Embrun marin
Les embruns marins sont des aĂ©rosols marins enlevĂ©s par le vent Ă la crĂȘte des vagues ou formĂ©s par le ressac[1]. S'ils se forment Ă une tempĂ©rature sous le point de congĂ©lation, les projections gĂšlent presque instantanĂ©ment sur les structures oĂč elle se dĂ©posent et forment des embruns dits givrants ou verglaçants[2]. Ils constituent la plus grande source d'aĂ©rosols naturels dans l'atmosphĂšre[3] ; ils contribuent de maniĂšre significative aux effets radiatifs directs et indirects des ocĂ©ans[3]. Ils contiennent une forte concentration en sels minĂ©raux, surtout le chlorure de sodium. L'Ă©clatement, en surface ou dans les projections d'eau, de la multitude de bulles rĂ©sultant du brassage de l'eau par le vent et les courants et du ressac sur les rochers ou objets divers (jetĂ©es, diguesâŠ) est Ă l'origine de la formation d'aĂ©rosols qui « jouent un rĂŽle essentiel dans de nombreux processus dynamiques et thermodynamiques dans la couche de surface atmosphĂ©rique marine. Ils affectent notamment la propagation Ă©lectro-optique et influencent aussi de nombreux processus mĂ©tĂ©orologiques »[4].
Selon les modĂ©lisations disponibles Ă la fin des annĂ©es 1990, « le transport turbulent est efficace pour les plus petits aĂ©rosols (r †60 ÎŒm) mais peu pour les plus gros embruns » et « l'influence des embruns sur les flux de chaleurs sensible et latente semble importante par vents forts[4]. »
Facteurs journaliers et saisonniers favorisant les embruns
Les deux facteur les plus évidents et visibles sont le vent et sa vitesse[3] et le type de vague (qui en dépend), mais d'autres paramÚtres sont importants :
- la force et la direction des courants (localement) et la turbulence de l'eau ;
- la température de surface de la mer (TSM) avec une taille de gouttelette qui augmente (à des échelles de temps horaires) avec la température de l'eau[3] ;
- la teneur de l'eau et de son film de surface[5] en certaines molécules ou particules organiques biogéniques[6], dont certaines peuvent jouer un rÎle de surfactant[7], molécules a priori principalement issues du métabolisme du phytoplancton[8] - [9]. La teneur en carbone organique particulaire a une importance encore mal comprise, mais qui n'est pas négligeable quand le vent est faible. L'étude des effets des variations saisonniÚres ou locales (en présence d'upwelling par exemple) de prolifération du phytoplancton pourrait éclairer certaines variations de production et de nature d'embruns marins (cf. concentrations en nombre et taille de gouttelettes)[3] ;
En comprenant mieux le rĂŽle respectif de ces paramĂštres, on devrait ainsi mieux comprendre le rĂŽle des embruns dans le bilan des impacts radiatifs dans la couche limite marine.
On a récemment (2019) montré que les modélisations qui ont mal tenu compte de la température de surface de l'eau comportent des biais trÚs importants[3].
Effets
Effets naturels
Les embruns sont une source naturelle d'iode (important oligo-élément), de sels minéraux[10] et de noyaux de condensation sur lesquels les gouttes de pluie peuvent se former[11]. Ils sont également source de vapeur d'eau[12], qui joue un rÎle important dans le cycle de l'eau, les transferts de chaleur entre océan et les couches basses de l'atmosphÚre[4] et à moyen et long termes sur le climat (la vapeur d'eau est un puissant gaz à effet de serre).
Dans la zone intertropicale, les embruns sont localement (lĂ oĂč le substrat rocheux est d'origine volcanique, basaltique) source d'une corrosion significative de la roche mĂšre par le sel, dans la zone intertidale et Ă proximitĂ©, avec formation de nids d'alvĂ©oles dans la roche, voire la crĂ©ation de « mares de corrosion » de 3 Ă plusieurs dizaines de mĂštres carrĂ©s (Ă MadĂšre par exemple). Plus le climat est froid, moins ce phĂ©nomĂšne est observĂ©, sans doute Ă cause d'une Ă©vaporation moins rapide de l'eau des embruns[13] - [14] - [15].
Les embruns marins peuvent ĂȘtre emportĂ©s par le vent sur des dizaines voire centaines de kilomĂštres lors des grandes tempĂȘtes. On a ainsi trouvĂ© des microfossiles d'origine marine dans des morceaux d'ambre (rĂ©sine fossilisĂ©e), probablement apportĂ©s par des embruns dans un passĂ© lointain[16]. Les embruns modulent aussi les paysages littoraux qui y sont exposĂ©s[17], en sĂ©lectionnant une flore dite halophile ou nitro-halophile lĂ oĂč les milieux sont une plus eutrophes[18] et les zones trĂšs exposĂ©es au sel des embruns rĂ©agissent diffĂ©remment au gel et Ă l'enneigement.
Une partie des particules d'origine marine s'Ă©lĂšve dans l'atmosphĂšre et gagne les nuages ou contribuent mĂȘme directement Ă leur formation (noyaux de nuclĂ©ation [19] - [20] soufrĂ©s) comme le sulfure de dimĂ©thyle[21] (le composĂ©s biologiques soufrĂ© Ă©mis dans l'atmosphĂšre en plus grande quantitĂ©[22]).
Effets adverses en contexte anthropisé
Effets physicochimiques
Les embruns marins (ou routiers salés) ont plusieurs effets adverses ou indésirables :
- ils sont responsables de corrosion des objets métalliques en mer ou dans le littoral ;
- ils dégradent aussi le béton des constructions et le bitume des routes dans les zones cÎtiÚres ;
- en hiver, lorsque la température est sous le point congélation, les embruns gÚlent au contact de toute surface qu'ils rencontrent en formant une couche de glace appelée souvent glace noire[2] - [23]. Ces embruns verglaçants compromettent la navigation des navires qui voient leur poids augmenter et leur centre de gravité se déplacer vers l'avant et le haut ;
- leur caractÚre salé et polluants (provenant notamment du film gras qui se forme parfois sur l'océan) sont sources de pollution de l'air et des pluies (voir chapitre ci-dessous).
Des embruns souvent devenus polluants
La pollution générale des océans, et notamment des détroits trÚs fréquentées tels le pas de Calais[25] et des mers fermées ou semi-fermées comme la mer Méditerranée[26], explique la présence fréquente ou constante de cocktails de polluants dans les embruns[26]. Ces polluants sont souvent susceptibles d'agir en synergie et se montrent parfois phytotoxiques (défoliants pour certaines espÚces de plantes ou d'arbres par exemple) et/ou toxique pour certains animaux terrestres, champignons et lichens qui y sont exposés[27].
Certains des polluants (tensioactifs notamment) accumulés dans les hydrocarbures perdus en mer par les navires pénÚtrent la cuticule cireuses des plantes littorales, qui les protÚge normalement des UV solaires, du sel et de la déshydratation[28]. Des associations phytosociologiques de plantes littorales (ex : association à Crithmum maritimum et Limonium minutum[29]) sont menacées ou ont localement disparu parce qu'exposées à des embruns polluants. Ce phénomÚne peut aussi toucher des arbres tels que le pin d'Alep ou l'eucalyptus, que certains polluants aéroportés à partir de la mer peuvent affaiblir ou tuer[30] - [31].
Les embruns et les polluants PM10[32] qu'ils vont relarguer dans l'air en se dĂ©shydratant sont en outre frĂ©quemment exposĂ© Ă des pics d'ozone, frĂ©quents sur le littoral en raison de la rĂ©flexion d'une partie des UV solaires sur la mer. Or l'ozone est source d'une pollution photochimique supplĂ©mentaire, qui peut aggraver les effets des polluants aĂ©roportĂ©s vers la terre par les embruns ou le vent de mer[33], notamment pour les arbres et forĂȘts littorales[34].
Ce type de pollution peut ĂȘtre plus marquĂ© sur les Ăźles situĂ©es dans des rĂ©gions marines polluĂ©es (l'Ăźle de Porquerolles[26] ou lâĂźle de Port-Cros par exemple[35]). Dans les Ăźles et sur le littoral, les cristaux rĂ©sultant de la dĂ©shydratation dans l'air des embruns peuvent significativement contribuer aux dĂ©passements de valeurs limites fixĂ©es pour les PM10 dans l'air[36] et donc la nuit aux halos associĂ©s Ă la pollution lumineuse. Localement, les aĂ©rosols qu'ils forment peuvent ĂȘtre source de retour vers la terre de radionuclĂ©ides[24].
Parmi les polluants issus des aérosols d'embruns marins figure le groupe des substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS). Cette familles chimique contient des millions de molécules différentes, jugées trÚs préoccupantes car toxiques, écotoxiques, particuliÚrement stables dans le temps, et déjà massivement dispersées par l'Homme sur toute la planÚte, pour des siÚcles ou millénaires pour certains)[37] - [38].
Recherche
Les chercheurs et météorologues s'intéressent aux aérosols qui sont des composants essentiels de l'atmosphÚre, comme les gaz ; 75 % de la planÚte étant recouverte par la mer, les aérosols marins composent une part importante des aérosols atmosphériques naturels.
La science cherche à mieux comprendre la formation et les effets écologiques des aérosols et notamment des embruns ; effets climatiques et microclimatiques, mais aussi effets toxiques d'embruns pollués sur les plantes et écosystÚmes (les embruns littoraux contiennent souvent des hydrocarbures, des surfactants[39] - [40] et autres tensioactifs, qui en mélange avec le sel dégradent les cuticules cireuses protectrices des feuilles ou aiguilles[41] - [42] de plantes (ils peuvent causer une déshydratation anormale des feuilles, approchant les 30 % chez Eucalyptus gomphocephala[43], avec excÚs de sodium (Na+) et perte de Calcium (Ca++) et/ou de potassium (K+) dans les cellules foliaires ; et augmentation de la mouillabilité des feuilles[43]. Des arbres peuvent pùtir de la pollution des embruns, pin d'Alep par exemple[44] - [45]. Une cuticule dégradée expose aussi les cellules aux effets de résidus de pesticides arrivés en mer et réexportés vers la terre par les embruns[46]. Ces embruns pollués peuvent insidieusement dégrader la végétation littorale[47] - [48] et notamment les arbres[49] - [50], effets qui s'ajoutent à ceux de pluies acides et de l'augmentation des UV solaires et de certains polluant (ozone troposphérique) liées au trou de la couche d'ozone.
Des mĂ©thodes standardisĂ©es de prĂ©lĂšvement et dâanalyse d'aĂ©rosols ont Ă©tĂ© mis au point pour permettre une meilleure comparabilitĂ© et fiabilitĂ© des rĂ©sultats d'Ă©tudes[51]. En France parmi les sites oĂč la pollution des embruns marins a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ©e figurent par exemple la rade d'HyĂšres[52] et les Ăźles d'HyĂšres[53].
Expériences sur la flore
On peut par exemple tester les effets de pulvérisation d'eau de mer polluée sur divers types de végétaux, y compris des arbres comme par exemple les Acacia cyanophylla et Eucalyptus gomphocephala du Cap Bon (Tunisie) suit à leur dépérissement en bordure du littoral[43] pour mieux modéliser numériquement la formation des embruns[4] pour notamment « caractériser les interactions des flux turbulents d'embruns générés à la surface de la mer avec les flux turbulents de chaleurs dans la couche de surface atmosphérique marine ». Il s'agit aussi de simuler et comprendre - selon les catégories d'embruns - les phénomÚnes de convection-diffusion et d'évaporation totale ou partielle d'embruns (transferts de masse d'eau de la mer ou de lacs à l'atmosphÚre)[4].
Des recherches se font aussi sur les plantes rĂ©sistantes aux embruns, plantes qui contribuent Ă la fixation du trait de cĂŽte (et des dunes en particulier) et qui diminuent donc le risque d'Ă©rosion littorale, mais qui peuvent ĂȘtre affaiblies ou tuĂ©es par certains polluants marins ou le piĂ©tinement par les promeneurs, baigneurs, etc.
Expériences sur les infrastructures
Enfin dans le contexte de la montĂ©e du niveau marin et du dĂ©rĂšglement climatique la science cherche aussi Ă prĂ©dire et modĂ©liser oĂč et quand les tempĂȘtes futures risqueront le plus de dĂ©clencher des inondations[54]. Pour cela il faut notamment pouvoir quantifier le volume d'eau de mer emportĂ©e Ă terre via les embruns, en particulier au-dessus des jetĂ©es ou digues du littoral[55].
Ainsi le Centre national dâocĂ©anographie (en) (CNO) de Liverpool a constatĂ© qu'en 2019 la comprĂ©hension des tempĂȘtes et la mesure du niveau des vagues s'est grandement amĂ©liorĂ©, mais la mesure de la quantitĂ© d'eau de mer qui franchit sous forme d'embruns ou de dĂ©versement les digues protectrices de certains littoraux est toujours trĂšs mal connue mĂȘme si dans un pays comme le Royaume-Uni l'Ă©quivalent de 197 milliards de dollars amĂ©ricains de biens immobiliers et 4 millions de personnes sont rĂ©guliĂšrement menacĂ©s par les inondations cĂŽtiĂšres[55]. Le CNO souhaite donc instrumenter des digues avec un dispositif (rĂ©seau de cĂąbles capacitifs permettant de calculer la vitesse et le volume de lâeau qui le traverse) dĂ©nommĂ© « WireWall » pour aider les responsables Ă mesurer le volume d'embruns ou de vagues qui franchissent la digue. Ces donnĂ©es serviraient Ă amĂ©liorer les bases de donnĂ©es nĂ©cessaire Ă l'amĂ©lioration de la modĂ©lisation ocĂ©anographiques (et du guide europĂ©en EurOtop), et dans quelle mesure il serait Ă©ventuellement dĂ©jĂ nĂ©cessaire de renforcer la dĂ©fense contre les inondations[55].
Le systĂšme pourra aussi dĂ©clencher une alerte inondation ou concernant le risque que de promeneurs soient emportĂ©s par des vagues inhabituellement grosses[55]. Le principe du WireWalls pourrait ensuite ĂȘtre utilisĂ© pour contrĂŽler la sĂ©curitĂ© de barrages, ou pour mesurer l'efficacitĂ© protectrice d'un cordon de galet, d'une mangrove utile contre la mer[55]. Le premier test est prĂ©vu sur la jetĂ©e de Crosby pour mesurer Ă quel point le parking situĂ© derriĂšre la jetĂ©e est exposĂ©e aux apports d'eau de mer alors que dans les annĂ©es 2010 le niveau moyen de la mer monte de 1,6 mm/an[55].
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Voir aussi
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