Battance
La battance est en édaphologie, pédologie et écologie du paysage, le caractère d'un sol tendant à se désagréger et à former une croûte en surface sous l'action de la pluie ou d'un piétinement important. C'est une des expressions de la régression et dégradation des sols qui voit la disparition des agrégats et donc des pores et la formation d'une croûte superficielle imperméable sur laquelle l’eau ruisselle rapidement, sous la forme de filets diffus.
L'infiltration est alors quasiment nulle, avec moins de 5 mm/h, et engendre les inondations, alors qu'un sol originel très organique peut dans des conditions très favorables infiltrer plus de 70 mm/h.
Mécanismes
Sur sol surpiétiné à la suite de la surfréquentation par le bétail ou l'homme, une croute superficielle se forme et empêche la pénétration de l'eau, tout en favorisant une déstructuration des horizons superficiels du sol. Une érosion accrue, la mauvaise circulation verticale de l'eau et de la vapeur d'eau, ainsi que de l'oxygène et du CO2 produits par les organismes du sol, entretiennent ce phénomène.
Sur sol labouré, avec la pluie, la pression interne des mottes augmente (bulles d'air piégées dans les pores qui se remplissent par capillarité) et la cohésion de la motte diminue, l'impact dû à l'énergie cinétique des gouttes casse les mottes. À chaque pluie importante, il y a un excès d'eau en surface qui dilue la terre fine en une boue fine qui va cimenter en séchant les entrées capillaires du sol.
Avant tout, la sensibilité à la battance dépend des composants du sol. Les limons ont une faible stabilité structurale, ce qui fait des sols limoneux les plus sensibles à la battance. À l'inverse, l'argile, la matière organique et les ions calcium augmentent la stabilité structurale du sol, augmentant sa résistance à la battance.
Il est possible de calculer un indice de battance, issue des travaux de l'INRA de Laon, suivant les formules suivante[1] :
-si le pH eau du sol est supérieur à 7
-si le pH eau du sol est inférieur ou égal à 7
où LF est la teneur du sol en limons fins, LG la teneur en limons grossiers, A la teneur en argile, MO la teneur en matière et organique et pH le pH eau.
Plus l'indice est élevé, plus le risque de battance est fort.
Facteurs favorisant la vulnérabilité à la battance
La taille des particules:
Claire Chenu INRAE donne des valeurs chiffrée dans une publication.
L'abscence de colles biologique(glomaline):
La visualisation d'une vidéo de "slake test" permettra à tous de visauliser la différence de stabilité entre un sol biologiquement actif et un sol mort ou travaillé. https://youtu.be/lz4eSHoyxrE
Des teneurs en matière organique réduites:
La battance sera quasi-systèmatique autour de 1,5% de MO, inexistante à 6%.vernoux.org/ecodyn/wp-content/uploads/2017/12/mo_structure.jpg
Symptômes
La battance se traduit par le colmatage, souvent visible à l'œil nu, de la porosité de la partie superficielle du sol, qui s'oppose à l'infiltration de l'eau, à la circulation de l'air, et favorise l'érosion hydrique. La stagnation anormale d'eau, la présence d'une fine croute sont des indices de battance[2].
Impacts
La battance freine la circulation de l'eau et de l'air dans le sol, au détriment de leur vie biologique et de la croissance végétale. Elle augmente et contrarie la levée des plantules et adventices, lorsque la croute se forme entre le semis et la germination. De plus, elle accentue le phénomène d'érosion, en favorisant le ruissellement au détriment de l'infiltration de l'eau.
L'infiltration pourra être aussi faible que 1mm/H. L'américain Gabe Brown qui a régénéré ses sols avait un point de départ à 12mm/h en 1993. Rapidement, il a mesuré 200 mm/H https://youtu.be/DQpA7opP-WA, en 2022 son sol infiltre 760 mm/H! https://youtu.be/PmXcl6-doA8?t=4920
Elle modifie fortement les conditions thermohygrométriques de la strate herbacée et l'albédo du sol.
Impacts climatiques
La formation d'un croute de battance aura de multiples impacts sur le climat local, et global lorsqu'elle est généralisée ( ou prédominante). Ils sont tous néfastes. Son impact sera d'autant plus important qu'elle affecte des zones près du littoral (car l'eau est recyclée sur les continents et sera utilisée plusieurs fois, une fois perdue par ruissellement, elle est perdue partout où elle servait)
Impact sur la végétation:
De nombreuses publications montrent des corrélations plantes/climat.
La croûte va avoir un impact physique sur la croissance de la plante qui est ralentie dans son émergence.
La diminution des échanges gazeux pourra perturber les équilibres d'oxydo-réduction et causer des pathologies du végétal.
De même, la microbiologie du sol ne pourra s'exprimer pleinement. La fixation de l'azote atmosphérique pourra être affectée, comme toute autre absorption minérale, si le choix des solutions du vivant a été effectué.
Impact sur l'évapotranspiration:
En affectant la recharge en eau du sol, la battance va limiter l'évapotranspiration des plantes. Évaporer de l'eau permet aux écosystèmes d'évacuer l'excès d'énergie et de maintenir l'écosystème frais. Un calcul simple basé sur l'enthalpie d'évaporation permet d'établir qu'1mm évaporé par hectare a autant d'effet que 1,5 T de CO2.
Impact sur le bilan radiatif du nuage:
Les nuages participent de façon non négligeable dans le climat. Leur effet est à la fois refroidissant car ils dévient les rayons lumineux par leur albédo élevé. Mais, il est aussi réchauffant en bloquant les émission infrarouge (cela est perceptible la nuit: une nuit étoilée est plus fraiche).
Leur impact ira de -160w/m2 à + 100w/m2. (Le CO2 joue pour 2,6w/m2, le bilan net moyen des nuages est de 25 w/m2, mais est très variable dans le temps et l'espace)
La battance aura un effet néfaste continu. En effet, moins le système possédera d'eau et plus la masse d'eau devra atteindre une altitude élevée pour y trouver une température suffisamment basse pour que la condensation de la vapeur d'eau puisse avoir lieu.
Le nuage est d'autant plus réchauffant que son altitude est élevée. À l’extrême, les écosystèmes les plus actifs forment des brumes à la mi-journée condensant avant la tombée de la nuit. Le bilan radiatif du nuage y est alors fortement refroidissant.
Impact sur les pluies:
À la manière de la buée qui ne se forme que sur une vitre froide, les précipitations ne se formeront que sur une surface froide. Ainsi, la battance, en affectant la réserve en eau du sol et la croissance des plantes, engendre une augmentation de température qui entraîne à son tour une réduction de la pluviométrie, entretenant de fait le phénomène. De plus, le caractère discontinu entraîne un échauffement des masses océaniques rendant les épisodes de précipitations plus brutaux, de nature à aggraver la situation.
Prévention et remédiation
Pour lutter contre la battance des sols, après un diagnostic affiné (qui nécessite souvent de creuser une fosse pédologique), il convient de reconstituer un stock de matière organique suffisant dans le sol. Ceci peut se faire par la restitution au sol des résidus de culture, l'implantation d'engrais verts, l'installation d'une jachère vraie, d'un apport significatif de compost et/ou de bois raméal fragmenté… Il est également possible de jouer sur le pH et sur la teneur en calcium échangeable. Il convient aussi — préventivement — de ne pas cultiver ou surpiétiner des terres limoneuses trop fines, surtout sur les pentes, en y entretenant toujours un couvert végétal (pouvant supporter des fauches et un pâturage extensif). Les cultures en interrang large (ex. : maïs) favorisent la battance, de même que le labour et le maintien de sols nus sur de longues périodes. Il est conseillé de ne pas travailler trop finement les sols sensibles à la battance, ce qui implique d'éviter de travailler des sols secs (formation de terre fine), et de laisser des mottes en surface. La suppression du labour (en permettant l'accumulation des résidus végétaux à la surface du sol) ou un semis sous couvert végétal permettent de réduire considérablement le phénomène de battance[3]
Laisser 500kg de paille à l'hectare peut être sufissant pour avoir un réel impact sur l'infiltration.
Notes et références
- Schvartz, Christian., Muller, Jean-Charles., Decroux, Jacques. et Comité Français d'Etude et de Développement de la Fertilisation Raisonnée., Guide de la fertilisation raisonnée : grandes cultures et prairies, Paris, France Agricole, , 414 p. (ISBN 2-85557-120-0, OCLC 636664856, lire en ligne)
- « Processus écologiques - Battance », sur www.supagro.fr (consulté le )
- PROSENSOLS, Caractériser la stabilité structurale et la battance, Théorie A4, https://www.yumpu.com/fr/document/view/16755327/caracteriser-la-stabilite-structurale-et-la-battance-prosensols
Voir aussi
Articles connexes
- érosion, Régression et dégradation des sols
- Humus, sol, pédologie, matière organique, complexes argilo-humiques
- Permaculture, transfert de fertilité
- Activation biologique du sol, engrais vert
- Directive cadre pour la protection des sols
- Sous-solage, Décompacteur, Machine à bêcher
- Semelle de labour, labour
- Semis direct
Liens externes
- Frédéric Lewino, « La grande menace de l'érosion », dans Le Point web, 06/04/2006 n°1751