et prĂ©fĂšrent se rabattre sur l'application GoogleMaps, plus facile Ă  consulter, mais aussi quelquefois plus approximative : les automobilistes qui veulent se rendre Ă  Saint-Nicolas en utilisant leur GPS et voulant passer par la CitĂ© du Balisage en empruntant l'improbable rue Maison CarrĂ©e, ne sont pas au bout de leur surprise. Les dĂ©veloppeurs amĂ©ricains copient les cartes IGN sans en comprendre toujours les subtilitĂ©s. Mais, au moins, Google a le mĂ©rite d'indiquer le hameau de Pointe de Grave et, StreetView peut vous mener, via le chemin de la Claire (voie certes de forĂȘt, mais dont le nom n'est indiquĂ© sur aucune des deux cartes), Ă  la plage Saint-Nicolas. Les personnes Ă©tablissant les cartes ne devraient-elles pas consulter les personnes compĂ©tentes et prendre leurs informations Ă  la source, c'est-Ă -dire auprĂšs des communes? Il serait aussi intĂ©ressant pour tout le monde de rĂ©tablir les signalisations de rue (panneaux et plaques) qui ont souvent disparu, et qui feraient foi : il n'y a plus de panneaux indiquant le hameau du Logis, ni l'allĂ©e de Rabat (2020). Le panneau indiquant le hameau des Grands Maisons est, lui, heureusement, toujours en place, ce qui n'a toutefois pas empĂȘchĂ© les cartographes de crĂ©er leurs propres rĂšgles orthographiques! Un cimetiĂšre devenu cĂ©lĂšbre en 2009, Ă  Jarnac en Charente, porte d'ailleurs le mĂȘme nom "cimetiĂšre des Grands-Maisons" que le hameau verdonnais.

On pourrait conclure en disant qu’il faut toujours avoir un Ɠil critique sur les cartes. Si elles sont trĂšs Ă©tudiĂ©es du point de vue du tracĂ©, assez prĂ©cises selon les connaissances et les moyens techniques et mathĂ©matiques de l’époque (aujourd’hui on a le satellite qui facilite les choses), les noms des lieux (toponymie) sont davantage sujets Ă  caution : les cartes sont certes indicatives mais ne peuvent servir de rĂ©fĂ©rence au dĂ©triment des actes officiels. Il est Ă©vident que les cartographes n’ont pas le temps de faire une Ă©tude approfondie leur permettant d’écrire de maniĂšre correcte tous les noms des lieux-dits de France et de Navarre. Il revient, de maniĂšre volontariste, aux maires, aux Ă©lus et mĂȘme Ă  la population de rĂ©tablir la vĂ©ritĂ©, historique, la bonne orthographe locale, si tant est qu’il y ait une bonne orthographe pour les noms propres. La premiĂšre des choses Ă  faire serait de rĂ©tablir la signalisation et les panneaux indicateurs.

Pour Cordouan, on trouve tout de mĂȘme sept graphies sur les cartes. Dans l’ordre, Cordo, Cordan, Ricordane, Cordam, Cordonan, Courdouan, puis Cordouan.

Pour Pilat ou Pyla, la mairie de la Teste a tranchĂ© : elle garde l’ancien nom Pilat pour la dune (signifiant « tas », « pile » en gascon) et adopte Pyla pour le hameau. Ceci n’empĂȘche pas cependant d’alimenter toujours la polĂ©mique, ne faisant pas consensus, car ce nom, il est vrai plus Ă©lĂ©gant et exotique, ne date que de 1920, inventĂ© par un promoteur : certains craignent que les puissances de l’argent n’imposent bientĂŽt leurs choix toponymiques.

Pour Ă©clairer le sujet, on peut citer Jean-Marc Besse dont les travaux dĂ©veloppent une interrogation Ă©pistĂ©mologique, historique et anthropologique sur la gĂ©ographie, ainsi que sur les diverses formes prises par les savoirs et les reprĂ©sentations de l’espace et du paysage Ă  l’époque moderne et contemporaine (selon sa biographie). Il dit : « Toute carte propose une version ou une interprĂ©tation de la rĂ©alitĂ© territoriale Ă  laquelle elle rĂ©fĂšre, en fonction des intentions qui sont dĂ©ployĂ©es vis-Ă -vis de cette rĂ©alitĂ© ».

Autrement dit, et il le prĂ©cise, lorsqu’un cartographe Ă©crit un nom sur une carte, il y met une bonne part de subjectivitĂ© : ceci saute aux yeux, est Ă©vident par exemple, lorsqu’on remplace « Grands Maisons » par « Grandes Maisons ». En ce qui concerne le Logis, tous les actes officiels de la Mairie de Soulac puis du Verdon plaident pour cette graphie avec un « s » : tous les actes courants de la commune, actes d’état civil, recensement de la population, papiers officiels
 Elle est attestĂ©e par l’abbĂ© Baurein, par de nombreux documents anciens, par de nombreuses cartes que l’on peut consulter sur Gallica. La carte des Ponts-et chaussĂ©es publiĂ©e avant 1875 (dunes, cartes des semis de 1790 Ă  1875) parle de Logis de Grave : ceci semble attester de l'origine mĂȘme du nom, la construction des premiĂšres habitations de la Pointe de Grave dans ce quartier. On trouve aussi un plus au sud, les Logis de Caben. L’écriture avec un « t » semble ĂȘtre une orthographe rĂ©cente, dont l’auteur est inconnu pour l’instant. Peut-ĂȘtre est-ce dĂ» Ă  une faute de transcription : on a pu trouver en lisant tous les actes d’état civil de la commune, un conseiller municipal remplaçant un jour un maire, utiliser cette graphie. La publication sur les cartes de noms de lieux-dits complĂštement inconnus des locaux est aussi un choix personnel du cartographe : ainsi le Pastin qui ne reprĂ©sente que trĂšs peu de maisons, semble venir du nom d’un habitant du lieu. Sur la carte IGN, le Logis (Ă©crit avec un « t ») se rĂ©sume et est confinĂ© Ă  quelques maisons en bordure du chemin de la Batterie, alors qu’historiquement, le hameau s’étend tout le long de la nationale, longeant le marais du mĂȘme nom, jusqu’à la Pointe de Grave (se rĂ©fĂ©rer aux actes en Mairie).

Natura 2000

Dans les années 1990, trois sites Natura 2000 ont été définis sur le territoire du Verdon-sur-Mer. Cette démarche européenne consiste à protéger un réseau de sites remarquables pour leur faune, leur flore et leurs milieux.

Les trois sites retenus sont : l'Estuaire de la Gironde (60 931 ha)[160], les Marais du Bas-MĂ©doc (23 942 ha)[161], la forĂȘt de Pointe de Grave (302,4 ha)[162].

La flore, la faune et leurs milieux

La constitution du réseau Natura 2000 a pour objectif de maintenir la biodiversité des milieux, tout en tenant compte des exigences économiques, sociales, culturelles et régionales dans une logique de développement durable. Malheureusement, il est déjà trop tard pour certaines espÚces végétales ou animales qui ont disparu du territoire.

D’aprĂšs l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN), la Gironde compte une dizaine d'espĂšces vĂ©gĂ©tales globalement Ă©teintes en Gironde.

La flore

Sans rentrer dans les dĂ©tails des taxons compliquĂ©s (aux noms souvent latins), il semble que deux fleurs emblĂ©matiques de la Pointe de Grave que l'on ramassait dans les annĂ©es cinquante et soixante aient complĂštement disparu : le muguet des bois, l'Ɠillet des dunes. Ce dernier, trĂšs odorant, Ă©tait de couleur rose dans les dunes du bout de la pointe. D'avril Ă  juin, on ramassait aussi ce que les locaux appelaient des "pentecĂŽtes", une orchidĂ©e sauvage, la cĂ©phalanthĂšre Ă  feuilles Ă©troites. Une autre fleur ressemblait au muguet, le sceau-de-Salomon.

Concernant le muguet des bois (autres noms, muguet de mai, muguet commun, ou clochette des bois) et le sceau-de-Salomon, il ne fallait surtout pas les confondre, avant floraison, avec l'ail sauvage (ail des bois ou ail des ours), car trĂšs toxiques.

D’aprĂšs l’INPN, la richesse floristique de la Gironde serait estimĂ©e Ă  environ 1 000 taxons (espĂšces et sous-espĂšces), ce nombre n’étant sans doute pas exhaustif, l’INPN ne mentionnant pas les champignons.

ƒillet des dunes, de couleur rose à la Pointe de Grave
CéphalanthÚre présente dans les sous-bois du Médoc

La Gironde abrite plusieurs taxons prioritaires car faisant partie de la flore menacée :

Il y a des plantes endĂ©miques de l’Estuaire de la Gironde : l’AngĂ©lique Ă  fruits variables et l’ƒnanthe de Foucaud

Port MĂ©doc

Dernier né des trois ports de la commune du Verdon, à la pointe de Grave, Port Médoc est issu de la volonté des élus de la Communauté de communes de la Pointe du Médoc désireux de redynamiser le territoire, se tournant momentanément vers une orientation touristique plutÎt qu'industrielle.

Le coût initial fut estimé à 26 millions d'euros par la Société Guintoli, Sun Gestion et Sammi. Les travaux débutés au mois de septembre 2002 sont achevés deux ans plus tard, et le port est inauguré en juillet 2004. Le coût final atteint en réalité 32 millions d'euros, financés à 85 % par Guintoli Marine et à 15 % par des aides du conseil régional d'Aquitaine, du conseil général de la Gironde, de la communauté de communes de la Pointe du Médoc et de l'Union européenne.

Port MĂ©doc se compose d'un bassin d'une superficie de 15 hectares, de deux Ă  trois mĂštres de tirant d'eau, accessible 24 heures sur 24. Il dispose de 800 anneaux et d'une marina inspirĂ©e par l'architecture scandinave oĂč cohabitent commerces, bars, restaurants ainsi qu'un yacht club, autour d'une capitainerie. Boutiques et restaurants sont reliĂ©s entre eux par de grandes esplanades. Le port comporte Ă©galement une aire de carĂ©nage, une zone de stockage, une darse de mise Ă  l'eau (6,5 mĂštres de large) avec un Ă©lĂ©vateur Ă  bateaux (35 tonnes maximum), une station service accessible 24h/24 (CB), une cale de mise Ă  l'eau (pente 15 %
 payante), une laverie.

Pour autant, la politique commerciale est vite remise en cause (notamment le systĂšme d’amodiation: une concession temporaire accordĂ©e afin de jouir de l’usage d’un anneau de port) et, tandis que les ports de la rĂ©gion affichent tous complet, une partie des anneaux peinent Ă  trouver preneur.

En 2010, un audit pointe une situation financiÚre « structurellement déficitaire » et recommande notamment la suppression des droits d'entrée et la baisse des tarifs de location. Le site souffre par ailleurs de l'absence de véritable agglomération : Le Verdon-sur-Mer, tout comme Soulac-sur-Mer, sont des communes de taille assez modestes et la seule grande ville des environs, Royan se trouve de l'autre cÎté de l'estuaire.

En 2013, la société Port Médoc SA est reprise par la société Port Adhoc. Une nouvelle politique commerciale est mise en place avec la baisse de plus de 30 % des tarifs de location, la mise en place de contrats de 3 ans garantissant la stabilité des prix et l'abandon des ventes d'anneau sous forme d'amodiation. Cette politique tarifaire de baisse des tarifs de location a permis d'enregistrer 180 nouveaux locataires en 2013 et 160 en 2014. Fin 2015, le port, arrivé à saturation, lance l'aménagement de 150 places supplémentaires, ce qui revient à passer de 800 à 950 places.

Promenade de la Chambrette en regardant vers Le Verdon-sur-Mer

Port Médoc reste cependant géré par la société Port Médoc SA, devenue une filiale du groupe Port Adhoc, qui s'est vu accorder une délégation de service public par la Communauté de communes de la Pointe du Médoc. Son capital est détenu intégralement par la société Port Adhoc.

En 2015, Port MĂ©doc s'est vu dĂ©cerner — pour la onziĂšme annĂ©e consĂ©cutive — l'Ă©colabel Pavillon Bleu d'Europe, qui rĂ©compense une qualitĂ© environnementale exemplaire.

À proximitĂ© de la capitainerie, une plaque honore la mĂ©moire des membres de l'OpĂ©ration Frankton.

Depuis aoĂ»t 2020, une passerelle en bois de 900 mĂštres permet de relier Port-MĂ©doc Ă  la plage de la Chambrette permettant une trĂšs agrĂ©able promenade[164].

Parc naturel marin de l'estuaire

AprĂšs la crĂ©ation du parc naturel marin du Bassin d'Arcachon, plus au sud, il est dĂ©cidĂ©, en 2015, de crĂ©er un autre parc englobant la pointe de Grave : le parc naturel marin de l'estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis. Sous l'autoritĂ© des prĂ©fets de la Gironde et de la Charente Maritime, est nommĂ© un conseil de gestion de 71 personnes. Au sein mĂȘme de ce ComitĂ© de gestion, du fait que l'espace marin concernĂ© est trĂšs vaste, trois comitĂ©s gĂ©ographiques sont dĂ©signĂ©s : celui du littoral vendĂ©en, celui de la mer des Pertuis, celui de l'estuaire de la Gironde. Le comitĂ© de gestion du Parc regroupe des acteurs des activitĂ©s maritimes professionnelles et de loisirs, des acteurs du monde associatif, des reprĂ©sentants des communes littorales, des rĂ©gions et dĂ©partements, des services de l’État auxquels s'ajoutent des scientifiques.

PĂ©rimĂštre du parc naturel marin de l'estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis

Les objectifs du Parc peuvent se résumer en six orientations de gestion :

  1. Améliorer et partager la connaissance scientifique et empirique des milieux marins, des espÚces et des usages.
  2. Préserver et restaurer les milieux et les fonctionnalités écologiques, dans un équilibre durable entre biodiversité et activités socio-économiques.
  3. Renforcer le lien « Mer-Terre » par le partenariat des acteurs concernés afin de préserver la qualité et la quantité des eaux.
  4. Promouvoir et dĂ©velopper les activitĂ©s de pĂȘche professionnelle (cĂŽtiĂšre et estuarienne), aquacoles et conchylicoles, dans le respect des Ă©cosystĂšmes marins.
  5. Promouvoir et développer les activités maritimes portuaires et industrielles ainsi que les activités de loisirs dans le respect des écosystÚmes marins.
  6. Diffuser, auprÚs du plus grand nombre, la passion de la mer et impliquer chacun dans la préservation du milieu maritime et littoral.

Communauté de communes

Les 14 communes de la Communauté des communes Médoc Atlantique

Le Verdon-sur-Mer appartient Ă  la CommunautĂ© de communes MĂ©doc Atlantique (14 communes) depuis le . Celle-ci rĂ©sulte de la fusion de la CommunautĂ© de communes de la Pointe du MĂ©doc (crĂ©Ă©e en 2001) avec la CommunautĂ© de communes des Lacs MĂ©docains (crĂ©Ă©e en 2002).

La communauté de communes a son siÚge à Soulac-sur-Mer. Elle est présidée depuis 2017 par Xavier Pintat, maire de Soulac-sur-Mer.

Parc naturel régional du Médoc

Le , une partie de la rĂ©gion naturelle du MĂ©doc est classĂ©e par dĂ©cret Parc naturel rĂ©gional (PNR). Le Parc naturel rĂ©gional du MĂ©doc forme un triangle dont les trois sommets seraient la Pointe de Grave au Nord, les portes de Bordeaux et la commune de Le Porge (au-dessus du Bassin d'Arcachon), au Sud. Le syndicat mixte du PNR rĂ©unit en 2019 quatre communautĂ©s de commune : MĂ©doc Atlantique (dont fait partie Le Verdon), MĂ©doc CƓur de Presqu’üle, MĂ©dullienne et MĂ©doc Estuaire et 51 communes (toutes les communes de ce triangle, sauf Vensac).

EncadrĂ©e par le Code de l’Environnement, la procĂ©dure de crĂ©ation d’un PNR relĂšve de la compĂ©tence du Conseil RĂ©gional. L’État accompagne et valide les Ă©tapes en Ă©mettant un avis. Les collectivitĂ©s partenaires sont Ă©troitement associĂ©es tout au long du processus. La demande de crĂ©ation rĂ©sulte d’une volontĂ© locale (Ă©lus, associations, entrepreneurs, agriculteurs
) Ă  laquelle la RĂ©gion, principal financeur et porteur de la dĂ©marche, a rĂ©pondu favorablement. Un PNR s’organise autour d’un projet de territoire Ă©laborĂ© en concertation avec les acteurs locaux et valable pour une durĂ©e de 15 ans, appelĂ© Charte.

Un syndicat mixte administré par un Comité Syndical (organe délibérant composé de délégués des conseils municipaux des communes adhérentes) permet de faire vivre et avancer le projet : il se réunit une fois par trimestre.

Les Ă©lus, les reprĂ©sentants d’associations Ɠuvrant dans les domaines culturels, sociaux, de protection de l’environnement, les socio-professionnels (agriculteurs, viticulteurs, forestiers, entrepreneurs
)
ainsi que l’État, la RĂ©gion, le DĂ©partement sont invitĂ©s Ă  construire et dĂ©finir ensemble la stratĂ©gie de dĂ©veloppement de leur territoire Ă  travers cette charte.

C’est le document de rĂ©fĂ©rence oĂč sont inscrites les orientations et les actions qui seront mises en Ɠuvre.

Climat

Le climat de la Gironde est de type ocĂ©anique aquitain. Il se caractĂ©rise par des hivers doux et des Ă©tĂ©s relativement chauds. Les prĂ©cipitations sont assez frĂ©quentes, particuliĂšrement durant la pĂ©riode hivernale. En moyenne, elles atteignent 100 mm au mois de janvier et sont infĂ©rieures de moitiĂ© au mois de juillet. Les tempĂ©ratures moyennes relevĂ©es Ă  Bordeaux sont de 6,4 °C en janvier et de 20,9 °C en aoĂ»t, avec une moyenne annuelle de 13,3 °C. Les records de chaleur enregistrĂ©s sont de 41,9 °C le 16/8/1892 et les records de froid de −16,4 °C le 16/1/1985.

La pointe de Grave abrite une flore méditerranéenne : ici, une agave s'épanouit sur le versant d'une dune.

La Gironde connaĂźt en moyenne 15 Ă  20 jours en Ă©tĂ© oĂč les tempĂ©ratures dĂ©passent les 30 °C. Des tempĂ©ratures extrĂȘmes peuvent aussi ĂȘtre observĂ©es comme lors de l'Ă©tĂ© 2003 oĂč la tempĂ©rature a atteint 41 °C. Ce mĂȘme Ă©tĂ©, il y a eu 12 jours consĂ©cutifs oĂč les maximales ont atteint ou dĂ©passĂ© les 35 °C. Le dĂ©partement bĂ©nĂ©ficie d'un ensoleillement Ă©levĂ© dĂ©passant souvent 2 000 heures de soleil par an et jusqu'Ă  2 200 heures sur le littoral. Ces conditions climatiques favorables, toujours soumises aux influences de l'ocĂ©an Atlantique, favorisent l'existence d'une vĂ©gĂ©tation dĂ©jĂ  mĂ©ridionale. Ainsi la flore se caractĂ©rise-t-elle par la prĂ©sence Ă©tonnante de lauriers-roses, eucalyptus, agaves, etc. Aux essences dĂ©jĂ  mĂ©ridionales du chĂȘne vert et du cyste, s'ajoute une forte prĂ©sence de palmiers, figuiers, orangers et mĂȘme oliviers. L'arbre-roi demeure cependant le pin maritime, omniprĂ©sent sur la cĂŽte.

La Gironde a connu des hivers trĂšs froids en 1956, 1985 et en 1987, puis une sĂ©cheresse de 1988 Ă  1992. Plus rĂ©cemment, le dĂ©partement a connu une sĂ©cheresse importante de 2002 Ă  2005. La Gironde, du fait de sa situation, connaĂźt rĂ©guliĂšrement des tempĂȘtes hivernales. Deux d'entre elles ont cependant marquĂ© les esprits par leur exceptionnelle intensitĂ© : Martin en et Klaus en 2009.

Relevés météorologiques à Bordeaux

Mois jan. fév. mars avril mai juin jui. août sep. oct. nov. déc. année
Température minimale moyenne (°C) 2,8 3,4 4,6 6,6 10,3 13 15,1 15,2 12,5 9,5 5,5 3,8 8,5
Température moyenne (°C) 6,4 7,6 9,6 11,6 15,4 18,3 20,8 20,9 18,1 14,2 9,4 7,3 13,3
Température maximale moyenne (°C) 10 11,7 14,5 16,5 20,5 23,5 26,4 26,6 23,7 18,8 13,4 10,7 18,1
Record de froid (°C) −16,4 −15,2 −9,9 −5,3 −1,8 2,5 4,8 1,5 −1,8 −5,3 −12,3 −13,4 −16,4
Record de chaleur (°C) 20,2 26,2 29,8 31,1 35,4 38,5 39,2 41,9 37,6 32,2 25,1 22,5 41,9
Précipitations (mm) 92 82,6 70 80 83,9 63,8 54,5 59,5 90,3 94,1 106,9 106,7 984,1
Source : Le climat à Bordeaux (en °C et mm, moyennes mensuelles 1971/2000 et records depuis 1880)[165]

Environnement

La pointe de Grave est composĂ©e d'Ă©cosystĂšmes variĂ©s, qui lui valent d'ĂȘtre intĂ©grĂ©s Ă  plusieurs zones protĂ©gĂ©es dans le cadre du rĂ©seau de protection des sites naturels ou semi-naturels de l'Union europĂ©enne ayant une grande valeur patrimoniale (rĂ©seau Natura 2000). Depuis 2015, elle est dans le pĂ©rimĂštre du parc naturel marin de l'estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis et depuis 2019, dans celui du parc naturel rĂ©gional du MĂ©doc.

Vue sur Royan depuis la pointe de Grave.

Le marais du Logis (et plus largement, les marais du nord-MĂ©doc) est classĂ© en site d'importance communautaire (SIC)[166]). Les dunes sont Ă©galement classĂ©es en site d'importance communautaire, du fait de la prĂ©sence d'espĂšces vĂ©gĂ©tales rares et/ou protĂ©gĂ©es[167]. Enfin, la forĂȘt domaniale de la pointe de Grave, pinĂšde caractĂ©ristique de la rĂ©gion, est sillonnĂ©e de sentiers de promenade.

D'un point de vue ornithologique, la pointe de Grave est l'un des premiers sites français de comptage systĂ©matique de la migration des oiseaux. De par sa conformation en « entonnoir » tournĂ© vers le nord, qui concentre les flux migratoires montants, ce site est suivi au printemps. Il est suivi Ă  ce titre depuis 1986 par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) chaque annĂ©e, de mars Ă  mai. En pĂ©riode d'activitĂ©, les rĂ©sultats des comptages sont disponibles le soir mĂȘme sur le portail de la migration en France, oĂč les internautes peuvent les consulter sous forme de listes ou de graphiques, et les comparer Ă  ceux des autres sites de suivi de la migration en France, ou Ă  ceux des autres annĂ©es.

Patrimoine

Le site de la Pointe de Grave accueille plusieurs mémoriaux, dédiés aux Américains, aux Libérateurs de la Pointe de Grave et aux membres de l'Opération Frankton.

Monument aux Américains

Le monument aux Américains (1947)

Un premier monument aux AmĂ©ricains, haut de 75 mĂštres, avait Ă©tĂ© construit sur ce site de 1919 (pose de la premiĂšre pierre en prĂ©sence du prĂ©sident de la RĂ©publique, Raymond PoincarĂ©[168]) Ă  1938 (inauguration en prĂ©sence, notamment, du futur prĂ©sident des États-Unis John Fitzgerald Kennedy)[169]. L'Ă©rection d'un monument commĂ©moratif Ă  cet endroit cĂ©lĂ©brait Ă  la fois l'embarquement du marquis de La Fayette depuis ce rivage en 1777 et le dĂ©barquement des troupes amĂ©ricaines du gĂ©nĂ©ral John J. Pershing en 1917.

Le , les troupes d'occupation allemande dĂ©truisent le monument, considĂ©rĂ© comme un point de repĂšre potentiel pour les aviateurs alliĂ©s. Il est remplacĂ© par une construction plus sobre en 1947[168]. Il porte cette inscription : « Ici s'Ă©levait le monument Ă  la gloire des AmĂ©ricains, Aux soldats du gĂ©nĂ©ral Pershing, dĂ©fenseurs du mĂȘme idĂ©al de droit et de libertĂ© qui conduisit en AmĂ©rique La Fayette et ses volontaires, partis de ce rivage en 1777. Ce monument symbolisait la fraternitĂ© d'armes et l'amitiĂ© franco-amĂ©ricaine. Il fut dĂ©truit le par les troupes d'occupation allemandes, il sera rĂ©Ă©difiĂ© par le peuple français. They have destroyed it, we shall restore it »

Monument aux membres de l'opération Frankton

Le monument aux membres de l'opération Frankton (2011)

Le monument aux membres de l'opĂ©ration Frankton est inaugurĂ© au mois de , en prĂ©sence de nombreuses personnalitĂ©s civiles et militaires françaises et britanniques, dont l'amiral Sir Mark Stanhope, First Sea Lord, le gĂ©nĂ©ral John Rose, commandant des Royal Marines, lord Paddy Ashdown reprĂ©sentant du gouvernement britannique, le vice amiral d’escadre de Saint Salvy, commandant de la zone maritime Atlantique, le capitaine de frĂ©gate Clivaz ou encore Dominique Schmitt, prĂ©fet de la Gironde[170].

Le monument, haut de 2,40 mĂštres, est constituĂ© de blocs de pierre de Portland, symbolisant « les quatre Ă©tapes du relĂšvement d'un ĂȘtre humain, de la position couchĂ©e Ă  debout »[171] et par extension, la rĂ©sistance face au nazisme. Il vient rappeler le souvenir des hommes des Royal Marines qui, larguĂ©s par le sous-marin britannique HMS Tuna le , remontent la Gironde Ă  bord de simples kayaks jusqu'Ă  Bordeaux, oĂč ils ont pour mission de dĂ©truire plusieurs navires ennemis. Des dix hommes engagĂ©s dans l'opĂ©ration, deux meurent noyĂ©s et six sont pris, puis exĂ©cutĂ©s.

Le coĂ»t du monument (95 000 livres) a Ă©tĂ© presque intĂ©gralement couvert par une souscription[171].

Phare de Grave

SituĂ© Ă  quelques centaines de mĂštres de Port-Bloc et de la dune du SĂ©maphore, Ă©mergeant de la forĂȘt domaniale de la Pointe de Grave, le phare de Grave est un des deux phares de la commune du Verdon-sur-Mer (avec le phare Saint-Nicolas, plus au sud). Du fait de l'instabilitĂ© du sol et du travail de sape de l'ocĂ©an et de l'estuaire, plusieurs phares se succĂšdent Ă  partir de 1823, la tour actuelle Ă©tant bĂątie en 1860 et en seulement 9 mois ! Haute de 29,2 mĂštres, elle est en maçonnerie lisse, peinte en blanc, avec chaĂźnes d'angle en pierres apparentes. La lanterne, accessible par un escalier de 107 marches, accueille un feu fixe blanc Ă  occultations toutes les 5 s. Le phare a Ă©tĂ© Ă©lectrifiĂ© en 1937 et est entiĂšrement automatisĂ© depuis 1955. À l'instar du phare de Cordouan (en mer) et du phare de la Coubre (sur la cĂŽte charentaise), il dĂ©limite l'entrĂ©e de l'estuaire de la Gironde.

Les anciens locaux techniques ont été aménagés en un musée consacré au phare de Cordouan tout proche et aux phares et balises de Gironde en général. Sont notamment présentés au public des maquettes et des éléments d'optique.

Économie

La marina de Port MĂ©doc, aux formes contemporaines, ouverte en 2004.

La pointe de Grave abrite plusieurs pĂŽles commerciaux et touristiques, amĂ©nagĂ©s autour de Port-Bloc (embarcadĂšre des bacs « La Gironde » et « Le Verdon ») et de la marina de Port MĂ©doc, ouverte en 2004. Cette derniĂšre comporte un bassin de 15 hectares pouvant abriter 800 bateaux de plaisance, sa capacitĂ© devant ĂȘtre portĂ©e Ă  1200 anneaux ultĂ©rieurement.

Les abords de la marina, traités de façon contemporaine, se déclinent en plusieurs esplanades, et accueillent commerces, bars et restaurants, ainsi que les services techniques du port.

Liaisons

Notes et références

  1. Atlas de l'aléa érosion du littoral sableux aquitain
  2. Christian Maizeret, Les Landes de Gascogne, Paris, Delachaux et Nieslé, , 256 p. (ISBN 978-2-603-01330-4), p. 29
  3. AbbĂ© Pierre Brun, Les Églises de Bordeaux, Bordeaux, Delmas, , 210 p. (lire en ligne), (extrait « chapelle Saint-Nicolas-des-Graves »)
  4. François Jouannet, Statistique du département de la Gironde, 1837, p. 75
  5. Florence Verdin et Frédérique Eynaud, « Reconstituer l'histoire du littoral aquitain pour prévoir son évolution » [PDF], sur LabEx LaScArBx (consulté le ).
  6. Pierre Buffault, « Étude sur la cĂŽte et les dunes du MĂ©doc », sur https://fr.wikisource.org, (consultĂ© le )
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Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Roger Chaillot, Petite histoire du Verdon et de la Pointe de Grave, Imprimerie Jung,
  • RĂ©my Desquesnes, Les poches de rĂ©sistance allemandes sur le littoral français : aoĂ»t 1944 - mai 1945, Rennes, Ă©d. Ouest-France, coll. « Histoire », (ISBN 978-2-7373-4685-9).
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