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Érosion des sols

L’érosion des sols est un phénomène de déplacement des matériaux à la surface de la couche la plus externe de la croûte terrestre. Elle est une des formes de régression et dégradation des sols. La protection contre cette érosion est un enjeu pour la préservation de la qualité agronomique des sols agricoles, de la qualité des eaux de surface et de la sécurité des habitations et des infrastructures (recouvrement des chaussées, apparition de coulées boueuses, colmatage ou comblement des réseaux de collecte des eaux pluviales) .

Cartographie mondiale de la vulnĂ©rabilitĂ© des sols Ă  l'Ă©rosion hydrique. Des taux d'Ă©rosion deux fois plus Ă©levĂ© que le taux de formation des sols (voire quarante fois — soit 1 mm/an — dans les pays dĂ©veloppĂ©s actuels dont l'agriculture productiviste se traduit par un labour ou un travail du sol intensif) explique l'espĂ©rance de vie des grandes civilisations antiques rythmĂ©s par la loi des cycles millĂ©naires avec une phase d'expansion suivie d'une phase de dĂ©clin[1] (en moyenne de 800 Ă  2 000 ans, donnĂ©e compatible avec l'Ă©rosion complète des couches arables et fertiles par leur culture intensive reposant sur environ un mètre de terre vĂ©gĂ©tale)[2] - [3] - [4].
Carte mondiale de la dégradation des sols établie en 2017. Selon le rapport de 2015 de la FAO et l'ITPS (en) sur l'« État des ressources du sol dans le monde », un tiers des terres arables de la planète sont plus ou moins menacées de disparaître. Les principales menaces[5] sont l'érosion des sols (par l'eau, le vent ou le labour)[6], la perte de carbone organique et les déséquilibres nutritifs liés principalement au changement d'affectation des sols (urbanisation, défrichement), ainsi qu'à l'intensification de l'agriculture et de la déforestation[7].
Les essais culturaux de Morrow Plots montrent que la surface cultivĂ©e depuis cette Ă©poque est 50 cm plus basse que la bande restĂ©e en herbe (photo prise en 2013). Le labour favorise une vitesse d'Ă©rosion de 1 Ă  10 mm par an en moyenne, soit dix fois plus vite qu'un sol couvert[8].

Facteurs d'Ă©rosion

Érosion éolienne.

Les principaux facteurs d'Ă©rosion, sont[9] :

L'érosion des sols est favorisée par plusieurs facteurs anthropiques : artificialisation et imperméabilisation des sols, déforestation[10], pratiques de travail du sol (labourage qui favorise la minéralisation de la matière organique), pratiques culturales (mise en culture de prairies, surpâturage, interculture nue avec résidus de culture, bandes enherbées…)[11] et pratiques de gestion des terres (remembrement).

Paramètre d'érosion

Les risques d'érosion des sols due au précipitations sont fonction de deux paramètres, l'indice d'érosivité (qui correspond à la capacité de la pluie et du ruissellement à détacher des particules et à les transporter) et l'indice d'érodabilité (en) (qui repose sur la vulnérabilité des sols[12] et de la topographie[13] aux agents érosifs)[14].

Formes d'Ă©rosion hydrique

L'érosion hydrique peut prendre différentes formes[15] - [16] :

  • Érosion en nappe (en) (appelĂ©e aussi Ă©rosion interrigoles) : Ă©rosion diffuse sur le versant, avec une vitesse d'Ă©coulement faible ;
  • Érosion en rigole : si la vitesse du ruissellement est forte, l'augmentation de dĂ©bit et l'apparition de tourbillons provoque un affouillement qui crĂ©e une rupture dans la pente, Ă  partir de laquelle se dĂ©veloppe une rigole. La concentration du ruissellement est favorisĂ©e par des motifs linĂ©aires (traces de roues, lignes de semis, talwegs, fourrières, dĂ©rayures) ;
  • Érosion par ravinement : Ă©rosion linĂ©aire concentrĂ©e sur des structures linĂ©aires plus marquĂ©es et plus durables. Une distinction est parfois faite entre rigoles (profondeur infĂ©rieure Ă  15 cm), ravines (profondeur comprise entre 15 et 45 cm) et fossĂ©s (profondeur supĂ©rieure Ă  45 cm)[17] ;
  • Érosion des berges (en).
  • Érosion en nappe.
    Érosion en nappe.
  • Érosion en rigole.
    Érosion en rigole.
  • Érosion par ravinement dans un champ cultivĂ©.
    Érosion par ravinement dans un champ cultivé.
  • Érosion des berges : sapement de pied par affouillement.
    Érosion des berges : sapement de pied par affouillement.

Érosion des sols et développement durable

Les taux d'érosion géologique pour les cratons continentaux, à pente très faible, sont très réduits (< 10-4 à 0,01 mm/an). Ils sont moyens pour les sols à couvert végétal en pente modérée (0,001 à 1 mm/an), et élevés pour les sols alpins à pente forte (0,1 à > 10 mm/an). Les champs cultivés de toutes ces différentes régions, même en pente faible, ont des taux d'érosion similaire aux terrains alpins en raison du travail du sol intensif (diminution de la couche arable, lessivage et entraînement des éléments nutritifs, perte de matière organique)[18]. En règle générale, les programmes de conservation des sols considèrent que la tolérance de perte de sol (en) est comprise entre 0,4 à 1 mm d'érosion de sol par an, ce qui correspond à 5 à 12 tonnes/ha/an[19]. Ainsi, « l'érosion des sols cultivés en agriculture conventionnelle est, en moyenne mondiale, de l'ordre de 1 mm de sol par an. C'est 10 à 100 fois plus que les niveaux naturels d'érosion (chiffre variant selon la méthode d'estimation de ces derniers) et 15 à 20 fois plus que les vitesses de formation du sol[20] ».
L'érosion des sols est souvent citée par les historiens comme ayant contribué, avec d'autres facteurs abiotiques tels que les changements climatiques, au déclin de civilisations (au Moyen-Orient, en Grèce et Rome antique, en Mésoamérique avec la civilisation maya)[21]. La même menace pèse actuellement et pose l'enjeu central du débat autour d'une agriculture durable[18].

La protection de l'érosion des sols s'inscrit dans les logiques du développement durable. L'Agence européenne pour l'environnement évalue en effet à 17 % la surface du territoire européen affectée, à des degrés divers, par cette érosion. « Dans toute l'Europe, l'aggravation des phénomènes d'érosion a été observée localement, soit en raison des activités humaines, soit du fait des évolutions climatiques[22] ».

Notes et références

  1. (en) David R. Montgomery, Dirt: The Erosion of Civilizations, University of California Press, , 304 p..
  2. (en) David R. Montgomery, « Soil erosion and agricultural sustainability », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, vol. 104, no 33,‎ , p. 13268-13272 (DOI 10.1073/pnas.0611508104).
  3. (en) R. Lal, « Soil erosion and the global carbon budget », Environment International, vol. 29, no 4,‎ , p. 437–450 (DOI 10.1016/S0160-4120(02)00192-7).
  4. (en) Markus Dotterweich, « The history of human-induced soil erosion: Geomorphic legacies, early descriptions and research, and the development of soil conservation—A global synopsis », Geomorphology, vol. 201,‎ , p. 1-34 (DOI 10.1016/j.geomorph.2013.07.021).
  5. Ce rapport identifie d'autres menaces : salinisation et sodification, perte de biodiversité, contamination, acidification, compactage des sols, inondations, imperméabilisation des sols et occupation des terres. Cf (en) Orgiazzi, A., Bardgett, R.D., Barrios, E., Behan-Pelletier, V., Briones, M.J.I., et al (eds.). 2016. Global Soil Biodiversity Atlas. European Commission, Publications Office of the European Union, Luxembourg
  6. L'Ă©rosion emporte de 12 Ă  15 milliards de tonnes de couche superficielle par hectare et par an, soit 0,8 Ă  1 mm/an. 11 % des sols en sont victimes et 80 % des surfaces agricoles mondiales sont sujettes Ă  une Ă©rosion forte : les taux estimĂ©s d'Ă©rosion des sols dans les terres arables ou intensivement pâturĂ©es sont 100 Ă  1 000 fois plus Ă©levĂ©s que les taux d'Ă©rosion naturelle et nettement supĂ©rieurs aux taux de formation des sols. Cf (en) Montgomery, D. 2007. Soil erosion and agricultural sustainability. Proceedings of the National Academy of Sciences 104: 13268- 13272.
  7. [PDF] Rapport Status of the World's Soil Resources publié en décembre 2015 à l'occasion de la clôture de l'Année internationale des sols (en)
  8. Marc-André Selosse, Petites histoires naturelles, Actes Sud Nature, , p. 117.
  9. Denis Baize, Richard Guy et Duval Odile, Les sols et leurs structures. Observations à différentes échelles, Quae, (lire en ligne), p. 143.
  10. (en) W. Liu, X. Wei, H. Fan, X. Guo, Y. Liu, M. Zhang, Q. Li, « Response of flow regimes to deforestation and reforestation in a rain-dominated large watershed of subtropical China », Hydrological Processes, vol. 29, no 24,‎ , p. 5003-50015 (DOI 10.1002/hyp.10459).
  11. J.F. Ouvry, « Effets des techniques culturales sur la susceptibilité des terrains à l'érosion par ruissellement concentré. Expérience du Pays de Caux (France) », Cah. ORSTOM, vol. 25, nos 1-2,‎ , p. 157-169.
  12. Capacité d'infiltration de l'eau dans le sol, stabilité structurale du sol.
  13. Pente et longueur de pente.
  14. Denis Baize, op. cit., p. 143.
  15. Véronique Auzet, « L'érosion des sols cultivés en France sous l'action du ruissellement », Annales de géographie, no 537,‎ , p. 529-556 (lire en ligne).
  16. (en) A. Véronique Auzet, Jean Boiffin, Bruno Ludwig, « Concentrated flow erosion in cultivated catchments: Influence of soil surface state », Earth Surface Processes and Landforms, vol. 20, no 8,‎ , p. 759-767 (DOI 10.1002/esp.3290200807).
  17. Zeroual Sara, « Étude de la sensibilité du sous bassin versant de Ksob a l’érosion hydrique par une approche quantitative », mémoire université de M'Sila, 2016, p. 92
  18. (en) David R. Montgomery, « Soil erosion and agricultural sustainability », PNAS, vol. 104, no 33,‎ , p. 13268-13272 (DOI 10.1073/pnas.0611508104).
  19. (en) D.L. Schertz, « The basis for soil loss tolerances », Journal of Soil and Water Conservation, vol. 38, no 1,‎ , p. 10-14.
  20. Jérôme Balesdent, Etienne Dambrine et Jean-Claude Fardeau, Les sols ont-ils de la mémoire ?, éditions Quae, (lire en ligne), p. 140.
  21. (en) Clive Ponting, A New Green History Of The World. The Environment and the Collapse of Great Civilizations, Random House, (lire en ligne), p. 75-78.
  22. IFEN, « L’érosion des sols, un phénomène à surveiller », Les données de l'environnement, no 106,‎ , p. 3 (lire en ligne).

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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