Nitrate
L'ion nitrate est l'ion polyatomique de formule chimique NO3â.
En chimie, un nitrate est un composé associant cet anion à un ou plusieurs cations. Autrement dit, c'est un sel (nitrate de sodium, nitrate de potassium, etc.) ou un ester (nitrate d'éthyle, nitrate d'amyle, nitrate de cellulose, etc.) de l'acide nitrique.
En minĂ©ralogie, les nitrates sont des minĂ©raux dont la composition chimique est celle d'un nitrate (nitronatrite, gwihabaĂŻte, etc.). Ils Ă©taient autrefois appelĂ©s nitre ou salpĂȘtre.
Les nitrates sont indispensables aux écosystÚmes, en étant un nutriment de premiÚre importance pour la croissance des végétaux et autres organismes autotrophes, car l'azote (N) est assimilé par ces organismes principalement par sa forme d'ion nitrate, loin devant l'ion ammonium dans la nature. Cet azote minéral leur permet de construire une partie de la matiÚre organique constitutive des tissus vivants (acides aminés des protéines, bases azotées des nucléotides, chlorophylle, etc). Les animaux quant à eux, qui sont des organismes hétérotrophes, n'ont pas besoin de consommer directement l'azote minéral comme le nitrate, car ils utilisent l'azote déjà inclus dans les molécules organiques des végétaux ou animaux qu'ils consomment (dans les protéines principalement).
Les plantes trouvent les nitrates dont elles ont besoin dissous dans l'eau qu'elles absorbent. Il est issu préalablement, pour une partie, de la transformation du diazote et du dioxygÚne atmosphériques par des bactéries fixatrices d'azote et des bactéries nitrifiantes présentes dans le sol (voir nitrification), et pour une autre partie de la décomposition (minéralisation) de la matiÚre organique provenant de toutes matiÚres mortes des organismes vivants, des excréments et urines d'animaux (voir le cycle de l'azote). Des nitrates sont aussi produit naturellement dans l'atmosphÚre à partir du dioxygÚne et du diazote dissociés et recombinés par la foudre et plusieurs réactions successives, puis tombent avec la pluie.
L'usage des nitrates a une grande importance pour l'agriculture, oĂč ils sont un des principaux nutriments prĂ©sents dans les engrais ou issus de la dĂ©composition de ceux-ci dans la terre, qu'ils soient d'origine animale (fumier, lisier, boue d'Ă©puration), vĂ©gĂ©tale (engrais verts) ou provenant de l'industrie chimique. L'utilisation de plantes fabacĂ©es (ou lĂ©gumineuses), telles que luzerne, trĂšfle, haricot ou soja en rotation des cultures permet d'obtenir un apport en nitrates Ă partir du diazote atmosphĂ©rique, car ces plantes ont une relation symbiotique avec des bactĂ©ries fixatrices d'azote dans leurs racines. L'utilisation massive d'engrais de synthĂšse azotĂ©s Ă commencĂ© aprĂšs la fin de la seconde guerre mondiale.
Cependant la prĂ©sence de nitrates en trop grande quantitĂ© dans l'eau et le sol est considĂ©rĂ©e comme une pollution. Celle-ci peut ĂȘtre d'origine agricole (engrais), urbaine (insuffisance des rĂ©seaux d'assainissement) ou industrielle. Les nutriments en excĂšs, en premier lieu les nitrates et les phosphates, sont notamment la cause d'importants dĂ©sĂ©quilibres Ă©cologiques appelĂ©s eutrophisation. Les nitrates prĂ©sents dans l'eau Ă un seuil Ă©levĂ© peuvent aussi avoir une toxicitĂ© pour certains animaux, et peut-ĂȘtre pour l'homme (controversĂ©). Ils peuvent aussi servir d'indicateur d'une potentielle contamination organique et microbiologique de l'eau de consommation.
Dans l'Union europĂ©enne, la directive nitrates vise Ă rĂ©duire cette pollution. Dans de nombreux pays, les eaux destinĂ©es Ă la consommation humaine doivent respecter des valeurs limites (par exemple 50 mg/L en France et en Europe) pour ĂȘtre qualifiĂ©es de potables. L'OMS recommande Ă©galement de ne pas dĂ©passer ce seuil de 50 mg/L[2].
Certains de leurs effets directs sur la santé humaine ou d'autres mammifÚres sont encore discutés et font l'objet de polémiques médiatiques et de débats scientifiques.
Les nitrates, qui sont des sels de l'acide nitrique, ne doivent pas ĂȘtre confondus avec les nitrites NO2â qui sont des sels de l'acide nitreux, et peuvent rĂ©sulter de la rĂ©duction des nitrates par des bactĂ©ries spĂ©cifiques.
Caractérisation et grandeurs
On parle gĂ©nĂ©ralement de teneurs en « ion nitrate » (NO3â) ou de teneurs en « composĂ©s du nitrate » et il est parfois considĂ©rĂ© au sein d'une mesure plus large : l'« azote total ».
Ces grandeurs peuvent ĂȘtre exprimĂ©es sous diffĂ©rentes formes (NO3âN, NO3âŠ), avec alors un risque de confusion ou de biais d'interprĂ©tation induite par des masses molĂ©culaires diffĂ©rentes.
Pour convertir les Ă©lĂ©ments en oxyde, par exemple pour passer de lâazote (N) au nitrate (NO3â), il est possible de se baser sur la formule :
- N (ou N-NO3) Ă 4,427 = NO3 (oĂč l'expression « N-NO3 » [ou « NO3-N »] signifie l'Ă©lĂ©ment azote N des nitrates NO3[3]).
Teneurs naturelles
Les nitrates étant trÚs solubles dans l'eau, il est normal d'en trouver en quantités modérées partout, dans les eaux douces et marines, en surface et dans les nappes. à faible dose, ils sont un nutriment de la plus grande importance pour les plantes, algues et certaines bactéries photosynthétiques (cyanophycées), l'une des sources minérales qui leur permet de produire de la matiÚre organique. L'ion nitrate est donc indispensable dans les écosystÚmes.
Mais aujourd'hui, du fait de l'apport important de quantitĂ©s supplĂ©mentaires de nitrates par lâagriculture et par les rejets urbains ou industriels, les milieux naturellement pauvres en nitrates, auxquels la plupart des Ă©cosystĂšmes sont adaptĂ©s, se rĂ©duisent considĂ©rablement. MĂȘme en tenant compte des phĂ©nomĂšnes naturels de dĂ©nitrification, les eaux Ă basse teneur en nitrates sont de plus en plus rares, en raison d'un apport par le ruissellement, par les retombĂ©es d'eaux mĂ©tĂ©oritiques polluĂ©es par les nitrates, et parfois par des alimentations par la nappe (dont en France le taux de nitrate augmente rĂ©guliĂšrement depuis le milieu du XXe siĂšcle[4]).
La teneur naturelle des eaux de surface non-polluĂ©es par un excĂšs de nitrates varie selon la zone biogĂ©ographique, l'origine de l'eau (ruissellement, remontĂ©e de nappeâŠ), et selon la saison (et la mĂ©tĂ©orologie). Cette teneur varie de 1 Ă 10 mg/L, et monte parfois Ă 15 mg/L[5]. En France, avant les annĂ©es 1950, le taux de nitrates n'excĂ©dait que rarement 1 mg/l. Aujourd'hui en AmĂ©rique du Nord il ne dĂ©passe gĂ©nĂ©ralement pas 2,2 mg/l dans l'Hudson (soit 0,5 mg/l pour le NO3âN, c'est-Ă -dire d'azote pur), mais cela serait suffisant pour gĂ©nĂ©rer des blooms planctoniques si l'eau n'Ă©tait pas aussi turbide. L'eau de l'Hudson est considĂ©rĂ© en AmĂ©rique du Nord comme une eau de fleuve plus de deux fois trop riche en azote, et responsable de problĂšmes d'eutrophisation marine en aval de son estuaire[6]. De plus, certaines pluies contiennent des nitrates rĂ©sultant de l'action de l'ozone troposphĂ©rique sur le NO2, un autre rejet anthropique ; des mesures nord-amĂ©ricaines donnent des teneurs atteignant parfois 4 mg/l de N-NO3[6], avec des variations d'origine mĂ©tĂ©orologique : le taux de N-NO3 dans les faibles pluies varie de 3,0 Ă 4,0 mg/l, alors que dans les fortes pluies, il est bien plus diluĂ© (0,4 Ă 1,0 mg/l)[6].
Utilisations
Il est principalement utilisé sous trois formes :
- Le nitrate de potassium (autrefois appelĂ© salpĂȘtre). Il est principalement utilisĂ© pour les engrais (apport des Ă©lĂ©ments potassium et azote), les moteurs de fusĂ©es et les feux d'artifice. Il Ă©tait utilisĂ© dans la fabrication de poudre noire ;
- Le nitrate de sodium, autrefois appelĂ© salpĂȘtre du Chili pour le distinguer du nitrate de potassium. Il est utilisĂ© dans la production d'engrais, pour la pyrotechnie, les bombes Ă fumĂ©e, le verre et les Ă©maux, etc. ;
- Le nitrate d'ammonium. Il entre dans la composition d'engrais simples (principalement les ammonitrates) ou composĂ©s (connus sous la dĂ©nomination d'engrais NP, NK ou NPK). MĂ©langĂ© Ă un rĂ©ducteur comme le fioul, il constitue l'explosif ANFO[7]. Ce composĂ© est stable ; il doit par exemple ĂȘtre amorcĂ© ou ĂȘtre mĂ©langĂ© Ă un autre corps pour exploser. C'est par exemple ce qui s'est passĂ© lors de l'accident d'AZF Ă Toulouse en 2001 ou lors de la double explosion au port de Beyrouth en 2020.
Propriétés chimiques
L'ion nitrate est un oxydant assez fort, surtout en milieu acide ; c'est la forme de l'azote ayant le nombre d'oxydation le plus Ă©levĂ© (V). Il oxyde par exemple des mĂ©taux comme le cuivre et mĂȘme l'argent qui ne sont pas attaquĂ©s par les acides dits « non-oxydants », par exemple l'acide chlorhydrique.
Le couple redox mis en jeu est souvent NO3â/NO, plus rarement le couple NO3â/NO2â.
L'ion nitrate est Ă©galement impliquĂ© dans la nitration des composĂ©s organiques. En milieu acide nitrique fumant (acide trĂšs concentrĂ©), l'ion nitrate se dĂ©shydrate en ion NO2+ capable de rĂ©agir avec les noyaux aromatiques. La substitution Ă©lectrophile aromatique qui en rĂ©sulte produit des substances qui peuvent ĂȘtre explosives comme le trinitrotoluĂšne.
Avec les alcools, il réagit pour donner des esters nitriques. C'est le cas avec le glycérol, ce qui conduit à la trinitroglycérine, un explosif puissant trÚs utilisé, en particulier pour préparer la dynamite.
Propriétés biologiques
L'azote est un Ă©lĂ©ment vital pour la plupart des organismes, Ă©tant un des constituants de base de la matiĂšre vivante avec le carbone, l'hydrogĂšne et l'oxygĂšne. Mais, Ă l'inverse de ces trois Ă©lĂ©ments, la plupart des ĂȘtres vivants ne peuvent pas le capter directement dans l'air. Les animaux l'assimillent grĂące Ă leur alimentation. Les plantes, elles, l'assimillent sous forme de nitrate. Celui-ci est trĂšs soluble dans l'eau et alors « biodisponible » pour les racines.
Les nitrates sont en outre des sels qui en tant que tels facilitent ou « forcent » l'entrée d'eau dans les racines et dans la plante (rééquilibrage osmotique).
Les nitrates dans l'atmosphĂšre
Le cycle de l'azote est en partie atmosphérique. Des nitrates se forment dans la stratosphÚre et la troposphÚre[8] à partir du NO2 et d'ozone. Ils peuvent ensuite se combiner avec du NO2 pour produire du NO5 ou encore interagir avec les brouillards⊠selon des processus encore mal compris (il semble exister un puits de nitrates dans l'atmosphÚre, c'est-à -dire une réaction qui fait disparaßtre les nitrates de l'air[9] - [10]).
Les NOx participent d'ailleurs à la pollution photochimique, l'ion nitrate dans l'air peut se combiner à des composés organiques[11] et les nitrates exposés aux UV solaires sont photosensibles, ce qui explique une variation jour/nuit du taux de nitrates dans l'environnement[10] et une chimie des nitrates différente la nuit que le jour[12], notamment au-dessus de la mer[13].
Fixation des nitrates dans le sol par les Ă©cosystĂšmes
Il existe différents systÚmes symbiotiques permettant les échanges et transformation des nutriments entre le sol, l'air, les plantes avec ces éléments ou entre elles. Les échanges d'azote absorbé dans l'air et la terre est restitué transformé à la terre par différentes associations entre plantes et bactéries. La mycorhize est une association mycélium (dont le champignon est une partie visible servant à la reproduction) et racines des plantes. Le lichen est une association entre mycobionte (champignon hétérotrophe) et photobionte (photoautotrophes, possédant de la chlorophylle). Parmi les lichens, les cyanolichens, apportent de l'azote de l'air et de la terre dans les écosystÚmes[14].
Fixation par les fabacées
Les fabacées, également appelées légumineuses, sont des plantes qui captent l'azote de l'air et du sol et l'oxydent en nitrates, en symbiose avec une bactérie du genre Rhizobium. Elles relùchent ensuite ces nitrates dans le sol, directement par décomposition de leurs résidus racinaires et indirectement par les déjections des animaux nourris avec ces plantes fourragÚres. Des légumineuses fourragÚres telles que le trÚfle ou la luzerne étaient utilisées jusqu'à la Seconde Guerre mondiale en Europe et sur le pourtour méditerranéen dans les cultures en rotation, céréale-légumineuse. Ce systÚme a été concurrencé à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale en Europe par l'apport de nitrate issus de l'industrie chimique. La suppression des rotations a eu pour effet de réduire la qualité des sols et de rendre la production agricole dépendante de ces nitrates de synthÚse. Il est aujourd'hui démontré qu'il est possible d'obtenir des rendements équivalents en protéines dans un systÚme cultural avec des rotations de légumineuses. Cela est considéré comme un enjeu important du XXIe siÚcle[15] - [16]
La FAO a proclamĂ© lâannĂ©e 2016 comme lâannĂ©e internationale des lĂ©gumineuses en utilisant le slogan « des graines pour nourrir le monde ». Celles-ci permettent de nourrir l'ensemble de l'humanitĂ© tout en amĂ©liorant le systĂšme de production agricole grĂące aux cultures par rotation[17] - [18]. Les bactĂ©ries du genre Rhizobium permettent de rĂ©aliser une symbiose bactĂ©rie-racine et de fixer dans la terre l'azote absorbĂ© par les lĂ©gumineuses dans l'air. L'apparition de nodositĂ©s, provenant des poils absorbants attaquĂ©s par la bactĂ©rie, sur la racine, indiquent que le processus de fixation symbiotique est commencĂ©. Les capacitĂ©s de fixation varient d'une lĂ©gumineuse Ă l'autre allant de 60 Ă 115 kg/ha et par an pour le soja, jusqu'Ă 130â250 kg/ha et par an pour la luzerne. L'association bactĂ©rie-lĂ©gumineuse permet Ă©galement de transformer une partie des nitrates disponibles dans le sol selon les besoins. La lĂ©gumineuse joue enfin un rĂŽle tampon, capable d'absorber le nitrate ou d'en restituer davantage selon les conditions. Certaines sources de stress (climat, attaque des nodositĂ©s par sitone ou pourriture, ou bien des pratiques de sur-fertilisation ou sur-pĂąturage) peuvent par contre rĂ©duire lâefficacitĂ© de ces Ă©changes[18].
Les plantes travaillant pour cela avec la bactérie Rhizobium sont appelées rhizobiennes.
Le robinier faux-acacia (Robinia pseudoacacia), arbre de la famille des fabacées a été utilisé pour sa grande capacité à fixer l'azote, mais, originaire d'Amérique du Nord, il est aujourd'hui considéré comme une variété envahissante, en Europe, dont il est quasiment impossible de se débarrasser en raison de ses rejets et de sa résistance, mettant en danger les espÚces locales[19].
- nodosités sur des racines de luzerne cultivée
- nodosités sur des racines de féverolles
- Nodosités sur des racines de soja
Fixation par les angiospermes
Il n'y a pas que les fabacĂ©es, des plantes rhizobiennes qui peuvent fixer l'azote lors d'une symbiose avec une bactĂ©rie. Les plantes angiospermes, dites actinorhiziennes, le font pour leur part avec les bactĂ©ries du genre Frankia. Ce sont les aulnes, ainsi que certaines ericacĂ©es, myricacĂ©es et Ă©laeagnacĂ©es. Elles expriment mieux cette symbiose que les fabacĂ©es dans les sols acides. Les racines de Myrica gale (piment royal) poussant dans les sols acides et mouilleux (tourbiĂšres, bas-maraisâŠ) hĂ©bergent des actinobactĂ©ries fixatrices d'azote.
La bactérie Agrobacterium tumefaciens est également fixatrice d'azote[20]. Elle peut crée des nodosités sur le pacanier (Carya illinoensis), ce qui a longtemps été pris pour un parasitage, que l'on a appelé galle du collet.
Fixation par les cyanolichens
Les cyanolichens sont des lichens capables de transformer l'azote provenant de lâatmosphĂšre (NHâ+) en le convertissant en acides aminĂ©s et NOââ (nitrate), ou bien depuis le Nâ atmosphĂ©rique. Le substrat est une source secondaire d'azote organique, notamment via les excrĂ©ments dâoiseaux (en les appelle des lichens ornithocoprophiles)[14].
Pollution de l'eau par les nitrates
Nitrates et eutrophisations
Un dĂ©bat scientifique fait rage entre deux grandes thĂ©ories sur l'eutrophisation : les uns accusant les nitrates, presque exclusivement d'origine agricole, les autres accusant les phosphates, d'origine industrielle, domestique (lessive et dĂ©tergent) et agricole (surfertilisation et Ă©rosion des sols). La mesure la plus adaptĂ©e Ă une lutte contre l'apparition ou le dĂ©veloppement des phĂ©nomĂšnes d'eutrophisation des eaux douces stagnantes consiste Ă rĂ©duire autant que possible les apports phosphorĂ©s. En mer, et dans les baies, les apports en nitrates doivent Ă©galement faire l'objet d'une rĂ©duction. Comme cela a Ă©tĂ© bien montrĂ© dans les lacs[21] (le lac de Valencia par exemple), les phosphates sont le principal facteur dâeutrophisation des eaux douces sur le long terme. Les nitrates sont la seconde cause importante, et elles interviennent souvent ensemble ; dans les eaux douces, mais aussi dans les eaux saumĂątres et salĂ©es fermĂ©es ou peu renouvelĂ©es.
Selon l'Ifremer, au dĂ©but des annĂ©es 1900, les taux de nitrates des riviĂšres bretonnes ne devaient pas dĂ©passer 3 Ă 4 mg/l. Ils ont Ă©tĂ© multipliĂ©s par 10 en moyenne en un siĂšcle. Selon l'Ifremer toujours, les eutrophisations des baies de Saint-Brieuc, du Mont Saint-Michel, de Lannion, Douarnenez ou de la rade de Brest, constatĂ©es depuis la fin du XXe siĂšcle sont typiques des situations de masses dâeau relativement confinĂ©es et peu profondes, victimes dâapports rĂ©cents de nitrates. La biomasse estivale y croĂźt aprĂšs les apports de nitrate du printemps. Lorsque ces apports diminuent en Ă©tĂ©, le taux de nitrates dans les ulves diminue Ă©galement, au point de bloquer la croissance estivale de ces algues alors que le taux de phosphore reste presque stable.
Les modĂ©lisations mathĂ©matiques de l'Ifremer[22] indiquent que la diminution des apports de nitrate agricole est le seul moyen de limiter les pullulations d'ulves au printemps (les taux de nitrates des riviĂšres devant au moins ĂȘtre divisĂ©s par quatre, pour passer de 40 mg/l Ă moins de 10 mg/l), ce qui devrait ĂȘtre possible par des pratiques agricoles adaptĂ©es, incluant les rĂ©seaux de bandes enherbĂ©es protĂ©geant les cours dâeau. Paradoxalement, une brutale carence en azote d'un milieu aquatique antĂ©rieurement eutrophe ou dystrophe peut mener dans un premier temps Ă des efflorescences de cyanobactĂ©ries (ou algues bleues) capables d'assimiler directement l'azote de l'atmosphĂšre et de vivre en condition anaĂ©robie.
Cette approche centrée sur la lutte contre l'azote est contestée par d'autres scientifiques, notamment Guy Barroin de l'INRA[23]. Ce dernier explique que réduire la concentration d'azote pour supprimer les marées vertes est voué à l'échec :
- la concentration à atteindre pour bloquer le développement des algues serait inférieur au taux « naturel » de nitrate, et donc impossible à atteindre, les marées vertes ne disparaßtraient pas ;
- si la concentration en nitrates baisse et mais que le milieu reste riche en phosphore, le rapport N/P risque de passer en dessous de 7[24], ce qui provoquera un basculement des populations algales et microalgales en faveur des cyanobactéries : elles ne dépendent pas des nitrates grùce à leur capacité à fixer l'azote gazeux. Les cyanobactéries survivent à l'anoxie et peuvent pour certaines espÚces et dans certaines circonstances sécréter des toxiques dangereuses pour de nombreux organismes vivants ;
- certains hydrosystÚmes (écosystÚme récepteur + bassin versant) de grande taille et fortement anthropisés sont lourdement chargés en phosphore et il sera trÚs difficile de les épurer à court terme.
Les dĂ©penses additionnelles des mĂ©nages gĂ©nĂ©rĂ©es par ces pollutions liĂ©es aux excĂ©dents dâazote et de pesticides dâorigine agricole se situeraient au minimum dans une fourchette comprise entre 1 005 et 1 525 millions dâeuros, dont 640 Ă 1 140 millions dâeuros rĂ©percutĂ©s sur la facture dâeau, reprĂ©sentant entre 7 et 12 % de cette facture en moyenne nationale[25]. Un rapport de la Cour des comptes publiĂ© en 2010 notait qu'en BaviĂšre et au Danemark des actions prĂ©ventives ont significativement rĂ©duit (â30 %) les consommations d'azote et de pesticides. Les mesures d'amĂ©nagement et de compensation des pratiques agricoles sont en gĂ©nĂ©ral moins couteuses que le retraitement : retraiter l'eau d'un hectare cultivĂ© autour d'un point de captage coute entre 800 Ă 2 400 euros par an. Or, un agriculteur fait une marge brute d'environ mille euros par hab./an pour une culture de cĂ©rĂ©ales[26], il est donc possible de compenser la totalitĂ© de sa perte Ă©conomique en rĂ©duisant le cout de production de l'eau potable. En France, la mise en place de ces mesures compensatoires pour inciter les agriculteurs Ă modifier leur assolement (plantation pĂ©renne, rĂ©duction des intrants) ou leur pratique ne sont pas Ă©conomiquement intĂ©ressantes ou Ă trop court terme pour permettre une amĂ©lioration rĂ©elle et durable des points de captages. Le problĂšme est Ă©conomique : les fournisseurs d'eau peuvent facilement reporter le surcoĂ»t du retraitement sur leurs clients, les agriculteurs ne peuvent pas reporter leur perte de rendement ou de production sur le prix de leurs produits. Le boisement est la solution idĂ©ale, mais elle se heurte des problĂšmes juridiques : si l'agriculteur n'est pas propriĂ©taire, il n'a pas intĂ©rĂȘt Ă boiser car il perdra son fermage. Si le terrain possĂšde un droit Ă paiement unique (DPU), il sera aussi perdu, ce qui rĂ©duira les revenus de l'agriculteur.
Bien que la forĂȘt soit rĂ©putĂ©e absorber efficacement les nitrates (alors que la coupe rase peut ĂȘtre suivie d'un relargage), une Ă©tude faite de la « forĂȘt expĂ©rimentale de Fernow » (Virginie-Occidentale) a montrĂ© que dans une forĂȘt centrale feuillue tempĂ©rĂ©e, les flux de NOâ
3 dans l'eau interstitielle du sol (la « solution du sol ») peuvent fortement varier selon la capacitĂ© des bassins-versants Ă absorber les nitrates et Ă dĂ©nitrifier l'eau[27]. La variation temporelle du taux de NOâ
3 peut ĂȘtre influencĂ©e par l'hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© spatiale des processus Ă l'Ćuvre dans les bassins versants et ils varient au fil du temps en rĂ©ponse Ă la disponibilitĂ© en azote[27].
Pour étudier en continu et de maniÚre beaucoup plus fine (qu'avec les préleveurs classiques) le cycle de l'azote et les nitrates dans un cours d'eau, des chercheurs espagnols ont testé en laboratoire puis in situ (dans une riviÚre de l'Est de l'Espagne) un systÚme expert associé à un réseau de capteurs sans fil[28]. Un triple capteur redondant modulaire permet pour chaque capteur d'améliorer la fiabilité du systÚme, sans grands changements de coûts ou de consommation d'énergie. Dans ce cas, la fréquence d'échantillonnage s'adapte à l'évolution du systÚme, aux préférences de l'utilisateur et aux fonctionnalités de l'application, avec plusieurs modes possibles (transmission périodique, transmission graduelle, transmission à la demande de l'utilisateur et/ou à la demande de pairs). Il devient alors plus facile de détecter, quantifier, dater, cartographier les pollutions azotées de l'eau et d'identifier leur source géographique.
Nitrates dans les pluies
Des flux parfois importants de composĂ©s gazeux de l'azote existent du sol vers l'atmosphĂšre, notamment dans les paysages d'agriculture intensive ; Ces flux varient de plusieurs kg/ha/jour pour l'ammoniac aprĂšs un Ă©pandage de lisier (chiffre trĂšs Ă©levĂ© mais qui dĂ©clinera rapidement aprĂšs quelques jours) Ă quelques grammes/ha/jour pour le protoxyde d'azote ou les NOx. Dans les rĂ©gions d'agriculture ou d'Ă©levage intensifs, de vastes surfaces peuvent ĂȘtre concernĂ©es (jusqu'Ă 70 % du paysage)[29].
Plus localement, les pluies peuvent aussi ĂȘtre contaminĂ©es par des nitrates ayant une origine industrielle ou automobile (circulation routiĂšre / pollution photochimique). Des taux atteignant 5 mg/l ont Ă©tĂ© signalĂ©s dans certaines zones industrielles dĂšs la fin des annĂ©es 1980[30].
Enfin, la foudre peut aussi localement et momentanément augmenter la teneur en nitrate des précipitations[31].
Pour toutes ces raisons les apports de nitrate par les pluies varient beaucoup selon les régions et les saisons.
Ainsi, en zone tropicale forestiĂšres, ou dans la savane[32] - [33], les taux sont habituellement trĂšs faible (quelques traces seulement en Guyane ou dans le bassin du Congo par exemple) mais Ă proximitĂ© des zones touchĂ©es par des feux de brousse, le taux de nitrate peut ĂȘtre un peu plus Ă©levĂ© dans les premiĂšres pluies suivant les feux[34].
En France, les retombées moyennes annuelles de nitrates dans la pluie étaient de 33 mg/m2 et par an dans la Haute-Vienne en 1991, mais de 640 mg/m2 et par an dans le Bas-Rhin en 1995[35].
En bordure de mer, dans le bassin d'Arcachon victime de proliférations d'algues, les pluies étaient au milieu des années 1990[36] responsables de 9 % des apports allochtones d'azote (c'est peu par rapport aux plus de 90 % provenant des cours d'eau mais beaucoup par rapport à moins de 1 % pour la « nappe du Sable des Landes »).
Selon une étude publiée en 2007, l'eau des citernes de récupération des eaux pluviales en Wallonie contenait de 2,0 à 5,3 mg/l de nitrate, mais ce taux peut ne pas refléter celui de la pluie (et 0,03 à 0,9 mg/l pour l'ion ammonium)[37].
Les pluies ainsi « contaminées » deviennent alors à la fois acidifiantes et pouvant contribuer à l'eutrophisation des eaux douces.
ĂcotoxicitĂ©
Les nitrates comptent parmi les produits les plus abondamment dispersés par l'Homme dans l'environnement depuis environ un siÚcle. Bien qu'ils soient trÚs solubles dans l'eau, il ne semble pas y avoir eu au XXe siÚcle d'études poussées sur leur écotoxicité vis-à -vis des organismes aquatiques. Plusieurs équipes scientifiques ont entrepris depuis le début du XXIe siÚcle de combler cette lacune[38].
L'ion nitrate est bien moins toxique que l'ammoniac non-ionisé, il y a consensus sur ce point. Mais toutes les études publiées depuis la fin des années 1990 confirment que, parce qu'il devient omniprésent dans les nappes et les eaux douces (dÚs la source souvent, dans les régions d'agriculture intensive), le nitrate pose désormais plusieurs grands problÚmes écosystémiques et écotoxicologiques :
- Quand un milieu aquatique n'est pas naturellement tamponné contre les acides (neutralisation des acides), l'ion nitrate y diminue le pH du milieu et une acidification croissante est alors (sauf contre-mesures) inéluctable[38]. Elle rend en outre les métaux lourds et métalloïdes toxiques plus solubles et plus biodisponibles pour la faune, la flore, la fonge et les microorganismes.
Alors que la lĂ©gislation sur les carburants soufrĂ©s a permis depuis les annĂ©es 1990 environ de rĂ©duire les pluies acidifiĂ©es par le SO2, les nitrates ont pris la place et le rĂŽle jouĂ© par le SO2 ou lĂ oĂč les carburants soufrĂ©s sont encore utilisĂ©s, ils aggravent conjointement leurs effets[39] ; les nitrates sont devenus le nouveau facteur prĂ©occupant, et croisant, d'acidification des eaux douces qui a dĂ©jĂ conduit Ă des « appauvrissements biotiques importantes, en particulier concernant les invertĂ©brĂ©s et les poissons, dans de nombreux lacs et cours d'eau acidifiĂ©s par des retombĂ©es atmosphĂ©riques »[38] ; - NO3â peut « stimuler ou favoriser le dĂ©veloppement, l'entretien et la prolifĂ©ration des producteurs primaires » (cyanophycĂ©es, algues unicellulaire et filamenteuses, lentilles, algues libres, etc.), contribuant ainsi Ă l'eutrophisation des Ă©cosystĂšmes aquatiques[38] ;
- Il atteint ou dépasse parfois les seuils de toxicité qui limitent « la croissance, la reproduction ou la survie » d'individus ou d'espÚces[38] ;
- L'azote inorganique des eaux souterraines, de source et de surface « peut Ă©galement induire des effets nĂ©fastes sur la santĂ© humaine et l'Ă©conomie »[38], d'autant que les milieux aquatiques les plus enrichis en nitrates sont souvent aussi ceux qui contiennent le plus de germes pathogĂšnes et de parasites et/ou vecteurs responsables de zoonoses (cholera, paludisme et autres maladies hydriques[38]). Le recul des poissons dans les zones les plus touchĂ©es risque en outre de reporter les pressions excessives de pĂȘche sur les pĂȘcheries encore Ă©pargnĂ©es ;
- Ce double phénomÚne (eutrophisation + acidification) affecte aussi le cycle du carbone et les puits de carbone[40] ; or il survient et prend de l'ampleur alors que le protocole de Kyoto n'a pas enrayé l'augmentation du taux atmosphérique de CO2 et de méthane, et alors que les prospectivistes et les rapports successifs du GIEC augurent d'importants changements géoclimatiques ; la combinaison de ces trois phénomÚnes pourrait encore dégrader les capacités de résilience des écosystÚmes face à ces changements.
ToxicitĂ© aux stades ovo-embryonnaires et larvaires : on a longtemps cru que les organismes d'eau douce (vertĂ©brĂ©s ou invertĂ©brĂ©s) sont bien plus directement sensibles et vulnĂ©rables aux nitrates que leurs homologues marins. C'est exact pour les animaux adultes (pour des raisons encore mal comprises, la salinitĂ© de l'eau de mer, c'est-Ă -dire la disponibilitĂ© en sodium, chlorure, calcium et autres ions[38], et peut ĂȘtre la disponibilitĂ© en iode amĂ©liorent la tolĂ©rance des animaux marins aux nitrates), mais c'est en rĂ©alitĂ© faux pour les larves de nombreuses espĂšces marines qui se montrent parfois aussi vulnĂ©rables aux nitrates que leurs cousins d'eau douce. En eau douce, 10 mg de nitrates par litre d'eau (soit le niveau maximal fĂ©dĂ©ral pour l'eau potable aux Ătats-Unis[41]) suffit Ă affecter significativement Ă gravement â au moins pour des expositions longues â les invertĂ©brĂ©s d'eau douce. C'est la conclusion d'expĂ©riences notamment conduites sur des gammares (Eulimnogammarus toletanus, Echinogammarus echinosetosus (nl), Cheumatopsyche pettiti, Hydropsyche occidentalis)[41].
Ă cette dose (10 mg/l), des poissons duçaquicoles autrefois communs se montrent touchĂ©s[41] ; de mĂȘme que des amphibiens tels que P. triseriata, Rana pipiens, Rana temporaria, Bufo bufo[41] (voir dĂ©tails ci-dessous).
Toxicités directe et indirectes : « la principale action toxique du nitrate est due à la conversion de pigments porteurs d'oxygÚne en des formes incapables de transporter l'oxygÚne »[41]. Il existe une toxicité directe (pour les espÚces qui y sont sensibles) et plusieurs biais de toxicité indirecte (par exemple liée à l'effet acidifiant du nitrate, et à ses effets eutrophisants qui conduisent notamment à la production de vastes blooms d'algues ou de cyanophycées, de dinoflagellés, de diatomées ou de bactéries toxiques ou capables de sécréter des toxines[38], qui contribuent à l'entretien ou à l'apparition de plus en plus fréquente de zones hypoxiques puis anoxiques aussi dites zones mortes. La décomposition des animaux morts et des algues des marées vertes conduit aussi à la production de sulfure d'hydrogÚne[38], toxique pour la plupart des espÚces.
Des bactéries peuvent transformer les nitrates en nitrites et inversement ; il faudrait donc aussi tenir compte du fait que la forme nitrite de l'azote inorganique est également écotoxique[42]. Elle l'est fortement pour de nombreuses bactéries, et à partir de 60 mg/l pour le planaire Polycelis felina[43], déjà utilisé pour l'étude de la toxicité chronique de l'ammoniac[43].
Le nitrate a d'autres voies toxiques indirectes (illustrées ci-dessous).
Toxicité pour les invertébrés aquatiques
Les études publiées dans les années 2000 à ce sujet ont toutes conclu que les nitrates étaient toxiques pour la plupart des invertébrés d'eau douce, par exemple pour des espÚces-modÚle telles que Eulimnogammarus toletanus, Echinogammarus echinosetosus et Hydropsyche exocellata[41].
Cette toxicitĂ© est de type « dose-dĂ©pendante », c'est-Ă -dire qu'elle croĂźt avec l'augmentation des concentrations de nitrates et des temps d'exposition. Mais cette toxicitĂ© directe peut aussi diminuer chez les adultes (ou plus exactement avec l'augmentation de la taille du corps)[41]. Une toxicitĂ© indirecte peut ĂȘtre liĂ©e Ă des phĂ©nomĂšnes d'anoxie et de dystrophisation, et/ou au fait que les nitrates rendent certains invertĂ©brĂ©s (daphnies par exemple[44]) plus vulnĂ©rables aux parasitoses.
Elle diminue aussi â pour les organismes adultes[38] â avec la salinitĂ© de l'eau, ce qui explique que les invertĂ©brĂ©s marins y soient apparemment moins sensibles, hormis dans les zones mortes[41]. Certains phĂ©nomĂšnes adaptatifs semblent permettre Ă quelques espĂšces de mieux survivre en prĂ©sence d'une quantitĂ© anormalement Ă©levĂ©e de nitrates.
Certaines espĂšces se montrent bien plus sensibles Ă l'ion NO3â que d'autres ; ainsi parmi les quelques invertĂ©brĂ©s testĂ©s en laboratoire, E. toletanus et E. echinosetosus prĂ©sentent une DL50 (pour seulement 96 h d'exposition) qui est respectivement de 2,09 et 2,59 mg de nitrate par litre[41].
Une revue de la littérature publiée en 2003 a conclu que l'eutrophisation était devenue un problÚme global pour les écosystÚmes[45].
Une autre revue de la littĂ©rature a (en 2005) conclu des Ă©tudes disponibles que « 10 mg/L serait un seuil de sĂ©curitĂ© Ă ne pas franchir pour protĂ©ger les animaux d'eau douce sensibles Ă la pollution par les nitrates. Mais un seuil maximal de 2 mg/L serait appropriĂ© en eau douce pour la protection des espĂšces les plus sensibles »[41]. Selon les mĂȘmes auteurs, en milieu marin un seuil de 20 mg/l « pourrait en gĂ©nĂ©ral ĂȘtre acceptable ; cependant, aux premiers stades de dĂ©veloppement de certains invertĂ©brĂ©s marins qui sont adaptĂ©s Ă de faibles taux de nitrates, ceux-ci peuvent ĂȘtre aussi sensibles aux nitrates que les invertĂ©brĂ©s d'eau douce sensibles »[41].
Une nouvelle revue de la littĂ©rature a conclu (en 2006) qu'« il faudrait un taux d'azote total infĂ©rieure Ă 0,5-1,0 mg par litre pour empĂȘcher les Ă©cosystĂšmes aquatiques (Ă l'exclusion des Ă©cosystĂšmes naturellement riches en azote) de s'acidifier et s'eutrophiser, au moins par la pollution par l'azote inorganique. Ces taux relativement faibles de nitrate total (NT) pourraient Ă©galement protĂ©ger la faune aquatique contre la toxicitĂ© des composĂ©s azotĂ©s inorganiques [âŠ] En outre, la santĂ© humaine et l'Ă©conomie seraient plus en sĂ©curitĂ© vis Ă vis des effets nĂ©fastes de la pollution par l'azote inorganique ».
Toxicité pour les poissons
AprĂšs la PremiĂšre Guerre mondiale, la traction animale a Ă©tĂ© rapidement remplacĂ©e par les moteurs, privant les agriculteurs et jardiniers d'une grande quantitĂ© de fumier[46]. Les nitrates massivement produits par l'industrie de guerre comme explosif et pour les munitions Ă©taient disponibles[46]. Ils ont commencĂ© Ă ĂȘtre utilisĂ©s comme engrais chimique (dont sous forme de sels ammoniacaux Ă raison de 2 Ă 300 kg/ha), malgrĂ© l'inconvĂ©nient d'ĂȘtre plus facilement lessivables par les pluies que l'azote organique du fumier. Des pĂȘcheurs et pisciculteurs ayant observĂ© des mortalitĂ©s de poissons, notamment aprĂšs lavage de sacs d'engrais ammoniacaux dans l'eau de riviĂšres poissonneuses se sont opposĂ©s Ă l'utilisation d'engrais chimiques[46] ;
Au début des années 1930, à la suite de plaintes en justice, deux biologistes allemands (L. Scheuring et F. Léopoldseder) ont commencé à tester la toxicité de divers types d'engrais dont les nitrates chimiques en exposant durant 6 heures des truites et cyprinidés adultes à diverses concentration de ces engrais[46]. Le nitrate de chaux et le nitrate de soude présentaient une certaine toxicité (au-delà de 2 %, mort des poissons en une heure ou apparition de symptÎmes assez gaves pour les poissons remis dans une eau propre ne se rétablissent pas), mais bien moindre que le nitrate de chaux ammoniacal (limite de létalité : 0,03 %)[46]. Selon E. André (1935)[47], ces auteurs n'ont pas anticipé le fort développement de l'utilisation des engrais chimiques et ils ont conclu (en 1935) qu'aux doses habituelles, en raison de la dilution dans l'environnement, sauf cas exceptionnels les engrais ne sont pas toxiques pour les poissons (adultes).
Les Ă©tudes plus rĂ©centes, qui ont portĂ© sur les Ćufs, les alevins et les adultes ont montrĂ© qu'en rĂ©alitĂ©, Ă la dose de 10 mg/l (frĂ©quemment dĂ©passĂ©e dans les milieux anthropisĂ©s), des poissons d'eau douce autrefois communs tels que Oncorhynchus mykiss, Oncorhynchus tshawytscha, Salmo clarki (nl) se montrent aussi affectĂ©s[41], de mĂȘme que de nombreuses autres espĂšces.
Toxicité pour les amphibiens
Les nitrates sont toxiques pour les larves (aquatiques) et les adultes (plus ou moins terrestres) d'amphibiens[48]. Ils le sont Ă faible dose pour les larves : Les concentrations requises pour tuer 50 % de tĂȘtards de certaines espĂšces nord-amĂ©ricaines sont trĂšs faibles : de 13 Ă 40 mg/l[49]. Une exposition Ă des concentrations aussi faibles que quelques mg/L a chez certaines espĂšces des effets chroniques : nage rĂ©duite, malformations au cours du dĂ©veloppement[49].
Cette Ă©cotoxicitĂ© (aiguĂ« et/ou chronique) a commencĂ© Ă ĂȘtre mise en Ă©vidence dans les annĂ©es 1990[50]. En France, des espĂšces comme Rana temporaria ou Bufo bufo sont susceptibles d'y ĂȘtre directement exposĂ©es car vivant souvent Ă proximitĂ© de zones cultivĂ©es[51].
De faibles concentrations (de 25 Ă 150 ppm) ont chez certaines espĂšces d'amphibiens des effets chroniques : nage rĂ©duite, malformations au cours du dĂ©veloppement ont Ă©tĂ© suspectĂ©s et pour certains expĂ©rimentalement confirmĂ©s[52] - [53]. Les nitrates ralentissent le dĂ©veloppement des larves[54] de Rana pipiens. Sans effets seules, les nitrates mitige l'effet de l'atrazine : les Xenopus laevis adultes sont plus exposĂ©s Ă de l'eau contaminĂ©e au stade tĂȘtard sont plus grandes ou plus petites selon la dose de nitrate ajoutĂ©e Ă l'atrazine, avec un effet antagoniste de la dose[55].
Les tĂȘtards exposĂ©s Ă des fortes doses de nitrates (au moins 50 mg/L) ont une mortalitĂ© plus Ă©levĂ©s et une activitĂ© perturbĂ©e[56].
Une étude publiée en 1999 a montré que la pollution par les nitrate était déjà trÚs généralisée dans les grandes régions agricoles des pays industrialisés : 20 % environ des bassins des états et des provinces bordant les Grands Lacs présentaient des teneurs en nitrates dépassant les doses causant des anomalies du développement et d'autres effets sublétaux chez les amphibiens.
Controverses et incertitudes quant aux effets des nitrates pour l'Homme
Complexité des effets alimentaires des nitrates
Diverses études ont suggéré ou démontré d'une part des effets négatifs pour la santé au-delà d'une certaine dose (toxicité aiguë) ou en cas de vulnérabilités du patient, et d'autres des effets positifs de nitrates inorganiques, mais il n'y a pas de consensus quant aux effets globaux chez l'Homme (ou les animaux d'élevage) d'une exposition chronique à de faibles doses.
La formation d'un consensus scientifique sur les effets sanitaires des nitrates se heurte encore Ă de nombreuses inconnues :
- les nitrates peuvent ĂȘtre transformĂ©s en nitrites et inversement, dont dans le tube digestif ;
- ils pourraient à la fois avoir des effets positifs et négatifs, selon leur forme, leur quantité, l'ùge du patient, l'heure à laquelle ils sont absorbés, etc. ;
- la puissance statistique de nombreuses Ă©tudes, et leurs odds ratio Ă©tant souvent modestes, les auteurs prĂ©cisent souvent que leurs rĂ©sultats doivent ĂȘtre utilisĂ©s avec prĂ©caution et que des recherches plus poussĂ©es sont nĂ©cessaires ;
- de nombreuses limites méthodologiques et biais d'interprétation réduisent la portée des travaux rétrospectifs[57] :
- reconstruire rétrospectivement l'exposition réelle d'un patient durant sa vie est compliqué car il n'existe pas de données individuelles pour la consommation d'eau en tant que boisson et les apports alimentaires ;
- l'exposition humaine est souvent faible et inhomogĂšne ; l'eau, les aliments et mĂȘme l'air inhalĂ© peuvent ĂȘtre source de nitrates, et l'effet biologique mesurĂ© pourrait aussi ĂȘtre faible ;
- les Ă©valuations de prĂ©sence ou d'effets d'autres polluants Ă©ventuellement synergiquement prĂ©sents et susceptibles d'ĂȘtre associĂ©s aux nitrates (ex. : pesticides) ou de molĂ©cules susceptibles d'avoir un effet antidote (ex. : vitamines et antioxydants dans les fruits et lĂ©gumes) sont souvent absentes des Ă©tudes ;
- les rĂ©sultats des Ă©tudes sont parfois contradictoires : pour l'hyperthyroĂŻdisme, certaines Ă©tudes montrent que les nitrates interagissent en effet avec la thyroĂŻde (cause d'hypertrophie thyroĂŻdienne[58]), d'autres au contraire les innocentent[59] pour la mĂȘme pathologie, les accusant au contraire d'augmenter le risque de cancer et d'hypothyroĂŻdisme.
Au vu des limites des Ă©tudes disponibles, comme pour d'autres travaux d'Ă©pidĂ©miologie rĂ©trospective basĂ©s sur des rĂ©sultats Ă faible odds ratio, il reste difficile d'ĂȘtre catĂ©gorique.
Certains effets semblent négatifs pour la santé humaine
La présence de nitrates à « haute concentration (>10 mg N/L) » dans l'eau de boisson :
- augmente lĂ©gĂšrement le risque de plusieurs types de cancer, car ils sont une source endogĂšne de nitrites et de rĂ©actions subsĂ©quentes de nitrosation produisant des composĂ©s « N-nitroso » connus pour ĂȘtre trĂšs cancĂ©rigĂšnes[60] - [61] - [62] - [63] et pouvant agir systĂ©miquement chez l'Homme et chez plusieurs espĂšces utilisĂ©es comme modĂšle animal[64] :
- cancer colorectal, avec des odds ratio trĂšs faiblement significatif de 1,22 (0,98-1,52) et 1,36 (1,08-1,70)[65], et ce risque pourrait ne concerner que le cancer proximal du colon[66], et ce risque ne concernerait peut-ĂȘtre que des individus carencĂ©s en vitamine C, cette derniĂšre inhibant la formation des composĂ©s nitroso[67] - [68]) et consommant beaucoup de viande[69]. L'association entre risque de cancer, exposition aux nitrates et carence en vitamine C a Ă©tĂ© retrouvĂ©e pour d'autres types de cancer (Ćsophage, voir ci-dessous) ;
- le cancer de l'estomac serait aussi augmenté[70], que ce soit avec les nitrates de l'eau[71] ou ceux contenus dans des végétaux riches en nitrate comme les épinards[72] ;
- cancer de l'Ćsophage[73] ;
- cancer du rein (qui ne semble associé qu'à la consommation de produits animaux contenant des nitrates ou des nitrites, et non à l'eau de boisson)[74]. Une eau ou alimentation riche en calcium aurait un effet protecteur[75] ;
- cancer de l'ovaire (le cancer apparaissant alors chez la femme ùgée)[76] ;
- cancer de la vessie (également chez la femme ùgée)[76] ;
- les nitrates sont aussi des perturbateurs endocriniens :
- ils perturberaient le fonctionnement de la thyroïde en tant qu'anions antagonistes de l'iode nécessaire au bon fonctionnement du systÚme thyroïdien[77] et auraient un effet goitrogÚnes[77] quand ils sont associés à un faible apport d'iode[78] : les nitrates perturbent l'absorption de l'iode dans l'intestin et au niveau de la thyroïde à cause de leur charge électrique négative (le corps humain absorbe ou excrÚte les ions en fonction de leur charge). Pour autant cet effet théorique[79] n'est pas toujours confirmé par des études épidémiologiques ou des études sur témoins[80] et semble lié à des doses de nitrate trÚs supérieures aux normes de potabilité[81]. Chez les populations fortement carencées en iode, l'effet semble nul[82]. L'effet des nitrates peut s'additionner aux thiocyanates et aux perchlorates[77].
Un lien semble exister avec le risque de goitre[83] et hypertrophie de la thyroĂŻde[84].
- ils perturberaient le fonctionnement de la thyroïde en tant qu'anions antagonistes de l'iode nécessaire au bon fonctionnement du systÚme thyroïdien[77] et auraient un effet goitrogÚnes[77] quand ils sont associés à un faible apport d'iode[78] : les nitrates perturbent l'absorption de l'iode dans l'intestin et au niveau de la thyroïde à cause de leur charge électrique négative (le corps humain absorbe ou excrÚte les ions en fonction de leur charge). Pour autant cet effet théorique[79] n'est pas toujours confirmé par des études épidémiologiques ou des études sur témoins[80] et semble lié à des doses de nitrate trÚs supérieures aux normes de potabilité[81]. Chez les populations fortement carencées en iode, l'effet semble nul[82]. L'effet des nitrates peut s'additionner aux thiocyanates et aux perchlorates[77].
Certains effets semblent positifs pour la santé humaine
Concernant l'appareil cardiovasculaire
- Chez le jeune adulte en bonne santĂ©, une courte supplĂ©mentation en nitrate alimentaire (NO3â ajoutĂ© Ă l'alimentation normale durant quelques jours) rĂ©duit la pression artĂ©rielle au repos, mais altĂšre la rĂ©ponse physiologique Ă l'exercice[85].
- Des adultes de quarante ans en mauvaise santé cardiovasculaire (présentant au moins trois facteurs de risques cardiovasculaires parmi l'hypertension artérielle, l'obésité, l'hyperlipidémie, le tabagisme, la sédentarité, des antécédents familiaux de maladie cardiovasculaire ou de diabÚte) ont été soumis à une prise biquotidienne durant trente jours de vitamine C (baies d'aubépine) et d'un aliment riche en nitrate (betterave rouge) favorisant la formation d'oxyde nitrique (NO) au niveau de l'endothélium. Ce traitement s'est traduit par une activité nitrite réductase, une élévation significative du nitrite (P<0,01) et du nitrate (P<0,0001) dans le plasma et une réduction statistiquement significative des triglycérides chez les patients qui présentaient des taux élevés de ces sucres.
- Chez les personnes ùgées, une étude (2010) a conclu qu'une alimentation riche en nitrates (inorganiques), comme dans le régime méditerranéen, augmente l'afflux sanguin dans le lobe frontal du cerveau chez des personnes ùgées (74,7 ± 6,9 ans), spécialement dans la zone située entre le cortex préfrontal dorsolatéral et le cortex antérieur cingulaire[86].
De 2010 à 2013, d'autres études ont montré qu'il existait chez l'Homme une voie dite « nitrate-nitrite-nitric oxide (NO) » qui a des effets vasculaires bénéfiques (dont réduction de la pression artérielle, inhibition de l'agrégation plaquettaire, préservation ou amélioration de la dysfonction endothéliale, amélioration de la performance physique chez les sujets sains et chez des patients atteints de maladie artérielle périphérique[87]. Des études pré-cliniques utilisant certains nitrates ou des nitrites évoquent une possible protection contre des lésions d'ischémie-reperfusion cardiaques (qui apparaissent aprÚs l'infarctus lors de la réoxygénation du tissu cardiaque, et une réduction de la rigidité artérielle, de certaines inflammations et de l'épaisseur de l'intima[87]. AprÚs une supplémentation de l'alimentation par des nitrates durant trois jours chez des adultes ùgés en bonne santé, un test de capacité fonctionnelle (6 min de marche sur tapis roulant) montre une augmentation du taux de nitrites dans le plasma, une diminution de la pression artérielle au repos, une faible amélioration métabolique du muscle à l'exercice, sans changement des concentrations de métabolites dans le cerveau, ni de changement des fonctions cognitives[85]. Cependant des preuves épidémiologiques montrant que ces effets positifs l'emportent sur de plausibles effets négatifs sont encore à trouver[87]. Certaines études concluent à une réduction du risque cardiovasculaire chez les personnes qui ont des régimes riches en légumes considérés comme sources importantes et naturelles de nitrate (comme un régime méditerranéen), mais d'autres études suggéré que les associations positives sont modestes et évoquent aussi un risque accru de cancer lié aux « nitrates alimentaires », lien qui reste également à démontrer[87]. Des interactions complexes existent avec d'autres nutriments, dont la vitamine C, les polyphénols et les acides gras qui peuvent renforcer ou inhiber les effets positifs ou négatifs des nitrates[87].
Questions en suspens
Un effet reprotoxique chez l'Homme a été un temps soupçonné. Selon une étude publiée en 1996, il apparaßt à des taux trÚs supérieurs (environ cent fois supérieurs) à ceux auxquels un homme moyen est normalement exposé par l'alimentation[88].
Un taux élevé de nitrates dans le plasma sanguin n'a pas été corrélé avec un risque accru de cancer de la prostate. Un éventuel effet protecteur du nitrate sur des formes agressives de cancer de la prostate est évoqué, mais requiert confirmation[89] selon les auteurs qui restent prudents.
En 1996, une bibliographie Ă©crite par le professeur de mĂ©decine Jean L'hirondel et al.[90], vivement critiquĂ©e par l'association Eau et riviĂšres de Bretagne qui dĂ©nonce une bibliographie incomplĂšte et parfois tronquĂ©e, et rappelle que « Ce livre, Ă©crit par un rhumatologue du CHU de Caen, le docteur Jean-Louis L'hirondel, retranscrit les travaux de son pĂšre, Jean L'hirondel, professeur de clinique mĂ©dicale infantile au CHU de Caen, dĂ©cĂ©dĂ© en 1995. RefusĂ© par les Ă©diteurs scientifiques Lavoisier Tech & Doc., il a finalement Ă©tĂ© Ă©ditĂ© en » par une association qui s'est donnĂ© le nom d'Institut de l'environnement ou Institut scientifique et technique de l'environnement et de la santĂ© (ISTES), prĂ©sidĂ©e par un ancien agronome de l'INRA, devenu directeur du bureau d'Ă©tudes (GES) fournisseur des industriels qui ont crĂ©Ă© l'Institut de l'environnement et connu pour son lobbying et ses positions favorables aux nitrates[91], tente de faire un rĂ©sumĂ© des effets bĂ©nĂ©fiques supposĂ©s des nitrates. En , le Conseil supĂ©rieur d'hygiĂšne publique de France (CSHPF), a Ă©mis un avis sur les travaux du Pr L'hirondel : il y dĂ©nonce le caractĂšre trop absolu de ses conclusions. Peu aprĂšs (), lors de la ConfĂ©rence rĂ©gionale de l'environnement, le Conseil scientifique rĂ©gional a considĂ©rĂ© que « L'ouvrage de M. L'hirondel n'apporte pas d'arguments nouveaux issus de recherches et d'expĂ©rimentations publiĂ©es, susceptibles de rĂ©viser la position des scientifiques sur les risques multiples liĂ©s Ă l'augmentation de la teneur en nitrates dans les eaux⊠», ajoutant « Au moment oĂč tout le monde prĂŽne un dĂ©veloppement durable, oĂč des affaires rĂ©centes dĂ©montrent l'importance du principe de prĂ©caution, peut-on prendre le risque de rĂ©duire les facteurs de sĂ©curitĂ© jusqu'alors retenus ? ».
Selon le Dr Jean-Louis L'hirondel, les nitrates ne sont pas toxiques et au contraire apporteraient les bénéfices sanitaires suivants :
- effet anti-infectieux : la sécrétion par les glandes salivaires et la transformation des nitrates salivaires en nitrites permettrait d'utiliser la propriété bactéricide des nitrites, en milieu acide. Le secteur agroalimentaire utilise en effet les nitrites comme biocide pour la conservation des aliments et en particulier de celle de la viande pour le saucisson. L'effet antibactérien des nitrites acidifiés est vérifié artificiellement pour différentes entérobactéries : salmonelle, escherichia coli, shigella ;
- effet sur la tension artérielle et certaines pathologies cardiovasculaires : selon le Dr L'hirondel, une augmentation des taux sanguins de s-nitrosothiols induite par des apports alimentaires en nitrates (légumes et eau de boisson principalement) pourrait améliorer les fonctions de l'organisme dépendant du monoxyde d'azote ; ainsi pourraient-ils réduire chez l'Homme le risque de pathologie vasculaire cérébrale et d'hypertension artérielle (Bockman et coll., 1997) ;
- effet sur les cancers gastriques : l'hypothÚse du Dr L'hirondel est que les nitrates de l'eau de l'alimentation pourraient jouer un rÎle anticarcinogénique. Des travaux complémentaires sont nécessaires pour confirmer ou infirmer cette hypothÚse ;
- autres : lors de la synthÚse chimique intragastrique du monoxyde d'azote, les apports alimentaires en nitrates joueraient un rÎle bénéfique en relaxant la musculature lisse de l'estomac et en protégeant sa muqueuse.
Vers une remise en question des normes pour l'eau potable ?
Plusieurs auteurs ou groupes de lobbying suggĂšrent de revoir Ă la baisse les normes pour l'eau potable.
Un article de la revue La Recherche[92], extrait d'un ouvrage publiĂ© sous la direction de Marian Apfelbaum, professeur de nutrition Ă la facultĂ© de mĂ©decine Xavier-Bichat (Paris)[93] estime que « la norme qui fixe le seuil acceptable de nitrates dans lâeau de boisson est [âŠ] le fruit dâune expertise rĂ©alisĂ©e dans les annĂ©es 1960, que les nouveaux Ă©lĂ©ments scientifiques ont dĂ©mentie ». L'auteur y estime que « La consommation du nitrate est totalement inoffensive chez lâhomme » (aux doses habituellement prĂ©sentes dans l'eau du robinet).
Cependant, les enjeux de cette norme dépassent largement les seules questions de santé publique, car les normes et plusieurs directives, dont la directive nitrates en Europe protÚgent aussi les eaux de surface de l'eutrophisation et de la dystrophisation (qui peuvent avoir d'autres conséquences, négatives, pour la santé humaine, par exemple lors des situations d'anoxie (favorables à de nombreux microbes indésirables) et parce que les nitrates favorisent aussi l'érosion de la biodiversité et des pullulations de planctons sécrétant des toxines). La qualité des eaux de surface est garante à long terme des nappes, et certaines nappes alimentent à leur tour de nombreuses sources pour lesquelles le Droit de l'environnement impose de conserver ou retrouver le bon état écologique.
Recommandations (2013) pour l'alimentation
- En 2013, sur la base des donnĂ©es scientifiques actuellement disponibles en 2012, une Ă©quipe de chercheurs a produit un tableau dit « Veg-Table » basĂ© sur le principe d'« unitĂ©s de nitrate » (une unitĂ© = 1 mmol de nitrate ou 62 mg)[87]. Il vise Ă fournir des conseils simples pour que l'apport de nitrates alimentaire Ă partir de diffĂ©rents lĂ©gumes soit suffisante pour tirer profit, mais pas trop important pour minimiser les risques d'effets secondaires possibles[87]. Les auteurs concluent nĂ©anmoins que des incertitudes persistent sur les effets Ă long terme des nitrate alimentaires, qui ne pourront ĂȘtre levĂ©es que par des recherches plus approfondies[87].
- L'heure d'ingestion du supplément en nitrate (jus de betterave rouge par exemple) pourrait aussi avoir une importance. Pris au petit déjeuner, il modifie le taux de nitrites et de nitrates pour la journée[94].
Les nitrates et le Droit
La directive nitrates en Europe impose un certain nombre d'actions, de zonages (zones vulnérables) et de suivi.
En novembre 2009, la Commission europĂ©enne a mis en demeure la France (qui doit payer des amendes), en raison de la faiblesse de ses programmes dâaction pris en vertu de la directive pour protĂ©ger les eaux des nitrates, jugĂ©s trop disparates entre les dĂ©partements. Le , la Cour de justice de l'Union europĂ©enne a confirmĂ© sa condamnation de la France avec astreinte de plus de 57 millions d'euros, s'ajoutant aux 20 millions d'euros dâamende dĂ©jĂ versĂ©s pour non-respect de la rĂ©glementation sur la pĂȘche et Ă d'autres amendes pour non-respect de la lĂ©gislation europĂ©enne (253,5 millions d'euros Ă©taient pour cela provisionnĂ©s dans le compte gĂ©nĂ©ral de lâĂtat pour 2010)[95]. L'azote est aussi impliquĂ©e dans le non-respect de la directive sur la qualitĂ© de l'air, avec un autre risque de condamnation de la France (non-respect des valeurs limites des particules et du dioxyde dâazote)[95].
Types
HNO3 | He | ||||||||||||||||
LiNO3 | Be(NO3)2 | B(NO3)4â | RONO2 | NO3â NH4NO3 |
O | FNO3 | Ne | ||||||||||
NaNO3 | Mg(NO3)2 | Al(NO3)3 | Si | P | S | ClONO2 | Ar | ||||||||||
KNO3 | Ca(NO3)2 | Sc(NO3)3 | Ti(NO3)4 | VO(NO3)3 | Cr(NO3)3 | Mn(NO3)2 | Fe(NO3)3 | Co(NO3)2 Co(NO3)3 |
Ni(NO3)2 | Cu(NO3)2 | Zn(NO3)2 | Ga(NO3)3 | Ge | As | Se | Br | Kr |
RbNO3 | Sr(NO3)2 | Y(NO3)3 | Zr(NO3)4 | Nb | Mo | Tc | Ru | Rh | Pd(NO3)2 | AgNO3 | Cd(NO3)2 | In | Sn | Sb | Te | I | Xe |
CsNO3 | Ba(NO3)2 | Hf | Ta | W | Re | Os | Ir | Pt | Au | Hg2(NO3)2 Hg(NO3)2 |
Tl(NO3)3 | Pb(NO3)2 | Bi(NO3)3 | Po | At | Rn | |
Fr | Ra | Rf | Db | Sg | Bh | Hs | Mt | Ds | Rg | Cn | Uut | Fl | Uup | Lv | Ts | Og | |
â | |||||||||||||||||
La | Ce(NO3)x | Pr | Nd | Pm | Sm | Eu | Gd | Tb | Dy | Ho | Er | Tm | Yb | Lu | |||
Ac | Th | Pa | UO2(NO3)2 | Np | Pu | Am | Cm | Bk | Cf | Es | Fm | Md | No | Lr |
Parmi les esters de nitrate en particulier organiques, peuvent ĂȘtre citĂ©s :
- le nitrate de cellulose (plus connu sous le nom de « nitrocellulose »), abondamment utilisé comme explosif lors de la PremiÚre Guerre mondiale sous forme de fulmicoton, coton-poudre ou encore pyroxyle ;
- le nitrate de peroxyacĂ©tyle (ou peroxyacetylnitrate ou NPA ou PAN), de formule CH3COO2NO2 qui est (comme lâozone et les aldĂ©hydes) un des polluants oxydants d'origine photochimique ; son origine est en partie naturelle, mais en grande partie anthropique.
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Annexes
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Articles connexes
Liens externes
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