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Osmose

L'osmose est le phénomÚne de diffusion de la matiÚre caractérisé par le passage de molécules de solvant d'une solution vers une autre à travers la membrane semi-perméable qui sépare ces deux solutions dont les concentrations en soluté sont différentes ; le transfert global de solvant se fait alors de la solution la moins concentrée (milieu hypotonique) vers la solution la plus concentrée (milieu hypertonique) jusqu'à l'équilibre (milieux isotoniques). Ce phénomÚne concerne uniquement les échanges entre deux solutions liquides qui ont des concentrations de solutés différentes, séparées par une paroi semi-perméable.

Cette notion a permis de mieux comprendre le comportement des solutions aqueuses en chimie, Ă  la fin du XIXe siĂšcle ; mais elle est aussi particuliĂšrement utile en physiologie et en biologie cellulaire pour expliquer les Ă©changes chimiques au sein des organismes vivants.

Principe de l'osmose.

Dans le cas de l'osmose inverse, c'est une différence de pression hydrostatique plus élevée que la pression osmotique entre les deux liquides qui permet de provoquer un mouvement du solvant en sens inverse de celui de l'osmose, jusqu'à ce que la pression osmotique soit aussi élevée que la pression hydrostatique.

Historique

En 1748, l'abbĂ© Nollet remarque que lorsque l'on sĂ©pare de l'eau et de l'alcool par une vessie animale, l'eau passe dans l'alcool mais jamais l'inverse[1]. Dans ses travaux sur les solutions aqueuses menĂ©s entre 1827 et 1832, RenĂ© Dutrochet propose les termes « d'endosmose » et « d'exosmose » pour dĂ©signer ce phĂ©nomĂšne. K. Vicrordt s'intĂ©resse Ă©galement Ă  ce phĂ©nomĂšne en 1848. En 1854, Thomas Graham travaille sur les substances colloĂŻdes et dĂ©couvre qu'elles ne peuvent pas passer Ă  travers une membrane animale. C'est alors que le terme « osmose » a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en 1854 par ce chimiste Ă©cossais Ă  partir du grec ᜠσΌός qui signifie « poussĂ©e »[2].

C'est M. Traube, en 1864, qui conçoit la premiÚre membrane artificielle en ferrocyanure de cuivre Cu2Fe(CN)6. En 1877, Wilhelm Friedrich Philipp Pfeffer (1845-1920) fait précipiter le ferrocyanure de cuivre dans un matériau poreux, ce qui permet d'avoir une membrane avec une bonne résistance mécanique.

En 1884, de Vries travaille sur la plasmolyse et la turgescence des cellules végétales.

En 1886, van 't Hoff publie une analogie entre les solutions aqueuses et les gaz parfaits et applique la thermodynamique à l'osmose. Il établit une loi, similaire dans sa forme à la loi des gaz parfaits, et propose l'adjectif « semiperméable » pour désigner les membranes. Il reçoit le prix Nobel de chimie en 1901 pour ses travaux.

En 1899, A. Crum Brown utilise trois phases liquides (une solution aqueuse de nitrate de calcium saturée en phénol en bas, couche de phénol pur au milieu et une solution d'eau saturée en phénol en haut). Il remarque un phénomÚne d'osmose (l'eau passe de la phase du haut vers la phase du bas), la phase liquide du milieu jouant le rÎle de membrane semiperméable. Il établit ainsi l'importance de la solubilité de l'espÚce diffusante dans la membrane.

Entre 1901 et 1923, H. N. Morse et J. C. W. Frazer mÚnent un travail systématique de mesure de la perméabilité pour différents précipités gélatineux : des ferrocyanures et des phosphates d'uranyl, de fer, de zinc, de cadmium et de manganÚse.

PhénomÚne

On met en Ă©vidence l'osmose par le passage de molĂ©cules ou d’ions Ă  travers une membrane (permĂ©able ou semi-permĂ©able) qui sĂ©pare deux solutions de composition (ou de concentration) diffĂ©rente. Il faut que la membrane soit permĂ©able Ă  l'eau (ou au solvant de façon plus gĂ©nĂ©rale) et impermĂ©able aux solutĂ©s (membranes semi-permĂ©able parfaite, sĂ©lective ou dyalisante).

Tant que les deux solutions ne contiennent pas le mĂȘme nombre de particules dissoutes par unitĂ© de volume, on observe un dĂ©placement de l'eau (ou du solvant) du compartiment le moins concentrĂ© (appelĂ© milieu hypotonique) vers le compartiment le plus concentrĂ© (milieu hypertonique), qui tend Ă  Ă©quilibrer les concentrations.

L’osmose est Ă  l’origine de la turgescence et la plasmolyse de la cellule vĂ©gĂ©tale.

Potentiel chimique

Quand un soluté est dissout dans un solvant, le mélange désordonné des deux espÚces produit un accroissement de l'entropie du systÚme qui correspond à une réduction du potentiel chimique . Dans le cas d'une solution idéale, la réduction du potentiel chimique est égale à :

oĂč est la constante des gaz parfaits, la tempĂ©rature absolue et la concentration du solutĂ© en termes de fraction molaire. La plupart des solutions rĂ©elles s'approchent du comportement idĂ©al aux faibles concentrations. Aux hautes concentrations, les interactions entre solutĂ©s sont la cause d'un Ă©cart Ă  l'Ă©quation (1). Ce potentiel chimique rĂ©duit induit une force motrice qui est responsable de la diffusion de l'eau Ă  travers la membrane semi-permĂ©able. En effet, un Ă©tat d'Ă©quilibre entre les milieux sera atteint pour une Ă©galitĂ© des potentiels chimiques.

Pression osmotique

La pression osmotique se dĂ©finit comme la pression minimale qu’il faut exercer pour empĂȘcher le passage d’un solvant d’une solution moins concentrĂ©e Ă  une solution plus concentrĂ©e au travers d’une membrane semi-permĂ©able (membrane hĂ©mi-permĂ©able). En biophysique, on distingue la pression oncotique qui correspond Ă  la part de la pression osmotique due aux protĂ©ines. La pression osmotique se concrĂ©tise quand la part de la fraction molaire du solvant aqueux n'est pas Ă©gale Ă  1.

On pourrait imaginer que, dans la solution la plus concentrĂ©e, les molĂ©cules d'eau sont en moins grand nombre et que donc il y a Ă©galisation de ce nombre de molĂ©cules d'eau de chaque part de la membrane. Mais cet effet est trĂšs minime. En fait, dans la solution la plus concentrĂ©e, les molĂ©cules d'eau (si le solvant est de l'eau) s'agglomĂšrent autour des molĂ©cules de solutĂ© hydrophiles. Ces molĂ©cules accaparĂ©es ne traversent pas la membrane ; l'important c'est la diffĂ©rence de concentration de « l'eau libre ». Ainsi, l'eau libre se dĂ©place Ă  partir de la solution oĂč la concentration d'eau libre est Ă©levĂ©e vers la solution oĂč la concentration d'eau libre est faible, jusqu'Ă  ce que les concentrations soient Ă©gales. Mais au bout du compte, le rĂ©sultat est toujours le mĂȘme : le solvant se dĂ©place vers la solution dont la concentration de solutĂ© est la plus Ă©levĂ©e[3].

La pression osmotique est proportionnelle aux concentrations de solutĂ© de part et d’autre de la membrane et de la tempĂ©rature ; lorsque l’on est en prĂ©sence de plusieurs solutĂ©s, il faut prendre en compte la totalitĂ© des solutĂ©s (Ă  la maniĂšre d’un gaz composĂ©, somme des pressions partielles).

La pression osmotique d'une solution idéale se calcule par une formule développée par van 't Hoff en 1886 et appliquant le deuxiÚme principe de la thermodynamique.

oĂč

  • est la pression osmotique, en Pa ;
  • est le volume molaire occupĂ© par le solvant ;
  • est la constante des gaz parfaits ;
  • est la tempĂ©rature absolue, en K ;
  • est la fraction molaire du solutĂ©.

L'équation appliquée aux solutions réelles est, quant à elle,

oĂč est le coefficient d'activitĂ© du solutĂ©.

Pour une solution trĂšs diluĂ©e, est proche de 0, et ≈ .

On peut donc simplifier l'Ă©quation en

: c'est la loi de van 't Hoff

oĂč

  • est la concentration de la solution (en sommant toutes les espĂšces prĂ©sentes).

On peut Ă©galement l'Ă©crire comme ceci :

oĂč

  • est le nombre de particules par entitĂ© formulaire
  • est la concentration molaire (moles par mĂštre cube)

(On appelle la concentration molaire colligative)

On remarque l'analogie avec la loi des gaz parfaits

oĂč

  • est le volume du gaz ;
  • est le nombre de moles de gaz ;

ConsidĂ©rons deux solutions aqueuses 1 et 2 de pressions osmotiques et , alors si , l’eau passe de 2 vers 1 ; 2 se concentre ( augmente) et 1 se dilue ( diminue), jusqu’à Ă©galitĂ© entre les pressions osmotiques.

Pression osmotique et pression hydrostatique

La pression osmotique est aussi une pression mĂ©canique, exerçant une force sur la membrane. Si la diffĂ©rence de pression osmotique est trĂšs grande, cela peut entraĂźner la rupture de la membrane (cas de l’hĂ©molyse).

À l’inverse, si l’on exerce une pression mĂ©canique (hydrostatique), on peut forcer le passage d’espĂšces Ă  travers la membrane. C’est ce qui arrive lors d’un ƓdĂšme aigu du poumon, et c’est ce que l’on utilise dans l’osmose inverse. Ce phĂ©nomĂšne est aussi observable sur les Ɠufs des poissons d'aquarium qui peuvent Ă©clater ou s'Ă©craser selon la diffĂ©rence de pression osmotique de chaque cĂŽtĂ© de la membrane, la coquille.

L'osmose inverse est une technique de purification de l'eau ; c'est aussi une technique de dessalement (ou désalinisation) de l'eau de mer permettant la production d'eau douce.

L'osmose peut ĂȘtre utilisĂ©e pour fabriquer des pompes osmotiques microscopiques ; dans cette micro-pompe, la batterie est remplacĂ©e par une certaine quantitĂ© de sel. Ce sel Ă©tant plus concentrĂ© dans le dispositif qu'Ă  l'extĂ©rieur, du fait de la pression osmotique il tend Ă  sortir de son rĂ©servoir. Ce faisant le "courant de sortie" qu'il crĂ©e induit un courant d'entrĂ©e (c'est-Ă -dire un "pompage"). Ce systĂšme a Ă©tĂ© utilisĂ©e dans un micro-laboratoire de la taille d'une pilule, pouvant dans l'intestin prĂ©lever des Ă©chantillons de microbiote Ă  des fins d'Ă©tudes[4].

Importance biologique et relation avec la cellule

Il existe, en biologie, trois types de relation osmotique : les relations hypertoniques, isotoniques, et hypotoniques.

Schéma illustrant les relations osmotiques entre une cellule et le milieu extérieur.

La relation hypertonique correspond Ă  la situation oĂč la solution cellulaire est peu concentrĂ©e par rapport Ă  celle du milieu extĂ©rieur. La cellule va alors libĂ©rer du liquide vers le milieu extĂ©rieur, faisant diminuer la pression interne cellulaire et la taille de la cellule. Si trop de liquide est expulsĂ©, la cellule va mourir par plasmolyse.

La relation isotonique correspond Ă  la situation oĂč la solution dans la cellule et celle du milieu ont des concentrations Ă©quilibrĂ©es. La taille de la cellule reste stable et ne fluctue pas.

La relation hypotonique correspond Ă  la situation oĂč la concentration Ă  l'intĂ©rieur de la cellule est supĂ©rieure Ă  celle du milieu. La cellule va absorber du liquide extracellulaire, faisant augmenter la pression interne, et Ă©ventuellement faire exploser la paroi : c'est l'hĂ©molyse.

Osmose, « maladie » du polyester

Le terme osmose est utilisĂ© pour dĂ©signer la formation de bulles sous le gelcoat, revĂȘtement en polyester des coques de bateaux et des piscines. Longtemps considĂ©rĂ© comme un dĂ©faut de fabrication, il semble que d'infimes particules de cobalt, excitĂ©es par de faibles courant Ă©lectriques dus Ă  de mauvaises masses, se colorent d'un brun rougeĂątre, tout en provoquant une rupture, plus ou moins importante, dans l'Ă©tanchĂ©itĂ© intrinsĂšque du matĂ©riau polyester.

De nos jours, des recherches – toujours en dĂ©veloppement – dĂ©montrent que si les courants faibles et la prĂ©sence de particules de cobalt ainsi qu'une mauvaise hygromĂ©trie lors de l'application des rĂ©sines, peuvent aggraver ou dĂ©clencher ce phĂ©nomĂšne d'osmose. Ces facteurs ne permettent pas d'en expliquer l'absence sur d'autres revĂȘtements polyester pourtant exposĂ©s aux mĂȘmes traitements. À ce jour, s'il est devenu possible d'expliquer comment l'osmose prend naissance, il n'est toujours pas possible d'expliquer pourquoi certains revĂȘtements sont attaquĂ©s et d'autres pas.

Peroxydes « frelatés »

En fait la raison est Ă  chercher au niveau des solvants utilisĂ©s pour diluer les peroxydes (catalyseurs). L'un des producteurs de peroxyde a eu la malencontreuse idĂ©e d'employer des solvants dĂ©rivĂ©s de l'Ă©thylĂšne glycol qui sont non volatils et solubles dans l'eau. Les rĂ©sines polyester ainsi catalysĂ©es contenaient donc des solvants miscibles Ă  l'eau. La quantitĂ© finale de solvants Ă©tait faible mais au fil du temps l'eau Ă©tait absorbĂ©e et provoquait des cloques. Ces cloques apparaissaient parce qu'il y avait une couche de rĂ©sine rĂ©ellement impermĂ©able (soit pas de solvants miscibles Ă  l'eau). Le phĂ©nomĂšne a Ă©tĂ© assez long Ă  se dĂ©clarer et ĂȘtre compris pour que le producteur de peroxydes ait le temps de participer Ă  la construction d'un grand nombre de bateaux. Comme c'est un seul producteur qui Ă©tait concernĂ© cela explique que tous les bateaux n'aient pas Ă©tĂ© concernĂ©s. Les sels de cobalt qui sont des activateurs des peroxydes, ne sont pas directement concernĂ©s : ce sont des sels d'acides organiques (genre octoate de cobalt) et ils ne sont pas solubles dans l'eau.

Références

  1. L’abbĂ© Nollet (juin 1748) “Recherches sur les causes du bouillonnement des liquides”, MĂ©moires de MathĂ©matique et de Physique, tirĂ©s des registres de l’AcadĂ©mie Royale des Sciences de l’annĂ©e 1748, pp. 57–104; surtout pp. 101–103.
  2. « Étymologie de osmose », sur cnrtl.fr (consultĂ© le ).
  3. Campbell, Neil A. et Jane B. Reece, 2007. Biologie. Erpi, Montréal, Canada.
  4. Gutierrez N (2019) Une pilule qui capture nos bactéries intestinales pour mieux connaßtre le microbiote ; Science & Avenir 4 aout 2019.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • S. Glasstone, Textbook of physical chemistry 2e Ă©d. (1948), Macmillan Student Edition
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