Activation biologique du sol
La faune du sol ne représente que 0,08 % de sa masse, pourtant on ne compte pas moins de 260 millions d’individus par mètre carré ; soit une masse globale équivalente à deux vaches adultes par hectare (2 UGB/ha).
Ce compartiment biologique du sol joue ainsi un rôle important, qui a été souvent négligé par le passé, mais qui reste une composante essentielle du sol au même titre que ses caractéristiques physico-chimiques.
Activité biologique du sol
On trouve dans les sols, une grande variété d’organismes vivants : des bactéries, des champignons, des algues, les parties souterraines des plantes, ainsi qu’une faune très variée allant des protozoaires aux mammifères. L’ensemble de ces organismes fait partie intégrante du système sol et participe par son activité à la formation et à l’évolution des sols.
Cette activité biologique du sol peut être abordée de deux façons :
- une approche spécifique ou de groupe : par exemple l’activité bioturbatrice des vers de terre ;
- une approche systémique, où l’ensemble des fonctions des organismes et des interactions entre ceux-ci sont prises en compte.
Activer la biologie pour améliorer le fonctionnement du sol
Les différents compartiments du sol vivant ont diverses fonctions, qui assurent le bon fonctionnement de celui-ci. Ainsi, les bactéries sont des régulatrices essentielles des équilibres gazeux et des cycles biogéochimiques du sol. Les champignons transportent des quantités importantes d’eau et de substances, participent à la dégradation de la litière et à sa transformation en humus. Quant à la faune du sol, son rôle fondamental réside dans la transformation de la matière organique et dans son action mécanique sur les sols : formation de galeries, porosité, structuration des agrégats[1].
Ces interactions biologiques procurent au sol une propriété d’auto-structuration, qui s’exprime à différentes échelles, allant des films microbiens jusqu’aux macro-galeries des vers de terre. Les invertébrés du sol étant qualifiés alors de groupe clé de l’organisation et du fonctionnement des sols, on parle alors d’organismes ingénieurs[1]. La contribution de ceux-ci est multiple : incorporation de la litière au sol, protection des plantes contre certains bioagresseurs, activation sélective de l’activité microbienne, création de structure favorable à la vie du sol (incubateurs de microorganismes). En bref, l’activation biologique de certains groupes vise à dynamiser l’ensemble du système et améliorer son fonctionnement et sa production primaire.
Activer biologiquement un sol : des recettes miracles aux méthodes éprouvées scientifiquement
Les amendements organiques
De nombreuses entreprises proposent des produits permettant d'améliorer l’activité biologique des sols. Ces produits sont composés de minéraux dont les formes et les concentrations favorisent le développement de l’activité biologique du sol. Selon une étude menée depuis 1995 par des laboratoires indépendants, ces produits engendreraient une augmentation de la biomasse et de la biodiversité microbienne ainsi qu'un accroissement de la faune du sol notamment des vers de terre. Longtemps ignorée cette étude a été depuis peu soumise à des experts européens appartenant à des instituts tels que The Institute of Soil Science and Plant Cultivation of Pulawy (Pologne) et la Faculté des Sciences Environnementales et des Techniques Industrielles de Cottbus (Allemagne). L'ensemble de ces audits et des traitements statistiques des mesures issues de centaines de profils de sols confirmerait la validité de cette étude et les effets positifs de ces produits sur la vie du sol et sur la fertilité au bénéfice des cultures.
La fertilisation bio-organique
Une méthode bien documentée a été développée par l’IRD sur des plantations de thé en Inde pour rétablir le bon fonctionnement des sols et ainsi augmenter les rendements. Il s’agit de la méthode de la fertilisation bio-organique (FBO)[2]. Celle-ci consiste à apporter au sol dégradé une biomasse importante de vers de terre, ainsi qu’une fertilisation organique (compost). Ces études ont mis en avant que l’augmentation de la macrofaune s’accompagne d’une augmentation de la porosité et de l’humidité du sol, favorisant alors un développement des communautés microbiennes et de leur activité, et relançant ainsi les cycles de minéralisation. Dans ce cas, la FBO a apporté un gain de rendement de 260 % par rapport à une conduite conventionnelle. Cette méthode ayant été développée, pour les pays en développement, son adaptation à d’autres agrosystèmes nécessite l’intervention de biologistes pour déterminer l’optimum en termes de matière organique et de biomasse d’invertébrés apportées.
Le bois raméal fragmenté
Des approches semblables existent, par exemple l’apport de matière organique sous la forme de bois raméal fragmenté (BRF). Cette technique québécoise résulte de l’apport d’un amendement ligneux (jeunes branches, car plus riches en acides aminées, protéines et sucres) broyé qui est ensuite incorporé dans la partie superficielle du sol (100 à 300 m3 /ha/an). De nombreuses études ont montré un effet bénéfique du BRF sur l’activité biologique du sol avec une augmentation des champignons, des bactéries et de la pédofaune [3].
Les techniques culturales simplifiées
Certaines pratiques culturales ont un effet positif sur le développement des communautés d’invertébrés dans le sol, c’est le cas des techniques culturales simplifiées (TCS). Par rapport à la technique conventionnelle du labour, ces techniques permettent d’augmenter les densités de vers de terre en général et de favoriser le développement des espèces fouisseuses anéciques[4].
Notes et références
- (en) P. Lavelle, T. Decaens et al., Soil invertebrates and ecosystems services, Eur. J. of Soil Biol., n°42, 2006, p. 3-15.
- (en) « Restoring soil fertility and enhancing productivity of Indian tea plantations with earthworms and organic fertilizers » B.K. Senepati, P. Lavelle et al. FAO publications, 2000 [PDF]
- Le bois raméal fragmenté, Noël, 2005 Collection L’agriculture de demain (Dir. générale de l’agriculture Wallonne) 40 p.
- Biologie du sol après 10 ans de semi direct ou de labour, Maurer-Troxler, Revue suisse agricole no 38, 2006, p. 89-94 [PDF]