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Explosions au port de Beyrouth de 2020

Les explosions au port de Beyrouth de 2020 sont la succession de deux explosions dans le port de Beyrouth, au Liban, le , aux alentours de 18 h.

Explosions au port de Beyrouth du
Le cratĂšre d'explosion (au premier plan) et le silo Ă  grains du port de Beyrouth (Ă  l'extrĂȘme gauche de la photo) aprĂšs la catastrophe.
Le cratĂšre d'explosion (au premier plan) et le silo Ă  grains du port de Beyrouth (Ă  l'extrĂȘme gauche de la photo) aprĂšs la catastrophe.

Type Explosion d’un stock de nitrate d'ammonium
Pays Drapeau du Liban Liban
Localisation Port de Beyrouth
CoordonnĂ©es 33° 54â€Č 05″ nord, 35° 31â€Č 08″ est
Date Ă  18 h 8 min 18 s heure locale
Bilan
BlessĂ©s 6 500[1]
Morts 215[1]

La seconde explosion de 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium stockĂ©es dans le hangar numĂ©ro 12 de la zone portuaire provoque des dĂ©gĂąts humains et matĂ©riels considĂ©rables Ă  travers la ville et parmi les navires mouillant au port.

Le bilan final sera de 215 morts et 6 500 blessĂ©s[1]. Un an aprĂšs l'explosion, les dĂ©gĂąts sont estimĂ©s Ă  prĂšs de quatre milliards d’euros par la Banque mondiale.

Le , à quelques jours du deuxiÚme anniversaire de la catastrophe, les ruines des silos de stockage dévastés par l'explosion initiale s'effondrent partiellement à la suite d'un incendie interne. Le bloc nord de ces silos finit par s'effondrer en totalité le 23 août 2022, sans faire de victime[2].

Contexte

Sanitaire

Au moment des faits, le Liban Ă©prouve des difficultĂ©s dans sa lutte face Ă  la pandĂ©mie de Covid-19. Le , le nombre total de cas dans le pays atteint la barre des cinq mille, et ce malgrĂ© de nouvelles mesures de confinement prises le . Durant le week-end des et , pĂ©riode de l'AĂŻd al-Adha, 555 rapports de violations de distanciation physique et de mesures prĂ©ventives sont enregistrĂ©s par les autoritĂ©s. Le Liban enregistre plus de cent nouveaux cas par jour et se trouve alors dans une situation jugĂ©e « difficile » par le Dr Osman Itani, pneumologue et spĂ©cialiste des soins intensifs, qui juge le systĂšme de santĂ© du pays dĂ©passĂ© par les Ă©vĂ©nements. Celui-ci dĂ©clare Ă©galement que « les salles de soins intensifs de l'hĂŽpital universitaire Rafik-Hariri sont maintenant pleines et, si la situation reste la mĂȘme dans les prochains jours, l'hĂŽpital ne pourra pas accueillir les cas nĂ©cessitant des soins intensifs »[3].

Économique et politique

Enfin, l'Ă©conomie du pays est en rĂ©cession depuis 2018[4]. Plusieurs manifestations en ont menĂ© Ă  la dĂ©mission du gouvernement, remplacĂ© en par un nouveau cabinet dirigĂ© par Hassan Diab. Ce dernier est cependant vu comme ayant adhĂ©rĂ© aux mĂȘmes politiques sociales et Ă©conomiques que le gouvernement l'ayant prĂ©cĂ©dĂ©, ce qui engendre de nouvelles manifestations pacifiques en Ă  Beyrouth et dans d'autres villes au sud du Liban[5]. Durant le mois de , la livre libanaise perd 60 % de sa valeur, tandis que 45 % de la population vit sous le seuil de pauvretĂ© et 35 % de la population active est au chĂŽmage[4] - [5].

Selon la BBC : « L'explosion survient à un moment sensible pour le Liban, avec une crise économique ravivant d'anciennes divisions. Les tensions sont également fortes avant le verdict de vendredi lors d'un procÚs pour le meurtre de l'ancien Premier ministre Rafiq Hariri en 2005[6]. »

Port de Beyrouth

La zone industrialo-portuaire du port de Beyrouth est vitale pour le Liban. Elle est le principal lieu d'échange de marchandises du pays : 60 % des importations du pays sont estimées passer par-là[7] - [8].

La zone comprend quatre bassins, seize portiques de manutention et leur quai pour le transbordement de conteneurs, un ensemble de silos Ă  grain d'une capacitĂ© totale estimĂ©e de 120 000 tonnes servant de stockage pour les rĂ©serves stratĂ©giques du pays (en blĂ© principalement), de nombreux hangars et entrepĂŽts (dont un contenant des feux d'artifice)[9] - [10]. On y trouve Ă©galement la base navale de la marine libanaise[11].

Explosions

Carte de l'intensité sismique ressentie lors de l'explosion.

La premiĂšre explosion provoque une fumĂ©e grise de couleur claire, avec des dĂ©gĂąts relativement restreints. Il est possible de remarquer de multiples petites dĂ©tonations Ă  l'intĂ©rieur mĂȘme de la base de la colonne de fumĂ©e, provenant d'un bĂątiment. Ces flashs lumineux, trĂšs courts, sont dĂ©crits comme semblables Ă  des feux d'artifice mis en route[12]. Selon Marwan Abboud (en), le gouverneur de Beyrouth, cette explosion aurait Ă©tĂ© prĂ©cĂ©dĂ©e d'un incendie[13].

La seconde explosion, nettement plus violente et destructrice que la prĂ©cĂ©dente, se produit vers 18 h (heure locale). Elle dĂ©vaste toute la zone portuaire, plusieurs navires mouillant Ă  quai ou se trouvant au large ainsi que le centre mĂȘme de Beyrouth. Un nuage de Wilson puis un nuage en champignon sont crĂ©Ă©s par l'explosion. Une colonne de fumĂ©e rouge et gris-noir apparaĂźt ensuite lorsque l'onde de choc se disperse[14] - [15]. Une instabilitĂ© de Rayleigh-Taylor est apparente sur la surface de la MĂ©diterranĂ©e lorsque le nuage de Wilson se dĂ©ploie, provoquant sur les flots une vague qui s'Ă©tend parallĂšlement Ă  l'onde de choc. L'effet de souffle produit de trĂšs nombreux dommages, tant humains que matĂ©riels[16]. La seconde explosion est entendue jusqu'Ă  Larnaca dans l'Ăźle de Chypre, situĂ©e Ă  un peu plus de 200 km de lĂ [17].

Selon l'Institut d'Ă©tudes gĂ©ologiques des États-Unis, la seconde explosion a Ă©tĂ© Ă©quivalente Ă  un sĂ©isme de 3,3 sur l'Ă©chelle de Richter (concernant la secousse Ă  proprement parler et non pas les dĂ©gĂąts engendrĂ©s)[18] - [19]. Le Centre jordanien d'observation sismologique relĂšve quant Ă  lui une Ă©nergie libĂ©rĂ©e correspondant Ă  une magnitude de 4,5[20] - [21] - [22].

Selon des spĂ©cialistes de l’universitĂ© de Sheffield, cette explosion aurait eu 1⁄10 de la puissance de celle de la bombe atomique ayant dĂ©truit Hiroshima et compte « sans aucun doute parmi les plus grosses explosions non-nuclĂ©aires de l’histoire »[23]. Elle est d'une ampleur comparable Ă  la catastrophe de Texas City de 1947 (provenant d'ailleurs du mĂȘme Ă©lĂ©ment chimique).

Causes

1
1
L'explosion s'est produite derriĂšre les silos sur cette vue.

Les premiÚres hypothÚses des médias libanais évoquent un entrepÎt de feux d'artifice, une installation de stockage de pétrole ou une installation de stockage de produits chimiques[24] - [25] - [26]. D'autres sources évoquent le fait que des entrepÎts dans le port stockaient des matiÚres explosives et des produits chimiques, y compris des nitrates, des composants courants d'engrais et d'explosifs[27].

Le directeur gĂ©nĂ©ral de la sĂ©curitĂ© publique libanaise dĂ©clare quelques heures aprĂšs l'explosion que celle-ci a Ă©tĂ© causĂ©e par des matiĂšres explosives qui « avaient Ă©tĂ© confisquĂ©es et stockĂ©es pendant des annĂ©es »[28]. Un peu plus tard le Conseil supĂ©rieur de la dĂ©fense indique que les dĂ©flagrations sont dues Ă  l’explosion de 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium dans le port[29]. Le directeur de la SĂ»retĂ© gĂ©nĂ©rale libanaise, le gĂ©nĂ©ral Abbas Ibrahim, confirme ce point, prĂ©cisant que ce dĂ©pĂŽt devait ĂȘtre acheminĂ© au Mozambique[30] - [31].

Le directeur des douanes Badri Daher a déclaré que ses services avaient averti six fois la justice sur ces risques[32].

MV Rhosus ammaré dans le port de Beyrouth
Le MV Rhosus amarrĂ© dans le port de Beyrouth depuis 2014, abandonnĂ© par son propriĂ©taire. À gauche, le hangar au pied du silo Ă  grain oĂč a lieu la double explosion (photo prise en 2017).

La revue en ligne du rĂ©seau spĂ©cialisĂ© Shiparrested.com fait Ă©tat dans son numĂ©ro d' d'un navire au pavillon moldave — un pavillon de complaisance[33], le MV Rhosus, se rendant Ă  Beira depuis le port de Batoumi en GĂ©orgie et qui a dĂ» faire escale Ă  Beyrouth du fait d'un problĂšme technique. Il contient dans ses cales 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium. AprĂšs inspection, les autoritĂ©s du port de Beyrouth interdisent au navire de reprendre la mer et celui-ci est alors abandonnĂ© par ses propriĂ©taires[34] - [35]. Le nitrate d'ammonium aurait Ă©tĂ© dĂ©chargĂ© dans le port en 2013, puis stockĂ© dans un entrepĂŽt Ă  cet endroit[14].

Le prĂ©sident du Conseil des ministres du Liban, Hassan Diab, dĂ©clare : « C'est inacceptable que 2 750 tonnes de nitrate d'ammonium soient entreposĂ©es pendant six ans sans mesures de sĂ©curitĂ© »[36]. Le directeur des douanes, Badri Daher, indique qu’un dĂ©pĂŽt de feux d’artifice se trouvait Ă  cĂŽtĂ© de celui oĂč Ă©tait entreposĂ© le nitrate d’ammonium. L'incendie initial serait dĂ» Ă  des travaux de soudage dans un entrepĂŽt[37].

Responsabilités alléguées

Tous les responsables potentiels se rejettent la responsabilitĂ© de ne pas avoir Ă©vacuĂ© les 2 750 tonnes d'explosifs :

  • le propriĂ©taire du bateau Rhosus, Igor Gretchouchkine, a abandonnĂ© le bateau dĂšs 2014 en refusant de le faire rĂ©parer dans le port de Beyrouth, de payer les redevances portuaires et le salaire des marins (qui se sont alors mutinĂ©s) ;
  • le fabricant d'engrais gĂ©orgien Rustavi Azot, vendeur de la cargaison, et le groupe mozambicain Fabrica de Explosivos, acheteur, n'avaient pas non plus la responsabilitĂ© ou les moyens de rĂ©cupĂ©rer le chargement ;
  • l'autoritĂ© portuaire a alors dĂ©chargĂ© et entreposĂ© le produit potentiellement explosif conformĂ©ment Ă  une dĂ©cision de justice ;
  • les douaniers avaient alertĂ© Ă  six reprises sur le danger, mais leurs recommandations n'ont pas Ă©tĂ© suivies[32] ;
  • les services de sĂ©curitĂ© libanais avaient demandĂ© en l'Ă©vacuation de l'entrepĂŽt et des rĂ©parations de fissures. Ils n'ont pas Ă©tĂ© suivis par la justice concernant l'Ă©vacuation, mais l'autoritĂ© portuaire a acceptĂ© de faire les rĂ©parations ;
  • in fine, la rĂ©paration des fissures aurait nĂ©cessitĂ© des travaux de soudure, et cette hypothĂšse causale est Ă©voquĂ©e par quelques-uns[38] - [37]. Aucune preuve n'est Ă©tablie ;
  • pour de nombreux Libanais, beaucoup dans l’administration comme dans les forces de sĂ©curitĂ©, savaient que des produits extrĂȘmement dangereux Ă©taient stockĂ©s dans les hangars sur le port, contrairement aux normes de sĂ©curitĂ© et qu’un danger Ă©tait imminent. Une inertie criminelle a empĂȘchĂ© l’évacuation de l’entrepĂŽt, conduisant Ă  un rejet mutuel des responsabilitĂ©s entre les services. Or, il apparaĂźt maintenant que « nul n’est responsable et encore moins coupable », ce qui, s’ajoutant aux autres revendications, attise le sentiment de rĂ©volte parmi la population libanaise[39].

Propriétaires du nitrate d'ammonium

En , la chaĂźne al-Jadeed diffuse une enquĂȘte du documentariste Firas Hatoum, qui Ă©tablit un lien entre plusieurs sociĂ©tĂ©s Ă©crans et impute l'achat et le transport du nitrate d'ammonium Ă  trois hommes d'affaires syro-russes proches du rĂ©gime de Bachar el-Assad : le magnat George Haswani et les frĂšres Imad et Mudalal Khouri. George Haswani avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© accusĂ© de contourner les sanctions internationales en tentant de fournir au rĂ©gime syrien du nitrate d'ammonium, un composĂ© utilisĂ© par le rĂ©gime dans la fabrication des bombes barils[40] - [41] - [42] - [43]. Une tentative d'import de cet explosif en Syrie en 2013 avait Ă©galement valu Ă  Moudallal Khouri d'ĂȘtre placĂ© sous sanctions europĂ©ennes[44].

Lokman Slim a ouvertement accusĂ© le Hezbollah et le rĂ©gime de Damas, avec la complicitĂ© de la Russie, d’ĂȘtre responsables de la double explosion, peu de temps avant d'ĂȘtre assassinĂ©[44].

Selon Jean-Pierre Perrin, les premiers Ă©lĂ©ments de l'enquĂȘte corroborent cette hypothĂšse d'un stockage Ă  destination de la Syrie[43].

Autre hypothĂšse

Le , le prĂ©sident libanais Michel Aoun Ă©voque l'hypothĂšse d'une « action extĂ©rieure, avec un missile ou une bombe ». Il demande au prĂ©sident français Emmanuel Macron de lui fournir des images satellites permettant de « dĂ©terminer s'il y avait des avions [
] ou des missiles » dans l'espace aĂ©rien du Liban, tout en refusant toute enquĂȘte internationale[45] - [46].

Conséquences

Victimes

DĂ©gĂąts aprĂšs les explosions sur une place de Beyrouth.

À la suite des explosions, des centaines de personnes sont blessĂ©es et plusieurs doivent ĂȘtre soignĂ©es Ă  mĂȘme le sol[47]. Plusieurs personnes dĂ©cĂšdent lors de leur transfert Ă  l'hĂŽpital[48]. Les mĂ©dias locaux et le ministre libanais de la SantĂ©, Hamad Hasan, indiquent rapidement que de nombreuses victimes sont Ă  craindre[8]. Hassan dĂ©clare que des centaines de personnes ont Ă©tĂ© blessĂ©es[8], et qu'il faut s'attendre Ă  « de nombreux blessĂ©s et des dĂ©gĂąts importants »[49]. Des tĂ©moins oculaires dĂ©clarent Ă  la Lebanese Broadcasting Corporation International « [qu']au moins des dizaines de personnes ont Ă©tĂ© blessĂ©es et que les hĂŽpitaux sont pleins de blessĂ©s »[26].

Un premier bilan, au lendemain des explosions, fait Ă©tat d'une centaine de morts et de plus de 4 000 blessĂ©s[50].

Le bilan final sera de 215 morts et 6 500 blessĂ©s[1].

Parmi les victimes, on compte également dix sapeurs-pompiers de Beyrouth, tués alors qu'ils intervenaient pour la premiÚre explosion[51]. Parmi eux, Sahar Fares, une jeune infirmiÚre, symbolise en partie la douleur ressentie dans le pays[52].

Dégùts matériels

Port de Beyrouth vu une semaine aprĂšs la catastrophe depuis la Station spatiale internationale ; Ă  gauche, un agrandissement sur le lieu de l'explosion.

Les explosions sont ressenties jusqu'à plusieurs dizaines de kilomÚtres et de nombreux bùtiments de Beyrouth sont endommagés sur leurs façades ou/et leurs fondations[53]. Des témoins déclarent que des maisons situées jusqu'à dix kilomÚtres de distance ont été endommagées par l'explosion[54].

L’hĂŽpital Saint-Georges, l’un des plus importants de la capitale, est situĂ© dans le quartier de Rmeil et s'est retrouvĂ© complĂštement dĂ©vastĂ©. Ses infrastructures ont Ă©tĂ© endommagĂ©es et des visiteurs et membres du personnel soignant sont morts dans l’explosion[55]. Trois autres hĂŽpitaux de Beyrouth ont Ă©galement Ă©tĂ© endommagĂ©s lors de l'explosion, et l’accident a rĂ©duit leurs capacitĂ©s[56].

L'ambassade de Belgique est Ă©galement endommagĂ©e[57] - [58]. Le siĂšge social du Daily Star, un journal libanais, est gravement atteint avec des parties du toit arrachĂ©es, des fenĂȘtres soufflĂ©es et des meubles endommagĂ©s.

Au port, l'explosion a laissĂ© un cratĂšre de 120 m de diamĂštre et de 4 Ă  6 m de profondeur Ă  partir de la surface de l'eau (une dizaine de mĂštres par rapport au niveau du quai)[59], faisant disparaĂźtre une portion du littoral et tous les entrepĂŽts environnants[60] - [61]. Le paquebot de croisiĂšre Orient Queen II, qui se trouvait Ă  quai, est trĂšs sĂ©rieusement endommagĂ© et plusieurs membres d'Ă©quipage sont blessĂ©s[62].

La façade d'un bùtiment situé à l'entrée du port, détruite par l'explosion.

L'aĂ©roport international de Beyrouth - Rafic Hariri, situĂ© Ă  10 km de l'explosion, subit des dommages importants : dans les bĂątiments des terminaux, des fenĂȘtres, des portes, des plafonds ainsi que des cĂąblages Ă©lectriques sont dĂ©truits. Il reste nĂ©anmoins ouvert et poursuit son activitĂ© normalement[63] - [64].

Le lendemain de la catastrophe, le gouverneur de Beyrouth, Marwan Abbout, annonce que « prÚs de la moitié de Beyrouth est détruite ou endommagée »[65] et chiffre une premiÚre estimation des dégùts « entre trois et cinq milliards de dollars »[66].

Le , le prĂ©sident Aoun annonce que « les estimations prĂ©liminaires pour les pertes essuyĂ©es [
] dĂ©passent les 15 milliards de dollars »[67].

Les amas de débris de l'explosion viennent s'ajouter au problÚme déjà aigu de la gestion des déchets à Beyrouth. Plusieurs ONG ont collecté les débris de métal, verre et bois en vue de recyclage mais les bùtiments effondrés contenaient notamment de l'amiante, imputrescible et cancérogÚne, largement utilisé à l'époque de leur construction : la société Ramco, chargée de gérer le centre de tri de la Quarantaine et la décharge proche de la minoterie Bakalian, refuse de prendre en charge ces déchets possiblement contaminés[68].

Un an plus tard, en aoĂ»t 2021, les dĂ©gĂąts sont estimĂ©s Ă  prĂšs de quatre milliards d’euros par la Banque mondiale[69].

Le , à quelques jours du deuxiÚme anniversaire de la catastrophe, les ruines des silos de stockage dévastés par l'explosion initiale s'effondrent partiellement à la suite d'un incendie interne[70].

Le 4 août 2022, deux ans jour pour jour aprÚs la catastrophes, les ruines des silos de stockage s'effondrent de nouveau, 4 jours aprÚs de premiers effondrements et alors que des manifestants étaient sur place pour rendre hommage aux victimes[71].

Enjeux humanitaires

En raison de l'ampleur des dĂ©gĂąts dans la ville de Beyrouth, 250 000 Ă  300 000 personnes se retrouvent sans logement[72].

Plusieurs experts s'inquiĂštent que la sĂ©curitĂ© alimentaire du pays soit compromise Ă  la suite de cet accident, le port de Beyrouth gĂ©rant 60 % des importations du Liban, qui importe 80 % de ses denrĂ©es alimentaires[73]. Le port comportait notamment des silos Ă  grains, d'une capacitĂ© de 120 000 tonnes de cĂ©rĂ©ales, qui ont Ă©tĂ© Ă©ventrĂ©s par l'explosion. L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture Ă©voque notamment sa crainte « d'avoir Ă  brĂšve Ă©chĂ©ance un problĂšme de disponibilitĂ© de farine pour le pays »[74].

Justice et crise politique

L'enquĂȘte sur les causes et la dĂ©termination des responsabilitĂ©s ayant menĂ© aux explosions est trĂšs complexe Ă  mener. Les autoritĂ©s libanaises refusent toute enquĂȘte internationale, tandis que les familles des victimes de l’explosion accusent les dirigeants de nuire Ă  l'avancĂ©e de l'enquĂȘte, voire de la saboter[75]. Le premier juge nommĂ© pour enquĂȘter, Fadi Sawwan, est dĂ©mis de ses fonctions aprĂšs avoir inculpĂ© deux anciens ministres pour nĂ©gligence. Le second juge principal, Tarek Bitar, reçoit menaces et fortes pressions pour faire cesser l'enquĂȘte, aucun des responsables politiques qu'il convoque ne se prĂ©sente[76]. Le , une manifestation armĂ©e du Hezbollah et du mouvement Amal contre le magistrat tourne Ă  l'affrontement urbain contre les Forces libanaises, faisant 7 morts et 32 blessĂ©s[77]. Le 5 novembre, le juge Bitar est de nouveau dessaisi de l'enquĂȘte, Ă  la suite d'un recours en rĂ©cusation dĂ©posĂ© par l'ancien ministre Youssef Fenianos, qui refuse de comparaĂźtre. Les familles de victimes craignent que le juge soit dĂ©finitivement dessaisi de l'affaire, car la cour d'appel qui doit statuer est prĂ©sidĂ©e par un proche du mouvement Amal de Nabih Berri, alliĂ© du Hezbollah[78].

RĂ©actions

Nationales

Le prĂ©sident du Conseil des ministres du Liban, Hassan Diab, annonce une journĂ©e de deuil national le [79]. Le gouverneur de Beyrouth, Marwan Abboud, en pleurs Ă  la tĂ©lĂ©vision, qualifie l'Ă©vĂ©nement de « catastrophe nationale »[12]. Le prĂ©sident Michel Aoun annonce le mĂȘme jour que le gouvernement met Ă  disposition cent milliards de livres (20 millions de dollars Ă  cette date) de fonds d'urgence[14]. Le lendemain, le gouvernement dĂ©crĂšte l'Ă©tat d'urgence dans Beyrouth pour une durĂ©e de deux semaines, confiant la sĂ©curitĂ© de la ville Ă  l'armĂ©e[80].

La Croix-Rouge libanaise annonce que toutes les ambulances disponibles dans le Liban-Nord, la plaine de la Bekaa et le Liban du Sud sont envoyées à Beyrouth en renfort[12].

Le Hezbollah dément toute responsabilité dans le drame[81].

Devant l'ampleur des manifestations du à Beyrouth en protestation contre l'incurie gouvernementale, le Premier ministre Hassan Diab propose des élections législatives anticipées[82].

Une pĂ©tition rĂ©clamant de placer Ă  nouveau le Liban sous mandat français pendant dix ans recueille plus de 60 000 signatures deux jours aprĂšs sa mise en ligne[83], la pĂ©tition a dĂ©passĂ© son objectif qui Ă©tait de 50 000 signatures[84].

Le , la ministre de l'information, Manal Abdel Samad, annonce sa dĂ©mission et prĂ©sente ses excuses aux Libanais[85]. Trois autres ministres la suivent — le ministre des finances Ghazi Wazni, la ministre de la justice Marie-Claude Najm et le ministre de l'environnement Damianos Kattar — jusqu'Ă  ce que Hassan Diab annonce, le , la dĂ©mission du gouvernement[86].

Internationales

L'hÎtel de ville de Tel Aviv-Jaffa illuminé aux couleurs du drapeau du Liban en hommage aux victimes des explosions.

Le soir mĂȘme, le prĂ©sident des États-Unis Donald Trump dĂ©clare : « Les États-Unis sont prĂȘts Ă  aider le Liban. Nous entretenons de trĂšs bonnes relations avec le peuple libanais et nous serons lĂ  pour vous aider. Cela ressemble Ă  une terrible attaque ». Il prĂ©cise que « l'explosion semble avoir Ă©tĂ© causĂ©e par une sorte de bombe ». InterrogĂ© sur ces dĂ©clarations, un reprĂ©sentant du dĂ©partement de la DĂ©fense des États-Unis dĂ©clare « ne pas savoir de quoi Trump parlait » en prĂ©cisant que le Pentagone considĂšre que l'explosion est « un accident plutĂŽt qu'une attaque dĂ©libĂ©rĂ©e »[87] - [88].

Le président israélien Reuven Rivlin envoie un message de soutien en langue arabe : « Nous souhaitons sincÚrement offrir notre aide en cette période difficile »[89]. Les responsables de la défense israélienne démentent une implication d'Israël dans les explosions[90], ce que des hauts responsables du Hezbollah démentent également pour leur part[91].

Manifestation en soutien aux victimes en Iran.

De nombreux pays offrent leur soutien logistique et mĂ©dical, parmi lesquels l'AlgĂ©rie[92], l'Australie[93], la Belgique (B-FAST)[94], le Canada[95], Chypre[96], les États-Unis[97], la France[98] - [99], la GrĂšce[100], la Hongrie, l'Iran[101], IsraĂ«l[102], l'Italie[103], le Maroc[104], le Royaume-Uni[105], la Suisse[106] et la Turquie[107]. Plusieurs pays ont exprimĂ© leur solidaritĂ© en illuminant des sites et monuments aux couleurs du drapeau libanais, tels que le Burj Khalifa de DubaĂŻ, ou l’hĂŽtel de ville de Tel Aviv-Jaffa[108] - [109]. Certaines personnalitĂ©s de l'extrĂȘme droite israĂ©lienne ont critiquĂ© l'affichage du drapeau du Liban, un « État ennemi », dans la ville[109].

Avion cargo d'aide humanitaire du Croissant-Rouge iranien à destination du Liban deux jours aprÚs le désastre.

Le lendemain de la catastrophe, la France envoie un dĂ©tachement de 55 sapeurs-sauveteurs de la SĂ©curitĂ© civile et 21 tonnes de matĂ©riel, dont six de matĂ©riel sanitaire[110]. Les Pays-Bas annoncent l'envoi de 67 travailleurs humanitaires, dont des mĂ©decins, policiers et pompiers[111]. La Tunisie envoie Ă©galement deux avions militaires de nourriture et d'Ă©quipements mĂ©dicaux et annonce que 100 blessĂ©s seront transfĂ©rĂ©s en Tunisie et placĂ©s dans des hĂŽpitaux tunisiens[112]. La TchĂ©quie envoie des Ă©quipes de secours[113].

La Belgique envoie aussi 10 000 kits de survie ; par la suite des Ă©quipements d'accueil seront Ă©galement envoyĂ©s via un avion de B-FAST[114]. Le ministre des Affaires Ă©trangĂšres Philippe Goffin a Ă©galement demandĂ© l'envoi d'une Ă©quipe multidisciplinaire constituĂ©e de membres de la Protection civile spĂ©cialisĂ©s en dĂ©tection de substances dangereuses, de membres de la composante militaire de la DĂ©fense en raison d'une Ă©valuation complĂ©mentaire des besoins mĂ©dicaux ainsi que du Centre des grands brĂ»lĂ©s de Neder-over-Heembeek, et quelques experts pour encadrer la mission[114]. Le vice Premier ministre et ministre de la CoopĂ©ration au dĂ©veloppement, Alexander De Croo, Ă  dĂ©cider d'allouer un budget d’un million d'Euros Ă  la Croix-Rouge afin de faire face Ă  l'urgence mĂ©dicale locale.

En raison de la prĂ©sence de Français parmi les victimes — un mort (Jean-Marc Bonfils, architecte[115]) et 40 blessĂ©s — le pĂŽle Accidents Collectifs du parquet de Paris ouvre une enquĂȘte pour « Homicide et blessures involontaires » comme la loi française le permet[116]. Le , Emmanuel Macron se rend Ă  Beyrouth pour apporter « un message de solidaritĂ© et de fraternitĂ© », organiser les secours et proposer des rĂ©formes[117] - [118]. Accueilli par une foule nombreuse, le prĂ©sident français annonce l'arrivĂ©e d'aide humanitaire et le dĂ©ploiement du porte-hĂ©licoptĂšres amphibie Tonnerre. Il tient un discours rĂ©clamant des rĂ©formes de la part du gouvernement libanais, tout en affirmant ne vouloir rĂ©aliser « aucune ingĂ©rence »[119].

Le , les reprĂ©sentants d'une trentaine de pays se rĂ©unissent en visioconfĂ©rence, Ă  l'initiative de l'ONU et de la France, pour convenir de l'aide Ă  apporter. Ils s'engagent Ă  verser 252,7 millions d'euros et Ă  ce que leur assistance soit « fournie directement Ă  la population libanaise, avec le maximum d'efficacitĂ© et de transparence »[120].

Par ailleurs, dÚs le , des intellectuels parmi lesquels des architectes et des urbanistes libanais[121] et internationaux lancent une pétition[122] pour la sauvegarde des silos du port partiellement détruits et leur réhabilitation en mémorial.

Le , le président français Emmanuel Macron s'est rendu à Beyrouth pour la deuxiÚme fois en un mois, et a adressé son soutien au peuple libanais, en exprimant sa détermination à l'aider à effectuer un changement de régime politique et en dénonçant l'immobilisme de la classe dirigeante du Liban aprÚs la catastrophe[123].

Mise en Ă©vidence de risques

Le lendemain de l'accident, plusieurs journaux soulignent le risque d'incidents similaires dans d'autres villes, notamment Ă  Newcastle (Australie) et HaĂŻfa (IsraĂ«l), oĂč sont stockĂ©es plusieurs milliers de tonnes de nitrate d'ammonium[124] - [125].

Notes et références

  1. Bruno Ripoche, « Liban. Explosion du port de Beyrouth : le magistrat qui gĂȘne l’élite », ouest-france.fr, (consultĂ© le ).
  2. LIBERATION et AFP, « Explosion de Beyrouth: plus de deux ans aprĂšs, une nouvelle partie des silos du port s’effondre », sur LibĂ©ration (consultĂ© le )
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Voir aussi

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