Eutrophisation
L'eutrophisation (du grec ancien : Δᜠ/ eĂ», « bien », et de ÏÏÎżÏÎź / tropháž, « nourriture ») est le processus par lequel des nutriments s'accumulent dans un milieu ou un habitat (terrestre ou aquatique)[1] - [2]. Les causes sont multiples et peuvent donner lieu Ă des situations d'interactions complexes entre les diffĂ©rents facteurs. Les nutriments concernĂ©s sont principalement l'azote (provenant surtout des nitrates agricoles et des eaux usĂ©es, ainsi que secondairement de la pollution automobile) et le phosphore (provenant surtout des phosphates agricoles et des eaux usĂ©es). L'ensoleillement ou la tempĂ©rature de lâeau (qui tend Ă augmenter avec le rĂ©chauffement climatique) peuvent exacerber l'eutrophisation.
L'eutrophisation des milieux aquatiques est un déséquilibre du milieu provoqué par l'augmentation de la concentration d'azote et de phosphore dans le milieu. Elle est caractérisée par une croissance excessive des plantes et des algues due à la forte disponibilité des nutriments[3]. Les algues qui se développent grùce à ces substances nutritives absorbent de grandes quantités de dioxygÚne. Leur prolifération provoque l'appauvrissement, puis la mort de l'écosystÚme aquatique présent : il ne bénéficie plus du dioxygÚne nécessaire pour vivre, ce phénomÚne est appelé « asphyxie des écosystÚmes aquatiques »[4].
Le degrĂ© d'eutrophisation dĂ©crit l'Ă©tat trophique (agronomique ou Ă©cologique) d'un milieu terrestre ou aquatique ou d'un agroenvironnement oĂč des ĂȘtres vivants sont exposĂ©s Ă un « excĂšs » chronique de nutriments[1]. Quand elle a une origine anthropique, depuis les rĂ©volutions agricole et industrielle, l'eutrophisation apparait gĂ©nĂ©ralement conjointement Ă une acidification du milieu, qui peut aussi rendre les espĂšces plus vulnĂ©rables Ă certaines pollutions et maladies[2]. Dans les cas extrĂȘmes, on parle de dystrophisation. L'eutrophisation a des coĂ»ts sociaux-environnementaux[5] et juridiques et financiers[6] importants.
Elle existe localement dans la nature (dans les milieux dits « eutrophes » et « mĂ©sotrophes »), mais quand elle est anormalement active sur des milieux naturellement pauvres en nutriments elle est considĂ©rĂ©e comme un phĂ©nomĂšne indĂ©sirable, voire dangereux pour la biodiversitĂ© car l'eutrophisation favorise quelques espĂšces des milieux « riches » et Ă croissance rapide (et souvent envahissantes[7]), au dĂ©triment de la biodiversitĂ© quand elle affecte des milieux naturellement non-eutrophe. Elle pose aussi des problĂšmes de santĂ© environnementale. Dans les milieux aquatiques, l'eutrophisation peut ĂȘtre source de phĂ©nomĂšnes Ă©pisodiques ou chroniques d'anoxie du milieu et d'Ă©touffement puis de mort de nombreuses espĂšces, car dans l'eau, ces nutriments dopent la production de phytoplancton et de quelques espĂšces aquatiques, en augmentant la turbiditĂ© et la sĂ©dimentation, ce qui prive le fond et la colonne d'eau de lumiĂšre et peut causer l'anoxie pĂ©riodique ou chronique du milieu, en favorisant des biofilms bactĂ©riens et des bactĂ©ries dont certaines (cyanophycĂ©es) pouvant sĂ©crĂ©ter des toxines.
Le processus inverse se nomme l'oligotrophisation.
Histoire sémantique du concept d'eutrophisation
Au contraire d'un milieu oligotrophe (mot désignant un milieu naturellement pauvre en éléments nutritifs), un milieu est dit « eutrophe » quand il est naturellement riche en éléments nutritifs, sans que cela interfÚre négativement avec ses fonctions écosystémiques et les services écosystémiques fournis par le milieu.
Ă partir des annĂ©es 1970, alors que les milieux cultivĂ©s, semi-naturels et naturels Ă©taient rĂ©guliĂšrement enrichis en engrais ou modifiĂ©s par des apports d'eaux usĂ©es, de boues d'Ă©puration et retombĂ©es atmosphĂ©riques riches en azote[8], le terme « eutrophisation » a Ă©tĂ© inventĂ© et utilisĂ© pour qualifier la dĂ©gradation des grands lacs comme le lac d'Annecy[9], le lac du Bourget, le Lac de Nantua ou le lac LĂ©man[10] par excĂšs de nutriments (de mĂȘme pour les rĂ©servoirs de barrages[11] - [12]). Au dĂ©but du XXIe siĂšcle, il a un sens proche de dystrophie et vient souvent comme qualificatif de sens nĂ©gatif pour des milieux aquatiques d'eau douce ou marins.
Un milieu aquatique pauvre en Ă©lĂ©ments nutritifs est dit oligotrophe ; dans le cas intermĂ©diaire, on qualifie le milieu de mĂ©sotrophe. Les facteurs naturels produisent des milieux plus ou moins chargĂ©s en nutriments (hors de toute intervention humaine) ; l'Ă©tat d'eutrophisation d'un milieu aquatique doit donc ĂȘtre apprĂ©ciĂ© en fonction du contexte naturel et ne peut pas se baser sur des indicateurs absolus.
Causes de l'eutrophisation
L'eutrophisation devient un problÚme écologique et économique quand il y a déséquilibre entre un apport excessif et la consommation naturelle de nutriments par l'écosystÚme :
- azote, sa dĂ©position sur terre se prĂ©sente en deux formes liquides comme en pluie ou de la neige et gazeuse causĂ© par la pollution, l'aciditĂ© de la pluie peut aussi influencer la concentration de nutriments dans l'eau[13]. Principalement issue d'une « pollution diffuse »[14] introduit dans le milieu terrestres ou aquatique sous trois formes minĂ©rales qui sont lâammonium (ou azote ammoniacal, le plus directement et rapidement toxique pour les organismes aquatiques), les nitrites (ou azote nitreux) et les nitrates (ou azote nitrique), chacune de ces formes ayant une Ă©cotoxicitĂ© et une toxicitĂ© diffĂ©rente,
- carbone (carbonates, hydrogĂ©nocarbonates, matiĂšres organiquesâŠ) ;
- phosphore, qui est généralement le facteur limitant dans les milieux naturels d'eau douce tandis que l'azote est limitant en milieu marin (loi de Liebig). Ce sont souvent les phosphates (orthophosphates, polyphosphates) qui permettent l'emballement du processus, mais le taux de saturation en phosphore n'est pas à lui seul un bon indicateur de risque[15] ;
- le débit du renouvellement d'eau joue un rÎle important dans l'eutrophisation, l'eau stagné a plus de potentiel à collecter des nutriments qu'une eau renouvelée, il a déjà aussi été prouvé que les terres humides qui ont tendance à sécher entraßnent une augmentation concentrée de nutriments qui ultérieurement causera ce phénomÚne[16].
Ce milieu déséquilibré est dit dystrophe et peut devenir hypertrophe. Pour les trois nutriments évoqués ci-dessus, des variations de conditions du milieu abiotique (oxydo-réduction) ou biotique (sous l'influence de l'activité bactérienne et des racines, ainsi que du métabolisme végétal, fongique et animal) peuvent faire passer l'azote, le carbone et le phosphore de l'une de leurs formes à une autre. Or ces formes sont plus ou moins toxiques ou écotoxiques.
C'est dans les années 1960 avec la subite et rapide dégradation des lacs en aval de zones fortement urbanisées qu'on a pris conscience de ce phénomÚne[17].
Ce processus a comme principales origines :
- des rejets industriels ou urbains dans les fleuves des eaux usées ou des boues d'épuration trop riches en nitrates, ammonium, phosphore et matiÚres organiques incomplÚtement traitées. Cette pollution qui prend une dimension planétaire à la fin de XIXe siÚcle, est efficacement jugulée lorsque les villes s'équipent de stations d'épuration avec des niveaux de traitement plus élevés[18] ;
- l'adjonction de polyphosphates dans les lessives. La rĂ©duction puis l'interdiction de ces phosphates dans les lessives permet d'enrayer cette premiĂšre crise moderne associĂ©e Ă lâeutrophisation et qui remonte aux annĂ©es 1970[18] ;
- des Ă©pandages agricoles de fumiers, lisiers ou engrais chimiques trop frĂ©quents ou trop concentrĂ©s (en azote et phosphore). Une carence en potassium peut parfois aussi ĂȘtre en cause ;
- la dĂ©forestation et les coupes rases qui aggravent le ruissellement du phosphore (doublement ou triplement des teneurs de l'eau en aval aprĂšs la coupe au QuĂ©bec selon Carignan et al, 2000 et des nitrates (augmentation d'un facteur 6 au QuĂ©bec), et les incendies de forĂȘts qui sont suivis d'une augmentation des nitrates dans l'eau de ruissellement (jusqu'Ă 60 fois plus, selon des mesures faites au Canada)[19] - [20] - [21]âŠ
La conjonction de ces phĂ©nomĂšnes a fait de l'eutrophisation un processus frĂ©quent, atteignant mĂȘme les zones ocĂ©aniques, pouvant provoquer l'extension de zones mortes), ou le dĂ©veloppement d'algues toxiques, telles Dynophysis, sur les littoraux, par exemple en Bretagne (France). Dans certaines rĂ©gions, comme en Bretagne, les marĂ©es vertes et certaines algues toxiques semblent principalement dues au rejet du lisier provenant de l'Ă©levage porcins (densĂ©ment implantĂ© en Bretagne)[22].
Dans l'acception courante, l'eutrophisation est donc souvent synonyme de pollution, bien que cette derniĂšre puisse revĂȘtir bien d'autres aspects : contamination biologique (bactĂ©ries, parasitesâŠ), chimique (pesticides, mĂ©taux, solvantsâŠ) ou physique (chaleur, radionuclĂ©idesâŠ).
La pĂȘche en milieux fermĂ©s ou cours d'eau trĂšs lents (canaux notamment) est une cause d'eutrophisation voire d'anoxie (eau) lorsque les rĂ©empoissonnements sont excessifs ou que des boules d'amorce riches en nutriments sont jetĂ©es dans des Ă©tangs fermĂ©s, canaux ou cours d'eau Ă courant lent (cause de turbiditĂ©). Une Ă©tude rĂ©cente a montrĂ© que la pĂȘche en mer est aussi Ă l'origine d'un impact important sur le cycle marin de l'azote.
Toutefois, les principaux facteurs de maßtrise sont connus : réduire les apports du bassin versant en phosphore (pour les cours d'eau, lacs et lagunes littorales) et en nitrates (impactant pour les lagunes littorales), améliorer la qualité physique du milieu (lutter contre l'érosion des sols, contre la diminution des zones humides périphériques des plans d'eau et lagunes, etc.).
Milieux touchés
Bien qu'il puisse aussi contenir des nutriments (nitrates, rabattus au sol par les pluies notamment), on ne parle pas d'eutrophisation de l'air (ou de l'atmosphĂšre), car l'air n'est pas considĂ©rĂ© comme un milieu vivant ou un habitat oĂč une espĂšce pourrait accomplir la totalitĂ© de son cycle de vie en tant que tel. Le cycle de l'azote est nĂ©anmoins un cycle biogĂ©ochimique qui se dĂ©roule dans les trois milieux eau-air-sol et Ă leurs interfaces[23].
De maniÚre générale, la notion d'eutrophisation décrit une modification ou une altération écologique du milieu (qui est à la fois une source et une conséquence)[24]. Dans ce domaine (comme dans d'autres[25], il existe un lien fort entre « eau » et « sol » notamment car les nitrates sont particuliÚrement solubles dans l'eau (qui est le vecteur principal de l'azote et du phosphore dans la plupart des cas d'eutrophisation ou de dystrophisation).
La notion d'eutrophisation décrit aussi les « réponses » de l'écosystÚme et du milieu concernés à l'apport de nutriments « supplémentaires ». On distingue généralement l'eutrophisation des sols et l'eutrophisation des milieux aquatiques, mais l'eau et les sols sont en interactions constantes du point de vue des échanges de nutriments et du cycle biogéochimique des nutriments. Les végétaux et les bactéries jouent un rÎle majeur dans ces cycles.
Certains scientifiques vont cependant plus loin et n'hésitent pas à parler d'une eutrophisation généralisée de la biosphÚre (Peterson, B. J., & Melillo, J. M. (1985). The potential storage of carbon caused by eutrophication of the biosphere. Tellus B, 37(3), 117-127), ce qui ne signifie pas qu'elle soit homogÚne (et dans un contexte général d'eutrophisation, il peut exister des sols dont les complexes argilo-humiques ont été dégradés qui se sont appauvris en nutriments).
Eutrophisation des milieux aquatiques et des zones humides
Pour lâOCDE l'eutrophisation de l'eau est l'« enrichissement des eaux en matiĂšres nutritives qui entraĂźne une sĂ©rie de changements symptomatiques, tels que lâaccroissement de la production dâalgues et de macrophytes, la dĂ©gradation de la qualitĂ© de l'eau et autres changements symptomatiques considĂ©rĂ©s comme indĂ©sirables et nĂ©fastes aux divers usages de l'eau »[26].
Elle peut concerner ou affecter les eaux douces (les plus concernées car proches des sources anthropiques de nitrates et phosphates), mais aussi saumùtres et salées (marines ou intérieures), le milieu marin (profond ou superficiel), des berges ou des sédiments, et en particulier :
- les eaux dormantes (mares riches en feuilles mortes ou collectant des eaux usées, des eaux polluées par des engrais, étangs, lacs, lagunes[27]) ;
- les cours d'eau ayant un débit faible ou qui accueillent des effluents trop riches ou en trop grandes quantités issus par exemple, d'exploitations agricoles, humaines ou industrielles ;
- les estuaires, golfes, baies et autres Ă©tendues semi-fermĂ©es oĂč l'eutrophisation est plus visible. Cette eutrophisation est en partie due au fait que ces milieux sont situĂ©s Ă l'aval des bassins versants qui drainent de grandes quantitĂ©s de nutriments, surtout quand le ruissellement y a Ă©tĂ© accentuĂ© par les activitĂ©s humaines (labour, drainage, dĂ©forestation, impermĂ©abilisation, etc.). Ainsi, l'ONU alertait en 2003 dans son rapport GEO 3 sur le fait qu'en 1998, plus de 60 % des estuaires et baies des Ătats-Unis Ă©taient « modĂ©rĂ©ment ou gravement dĂ©gradĂ©s par la contamination causĂ©e par les Ă©lĂ©ments nutritifs », en particulier Ă cause des apports d'azote principalement[28]. Une centaine de zones mortes sont apparues en mer, en aval des estuaires. La plus grande mesure plus de 20 000 km2, en aval du Mississippi.
Eutrophisation des milieux terrestres
Tout sols vivant et fonctionnels contient au moins un peu d'eau. Les plantes terrestres pompent de l'azote et du phosphore dans l'eau, et les sols perdent une partie de leurs nutriments dans l'eau, qui transportent aussi de l'azote et du phosphore issu des excrétas, excrément, urines et de la décomposition de la matiÚre organique et de la nécromasse.
Un phénomÚne général d'« eutrophisation des sols » naturels et agricoles[29] est constaté dans une grande partie du monde par les agronomes et pédologues[30] dont en France par l'Inra[30] - [31] et plus largement en Europe et dans tous les pays riches. Le droit européen de l'environnement prend ce problÚme en compte via notamment la Directive cadre sur l'eau, la Directive nitrate et des « plafonds d'émission nationaux de certains polluants atmosphériques »[32] et la lutte contre les pollutions transfrontiÚres[33].
Dans le monde de la recherche, les spécialistes du domaine, à l'Inra par exemple en France, cherchent aussi à mieux comprendre les processus d'« eutrophisation des sols ». Des chercheurs alertent sur le fait que le développement de solutions présentées comme vertes (agrocarburants par exemple) peut aussi contribuer à aggraver l'eutrophisation[29].
Les espÚces qui profitent le plus de l'eutrophisation sont souvent aussi des « mange-lumiÚre » (c'est-à -dire qu'elles inhibent le développement des autres espÚces en les privant de lumiÚre[34].
Des relations complexes existent entre l'azote et le phosphore[35], avec des relations d'aggravation ou au contraire de pondération du phénomÚne d'eutrophisation (selon les conditions biogéochimiques[36] et édaphiques qui semblent également jouer un rÎle atténuateur, neutre ou aggravant selon les cas[37].
Ăvolution de l'eutrophisation Ă l'Ă©chelle mondiale
Les phĂ©nomĂšnes dâeutrophisation ont Ă©tĂ© observĂ©s dĂšs le dĂ©but du XXe siĂšcle, principalement dans les zones urbaines et industrielles de lâhĂ©misphĂšre nord. « Entre les annĂ©es 1970 et 1990, lâaction publique dans ces pays sâest concentrĂ©e sur le traitement des pollutions industrielles et domestiques, avec des effets positifs observĂ©s par exemple sur le lac LĂ©man ou le lac EriĂ© ». Depuis la situation sâest de nouveau dĂ©gradĂ©e, notamment dans les zones cĂŽtiĂšres oĂč « le nombre et lâemprise des zones trĂšs pauvres en oxygĂšne en milieu ont triplĂ© depuis les annĂ©es 1960. En 2010, on recensait 500 zones sur une superficie de 245 000 km2 : mer Baltique, Grands Lacs laurentiens, baie de Chesapeake, golfe du Mexique, de trĂšs nombreux lacs et zones cĂŽtiĂšres en Chine, le lac Victoria, les cĂŽtes bretonnes, les lagunes mĂ©diterranĂ©ennes, etc. »[38]. Ces donnĂ©es sont issues de lâexpertise scientifique collective rĂ©alisĂ©e par des experts du CNRS, de lâIfremer, de l'Inra et d'Irstea sur la base dâun ensemble de 4 000 rĂ©fĂ©rences bibliographiques, et rendue publique en 2017. Les experts ont notamment pointĂ© les effets Ă venir du changement climatique qui va impacter lâensemble des mĂ©canismes intervenant dans lâeutrophisation et en amplifier les symptĂŽmes : transfert au sein des bassins versants, physico-chimie des milieux, dynamique des rĂ©seaux trophiques, etc.[39].
Cas des grands lacs d'Amérique du Nord
Dans les années 1950 à 1970, les Grands Lacs d'Amérique du Nord étaient devenus les déversoirs naturels d'égouts des villes riveraines et de l'amont et du ruissellement agricole des bassins environnant. Riche en azote et en phosphore, l'urine des habitants suffisait à fortement dégrader la qualité du milieu aquatique. à cela s'ajoutaient d'autres pollutions comme celles liées au lessivage des intrants agricoles et celles issues des nombreux engins à moteur de l'époque, trÚs polluants, qui pouvaient contaminer les eaux par le lessivage de leurs fumées et leurs rejets d'huile et de plomb tétraéthyle.
Le lac ĂriĂ©, l'un des Grands Lacs laurentiens, Ă©tait qualifiĂ© dans les annĂ©es 1950 de « Dead Sea of North America ». Ă la suite d'un ambitieux programme de rĂ©duction de phosphore, son Ă©tat s'est amĂ©liorĂ© progressivement dans les annĂ©es 1990. Il a cependant connu des Ă©pisodes trĂšs sĂ©vĂšres de prolifĂ©rations de cyanobactĂ©ries en 2001 et 2014 qui a donnĂ© lieu Ă un programme d'investigation et de travaux scientifiques pour comprendre les causes du phĂ©nomĂšne et bĂątir des stratĂ©gies d'action (contrĂŽle des efflorescences de cyanobactĂ©ries en agissant sur le rapport N:P par exemple)[40].
Cas du lac LĂ©man
De 1957 Ă 1977, les concentrations de phosphore ont Ă©tĂ© multipliĂ©es par neuf dans les eaux du lac LĂ©man, ce qui a conduit les autoritĂ©s Ă engager un programme de remĂ©diation des Ă©missions de phosphore d'origine urbaine (prĂšs d'un million de riverains et 500 000 touristes) basĂ© sur l'interdiction des lessives phosphatĂ©es (Suisse 1986, France 2007) et l'Ă©quipement de dĂ©phosphatation des stations d'Ă©puration. Quarante ans aprĂšs, le taux est passĂ© de 80-90 microgrammes/L Ă 20 ”g/L. La CIPEL s'est fixĂ© un objectif Ă 10â15 ”g/L en 2020[40].
Des améliorations récentes trÚs nettes ont aussi été constatées sur le lac du Bourget qui a fait également l'objet d'un plan de restauration, qui a permis l'amélioration de la qualité des eaux et le retour d'une espÚce emblématique du lac, le lavaret[41].
Cas de la mer Baltique
Lâenvironnement de la mer Baltique est unique et fragile, les activitĂ©s humaines exercĂ©es ont ultĂ©rieurement influencĂ© la vie des espĂšces marines, la population des pays qui entourent lâocĂ©an sont maintenant concernĂ©s par son Ă©tat environnemental ; par consĂ©quent, les pays du Baltique ont fini par s'unir en crĂ©ant la « convention pour la protection de la mer Baltique » dite « Convention d'Helsinki »[42].
Sources de nutriments causant l'eutrophisation
Les nutriments accÚdent la mer Baltique a travers les riviÚres, un lien de décharge direct de sources.
situés tout au long de ligne cÎtiÚre mais aussi via la déposition atmosphérique[42].
Processus
L'eutrophisation peut se décomposer en plusieurs étapes :
- Des nutriments phosphorés et azotés, notamment des orthophosphates et nitrate, sont déversés en grande quantité dans le milieu aquatique ;
- Les eaux ainsi enrichies permettent la multiplication rapide d'espÚces aquatiques (efflorescence algale, ou bloom), en particulier la prolifération d'algue ou de Cyanobactéries[43]. Ces espÚces sont difficilement éliminées par les organismes présents dans l'écosystÚme[44]. Elles vont donc se minéraliser et tomber au fond du milieu aquatique ;
- La dĂ©composition de la matiĂšre organique morte favorise la croissance des bactĂ©ries hĂ©tĂ©rotrophes qui consomment de l'oxygĂšne dissous. Le dioxygĂšne Ă©tant trĂšs limitĂ© dans l'eau (environ 30 fois moins que dans le mĂȘme volume d'air), celui-ci est rapidement Ă©puisĂ©. Le dĂ©veloppement Ă©ventuel de plantes flottantes â telles les lentilles d'eau (Lemna sp.), empĂȘche le passage de la lumiĂšre et donc l'effet naturellement dĂ©sinfectant des UV solaires, ainsi que la production photosynthĂ©tique d'oxygĂšne dans les couches d'eau infĂ©rieures, tout en gĂȘnant les Ă©changes gazeux avec l'atmosphĂšre. La consommation d'O2 devient supĂ©rieure Ă la production d'O2 ;
- Le milieu devient alors facilement hypoxique puis anoxique, favorable à l'apparition de composés réducteurs et de gaz délétÚres (thiols, méthane) ;
- Des synergies aggravantes sont frĂ©quentes avec l'acidification des ocĂ©ans, l'acidification des sols et le phĂ©nomĂšne dit de pluies acides notamment observĂ©e dans les landes et en ForĂȘt[45]. L'acidification, comme l'eutrophisation touche Ă la fois des milieux terrestres et aquatiques, parfois Ă longue distance via des apports aĂ©roportĂ©s d'eutrophisants qui contribuent Ă des phĂ©nomĂšnes d'eutrophisation transfrontaliers[46], via les prĂ©cipitations notamment (cf Galloway, J. N., & Cowling, E. B. (1978). The effects of precipitation on aquatic and terrestrial ecosystems: a proposed precipitation chemistry network. Journal of the Air Pollution Control Association, 28(3), 229-235.)
Les oiseaux d'eau via leurs fientes et en raison de densitĂ© de population pouvant ĂȘtre trĂšs Ă©levĂ©es sur les points migratoires et les zones de nidifications contribuent (via leur alimentation Ă la dispersion de leurs fientes) Ă transporter des nutriments d'un point Ă un autre, avec des effets tantĂŽt localement rĂ©ducteurs ou tantĂŽt aggravants de l'eutrophisation[47].
Il peut rĂ©sulter des processus listĂ©s ci-dessus la mort d'organismes aquatiques aĂ©robies â insectes, crustacĂ©s, poissons, mais aussi vĂ©gĂ©taux â, dont la dĂ©composition, consommatrice d'oxygĂšne, amplifie alors le dĂ©sĂ©quilibre et entretient un cercle vicieux (Zone morte).
Effets
Les effets d'un enrichissement en nutriments sont plus ou moins visibles et graves selon le milieu qu'elle affecte. Une partie de ces effets est rĂ©versible, et une autre dĂ©finitive (c'est par exemple le cas pour le processus d'accĂ©lĂ©ration de la transformation des zones humides ou lacs peu profonds en marais, puis en prairie ou en mĂ©gaphorbiaies et finalement en forĂȘt. Le comblement d'une mare ou d'un marais peut ĂȘtre fortement accĂ©lĂ©rĂ© par l'apport de nutriments « artificiels », avec d'autres facteurs connexes Ă l'occupation humaine Ă prendre en compte, dont la prĂ©sence d'arbres au-dessus de l'eau (source de feuilles mortes) ou l'absence du spectre faunistiques naturel de l'eau et des berges qui se nourrissait dans l'eau tout en exportant les nutriments (par exemple, amphibiens, canards ou Ă©lan mangeant des algues, des invertĂ©brĂ©s et des plantes aquatiques, par dizaines de kilogrammes par jour dans le cas de l'Ă©lan). L'atterrissement d'une petite mare en sous-bois peut se faire en quelques dĂ©cennies, alors que les lacs naturels se comblent eux en dizaines de milliers voire en millions d'annĂ©es). La disparition d'une espĂšce si elle concerne toute son aire de rĂ©partition est Ă©galement irrĂ©versible.
Les inconvénients principaux de l'eutrophisation sont la diminution de la biodiversité et de la qualité de l'eau en tant que ressource.
Elle a aussi indirectement des effets négatifs sur le tourisme (à la suite de la perte de transparence de l'eau, du développement d'algues filamenteuses et de blooms planctoniques dans l'eau, et d'une flore banale et peu diversifiée sur terre, avec souvent l'apparition d'odeurs putrides et de phénomÚnes d'envasement, qui sont quelques-uns des indices visibles de problÚmes trophiques :
- augmentation du volume de microalgues et d'algues fixées ou en suspension[48] ;
- augmentation de la biomasse du zooplancton gélatineux ;
- dégradation des qualités organoleptiques de l'eau (aspect, couleur, odeur, saveur) ;
- envasement plus rapide et apparition de vase putride, sombre et malodorante source de méthane ;
- développement de phytoplancton ou bactéries cyanophycées éventuellement toxique ;
- développement de pathogÚnes par diminution de la pénétration des UV solaires (qui ont un pouvoir désinfectant) ;
- diminution d'indice biotique ;
- diminution de la biodiversité (animale, fongique et végétale) sur terre, et de la biodiversité marine en mer [49] ;
- diminution du rendement de la pĂȘche (quoique l'effet puisse ĂȘtre contraire).
Parfois les algues peuvent boucher les prises d'eau, les filtres, entraver le fonctionnement d'Ă©cluses voire du moteur de petits bateaux pour les algues filamenteuses.
Coûts économiques
Outre le gaspillage financier dĂ» au lessivage des engrais chimiques par les pluies et le ruissellement ou Ă l'Ă©vaporation d'une partie des nitrates dans l'air.
Ă titre d'exemple :
- une Ă©valuation a portĂ© Ă 2,2 milliards de dollars (1,75 milliard dâeuros) le coĂ»t annuel de lâeutrophisation par lâazote et le phosphore aux Ătats-Unis, ceci pour les seules eaux douces et hors coĂ»ts induits par la dĂ©gradation des ressources halieutiques et zones mortes liĂ©e aux blooms planctoniques et pullulations dâalgues, qui nâont pu ĂȘtre chiffrĂ©s. En 2007 dans ce pays, 90 % des riviĂšres dĂ©passaient pour leur taux dâazote et de phosphore les seuils de lâEPA et toutes les Ă©corĂ©gions Ă©taient touchĂ©es. Les valeurs-seuil ont Ă©tĂ© dĂ©passĂ©es en 2007 dans 12 des 14 Ă©corĂ©gions. Les coĂ»ts pris en compte sont ceux des pertes dâusages rĂ©crĂ©atif et de valeur immobiliĂšre des berges de lacs et eaux eutrophes, ainsi que les coĂ»ts dâĂ©puration, de gestion et restauration des milieux et des coĂ»ts liĂ©s la perte de biodiversitĂ©[50]) ;
- une autre Ă©tude, conduite par 200 experts, issus de 21 pays d'Europe, a chiffrĂ© le coĂ»t des effets de la pollution azotĂ©e sur l'air, les sols et les Ă©cosystĂšmes, et la santĂ© environnementale en Europe Ă 70 Ă 320 milliards dâeuros par an ; soit entre 150 et 735 euros par personne et par an ; c'est plus que le double du bĂ©nĂ©fice estimĂ© apportĂ© Ă l'agriculture[51]. Selon les auteurs, « rĂ©duire notre consommation de protĂ©ines animales -qui dĂ©passe de 70 % les recommandations nutritionnelles- aurait un impact significatif. 80 % de l'azote utilisĂ© en agriculture sert en effet Ă produire de la nourriture pour l'Ă©levage » et moins se dĂ©placer en vĂ©hicule polluant, et changer les pratiques agricoles permettrait d'importants progrĂšs.
Conséquences sur les maladies
De par ses nombreux effets sur les milieux aquatiques, l'eutrophisation peut affecter la santé (aussi bien chez l'homme que chez d'autres organismes). Il nous faut ici distinguer les conséquences de l'eutrophisation sur les maladies non transmissibles de ses effets sur les maladies infectieuses et parasitaires.
Le manque d'oxygÚne et la présence de composés toxiques lors d'efflorescences algales peuvent causer la mort de nombreuses espÚces dans la chaßne alimentaire. L'accumulation et la biomagnification de composés potentiellement nocifs peut alors atteindre l'homme lors de la consommation de poissons et de fruits de mer ou lors de l'ingestion d'eau non potable. Ceci peut causer une intoxication (symptÎmes : convulsion, ptyalisme, etc.) et s'accompagner de séquelles neurologiques, voire entrainer la mort (un cas sur deux pour l'ingestion de cyanotoxines)[52].
Les conséquences de l'eutrophisation sur les maladies infectieuses sont encore mal connues à cause d'un manque de travaux scientifiques mais surtout de par la complexité des mécanismes sous-jacents aux épidémies[53]. Pour de faibles apports en nutriments, l'eutrophisation favorise la production primaire. Ceci peut notamment induire l'expression de facteurs de virulence par des pathogÚnes opportunistes et favoriser leur transmission. Ce phénomÚne a été notamment associé avec l'émergence de maladies fongiques chez les coraux[54]. L'augmentation de la production primaire favorise les populations d'herbivores, ce qui a pour conséquences directes d'augmenter leur densité et de favoriser la transmission de leurs parasites. Les parasites à cycle de vie complexe qui utilisent ces organismes pour se reproduire sont alors particuliÚrement abondants. C'est le cas de plusieurs trématodes qui se reproduisent asexuellement dans les mollusques aquatiques. Trois mécanismes majeurs ont été avancés pour expliquer les effets positifs de l'eutrophisation sur leur transmission[55] :
- la forte densité d'hÎtes facilite la transmission du parasite ;
- l'abondance des ressources pour l'hÎte lui permet de mieux tolérer les infections, ce qui allonge la durée de l'infection et revient à augmenter le nombre de parasites produits par infection ;
- l'augmentation de la productivité dans le milieu attire les hÎtes définitifs de ces parasites tels que des poissons, des oiseaux et des mammifÚres, ce qui leur permet de boucler leur cycle de vie.
Ces mécanismes ont été avancés pour expliquer l'augmentation des cas de malformations développementales (causées par des trématodes) chez les amphibiens[56] et de dermatites cercariennes[57].
Lorsque l'apport en nutriments est extrĂȘme, l'eutrophisation cause un stress gĂ©nĂ©ral dans l'Ă©cosystĂšme qui induit la disparition de plusieurs espĂšces d'hĂŽtes et de leurs parasites. Ceci est supposĂ© rĂ©duire la richesse spĂ©cifique de parasites dans les Ă©cosystĂšmes, favorisant les espĂšces Ă cycle de vie court avec le moins d'hĂŽtes possible et les espĂšces gĂ©nĂ©ralistes, capables d'infecter une multitude d'espĂšces hĂŽtes[53].
Cependant, il est important de mentionner que les effets de l'eutrophisation peuvent varier d'une espĂšce de parasite Ă l'autre, avec parfois des effets nĂ©gatifs sur la transmission, mĂȘme pour de faibles niveaux d'apports en nutriments[53]. Plus gĂ©nĂ©ralement, les consĂ©quences de l'eutrophisation sur les maladies parasitaires restent mal compris[55] - [53].
RemÚdes (déseutrophisation)
Les symptÎmes de l'eutrophisation révÚlent que l'apport en un ou plusieurs nutriments atteint ou dépasse la capacité immédiate des plantes et de l'écosystÚme à les absorber. Autrement dit : la limite des capacités auto-épuratrices des milieux aquatiques ou du sol et de l'écosystÚme qu'il supportent sont atteintes (momentanément ou de maniÚre chronique).
Divers moyens de lutte et d'atténuation (« déseutrophisation »[58]) sont nécessaires et existent, d'abord testés pour les lacs, dont en France[59] - [60] ; ils consistent par exemple[26] - [61] à :
- supprimer l'utilisation excessive d'eutrophisants en amont du bassin versant, notamment en utilisant des engrais verts (légumineuses en particulier[62]), ce qui ne rÚgle cependant pas le problÚme des apports aéroportés d'azote issu d'épandages distants), tout en veillant aux respect des équilibres NPK et du rapport C/N ;
- mettre en place des cultures intermédiaires piÚges à nitrates (CIPAN) ;
- diminuer l'utilisation de pesticides et leur arrivée dans les cours d'eau, car en tuant de nombreux organismes, ou en limitant la flore supérieure, ils peuvent contribuer à aggraver l'eutrophisation ou à l'induire ;
- utiliser plus rationnellement les engrais en agriculture (analyser la valeur agronomique des sols et privilégier les engrais naturels) et utiliser moins d'engrais rapidement solubles dans l'eau. Ce sont deux actions qu'encouragent en France le programme Ferti-Mieux et le projet agro-écologique pour la France, tous deux initiés par le ministÚre chargé de l'Agriculture, respectivement en 1991 et 2012. C'est aussi le cas de certaines mesures agrienvironnementales en Europe.
- aménager des bassins versants en y reconstituant des réseaux de bocage, talus, haies, et bandes enherbées, suffisants en taille et cohérents avec le relief et la pédologie ; le ruissellement des eaux pluviales peut favoriser l'entrainement de nutriments comme le phosphore qui seront mieux retenus si les capacités d'infiltration du sol et sa teneur en complexes argilohumiques sont restaurées ;
- protéger et restaurer des zones-tampons (idéalement combinant une ripisylve et des bandes enherbées) entre les champs et les cours d'eau[63] ; créer des zones tampons humides artificielles permettant de collecter et de dépolluer (diminution du taux d'engrais et pesticides de 10 à 75 %) les eaux de ruissellement issues des parcelles agricoles drainées avant leur retour dans le milieu naturel[64] ;
- remplacer partout les phosphates des lessives par des agents anti-calcaires sans impact sur l'environnement, tels les zéolites ;
- mieux Ă©liminer l'azote et le phosphore dans des stations d'Ă©puration (qui peuvent ĂȘtre Ă©quipĂ©es de procĂ©dĂ©s de dĂ©nitrification et de dĂ©phosphatation[65]) et de lagunage tertiaire ou fonctionner sur le principe du lagunage naturel. Le phosphore des boues d'Ă©puration et des lisiers d'Ă©levage peut ĂȘtre recyclĂ© par de nouveaux procĂ©dĂ©s issus de la recherche[66] ;
- des systĂšmes de rĂ©oxygĂ©nation de l'hypolimnion et de « dĂ©stratification »[67] de la masse d'eau retenue par les barrages artificiels (ou de sous-tirage) peuvent aussi ĂȘtre mis en place et modĂ©lisĂ©s[68] ;
- limiter la pollution azotée non agricole, dont les NOx issus des chauffages et chaudiÚres industrielles, et de la pollution automobile et routiÚre ;
- utiliser des indicateurs de déseutrophisation. On cherche à mettre au point un test efficace de « déphosphatation biologique », par exemple basé sur les Acides gras volatils ou « AGV »[69] ;
- planifier à large échelle la lutte contre les blooms d'algues vertes et les marées vertes et contre le « transfert diffus du phosphore dans les bassins agricoles »[70].
Les traitements algicides ne sont pas une solution, et certains traitements Ă base de carbonate de calcium sous forme de craie pulvĂ©risĂ©e ou de sable corallien sont discutĂ©s ou controversĂ©s[71] - [72] - [73] car s'ils suppriment (trĂšs provisoirement) le « symptĂŽme », ils relarguent dans le milieu une grande partie des nutriments contenus par les algues, ou facilitent l'Ă©vacuation de la vase vers l'aval, mais en dĂ©plaçant alors le problĂšme vers l'aval, ce dĂ©placement pouvant en outre ĂȘtre freinĂ© par les plantes aquatiques.
De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, il faut d'abord bien connaĂźtre le fonctionnement des cycles biogĂ©ochimiques dans les Ă©cosystĂšmes concernĂ©s, et donc le fonctionnement et l'Ă©tat du rĂ©seau trophique ainsi que la rĂ©manence (stock du sol[15] et stock sĂ©dimentaire dont le rĂŽle ne doit pas ĂȘtre sous-estimĂ©[74] - [75] - [76]) et l'importance des sources de nutriments (dont sources cachĂ©es ou discrĂštes telles que les apports d'azote via les eaux mĂ©tĂ©oritiques, ou les apports d'azote et de phosphore via fuites d'Ă©gouts, le drainage de zone dystrophes, des Ă©pandages illĂ©gaux ou non dĂ©clarĂ©s, etc.), que l'on commence Ă savoir modĂ©liser[77].
Prospective
L'azote met jusqu'à plusieurs décennies pour percoler du sol aux nappes phréatiques, et il peut remonter par capillarité avec l'eau ou diffuser horizontalement dans les nappes, sur des centaines de kilomÚtres.
La dénitrification et le cycle de l'azote seront influencés par la productivité végétale, par les changements de température de l'air de l'eau et du sol et par de probables changements dans les précipitations (force et distribution)[78].
Les teneurs du sol en matiĂšre organique et les taux atmosphĂ©riques de dioxyde de carbone auront aussi une incidence sur la persistance ou le lessivage des nitrates agricoles, via les modes de travail du sol (agriculture sans labour ou avec labour, avec ou sans bandes enherbĂ©es ou zones-tampons). Les modifications pĂ©dologiques (y compris via les populations de vers de terre par exemple affectĂ©es par les pesticides ou mĂ©taux lourds). Nombre de ces facteurs seront contrĂŽlĂ©s en partie par un probable dĂ©rĂšglement climatique[78] qui aura indirectement un impact sur la dĂ©nitrification des sols. La production urbaine d'Ă©missions azotĂ©es pourrait aussi augmenter (transport, chauffage). Certains scĂ©narios tendanciels prĂ©voient une augmentation du lessivage des nitrates avec des consĂ©quences allant d'une augmentation limitĂ©e Ă un doublement possible des taux de nitrates dans les aquifĂšres en 2100. Ces changements peuvent ĂȘtre en partie masquĂ©s par des rĂ©ductions de nitrate permises par des amĂ©liorations des pratiques agricoles[78].
Ă l'issue de l'expertise scientifique collective sur l'eutrophisation menĂ©e de 2015 Ă 2017, les chercheurs prĂ©conisent la mise en Ćuvre de travaux de recherche trĂšs intĂ©grateurs, Ă l'Ă©chelle des territoires, prenant en compte les hydrosystĂšmes, les espaces urbains et agricoles, les modes de production, d'alimentation et de recyclage, mais aussi une rĂ©flexion Ă partir des donnĂ©es issues des Ă©tudes scientifiques et des rĂ©seaux de suivi pour dĂ©gager les espaces Ă risque de demain[39].
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Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Ressources sur l'eutrophisation : publications, vidéos, retours d'expérience - Thématique eutrophisation sur le site Veille Eau
- Lac en danger
- (en) page d'accueil atlas paneuropéen sur les eutrophisants (en anglais)
- (en) Carte mondiale des 400 Dead zones causées par l'asphyxie d'écosystÚmes cÎtiers hyper-eutrophisés, tirée de Robert J. Diaz, Rutger Rosenberg, « Spreading Dead Zones and Consequences for Marine Ecosystems », Science, 15 août 2008, Vol. 321, N° 5891, p. 926-929
- Colloque de restitution Expertise scientifique collective Eutrophisation, 19 septembre 2017, sur le site du CNRS
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