Phosphate
Un phosphate est un composé dérivé de l'acide phosphorique H3PO4 par perte ou substitution d'un ou plusieurs atomes d'hydrogÚne, par d'autres atomes ou groupes fonctionnels.
Phosphate | |
Structure tridimensionnelle d'un ion phosphate Structure d'un groupe phosphate lié à un radical R |
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Identification | |
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No CAS | |
PubChem | |
SMILES | |
InChI | |
Propriétés chimiques | |
Formule | PO43â |
Masse molaire[1] | 94,971 4 ± 0,001 2 g/mol O 67,39 %, P 32,61 %, |
Unités du SI et CNTP, sauf indication contraire. | |
En chimie minĂ©rale, c'est un sel rĂ©sultant de l'attaque d'une base par cet acide, ou l'anion faisant partie de ce sel. Les ions orthophosphates sont les formes chimiques les plus frĂ©quentes du phosphate dans lâenvironnement (H2PO4â, HPO42â, PO43â), tous dĂ©rivĂ©s de l'acide phosphorique par perte d'un Ă trois atomes d'hydrogĂšne. Ils sont utilisĂ©s dans certains engrais, lessives, comme inhibiteurs de corrosion ou additifs alimentaires (ils portent alors les numĂ©ros E338 Ă E343 si ce sont des orthophosphates, E450 Ă E455 si ce sont des polyphosphates). PrĂ©sents en excĂšs dans l'eau, ils sont source d'eutrophisation (voire de dystrophisation).
En chimie organique, un phosphate est un type de composĂ© organophosphorĂ© ; les groupes substituants des hydrogĂšnes de l'acide phosphorique peuvent alors ĂȘtre des chaĂźnes carbonĂ©es, on parle parfois de phosphate organique.
Dosage
La mesure de la concentration en phosphate est basĂ©e sur l'apparition du complexe phosphomolybdate d'ammonium (en) qui est dĂ©tectĂ© par spectrophotomĂ©trie dans l'ultraviolet. Les ions chlorure peuvent gĂȘner et doivent ĂȘtre Ă©liminĂ©s en faisant bouillir avec deux gouttes d'acide nitrique ; l'addition au rĂ©actif molybdique de tartrate amĂ©liore la spĂ©cificitĂ©.
Une solution d'orthomolybdate d'ammonium (NH4)2MoO4 mélangée à chaud à de l'acide nitrique 6M et à un phosphate, donne un précipité jaune de phosphomolybdate d'ammonium (NH4)3PO4(MoO3)2.
Les ions argent pour le phosphate donnent un précipité jaunùtre Ag3PO4. L'hydrogénophosphate de sodium donne avec l'ion Ag+ un précipité jaune de phosphate d'argent soluble dans l'acide nitrique et dans l'ammoniaque.
Un protocole de dosage a été validé en France par l'AFNOR[3].
Caractéristiques moléculaires et chimiques
L'ion phosphate (ou orthophosphate) est un anion polyatomique de formule chimique brute PO43â et de masse molĂ©culaire de 94,97 daltons. Il se prĂ©sente sous la forme d'un tĂ©traĂšdre dont les sommets sont formĂ©s par les quatre atomes d'oxygĂšne encadrant un atome de phosphore.
Cet ion, qui comporte trois charges nĂ©gatives, est la base conjuguĂ©e de l'ion hydrogĂ©nophosphate HPO42â (ou phosphate inorganique[4], notĂ© « Pi ») qui est lui-mĂȘme la base conjuguĂ©e de l'ion dihydrogĂ©nophosphate H2PO4â qui est lui-mĂȘme la base conjuguĂ©e de l'acide phosphorique H3PO4. C'est une molĂ©cule hypervalente sachant que l'atome de phosphore possĂšde dix Ă©lectrons libres sur sa couche de valence.
Un sel de phosphate se forme lorsqu'un cation se lie à l'un des atomes d'oxygÚne de l'ion phosphate, formant un composé ionique. La plupart des phosphates sont insolubles dans l'eau aux conditions normales de température et de pression, excepté pour les sels de métaux alcalins.
Solubilisé dans une solution aqueuse, le phosphate existe sous ses quatre formes selon le taux d'acidité. En allant du plus basique au plus acide :
- la premiĂšre forme Ă prĂ©dominer est l'ion phosphate (proprement dit) PO43â (fortement basique) ;
- la seconde forme est l'ion hydrogĂ©nophosphate HPO42â (faiblement basique) ;
- la troisiĂšme forme est l'ion dihydrogĂ©nophosphate H2PO4â (faiblement basique) ;
- la quatriÚme est la forme phosphate de trihydrogÚne (à l'état cristallin non ionisé) ou acide phosphorique H3PO4 (fortement acide en solution).
Le pKa des couples acide/base précédents est[5] - [6] :
- HPO42â / PO43â : 12,32 ;
- H2PO4â / HPO42â : 7,20 ;
- H3PO4 / H2PO4â : 2,15.
L'ion phosphate peut former des ions polymĂšres, par exemple :
- diphosphate P2O74â (aussi appelĂ© pyrophosphate) ;
- triphosphate P3O105â.
Les phosphates formant des complexes avec le calcium (contrÎle micro-environnemental pendant la (bio-)minéralisation), ils entrent souvent dans la composition des lessives. Riche en phosphore, les rejets lessiviels augmentent donc le risque d'eutrophisation. Depuis les années 1980, les fabricants utilisent donc de plus en plus des substituts, telles les zéolithes.
Formation et répartition
Le minerai de phosphate (roche concentrée en sels de phosphate) est une roche sédimentaire dite roche exogÚne : elle se forme par concentration lorsque des ions phosphate précipitent dans une roche en diagenÚse. Les formes biogÚnes, telles les guanos d'oiseaux et de chauve-souris, sont exploitées depuis des siÚcles.
Les gisements les plus importants se trouvent au Maroc, plus particuliÚrement à Khouribga, au Sahara occidental[7], en Amérique du Nord en Floride, sur l'ßle de la Navasse, en Russie, en Tunisie, au Togo, en Israël, en Jordanie, en Chine et sur certaines ßles d'Océanie : Nauru, Banaba et Makatea et le Sénégal.
SynthĂšse industrielle
La synthĂšse des superphosphates fut dĂ©veloppĂ©e Ă Ă©chelle industrielle par les Ătablissements Kuhlmann dĂ©jĂ producteurs d'acide sulfurique, Ă partir des annĂ©es 1840, d'abord pour satisfaire les besoins des producteurs de betteraves de la rĂ©gion de Lille[8].
Des composĂ©s du phosphates peuvent ĂȘtre industriellement synthĂ©tisĂ©s. Ainsi Rhodia produisait par exemple du Tri-polyphosphate (TPP) en France (Ă Rouen) dans une unitĂ© de fabrication finalement fermĂ©e dans le cadre des restructurations industrielles[9].
Utilisation
Les phosphates sont utilisĂ©s dans l'agriculture et le jardinage comme engrais[10] pour fournir aux plantes (fruits, lĂ©gumesâŠ) une source de phosphore[11]. Les engrais phosphatĂ©s reprĂ©sentent, de loin, la principale utilisation des phosphates. Le minerai, en gĂ©nĂ©ral des phosphates de calcium, peut ĂȘtre Ă©pandu directement sur les terres acides aprĂšs avoir Ă©tĂ© finement broyĂ©. Ayant tendance Ă se recombiner au calcium des sols, ce qui le rend moins assimilable, il doit ĂȘtre rendu plus hydrosoluble avant d'ĂȘtre employĂ© sur les sols calcaires, ce qui passe par la fabrication des superphosphates. Suivant l'origine du minerai et le traitement, ces engrais sont susceptibles d'apporter des Ă©lĂ©ments fertilisants variĂ©s outre le calcium et le phosphore. Ces engrais peuvent ĂȘtre d'origine organique (poudre d'os, arĂȘtes de poissons, etc.) ou inorganique (attaque d'acide sur du minerai), ce qui est de plus en plus le cas, hormis en agriculture biologique oĂč les engrais de synthĂšse sont interdits.
Le superphosphate simple peut ĂȘtre utilisĂ© pour l'assainissement des litiĂšres en Ă©levage. Il passe dans le fumier et joue Ă nouveau un rĂŽle de fertilisant.
Le phosphate se trouve aussi impliqué dans la fermentation vinicole (type de fermentation éthylique).
Les dihydrogĂ©nophosphates H2PO4â de calcium ou sodium (E450) et le phosphate d'aluminium sodique acide (E541) sont utilisĂ©s associĂ©s au bicarbonate de sodium comme poudre Ă lever en boulangerie-pĂątisserie. Ils ont fait partie des premiĂšres levures chimiques, ne laissent pas d'arriĂšre-goĂ»t et ont en grande partie remplacĂ© la levure de boulanger.
Les polyphosphates sont utilisés comme prétraitement des eaux calcaires potables ou traitement préalable ou principal à l'adoucissement de l'eau en général. Ils ont été utilisés massivement comme composants des lessives.
Tous les ĂȘtres vivants contiennent des phosphates : ainsi les groupes phosphate sont des Ă©lĂ©ments de la chaĂźne composant les hĂ©lices de l'ADN, l'adĂ©nosine triphosphate sert de vecteur d'Ă©nergie dans les cellules, les os et les dents sont essentiellement constituĂ©s d'hydroxyapatite (Ca5(PO4)3(OH))âŠ
L'acide phosphorique est généralement obtenu comme coproduit de la fabrication des superphosphates (attaque des minerais phosphatés par l'acide sulfurique).
La phosphatation et ses variantes bondérisation et parkérisation sont des traitements de protection de surface des aciers. On y utilise des bains d'acide phosphorique pour produire une couche superficielle de phosphate de fer.
Des orthophosphates (OP) ajoutĂ©s Ă une eau potabilisĂ©e permet de dĂ©poser des complexes stables (ex. : pyromorphite, Pb5(PO4)3) avec le fer, le plomb ou le cuivre issu de la corrosion de conduites mĂ©talliques. Ces complexes forment un film qui diminue le contact entre l'eau (et son oxygĂšne dissous) et le mĂ©tal toxique de la paroi interne d'une canalisation mĂ©tallique. La corrosion est alors inhibĂ©e ou ralentie. Un tel traitement est permis au Royaume-Uni et aux Ătats-Unis depuis les annĂ©es 1990 puis a Ă©tĂ© utilisĂ© au Canada, et plus rĂ©cemment en Irlande. En Belgique et en RĂ©publique TchĂšque il est utilisĂ© pour protĂ©ger les canalisations en fer.
Utilisé dans les accumulateurs LFP (ou Li-FePO4 : Lithium-Fer-Phosphate, apparu en 2007). Les batteries LFP sont moins cher à produire que les batteries NMC ([Li]-NiMnCo) et leur impact environnemental est moindre (fer et phosphate au lieu de nickel, manganÚse et cobalt). Leur densité énergétique est plus faible mais leur durée de vie plus longue.
En France : Les branchements publics et canalisations intĂ©rieures en plomb doivent ĂȘtre remplacĂ©s par des tuyaux sans plomb, pour lutter contre le saturnisme et mieux respecter la rĂ©glementation sur la potabilitĂ© de lâeau (directive europĂ©enne 98/83/CE relative Ă la qualitĂ© des « eaux destinĂ©es Ă la consommation humaine » (EDCH). La limite de qualitĂ© (LQ) pour le paramĂštre plomb (Pb) est passĂ©e de 50 Ă 25 ÎŒg/L en dĂ©cembre 2003, puis de 25 Ă 10 ÎŒg/L en dĂ©cembre 2013, conformĂ©ment aux prĂ©conisations de lâOMS.
En complĂ©ment Ă ces mesures qui prennent du temps, et Ă certaines conditions, une circulaire permet un traitement filmogĂšne des canalisations par ajout Ă l'eau d'acide phosphorique ou dâorthophosphates (OP). Ceci peut limiter le relarguage de plomb Ă partir des tuyauteries, des soudures et des Ă©lĂ©ments de robinetterie (le laiton contient du plomb).
Ainsi, alors que les tuyauteries des maisons anciennes tardaient souvent Ă ĂȘtre changĂ©es, de 2003 Ă 2013, en France dix usines de production dâEDCH ont testĂ© un traitement par OP (avec autorisation prĂ©fectorale) [12].
En 2012 et 2013, la Direction gĂ©nĂ©rale de la santĂ© (DGS) puis le ministĂšre de lâenvironnement et le CGDD ont demandĂ© au Haut Conseil de la santĂ© publique (HCSP) dâĂ©valuer lâefficacitĂ© de ce type de traitement et de prendre position sur lâintĂ©rĂȘt de le poursuivre ou de le gĂ©nĂ©raliser Ă dâautres rĂ©seaux de distribution (et si oui et Ă quelles conditions⊠sachant quâun arrĂȘt du traitement pourrait peut ĂȘtre aussi dĂ©sĂ©quilibre les Ă©quilibres microbiens des biofilms dĂ©posĂ©s sur les tuyaux)[12].
Cette demande a été traitée par un groupe de travail dénommé « Traitement des EDCH par des orthophosphates » dont les conclusions ont été adoptées le 4 juillet 2017[12].
Outre l'acide phosphorique (NF EN 974) des polyphosphates utilisables pourraient ĂȘtre selon l'ANSES[12] :
- des dihydrogénophosphates de sodium (NF EN 1198) ;
- des phosphates trisodiques (NF EN 1200) ;
- des dihydrogénophosphates de potassium (NF EN 1201) ;
- des hydrogénophosphates de potassium (NF EN 1202) ;
- des phosphates tripotassiques (NF EN 1203).
En France le dosage devrait ĂȘtre de 2 mg/L de PO43â en injection continue dans l'eau le temps que la couche protectrice se forme (jusquâĂ 6 mois), puis Ă 1 mg/L de PO43â (soit 0,3 mg/L de Phosphore)[12]. Ailleurs les taux varient (selon les pays) de 0,5 Ă 6 mg/L environ de PO43â[12].
Retours d'expĂ©rience : ils montrent une certaine rĂ©duction du relargage[13] - [14] - [15] mais non sa suppression totale[12] ; dans un cas Ă©tudiĂ© en France 1 mg/L en PO43â a suffi Ă rĂ©duire le plomb en solution de 60 % « sans pour autant que la LQ de 10 ÎŒg/L soit systĂ©matiquement respectĂ©e au robinet en raison de particularitĂ©s dans certaines constructions »[12] ; l'effet varie beaucoup selon la concentration en plomb et selon la qualitĂ© de lâeau (pH, duretĂ© et TAC et prĂ©sence Ă©ventuelle de couples galvaniques plomb-cuivreâŠ). En fĂ©vrier 2007 l'AFSSA notait « que la mise en place de traitements de phosphatation de l'eau ne constitue qu'une Ă©tape transitoire pour ramener les teneurs en plomb de l'eau au robinet du consommateur sous 25 ÎŒg/L mais qu'elle ne saurait se prolonger au - delĂ de 2013, date Ă laquelle la limite de 10 ÎŒg/L ne pourra ĂȘtre respectĂ©e que par le remplacement de ces canalisations en plomb dans les rĂ©seaux publics et privĂ©s[12]. »
Impacts environnementaux liés à l'agriculture
Pages plus gĂ©nĂ©rales : Ăcologie du sol et Histoire de l'agriculture#Les progrĂšs de l'agronomie, la maĂźtrise de la fertilisation et la mĂ©canisation au XIXe siĂšcle
Engrais phosphatés utilisés en agriculture
L'utilisation d'engrais est une des bases de la production agricole moderne. ParallĂšlement au dĂ©veloppement de la production industrielle des superphosphates (Ătablissements Kuhlmann), les fondements de l'utilisation des engrais sont explicitĂ©s et vulgarisĂ©s par le chimiste allemand Justus von Liebig dans son ouvrage : La chimie organique appliquĂ©e Ă la physiologie vĂ©gĂ©tale et Ă l'agriculture, objet de nombreuses rĂ©Ă©ditions de 1840 Ă 1865[16].
Cependant des problÚmes concrets concernant l'utilisation du phosphore (la plus grande partie du phosphore du sol se trouve sous forme insoluble bloquée par la matiÚre minérale ou organique[17]) et les particularités de son assimilation sont mis en lumiÚre par les agronomes et les agriculteurs (surtout par les praticiens de l'agriculture biologique). Ils seront peu à peu élucidés par les travaux sur la structure du sol et les interactions plantes-microorganismes. Ces interactions sont encore aujourd'hui l'objet de recherche[18].
Les phosphates naturels minĂ©raux (guano ou phosphates d'origine sĂ©dimentaire) ont Ă©tĂ© trĂšs utilisĂ©s, notamment dans les sols acides oĂč le phosphore est un des nutriments limitant pour les plantes mais facilement mobilisable. La minette lorraine (minerai de fer) contient aussi de l'apatite ; le procĂ©dĂ© Thomas permettait d'obtenir un acier de qualitĂ© et de rĂ©cupĂ©rer un coproduit, les scories Thomas, contenant des silicophosphates et phosphates de calcium (12 Ă 18 % de P2O5 ) et d'autres Ă©lĂ©ments (magnĂ©sium, oxydes mĂ©talliques). Il fut l'engrais phosphatĂ© le plus utilisĂ© en France (40 % de la consommation en 1966)[16]. La minette n'est plus exploitĂ©e depuis 1997.
Dans les sols à pH neutre ou basique, on utilise plutÎt les superphosphates plus facilement assimilables. Ce sont des phosphates naturels traités à l'acide phosphorique,à l'acide sulfurique, à l'ammoniac , selon :
- super phosphate triple ou Triple Super Phosphate (TSP), principalement Ca(H2PO4)2, titrant 45 % de P2O5.Il est fabriqué avec du phosphate et de l'acide phosphorique ;.
- le superphosphate simple ou Single Super Phosphate (SSP), de formule Ca(H2PO4)2, titrant 18 % de P2O5 avec en proportions variables du phosphogypse CaSO4, 2H2O susceptible de fournir du soufre.Il est fabriqué avec du phosphate de l'acide sulfurique et de l'eau ;
- le superphosphate double peu répandu intermédiaire entre les deux autres formules ;
- les superphosphates ammoniés : le phosphate de diammonium (DAP en anglais), (NH4)2HPO4 et le phosphate de monoammonium (MAP), NH4H2PO4 , sous forme sÚche ou liquide, etc. qui fournissent de l'azote. Le DAP est fabriqué avec de l'ammoniaque et de l'acide phosphorique, l'ammoniaque apporte l'azote et l'acide phosphorique le phosphore.
On utilise ces engrais seuls ou plus souvent associés à de l'azote et du potassium (NPK)
Conséquences
La fertilisation phosphatĂ©e est considĂ©rĂ©e comme indispensable Ă l'agriculture actuelle. Les phosphates naturels et superphosphates simples sont loin d'ĂȘtre des produits purs et peuvent comporter des Ă©lĂ©ments autres que le phosphore dont la prĂ©sence peut ĂȘtre souhaitable ou non. La prĂ©sence de calcium, magnesium, soufre et d'oligo-Ă©lĂ©ments (zinc, manganĂšseâŠ) est gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ©e comme bĂ©nĂ©fique.
Si les phosphates sont normalement prĂ©sents et utiles Ă faible dose dans l'eau et les sols, leur excĂšs est (avec celui des teneurs en nitrates) une des causes majeures de l'eutrophisation voire de dystrophisation de l'environnement. Les transferts horizontaux ou verticaux de phosphates vers les eaux de surface varient fortement (de 0,1 Ă 2,5 kg haâ1 anâ1), selon le type de sol, son pH, sa teneur en humus, et ses usages (labour, prairie permanente, etc.). En moyenne, 9 % du phosphore (dont la moitiĂ© apportĂ© par les engrais) est emportĂ© par les eaux de ruissellement[19].
Ils contribuent notamment aux problÚmes de turbidité liés au verdissement des eaux (dont lors de blooms planctoniques) et aux phénomÚnes de zones marines mortes en aval des estuaires.
Ils sont aussi source de « métaux lourds », qui sont pour certains éventuellement radioactifs, car le phosphore d'origine minérale est souvent, dans les engrais, associé à des métaux toxiques (cadmium (jusqu'à 87 mg·kg-1 dans le phosphal produit au Sénégal[20], le chrome (Cr), le mercure (Hg) et le plomb (Pb), et à des éléments radioactifs, dont l'uranium (U). Certains engrais phosphatés contiennent des quantités importantes d'uranium, donc de radium et conduisent à une émanation plus importante de gaz radon,. Les teneurs atteignent jusqu'à 390 mg·kg-1 dans les mines tanzaniennes de Minjingu contre 12 mg·kg-1 dans le gisement tunisien de Gafsa[20], or le phosphate de Minjingu est agronomiquement trÚs efficace, et peu coûteux, et donc trÚs utilisé sur des sols acides cultivés, ce qui pose des questions toxicologiques et sanitaires concernant les ouvriers des mines[21] - [22] et écotoxicologiques concernant les stériles miniÚres (dont crassiers de phosphogypse radioactif). L'uranium des phosphates est parfois récupéré[23] et compte pour environ 5 % de la production mondiale d'uranium en 2010 (extraction de l'uranium).
Le cadmium dont la premiĂšre source dans un champ est souvent l'engrais phosphatĂ© peut poser de graves problĂšmes, et il est particuliĂšrement bioassimilable dans le cas d'engrais phosphatĂ©s hydrosolubles, alors que, parce que liĂ© Ă l'apatite, il est moins soluble dans les engrais non hydrosolubles[24]. Il est encore plus bioassimilable dans les sols acides[24] et/ou en prĂ©sence d'une carence en certains autres oligo-Ă©lĂ©ments (ferâŠ).
Les engrais phosphatés minéraux sont aussi trÚs riches en fluor (provenant de l'apatite qu'ils contiennent). Le fluor dépasse souvent 3 % du poids total. Ce fluor peut causer une fluorose aux animaux qui pùturent les sols traités, probablement pas parce qu'ils absorbent ce fluor via les plantes (qui le bioconcentrent peu), mais parce qu'ils ingÚrent de la terre ainsi enrichie en fluor, avec leur nourriture ou en se léchant[25].
Cependant le traitement de l'apatite à l'acide phosphorique pour la fabrication des superphosphates triples entraßne la réaction suivante :
Ca5(PO4)3F + 7 H3PO4 â 5 Ca(H2PO4)2 + HF, HF rĂ©agit avec la silice du minerai pour former H2SiF6 utilisĂ© dans la mĂ©tallurgie de l'aluminium, ce qui permet de soustraire le fluor Ă l'engrais.
Dans les cultures, le phosphore est normalement absorbĂ© par les plantes par l'intermĂ©diaire des mycorhizes. Cette voie concerne la plupart des familles Ă l'exception notable des crucifĂšres et des chĂ©nopodiacĂ©es. Or, les apports excessifs d'engrais phosphatĂ©s conduisent les plantes Ă se passer des mycorhyzes qui se dĂ©veloppent peu, rendant inopĂ©rante cette Ă©tape clĂ© du cycle du phosphore[17]. Les plantes cultivĂ©es ne peuvent ainsi plus profiter de ce mĂ©canisme, et ne peuvent plus assimiler le phosphore autrement que par de nouveaux apports massifs de phosphates[26]. Le phosphore des engrais excĂ©dentaire, lessivĂ© par les pluies peut s'accumuler dans les sĂ©diments des Ă©tangs oĂč il reste plus longtemps disponible que les nitrates (plus ou moins selon la concentration du sĂ©diment en fer sous forme d'oxyhydroxyde de fer(III) FeO(OH) et selon le pH de ce sĂ©diment[27] - [28].
En France, selon le bilan[19] publié en 2009 sur les phosphates dans les sols de la France métropolitaine, en 2001, 775 000 tonnes ont été apportées aux sols français sous forme d'engrais minéraux. Six ans plus tard (en 2007) sur 2 372 points de mesure, prÚs de la moitié des sols analysés en France posent encore problÚme : 2 % sont de qualité mauvaise, 4 % médiocre, 12 % moyenne, 55 % bonne et 27 % trÚs bonne.
Les engrais minéraux restent la premiÚre source de phosphore perdu dans les eaux (50 %) en France, devant les déjections animales (directement ou plus souvent via les fumiers et épandages de lisier) (40 %). Viennent ensuite les effluents urbains domestiques (environ 5 %) et industriels (2 %) ainsi que les boues d'épuration (2 %)[19].
En France et dans d'autres pays d'Europe, les agriculteurs ont globalement acheté moins d'engrais minéraux phosphatés (deux tiers en moins de 1972 à 2008), mais cette diminution concerne surtout les zones de déprise agricole ou d'agriculture biologique ; les analyses montrent que des teneurs en phosphore de certains sols agricoles ont fortement augmenté (+ 43 % des cantons étudiés, notamment en Bretagne, Pays de la Loire, Champagne-Ardenne et Aquitaine)[19]. Avec le développement des stations d'épuration et de l'élevage hors-sol, les quantités de boues et fumiers ou lisiers épandus ont fortement augmenté depuis les années 1970. Ces boues sont le plus souvent épandues, comme les fientes d'élevage avicoles sur les sols agricoles.
Ăvolution possible
Voir aussi Mycorhize#Applications
En France, les mesures agroenvironnementales telles que le « couvert environnemental permanent » ou les « bandes enherbées » peuvent contribuer à piéger une partie des phosphates ruisselant à partir des champs afin qu'ils ne soient pas emportés par les cours d'eau. Le lagunage naturel peut aussi contribuer à mieux traiter les nitrates et le phosphore, éventuellement en traitement tertiaire en aval d'une station d'épuration « classique ».
Au vu des connaissances acquises sur les organismes du sol et en particulier sur les mycorhizes depuis 1990, une nouvelle approche de la fertilisation phosphatée semble possible. En favorisant le développement des mycorhizes[17] et éventuellement en les inoculant, technique déjà éprouvée[29], il serait envisageable de réduire drastiquement le niveau de la fertilisation phosphatée[29] - [18]. Des biologistes comme Marc-André Selosse proposent d'étudier précisément cette voie.
Recyclage
La rĂ©cupĂ©ration des phosphates contenus dans les eaux usĂ©es amĂ©liore le fonctionnement des stations d'Ă©puration, limite l'eutrophisation des cours d'eau et constitue un complĂ©ment de ressource phosphatĂ©e. Cette activitĂ©, encore peu dĂ©veloppĂ©e, fait l'objet de nombreuses recherches. Le traitement le plus rĂ©pandu consiste Ă faire prĂ©cipiter le phosphore en ajoutant des composĂ©s magnĂ©siens pour obtenir de la struvite utilisable comme engrais (4 % en N, 30% min en P2O5, 8 % min en Mg, traces de fer) ; coĂ»teux, il pourrait Ă terme ĂȘtre remplacĂ© ou associĂ© Ă des traitements biologiques[30].
Pour les excrĂ©ments humains, les toilettes Ă litiĂšre bio-maĂźtrisĂ©e constituent une alternative : d'une mise en Ćuvre simple et peu coĂ»teuse, elles contournent le problĂšme de l'assainissement de l'eau et permettent de produire un compost bon marchĂ©.
LĂ©gislation
Depuis le 1er juillet 2007, les phosphates sont interdits dans les lessives en France[31]. Grùce à l'utilisation d'autres molécules actives, la qualité des eaux de nombreux lacs polluées par les eaux urbaines s'est améliorée. C'est maintenant l'agriculture qui est devenue la premiÚre source de pollution par les phosphates. En Belgique et en Suisse, les phosphates sont déjà interdits dans les lessives depuis plusieurs années.
Production et réserves
La Chine, le Maroc et les Ătats-Unis sont les trois principaux pays producteurs de phosphate, ils assurent plus de 70 % de la production mondiale. Le Maroc accapare plus de trois quarts de la rĂ©serve mondiale confirmĂ©e, la grande portion de sa rĂ©serve se situe en dehors du Sahara occidental. Le phosphore est une ressource finie qui, dans les conditions d'utilisation actuelles, connaĂźtra Ă©ventuellement un pic de son exploitation.
Pays | Production (kt) | Part mondiale (%) | RĂ©serves (kt) |
---|---|---|---|
Afrique du Sud | 1 700 | 0,65 | 1 500 000 |
Algérie | 1 500 | 0,57 | 2 200 000 |
Australie | 2 500 | 0,96 | 1 100 000 |
Brésil | 6 500 | 2,49 | 320 000 |
Chine | 138 000 | 52,87 | 3 100 000 |
Ăgypte | 5 500 | 2,11 | 1 200 000 |
Ătats-Unis | 27 800 | 10,65 | 1 100 000 |
Inde | 1 500 | 0,57 | 65 000 |
Israël | 3 500 | 1,34 | 130 000 |
Jordanie | 8 300 | 3,18 | 1 300 000 |
Kazakhstan | 1 800 | 0,69 | 260 000 |
Mexique | 1 700 | 0,65 | 30 000 |
Maroc et Sahara occidental | 30 000 | 11,49 | 50 000 000 |
PĂ©rou | 4 000 | 1,53 | 820 000 |
Russie | 11 600 | 4,44 | 1 300 000 |
Arabie saoudite | 4 000 | 1,53 | 680 000 |
Sénégal | 1 250 | 0,48 | 50 000 |
Syrie | - | 0,34 | 1 800 000 |
Togo | 900 | 0,34 | 30 000 |
Tunisie | 3 500 | 1,34 | 100 000 |
ViĂȘt Nam | 2 800 | 1,07 | 30 000 |
Autres pays | 2 410 | 0,92 | 810 000 |
Total | 261 000 | 100 | 68 000 000 |
Commerce
La France est importatrice de phosphate[33].
Notes et références
- Masse molaire calculĂ©e dâaprĂšs « Atomic weights of the elements 2007 », sur www.chem.qmul.ac.uk.
- Le cycle biogéochimique et écologique du phosphore a été modifié par l'Homme qui l'a récemment massivement introduit sous forme d'engrais (eutrophisant) dans les agrosystÚmes, et indirectement dans les écosystÚmes (Atlas mondial des océans).
- AFNOR, 1990, Dosage des orthophosphates, des phosphates et du phosphore total. In: AFNOR (Ăd.), Eaux MĂ©thodes d'essais, Paris, p. 87â97.
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Voir aussi
Bibliographie
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Articles connexes
Liens externes
- Algues vertes dues aux phosphates de l'agriculture, sur drainageagricole.canalblog.com.