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Croûte terrestre

La croûte terrestre, appelée aussi écorce terrestre, est la partie superficielle et solide du matériau dont est faite la Terre. C'est la partie supérieure de la lithosphère (qui constitue les plaques tectoniques).

Schéma représentant la lithosphère rigide (2) qui est en équilibre isostatique sur l'asthénosphère ductile (1). La croûte océanique (4) et la croûte continentale (6) sont la partie supérieure 1de la lithosphère. La plaque lithosphérique océanique plonge sous une plaque continentale, entraînant la croûte océanique dans la subduction (5).
Schéma simplifié de la croûte terrestre. 1 : croûte continentale ; 2 : croûte océanique ; 3 : manteau supérieur.
Épaisseur de la croûte en km.

La limite entre la croûte terrestre et le manteau supérieur est la discontinuité de Mohorovicic.

La croĂ»te terrestre existe en deux « variĂ©tĂ©s » radicalement diffĂ©rentes, la croĂ»te continentale, de composition pĂ©trologique principalement granitoĂŻdique, et la croĂ»te ocĂ©anique de nature essentiellement basaltique. De nombreux autres critères diffĂ©rencient ces deux types de croĂ»tes : densitĂ© moyenne (2,7 contre 2,9), Ă©paisseur caractĂ©ristique (typiquement 35 km contre environ km), âge moyen des matĂ©riaux (en majoritĂ© entre 1 et 3 milliards d'annĂ©es contre moins de 200 millions d'annĂ©es).

Composition chimique de la croûte terrestre

La majorité des roches constituant la croûte terrestre sont des silicates qu'on a l'habitude de décrire par leur composition en oxydes, l'oxygène étant l'élément chimique de loin le plus abondant ; parmi les éléments pouvant prendre une forme réduite, seuls le chlore, le soufre et le fluor sont susceptibles de créer des minéraux. De fait, leur quantité totale dans n'importe quelle roche dépasse rarement 69 %.

Au dĂ©but du XXe siècle, Frank Wigglesworth Clarke[1] a calculĂ© que 47 % de la croĂ»te terrestre est faite d'oxygène prĂ©sent principalement sous forme d'oxydes, dont les principaux sont les oxydes de silicium, aluminium, fer, calcium, magnĂ©sium, potassium et sodium. Le dioxyde de silicium est le constituant majeur de la croĂ»te sous forme de silicates, les minĂ©raux les plus communs des roches magmatiques et mĂ©tamorphiques. Après une synthèse basĂ©e sur l'analyse de 5 919 types de roches, Clarke obtient la composition de la croĂ»te, exprimĂ©e en pourcentages massiques de poids d'oxydes. Ă€ l'Ă©poque de ces travaux, l'Ă©chantillonnage ne concerne que les continents Ă©mergĂ©s, aussi ses rĂ©sultats correspondent uniquement Ă  la composition de la croĂ»te supĂ©rieure continentale. Depuis, les gĂ©ochimistes ont dĂ©terminĂ© la composition moyenne de la croĂ»te ocĂ©anique et, par des mĂ©thodes indirectes (vitesse de propagation des ondes sismiques, flux de chaleur), ont pu Ă©valuer la composition des couches moyenne et infĂ©rieure[2].

Selon le modèle géochimique de Victor Goldschmidt, « la croûte terrestre est enrichie en éléments lithophiles (ils forment des oxydes solides, peu denses, qui se sont concentrés dans les couches superficielles de la Terre) mais elle est fortement appauvrie en éléments sidérophiles (de densité élevée entraînés avec le fer vers le noyau) et en atmophiles (trop volatils pour être intégrés dans la masse terrestre). Elle est aussi appauvrie en éléments chalcophiles, plus denses que les oxydes formés par les lithophiles[3]. »

L'Ă©corce terrestre est principalement constituĂ©e de silicates (il en existe près de 1 000 connus, reprĂ©sentant 95 % de ses constituants), de carbonates, d'oxydes et d'hydroxydes mĂ©talliques (notamment l'oxyde et l'hydroxyde de fer)[4]. Les silicates les plus souvent rencontrĂ©s sont les tectosilicates (le groupe des feldspaths reprĂ©sente près de 60 % de la masse de l'Ă©corce et celui de la silice — quartz essentiellement — 10 Ă  13 %), les inosilicates (pyroxènes, 10 % de l'Ă©corce et amphibole, 7 %) et les phyllosilicates, parmi lesquels les minĂ©raux argileux[5].

Composition chimique moyenne de la
croûte continentale selon Clarke[1]
Oxyde Pourcentage

(% mas)

SiO2 59,71
Al2O3 15,41
CaO 4,90
MgO 4,36
Na2O 3,55
FeO 3,52
K2O 2,80
Fe2O3 2,63
H2O 1,52
TiO2 0,60
P2O5 0,22
total = 99,22
Composition chimique moyenne de la
croûte océanique selon Condie[6]
Oxyde Pourcentage

(% mas)

SiO2 50,5
Al2O3 15,3
CaO 11,3
FeO et Fe2O3 10,4
MgO 7,6
Na2O 2,7
TiO2 1,6
K2O 0,2
total = 99,6

Structure

Structure de la Terre : 1. Noyau interne, 2. Noyau externe, 3. Manteau inférieur, 4. Manteau supérieur, 5. L.V.Z, entre 5 et 6. MOHO, 6. Croûte terrestre

On distingue la croûte continentale (45 % de la surface terrestre, dont 29 sont émergés) de la croûte océanique (55 % de la surface terrestre) :

  • La croĂ»te continentale forme essentiellement les continents. Certaines parties peuvent toutefois se trouver immergĂ©es sous des mers ou des ocĂ©ans, comme la plate-forme continentale. La croĂ»te continentale est Ă©paisse de 15 Ă  80 km, avec une moyenne de 30 km. Elle a une composition moyenne de roche granitique Ă  dioritique (dite intermĂ©diaire), de densitĂ© 2,7 Ă  2,8. La majeure partie est probablement constituĂ©e de gneiss. La base de la croĂ»te prĂ©sente des placages de Gabbro, issus de la fusion partielle et ancienne du manteau supĂ©rieur.
  • La croĂ»te ocĂ©anique forme essentiellement le fond des ocĂ©ans. Elle est beaucoup plus fine (5 Ă  km en gĂ©nĂ©ral). FormĂ©e de roches basaltiques et de gabbro, elle est aussi plus dense (3 g/cm3).

On pensait que la croûte terrestre était essentiellement granitique, et on la nommait donc « sial » (silicium-aluminium), par opposition au manteau que l'on nommait « sima » (silicium-magnésium). Maintenant, on sait que la croûte de la Terre n'a pas de composition homogène puisque la croûte océanique est originellement différente de la croûte continentale, et ces appellations sont obsolètes.

Il faut Ă©galement savoir que les plus anciennes roches trouvĂ©es provenant de la croĂ»te continentale datent de 4,031 milliards d'annĂ©es (gneiss d'Acasta) et peut-ĂŞtre 4,280 milliards d'annĂ©es (Nuvvuagittuq Greenstone Belt). Parallèlement, les plus anciennes provenant de la croĂ»te ocĂ©anique datent rarement de plus de 200 millions d'annĂ©es, car au-delĂ  la croĂ»te devient plus dense par refroidissement que le manteau sous-jacent et s'y enfonce (subduction). Quelques rares portions de croĂ»te ocĂ©anique sont en place depuis plus longtemps. C'est notamment le cas du bassin HĂ©rodote en MĂ©diterranĂ©e orientale, dont le plancher est constituĂ© d'une croĂ»te ocĂ©anique vieille d'environ 340 Ma.

Mouvements

La tectonique des plaques permet de comprendre que la croûte océanique est créée au niveau des dorsales océaniques, issue d'une fusion partielle du manteau supérieur.

Les mouvements des plaques lithosphériques sont la cause principale des grandes modifications structurales affectant la croûte terrestre. Une majorité des séismes et une large partie du volcanisme sont des marqueurs de cette activité particulière de la planète Terre, résultant de la convection de la partie supérieure du manteau terrestre. La tectonique des plaques est la théorie qui explique l'essentiel de ces manifestations en surface, et permet une quantification de ces déplacements horizontaux.

Un autre volcanisme d'importance existe, celui dit de point chaud ; il n'est pas spécifique de notre planète, puisqu'on le retrouve sur Mars, et très probablement en partie sur Vénus.

Évolution

L'évolution de la croûte terrestre (en) au cours des temps géologiques repose sur des modèles de croissance crustale et de différenciation crustale[7].

Plusieurs catĂ©gories de modèles sont proposĂ©s pour rendre compte de la croissance crustale : « (1) des modèles d'augmentation progressive des masses continentales depuis l'ArchĂ©en (Hurley et Rand, 1969[8] ; Veizer et Jansen, 1979[9] ; O'Nions et Hamilton, 1981[10]) ; (2) des modèles de croissance archĂ©enne rapide suivie d’une croissance post-archĂ©enne faible (De Paolo et Wasserburg, 1979[11] ; McLennan et Taylor, 1982[12]), nulle (Armstrong (en), 1981[13]) ou nĂ©gative (Fyfe, 1978[14]) ; une variante de ce type comprend la formation très prĂ©coce d’environ 50 % de la croĂ»te continentale, suivie d’un taux de croissance rĂ©gulier jusqu’à l’Actuel (Reymer et Schubert, 1984[15]) ; (3) enfin des modèles de croissance Ă©pisodique au cours du temps (Condie, 1998[16] ; Condie, 2000[17]) »[18].
Actuellement, les estimations suggèrent que le bilan de la croissance crustale est équilibré : les quantités de croûte océanique produites au niveau des dorsales et celles détruites au niveau des zones de subduction sont à peu près égales ; l'augmentation du volume de croûte continentale via le transfert de matériaux mantelliques juvéniles (essentiellement au niveau du magmatisme d'arc et du magmatisme intraplaque), est compensé par le recyclage de la croûte continentale au niveau des zones de subduction (essentiellement par le retour dans l'asthénosphère de sédiments continentaux et l'érosion tectonique de la plaque subductée)[19] - [15].

La différenciation de la croûte continentale, à l'origine de la discontinuité de Conrad (en), correspond aux limites convergentes des plaques à l'injection d'intrusions magmatiques basiques dans la croûte inférieure, produisant par fusion partielle des liquides granitiques qui ont tendance à migrer vers la croûte supérieure où se mettent en place des granitoïdes[20].

Présence de vie

Depuis quelques décennies on trouve un nombre croissant d'échantillons de la croûte terrestre où des microbes (bactéries sulfatoréductrices en général) sont retrouvés, y compris dans des endroits où on est certain qu'il n'y a pas pu y avoir de contamination récente (au sens géologique et écologique de ce terme). En 2019, ces écosystèmes sont encore très mal connus[21].

Références

  1. (en) Frank Wigglesworth Clarke, « The data of geochemistry », USGS Bulletin, Govt. Print. Off., no 330,‎ (lire en ligne, consulté le )
  2. (en) S.R. Taylor, S.M. McLennan, The continental crust: its composition and evolution, Blackwell scientific publications, , 312 p.
  3. Robert Valls, Chimie inorganique. De la classification périodique au cristal, ISTE Group, (lire en ligne), p. 35
  4. (en) Graham R. Thompson, Jonathan Turk, Earth science and the environment, Saunders College Pub., , p. 31.
  5. (en) Imke de Pater, Jack J. Lissauer, Planetary Sciences, Cambridge University Press, (lire en ligne), p. 154.
  6. (en) Kent C. Condie, Plate Tectonics, Elsevier, (lire en ligne), p. 61
  7. (en) Nicholas T. Arndt, « Formation and Evolution of the Continental Crust », Geochemical Perspectives, vol. 2, no 3,‎ , p. 405-533 (DOI 10.7185/geochempersp.2.3).
  8. (en) P M Hurley, J R Rand, « Pre-drift continental nuclei », Science, vol. 164, no 3885,‎ , p. 1229-1242 (DOI 10.1126/science.164.3885.1229).
  9. (en) Jan Veizer, Siegfried L. Jansen, « Basement and Sedimentary Recycling and Continental Evolution », The Journal of Geology, vol. 87, no 4,‎ , p. 341-370 (DOI 10.1086/628425).
  10. (en) R. K. O'Nions, P. J. Hamilton, « Isotope and Trace Element Models of Crustal Evolution », Philosophical Transactions of the Royal Society of London, vol. 301, no 1461,‎ , p. 473-487 (DOI 10.1098/rsta.1981.0123).
  11. (en) D.J.De Paolo, G.J.Wasserburg, « Sm-Nd age of the Stillwater complex and the mantle evolution curve for neodymium », Geochimica et Cosmochimica Acta, vol. 43, no 7,‎ , p. 999-1008 (DOI 10.1016/0016-7037(79)90089-9).
  12. (en) Scott M. McLennan, S. R. Taylor, « Geochemical Constraints on the Growth of the Continental Crust », The Journal of Geology, vol. 90, no 4,‎ , p. 347-361 (DOI 10.1086/628690).
  13. (en) R.L. Armstrong, « Radiogenic isotopes: the case for crustal recycling on a near-steady-state no-continental-growth Earth », Philosophical Transaction of the Royal Society, no 1461,‎ , p. 443-472 (DOI 10.1098/rsta.1981.0122).
  14. (en) W.S. Fyfe, « The evolution of the earth's crust: Modern plate tectonics to ancient hot spot tectonics? », Chemical Geology, vol. 23, nos 1–4,‎ , p. 89-114 (DOI 10.1016/0009-2541(78)90068-2).
  15. (en) A. Reymer, G. Schubert, « Phanerozoic addition rates to the continental crust and crustal growth », Tectonics, vol. 3, no 1,‎ , p. 63-77 (DOI 10.1029/TC003I001P00063).
  16. (en) Kent C.Condie, « Episodic continental growth and supercontinents: a mantle avalanche connection? », Earth and Planetary Science Letters, vol. 163, nos 1–4,‎ , p. 97-108 (DOI 10.1016/S0012-821X(98)00178-2).
  17. (en) Kent C.Condie, « Episodic continental growth models: afterthoughts and extensions », Tectonophysics, vol. 322, nos 1–2,‎ , p. 153-162 (DOI 10.1016/S0040-1951(00)00061-5).
  18. Moussa Isseini, Croissance et différenciation crustales au Néoprotérozoïque. Exemple du domaine panafricain du Mayo Kebbi au Sud-Ouest du Tchad, thèse de doctorat, Université de Nancy, 2011, p. 47-48
  19. (en) Coupe transversale schématique d'une zone de subduction et d'un orogène collisionnel montrant les taux de formation crustale (entre parenthèses) et de destruction crustale (entre crochets) exprimés en km3/an, d'après Arndt, 2013
  20. Philippe Rossi, Christina Pin, « Les magmatismes paléozoïques », Géochronique, no 105,‎ , p. 53.
  21. By Eva Frederick (2019) Strange microbes found in Earth’s oldest water, Science News, 27 août

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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