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Dystrophisation

La dystrophisation est l'état extrême de l'eutrophisation, qui se traduit par la mort des organismes animaux et végétaux supérieurs pour cause d'anoxie du milieu.
Dans le sud de la France (dans la rĂ©gion de l'Ă©tang de Thau notamment) ces crises de dystrophisation sont dĂ©nommĂ©es « malaĂŻgues Â»[1] - [2] - [3].

Processus

La dystrophisation a principalement lieu dans les étendues d'eau fermées[4].

Dans les mares et Ă©tangs :

  • les bactĂ©ries aĂ©robies et les algues pullulent Ă  la suite d'un apport excessif de matières organiques biodĂ©gradables, lui-mĂŞme engendrĂ© par un excès de nutriment. Les algues s'accumulent naturellement en surface oĂą l'ensoleillement est le plus important ;
  • les bactĂ©ries (et le zooplancton constituĂ© des organismes animaux qui dans un premier temps les mangent) appauvrissent rapidement le milieu en oxygène dissous (vases, eau), notamment la nuit quand la photosynthèse est inactive et que les plantes et les autres organismes consomment l'oxygène dissous et expirent du CO2. Les organismes prĂ©sents meurent et la quantitĂ© de biomasse morte est en constante augmentation. La capacitĂ© de recyclage du milieu Ă©tant devenue faible, on observe une apparition d'opacification de l'Ă©tendue d'eau[5] ;
  • la hausse du taux de CO2 et de nutriments provoque un dĂ©veloppement encore plus important de phytoplancton et/ou d’algues de surface, qui vont faire obstacle Ă  la pĂ©nĂ©tration du soleil et des UV dans l’eau ;
  • les organismes aĂ©robies meurent dans les couches les plus profondes, en libĂ©rant du CO2, du mĂ©thane, de l’azote et du phosphore qui vont encore enrichir le milieu et accĂ©lĂ©rer le processus qui va alors s'auto-entretenir (Une partie de l'azote s'Ă©vapore, mais le phosphore reste mobilisable dans l'eau et entretient la dystrophisation) ;
  • le zooplancton, les organismes mobiles (poissons, amphibiens, invertĂ©brĂ©s) ayant disparu, alors que la capacitĂ© du vent Ă  oxygĂ©ner et brasser les couches d'eau diminue aussi, et une couche chaude s’étant formĂ©e en surface, les eaux profondes ne se rĂ©-oxygènent plus (effet thermocline + brassage rĂ©duit des eaux) ;
  • après un certain temps, seules les bactĂ©ries anaĂ©robies survivent dans une vase noire et putride. La fermentation qu’elles y entretiennent dĂ©gage des gaz tels que l’hydrogène sulfurĂ©, l’ammoniac et le mĂ©thane, dĂ©favorables aux formes de vie non spĂ©cifiques Ă  cet environnement.

Les apports de nutriments agricoles ou issus de l’érosion accrue des sols sont souvent clairement en cause. Mais localement, l’immersion ancienne de déchets, militaires notamment (munitions immergées, explosifs à base de nitrates) pourraient également être en cause ou aggraver le phénomène, en mer Baltique notamment, mais aussi sur la façade ouest de l'Europe (voir carte centrale du rapport OSPAR[6]).

Solutions

Dans la nature, il existe des phénomènes servant à réguler cette eutrophisation extrême.

Le brassage est un phénomène rare et naturel surtout présent lors des hivers très froids. Les eaux de surface étant refroidies et donc plus denses vont plonger en profondeur. Chargées en oxygène, elles vont oxygéner les profondeurs des étendues d'eau[7].

Pour limiter ou combattre la dystrophisation, il faut :

  1. Stopper la source de nutriments eutrophisants ;
  2. Exporter les végétaux qui pullulent en surface, en veillant à ce que, par lessivage, les nutriments qu'ils contiennent ne reviennent pas dans l'eau.

En observant les phénomènes de régulation de la nature pour lutter contre la dystrophisation, l'Homme a eu recours à des solutions inspirées de cette dernière.

L'oxygénation mécanique ou par bulleur du milieu peut accélérer le processus d'épuration, contribuant aussi au mélange des couches. l'exportation des vases peut aussi faire partie du processus, mais il est plus coûteux.

Dans les estuaires

  • Le phĂ©nomène peut exister au cĹ“ur de certains estuaires, dans le bouchon vaseux qui est souvent touchĂ© par l'eutrophisation, laquelle dans une certaine mesure et Ă  certaines Ă©poques est naturelle. C'est par exemple le cas Ă  la suite des apports fluviaux Ă  l'automne ou après de violentes pluies avec inondations. Mais l'impermĂ©abilisation et l'agriculture ont exacerbĂ© ces phĂ©nomènes.

Dans la mer et les océans

  • Dans les zones cĂ´tières qui reçoivent un fort approvisionnement en matières organiques (dĂ» aux algues) et dont le renouvellement en eaux est faible, le risque de dystrophisation est très Ă©levĂ©. Le phĂ©nomène semble devenir de plus en plus frĂ©quent, prenant des formes diffĂ©rentes dans les mers fermĂ©es et dans les golfes ou baies oĂą l'eau est peu renouvelĂ©e, oĂą se produisent alors des blooms planctoniques accompagnĂ©s de conditions d'anoxie. Le risque est le plus Ă©levĂ© dans les zones oĂą les apports de nutriments agricoles Ă  partir des estuaires ou des pluies (azote dissous) sont excessifs.
  • Les ocĂ©ans Ă©tant des zones ouvertes, la plupart des espèces absentes ne sont pas mortes mais ont plutĂ´t Ă©tĂ© amenĂ©es Ă  migrer pour fuir ces zones en manque d'oxygène. En revanche, les espèces immobiles (coquillages, colonies...) y meurent.

Dans les cas extrĂŞmes se forment des zones mortes pouvant atteindre des dizaines de kilomètres carrĂ©s, voire bien plus. L’ONU a identifiĂ© dans le monde une centaine de ces « Dead Zones » oĂą de vastes surfaces sont parfois concernĂ©es. En 2003, 400 zones mortes rĂ©parties sur 245 000 m2 ont Ă©tĂ© rĂ©pertoriĂ©es. On les retrouves dans les rĂ©gions suivantes : le Pacifique du sud, les cĂ´tes de la Namibie, la Mer Baltique et dans le Golfe du Mexique [8]. En 2007, la plus vaste est celle du Golfe du Mexique avec un record d'environ 22 000 km2.

Agrocarburants et dystrophisation

Un rapport[9] du Conseil national de la recherche des États-Unis (United States National Research Council) intitulé « Water Implications of Biofuels Production» estime que la promotion des biocarburants se traduira par une utilisation accrue d'engrais et de pesticides, ce qui aurait une incidence sur la qualité de l'eau des nappes phréatiques, les rivières et les eaux côtières et marines en aval des estuaires. Selon ce rapport, le maïs, de plus en plus cultivé dans le bassin du Mississippi est la plante la plus utilisée aux États-Unis pour produire des agrocarburants. Il est souvent irrigué et toujours très consommateur d’eau. C’est aussi la culture (hormis le maïs-bio, non utilisé pour les agrocarburants) qui reçoit le plus d’engrais et de pesticides à l’hectare (plus que le soja et la plupart des autres herbacées).

La demande en agrocarburant va pousser les agriculteurs à en planter plus encore, ce qui se traduira par une augmentation de la pollution de l'eau et de l’eutrophisation générale des écosystèmes, qui risque d’accélérer la baisse de la biodiversité dans ces zones, ce qui contredit les engagements de la convention de Rio sur la biodiversité et de réduction de la perte de biodiversité à l’échéance 2010 en Europe.
Le rapport propose quelques moyens d’atténuer ces problèmes (par exemple grâce à des cultures pérennes, ou systèmes de polyculture-prairies qui retiennent le sol et pompent ses éléments nutritifs bien mieux que la plupart des cultures en rangs comme le maïs.

Un autre rapport récent[10] du Conseil de la recherche, a porté sur la « qualité de l'eau du fleuve Mississippi au regard de la Loi sur l'eau : progrès, défis et opportunités ». Il recommande que l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis (EPA) et le département de l'Agriculture des États-Unis (USDA) coopérèrent mieux pour réduire les impacts de l'agriculture sur la qualité de l'eau du Mississippi et du nord du golfe du Mexique.

La pullulation de certaines espèces primitives de bactéries ou de plancton produisant des toxines peut aussi exacerber des phénomènes de mortalité qui aggravent encore les effets de l'anoxie.

Voir aussi

Liens externes

Notes et références

  1. Pichot, P., Juge, C., & Guillou, J. L. (1990). La «malaïgue» de l’été 1990 dans l’étang de Thau. Rapport Interne Ifremer Sète/90.01.
  2. Frisoni, G. F., & Cepja, A. M. (1989). La malaĂŻgue dans les Ă©tangs littoraux du Languedoc-Roussillon. Rapport Cepralmar, 48.
  3. Amanieu, M., Baleux, B., Guelorget, O., & Michel, P. (1975). Etude biologique et hydrologique d’une crise dystrophique (malaïgue) dans l’étang du Prévost à Palavas (Hérault). Vie Milieu, 25(2), 175-204.
  4. « Dystrophisation: d�finition et explications », sur AquaPortail (consulté le )
  5. « Un phénomène naturel amplifié par les rejets des activités humaines - La dégradation des milieux aquatiques - Dossiers - Bretagne Environnement », sur www.bretagne-environnement.org (consulté le )
  6. Rapport OSPAR sur les munitions immergées - (carte en page 9 pour l'UE et la zone OSPAR) Titre : Overview of Past Dumping at Sea of Chemical Weapons and Munitions in the OSPAR Maritime Area / Version 2005 ; (ou en format compressé)(en))
  7. « II - Conséquences sur l'environnement et sur la santé », sur tpe-pollution-eau.e-monsite.com (consulté le )
  8. « Les zones mortes se multiplient dans les océans », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le )
  9. Water Implications of Biofuels Production in the United States
  10. Mississippi River Water Quality and the Clean Water Act: Progress, Challenges, and Opportunities
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