Explosions au port de Beyrouth de 2020
Les explosions au port de Beyrouth de 2020 sont la succession de deux explosions dans le port de Beyrouth, au Liban, le , aux alentours de 18 h.
Explosions au port de Beyrouth du | |
Le cratĂšre d'explosion (au premier plan) et le silo Ă grains du port de Beyrouth (Ă l'extrĂȘme gauche de la photo) aprĂšs la catastrophe. | |
Type | Explosion dâun stock de nitrate d'ammonium |
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Pays | Liban |
Localisation | Port de Beyrouth |
CoordonnĂ©es | 33° 54âČ 05âł nord, 35° 31âČ 08âł est |
Date | Ă 18 h 8 min 18 s heure locale |
Bilan | |
Blessés | 6 500[1] |
Morts | 215[1] |
La seconde explosion de 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium stockées dans le hangar numéro 12 de la zone portuaire provoque des dégùts humains et matériels considérables à travers la ville et parmi les navires mouillant au port.
Le bilan final sera de 215 morts et 6 500 blessĂ©s[1]. Un an aprĂšs l'explosion, les dĂ©gĂąts sont estimĂ©s Ă prĂšs de quatre milliards dâeuros par la Banque mondiale.
Le , à quelques jours du deuxiÚme anniversaire de la catastrophe, les ruines des silos de stockage dévastés par l'explosion initiale s'effondrent partiellement à la suite d'un incendie interne. Le bloc nord de ces silos finit par s'effondrer en totalité le 23 août 2022, sans faire de victime[2].
Contexte
Sanitaire
Au moment des faits, le Liban Ă©prouve des difficultĂ©s dans sa lutte face Ă la pandĂ©mie de Covid-19. Le , le nombre total de cas dans le pays atteint la barre des cinq mille, et ce malgrĂ© de nouvelles mesures de confinement prises le . Durant le week-end des et , pĂ©riode de l'AĂŻd al-Adha, 555 rapports de violations de distanciation physique et de mesures prĂ©ventives sont enregistrĂ©s par les autoritĂ©s. Le Liban enregistre plus de cent nouveaux cas par jour et se trouve alors dans une situation jugĂ©e « difficile » par le Dr Osman Itani, pneumologue et spĂ©cialiste des soins intensifs, qui juge le systĂšme de santĂ© du pays dĂ©passĂ© par les Ă©vĂ©nements. Celui-ci dĂ©clare Ă©galement que « les salles de soins intensifs de l'hĂŽpital universitaire Rafik-Hariri sont maintenant pleines et, si la situation reste la mĂȘme dans les prochains jours, l'hĂŽpital ne pourra pas accueillir les cas nĂ©cessitant des soins intensifs »[3].
Ăconomique et politique
Enfin, l'Ă©conomie du pays est en rĂ©cession depuis 2018[4]. Plusieurs manifestations en ont menĂ© Ă la dĂ©mission du gouvernement, remplacĂ© en par un nouveau cabinet dirigĂ© par Hassan Diab. Ce dernier est cependant vu comme ayant adhĂ©rĂ© aux mĂȘmes politiques sociales et Ă©conomiques que le gouvernement l'ayant prĂ©cĂ©dĂ©, ce qui engendre de nouvelles manifestations pacifiques en Ă Beyrouth et dans d'autres villes au sud du Liban[5]. Durant le mois de , la livre libanaise perd 60 % de sa valeur, tandis que 45 % de la population vit sous le seuil de pauvretĂ© et 35 % de la population active est au chĂŽmage[4] - [5].
Selon la BBC : « L'explosion survient à un moment sensible pour le Liban, avec une crise économique ravivant d'anciennes divisions. Les tensions sont également fortes avant le verdict de vendredi lors d'un procÚs pour le meurtre de l'ancien Premier ministre Rafiq Hariri en 2005[6]. »
Port de Beyrouth
La zone industrialo-portuaire du port de Beyrouth est vitale pour le Liban. Elle est le principal lieu d'échange de marchandises du pays : 60 % des importations du pays sont estimées passer par-là [7] - [8].
La zone comprend quatre bassins, seize portiques de manutention et leur quai pour le transbordement de conteneurs, un ensemble de silos à grain d'une capacité totale estimée de 120 000 tonnes servant de stockage pour les réserves stratégiques du pays (en blé principalement), de nombreux hangars et entrepÎts (dont un contenant des feux d'artifice)[9] - [10]. On y trouve également la base navale de la marine libanaise[11].
Explosions
La premiĂšre explosion provoque une fumĂ©e grise de couleur claire, avec des dĂ©gĂąts relativement restreints. Il est possible de remarquer de multiples petites dĂ©tonations Ă l'intĂ©rieur mĂȘme de la base de la colonne de fumĂ©e, provenant d'un bĂątiment. Ces flashs lumineux, trĂšs courts, sont dĂ©crits comme semblables Ă des feux d'artifice mis en route[12]. Selon Marwan Abboud (en), le gouverneur de Beyrouth, cette explosion aurait Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ©e d'un incendie[13].
La seconde explosion, nettement plus violente et destructrice que la prĂ©cĂ©dente, se produit vers 18 h (heure locale). Elle dĂ©vaste toute la zone portuaire, plusieurs navires mouillant Ă quai ou se trouvant au large ainsi que le centre mĂȘme de Beyrouth. Un nuage de Wilson puis un nuage en champignon sont crĂ©Ă©s par l'explosion. Une colonne de fumĂ©e rouge et gris-noir apparaĂźt ensuite lorsque l'onde de choc se disperse[14] - [15]. Une instabilitĂ© de Rayleigh-Taylor est apparente sur la surface de la MĂ©diterranĂ©e lorsque le nuage de Wilson se dĂ©ploie, provoquant sur les flots une vague qui s'Ă©tend parallĂšlement Ă l'onde de choc. L'effet de souffle produit de trĂšs nombreux dommages, tant humains que matĂ©riels[16]. La seconde explosion est entendue jusqu'Ă Larnaca dans l'Ăźle de Chypre, situĂ©e Ă un peu plus de 200 km de lĂ [17].
Selon l'Institut d'Ă©tudes gĂ©ologiques des Ătats-Unis, la seconde explosion a Ă©tĂ© Ă©quivalente Ă un sĂ©isme de 3,3 sur l'Ă©chelle de Richter (concernant la secousse Ă proprement parler et non pas les dĂ©gĂąts engendrĂ©s)[18] - [19]. Le Centre jordanien d'observation sismologique relĂšve quant Ă lui une Ă©nergie libĂ©rĂ©e correspondant Ă une magnitude de 4,5[20] - [21] - [22].
Selon des spĂ©cialistes de lâuniversitĂ© de Sheffield, cette explosion aurait eu 1â10 de la puissance de celle de la bombe atomique ayant dĂ©truit Hiroshima et compte « sans aucun doute parmi les plus grosses explosions non-nuclĂ©aires de lâhistoire »[23]. Elle est d'une ampleur comparable Ă la catastrophe de Texas City de 1947 (provenant d'ailleurs du mĂȘme Ă©lĂ©ment chimique).
Causes
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Les premiÚres hypothÚses des médias libanais évoquent un entrepÎt de feux d'artifice, une installation de stockage de pétrole ou une installation de stockage de produits chimiques[24] - [25] - [26]. D'autres sources évoquent le fait que des entrepÎts dans le port stockaient des matiÚres explosives et des produits chimiques, y compris des nitrates, des composants courants d'engrais et d'explosifs[27].
Le directeur gĂ©nĂ©ral de la sĂ©curitĂ© publique libanaise dĂ©clare quelques heures aprĂšs l'explosion que celle-ci a Ă©tĂ© causĂ©e par des matiĂšres explosives qui « avaient Ă©tĂ© confisquĂ©es et stockĂ©es pendant des annĂ©es »[28]. Un peu plus tard le Conseil supĂ©rieur de la dĂ©fense indique que les dĂ©flagrations sont dues Ă lâexplosion de 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium dans le port[29]. Le directeur de la SĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale libanaise, le gĂ©nĂ©ral Abbas Ibrahim, confirme ce point, prĂ©cisant que ce dĂ©pĂŽt devait ĂȘtre acheminĂ© au Mozambique[30] - [31].
Le directeur des douanes Badri Daher a déclaré que ses services avaient averti six fois la justice sur ces risques[32].
La revue en ligne du rĂ©seau spĂ©cialisĂ© Shiparrested.com fait Ă©tat dans son numĂ©ro d' d'un navire au pavillon moldave â un pavillon de complaisance[33], le MV Rhosus, se rendant Ă Beira depuis le port de Batoumi en GĂ©orgie et qui a dĂ» faire escale Ă Beyrouth du fait d'un problĂšme technique. Il contient dans ses cales 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium. AprĂšs inspection, les autoritĂ©s du port de Beyrouth interdisent au navire de reprendre la mer et celui-ci est alors abandonnĂ© par ses propriĂ©taires[34] - [35]. Le nitrate d'ammonium aurait Ă©tĂ© dĂ©chargĂ© dans le port en 2013, puis stockĂ© dans un entrepĂŽt Ă cet endroit[14].
Le prĂ©sident du Conseil des ministres du Liban, Hassan Diab, dĂ©clare : « C'est inacceptable que 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium soient entreposĂ©es pendant six ans sans mesures de sĂ©curitĂ© »[36]. Le directeur des douanes, Badri Daher, indique quâun dĂ©pĂŽt de feux dâartifice se trouvait Ă cĂŽtĂ© de celui oĂč Ă©tait entreposĂ© le nitrate dâammonium. L'incendie initial serait dĂ» Ă des travaux de soudage dans un entrepĂŽt[37].
Responsabilités alléguées
Tous les responsables potentiels se rejettent la responsabilité de ne pas avoir évacué les 2 750 tonnes d'explosifs :
- le propriétaire du bateau Rhosus, Igor Gretchouchkine, a abandonné le bateau dÚs 2014 en refusant de le faire réparer dans le port de Beyrouth, de payer les redevances portuaires et le salaire des marins (qui se sont alors mutinés) ;
- le fabricant d'engrais géorgien Rustavi Azot, vendeur de la cargaison, et le groupe mozambicain Fabrica de Explosivos, acheteur, n'avaient pas non plus la responsabilité ou les moyens de récupérer le chargement ;
- l'autorité portuaire a alors déchargé et entreposé le produit potentiellement explosif conformément à une décision de justice ;
- les douaniers avaient alerté à six reprises sur le danger, mais leurs recommandations n'ont pas été suivies[32] ;
- les services de sécurité libanais avaient demandé en l'évacuation de l'entrepÎt et des réparations de fissures. Ils n'ont pas été suivis par la justice concernant l'évacuation, mais l'autorité portuaire a accepté de faire les réparations ;
- in fine, la réparation des fissures aurait nécessité des travaux de soudure, et cette hypothÚse causale est évoquée par quelques-uns[38] - [37]. Aucune preuve n'est établie ;
- pour de nombreux Libanais, beaucoup dans lâadministration comme dans les forces de sĂ©curitĂ©, savaient que des produits extrĂȘmement dangereux Ă©taient stockĂ©s dans les hangars sur le port, contrairement aux normes de sĂ©curitĂ© et quâun danger Ă©tait imminent. Une inertie criminelle a empĂȘchĂ© lâĂ©vacuation de lâentrepĂŽt, conduisant Ă un rejet mutuel des responsabilitĂ©s entre les services. Or, il apparaĂźt maintenant que « nul nâest responsable et encore moins coupable », ce qui, sâajoutant aux autres revendications, attise le sentiment de rĂ©volte parmi la population libanaise[39].
Propriétaires du nitrate d'ammonium
En , la chaĂźne al-Jadeed diffuse une enquĂȘte du documentariste Firas Hatoum, qui Ă©tablit un lien entre plusieurs sociĂ©tĂ©s Ă©crans et impute l'achat et le transport du nitrate d'ammonium Ă trois hommes d'affaires syro-russes proches du rĂ©gime de Bachar el-Assad : le magnat George Haswani et les frĂšres Imad et Mudalal Khouri. George Haswani avait dĂ©jĂ Ă©tĂ© accusĂ© de contourner les sanctions internationales en tentant de fournir au rĂ©gime syrien du nitrate d'ammonium, un composĂ© utilisĂ© par le rĂ©gime dans la fabrication des bombes barils[40] - [41] - [42] - [43]. Une tentative d'import de cet explosif en Syrie en 2013 avait Ă©galement valu Ă Moudallal Khouri d'ĂȘtre placĂ© sous sanctions europĂ©ennes[44].
Lokman Slim a ouvertement accusĂ© le Hezbollah et le rĂ©gime de Damas, avec la complicitĂ© de la Russie, dâĂȘtre responsables de la double explosion, peu de temps avant d'ĂȘtre assassinĂ©[44].
Selon Jean-Pierre Perrin, les premiers Ă©lĂ©ments de l'enquĂȘte corroborent cette hypothĂšse d'un stockage Ă destination de la Syrie[43].
Autre hypothĂšse
Le , le prĂ©sident libanais Michel Aoun Ă©voque l'hypothĂšse d'une « action extĂ©rieure, avec un missile ou une bombe ». Il demande au prĂ©sident français Emmanuel Macron de lui fournir des images satellites permettant de « dĂ©terminer s'il y avait des avions [âŠ] ou des missiles » dans l'espace aĂ©rien du Liban, tout en refusant toute enquĂȘte internationale[45] - [46].
Conséquences
Victimes
Ă la suite des explosions, des centaines de personnes sont blessĂ©es et plusieurs doivent ĂȘtre soignĂ©es Ă mĂȘme le sol[47]. Plusieurs personnes dĂ©cĂšdent lors de leur transfert Ă l'hĂŽpital[48]. Les mĂ©dias locaux et le ministre libanais de la SantĂ©, Hamad Hasan, indiquent rapidement que de nombreuses victimes sont Ă craindre[8]. Hassan dĂ©clare que des centaines de personnes ont Ă©tĂ© blessĂ©es[8], et qu'il faut s'attendre à « de nombreux blessĂ©s et des dĂ©gĂąts importants »[49]. Des tĂ©moins oculaires dĂ©clarent Ă la Lebanese Broadcasting Corporation International « [qu']au moins des dizaines de personnes ont Ă©tĂ© blessĂ©es et que les hĂŽpitaux sont pleins de blessĂ©s »[26].
Un premier bilan, au lendemain des explosions, fait état d'une centaine de morts et de plus de 4 000 blessés[50].
Le bilan final sera de 215 morts et 6 500 blessés[1].
Parmi les victimes, on compte également dix sapeurs-pompiers de Beyrouth, tués alors qu'ils intervenaient pour la premiÚre explosion[51]. Parmi eux, Sahar Fares, une jeune infirmiÚre, symbolise en partie la douleur ressentie dans le pays[52].
Dégùts matériels
Les explosions sont ressenties jusqu'à plusieurs dizaines de kilomÚtres et de nombreux bùtiments de Beyrouth sont endommagés sur leurs façades ou/et leurs fondations[53]. Des témoins déclarent que des maisons situées jusqu'à dix kilomÚtres de distance ont été endommagées par l'explosion[54].
LâhĂŽpital Saint-Georges, lâun des plus importants de la capitale, est situĂ© dans le quartier de Rmeil et s'est retrouvĂ© complĂštement dĂ©vastĂ©. Ses infrastructures ont Ă©tĂ© endommagĂ©es et des visiteurs et membres du personnel soignant sont morts dans lâexplosion[55]. Trois autres hĂŽpitaux de Beyrouth ont Ă©galement Ă©tĂ© endommagĂ©s lors de l'explosion, et lâaccident a rĂ©duit leurs capacitĂ©s[56].
L'ambassade de Belgique est Ă©galement endommagĂ©e[57] - [58]. Le siĂšge social du Daily Star, un journal libanais, est gravement atteint avec des parties du toit arrachĂ©es, des fenĂȘtres soufflĂ©es et des meubles endommagĂ©s.
Au port, l'explosion a laissé un cratÚre de 120 m de diamÚtre et de 4 à 6 m de profondeur à partir de la surface de l'eau (une dizaine de mÚtres par rapport au niveau du quai)[59], faisant disparaßtre une portion du littoral et tous les entrepÎts environnants[60] - [61]. Le paquebot de croisiÚre Orient Queen II, qui se trouvait à quai, est trÚs sérieusement endommagé et plusieurs membres d'équipage sont blessés[62].
L'aĂ©roport international de Beyrouth - Rafic Hariri, situĂ© Ă 10 km de l'explosion, subit des dommages importants : dans les bĂątiments des terminaux, des fenĂȘtres, des portes, des plafonds ainsi que des cĂąblages Ă©lectriques sont dĂ©truits. Il reste nĂ©anmoins ouvert et poursuit son activitĂ© normalement[63] - [64].
Le lendemain de la catastrophe, le gouverneur de Beyrouth, Marwan Abbout, annonce que « prÚs de la moitié de Beyrouth est détruite ou endommagée »[65] et chiffre une premiÚre estimation des dégùts « entre trois et cinq milliards de dollars »[66].
Le , le prĂ©sident Aoun annonce que « les estimations prĂ©liminaires pour les pertes essuyĂ©es [âŠ] dĂ©passent les 15 milliards de dollars »[67].
Les amas de débris de l'explosion viennent s'ajouter au problÚme déjà aigu de la gestion des déchets à Beyrouth. Plusieurs ONG ont collecté les débris de métal, verre et bois en vue de recyclage mais les bùtiments effondrés contenaient notamment de l'amiante, imputrescible et cancérogÚne, largement utilisé à l'époque de leur construction : la société Ramco, chargée de gérer le centre de tri de la Quarantaine et la décharge proche de la minoterie Bakalian, refuse de prendre en charge ces déchets possiblement contaminés[68].
Un an plus tard, en aoĂ»t 2021, les dĂ©gĂąts sont estimĂ©s Ă prĂšs de quatre milliards dâeuros par la Banque mondiale[69].
Le , à quelques jours du deuxiÚme anniversaire de la catastrophe, les ruines des silos de stockage dévastés par l'explosion initiale s'effondrent partiellement à la suite d'un incendie interne[70].
Le 4 août 2022, deux ans jour pour jour aprÚs la catastrophes, les ruines des silos de stockage s'effondrent de nouveau, 4 jours aprÚs de premiers effondrements et alors que des manifestants étaient sur place pour rendre hommage aux victimes[71].
Enjeux humanitaires
En raison de l'ampleur des dégùts dans la ville de Beyrouth, 250 000 à 300 000 personnes se retrouvent sans logement[72].
Plusieurs experts s'inquiÚtent que la sécurité alimentaire du pays soit compromise à la suite de cet accident, le port de Beyrouth gérant 60 % des importations du Liban, qui importe 80 % de ses denrées alimentaires[73]. Le port comportait notamment des silos à grains, d'une capacité de 120 000 tonnes de céréales, qui ont été éventrés par l'explosion. L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture évoque notamment sa crainte « d'avoir à brÚve échéance un problÚme de disponibilité de farine pour le pays »[74].
Justice et crise politique
L'enquĂȘte sur les causes et la dĂ©termination des responsabilitĂ©s ayant menĂ© aux explosions est trĂšs complexe Ă mener. Les autoritĂ©s libanaises refusent toute enquĂȘte internationale, tandis que les familles des victimes de lâexplosion accusent les dirigeants de nuire Ă l'avancĂ©e de l'enquĂȘte, voire de la saboter[75]. Le premier juge nommĂ© pour enquĂȘter, Fadi Sawwan, est dĂ©mis de ses fonctions aprĂšs avoir inculpĂ© deux anciens ministres pour nĂ©gligence. Le second juge principal, Tarek Bitar, reçoit menaces et fortes pressions pour faire cesser l'enquĂȘte, aucun des responsables politiques qu'il convoque ne se prĂ©sente[76]. Le , une manifestation armĂ©e du Hezbollah et du mouvement Amal contre le magistrat tourne Ă l'affrontement urbain contre les Forces libanaises, faisant 7 morts et 32 blessĂ©s[77]. Le 5 novembre, le juge Bitar est de nouveau dessaisi de l'enquĂȘte, Ă la suite d'un recours en rĂ©cusation dĂ©posĂ© par l'ancien ministre Youssef Fenianos, qui refuse de comparaĂźtre. Les familles de victimes craignent que le juge soit dĂ©finitivement dessaisi de l'affaire, car la cour d'appel qui doit statuer est prĂ©sidĂ©e par un proche du mouvement Amal de Nabih Berri, alliĂ© du Hezbollah[78].
RĂ©actions
Nationales
Le prĂ©sident du Conseil des ministres du Liban, Hassan Diab, annonce une journĂ©e de deuil national le [79]. Le gouverneur de Beyrouth, Marwan Abboud, en pleurs Ă la tĂ©lĂ©vision, qualifie l'Ă©vĂ©nement de « catastrophe nationale »[12]. Le prĂ©sident Michel Aoun annonce le mĂȘme jour que le gouvernement met Ă disposition cent milliards de livres (20 millions de dollars Ă cette date) de fonds d'urgence[14]. Le lendemain, le gouvernement dĂ©crĂšte l'Ă©tat d'urgence dans Beyrouth pour une durĂ©e de deux semaines, confiant la sĂ©curitĂ© de la ville Ă l'armĂ©e[80].
La Croix-Rouge libanaise annonce que toutes les ambulances disponibles dans le Liban-Nord, la plaine de la Bekaa et le Liban du Sud sont envoyées à Beyrouth en renfort[12].
Le Hezbollah dément toute responsabilité dans le drame[81].
Devant l'ampleur des manifestations du à Beyrouth en protestation contre l'incurie gouvernementale, le Premier ministre Hassan Diab propose des élections législatives anticipées[82].
Une pétition réclamant de placer à nouveau le Liban sous mandat français pendant dix ans recueille plus de 60 000 signatures deux jours aprÚs sa mise en ligne[83], la pétition a dépassé son objectif qui était de 50 000 signatures[84].
Le , la ministre de l'information, Manal Abdel Samad, annonce sa dĂ©mission et prĂ©sente ses excuses aux Libanais[85]. Trois autres ministres la suivent â le ministre des finances Ghazi Wazni, la ministre de la justice Marie-Claude Najm et le ministre de l'environnement Damianos Kattar â jusqu'Ă ce que Hassan Diab annonce, le , la dĂ©mission du gouvernement[86].
Internationales
Le soir mĂȘme, le prĂ©sident des Ătats-Unis Donald Trump dĂ©clare : « Les Ătats-Unis sont prĂȘts Ă aider le Liban. Nous entretenons de trĂšs bonnes relations avec le peuple libanais et nous serons lĂ pour vous aider. Cela ressemble Ă une terrible attaque ». Il prĂ©cise que « l'explosion semble avoir Ă©tĂ© causĂ©e par une sorte de bombe ». InterrogĂ© sur ces dĂ©clarations, un reprĂ©sentant du dĂ©partement de la DĂ©fense des Ătats-Unis dĂ©clare « ne pas savoir de quoi Trump parlait » en prĂ©cisant que le Pentagone considĂšre que l'explosion est « un accident plutĂŽt qu'une attaque dĂ©libĂ©rĂ©e »[87] - [88].
Le président israélien Reuven Rivlin envoie un message de soutien en langue arabe : « Nous souhaitons sincÚrement offrir notre aide en cette période difficile »[89]. Les responsables de la défense israélienne démentent une implication d'Israël dans les explosions[90], ce que des hauts responsables du Hezbollah démentent également pour leur part[91].
De nombreux pays offrent leur soutien logistique et mĂ©dical, parmi lesquels l'AlgĂ©rie[92], l'Australie[93], la Belgique (B-FAST)[94], le Canada[95], Chypre[96], les Ătats-Unis[97], la France[98] - [99], la GrĂšce[100], la Hongrie, l'Iran[101], IsraĂ«l[102], l'Italie[103], le Maroc[104], le Royaume-Uni[105], la Suisse[106] et la Turquie[107]. Plusieurs pays ont exprimĂ© leur solidaritĂ© en illuminant des sites et monuments aux couleurs du drapeau libanais, tels que le Burj Khalifa de DubaĂŻ, ou lâhĂŽtel de ville de Tel Aviv-Jaffa[108] - [109]. Certaines personnalitĂ©s de l'extrĂȘme droite israĂ©lienne ont critiquĂ© l'affichage du drapeau du Liban, un « Ătat ennemi », dans la ville[109].
Le lendemain de la catastrophe, la France envoie un détachement de 55 sapeurs-sauveteurs de la Sécurité civile et 21 tonnes de matériel, dont six de matériel sanitaire[110]. Les Pays-Bas annoncent l'envoi de 67 travailleurs humanitaires, dont des médecins, policiers et pompiers[111]. La Tunisie envoie également deux avions militaires de nourriture et d'équipements médicaux et annonce que 100 blessés seront transférés en Tunisie et placés dans des hÎpitaux tunisiens[112]. La Tchéquie envoie des équipes de secours[113].
La Belgique envoie aussi 10 000 kits de survie ; par la suite des Ă©quipements d'accueil seront Ă©galement envoyĂ©s via un avion de B-FAST[114]. Le ministre des Affaires Ă©trangĂšres Philippe Goffin a Ă©galement demandĂ© l'envoi d'une Ă©quipe multidisciplinaire constituĂ©e de membres de la Protection civile spĂ©cialisĂ©s en dĂ©tection de substances dangereuses, de membres de la composante militaire de la DĂ©fense en raison d'une Ă©valuation complĂ©mentaire des besoins mĂ©dicaux ainsi que du Centre des grands brĂ»lĂ©s de Neder-over-Heembeek, et quelques experts pour encadrer la mission[114]. Le vice Premier ministre et ministre de la CoopĂ©ration au dĂ©veloppement, Alexander De Croo, Ă dĂ©cider d'allouer un budget dâun million d'Euros Ă la Croix-Rouge afin de faire face Ă l'urgence mĂ©dicale locale.
En raison de la prĂ©sence de Français parmi les victimes â un mort (Jean-Marc Bonfils, architecte[115]) et 40 blessĂ©s â le pĂŽle Accidents Collectifs du parquet de Paris ouvre une enquĂȘte pour « Homicide et blessures involontaires » comme la loi française le permet[116]. Le , Emmanuel Macron se rend Ă Beyrouth pour apporter « un message de solidaritĂ© et de fraternitĂ© », organiser les secours et proposer des rĂ©formes[117] - [118]. Accueilli par une foule nombreuse, le prĂ©sident français annonce l'arrivĂ©e d'aide humanitaire et le dĂ©ploiement du porte-hĂ©licoptĂšres amphibie Tonnerre. Il tient un discours rĂ©clamant des rĂ©formes de la part du gouvernement libanais, tout en affirmant ne vouloir rĂ©aliser « aucune ingĂ©rence »[119].
Le , les représentants d'une trentaine de pays se réunissent en visioconférence, à l'initiative de l'ONU et de la France, pour convenir de l'aide à apporter. Ils s'engagent à verser 252,7 millions d'euros et à ce que leur assistance soit « fournie directement à la population libanaise, avec le maximum d'efficacité et de transparence »[120].
Par ailleurs, dÚs le , des intellectuels parmi lesquels des architectes et des urbanistes libanais[121] et internationaux lancent une pétition[122] pour la sauvegarde des silos du port partiellement détruits et leur réhabilitation en mémorial.
Le , le président français Emmanuel Macron s'est rendu à Beyrouth pour la deuxiÚme fois en un mois, et a adressé son soutien au peuple libanais, en exprimant sa détermination à l'aider à effectuer un changement de régime politique et en dénonçant l'immobilisme de la classe dirigeante du Liban aprÚs la catastrophe[123].
Mise en Ă©vidence de risques
Le lendemain de l'accident, plusieurs journaux soulignent le risque d'incidents similaires dans d'autres villes, notamment Ă Newcastle (Australie) et HaĂŻfa (IsraĂ«l), oĂč sont stockĂ©es plusieurs milliers de tonnes de nitrate d'ammonium[124] - [125].
Notes et références
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Voir aussi
Bibliographie
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Articles connexes
- Liste d'explosions accidentelles impliquant du nitrate d'ammonium
- Nitrate d'ammonium
- Opération Amitié, opération de soutien de l'armée française à la suite des explosions
Liens externes
- (en) Beirut Explosion in Pictures sur le site du Guardian
- (en) In Pictures: Huge Explosion Rocks Beirut sur le site de CNN
- (en) Photos: Explosion Leaves Beirut in Shatters sur le site de NPR
- (en) The Lebanon Explosions in Photos sur le site du New York Times
- (en) Explosion in Beirut: Photos From a City Still Reeling From the Blast sur le site de Time