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Brome

Le brome est l'élément chimique de numéro atomique 35, de symbole Br. C'est un membre de la famille des halogÚnes.

Brome
Image illustrative de l’article Brome
Ampoule de brome.
Position dans le tableau périodique
Symbole Br
Nom Brome
Numéro atomique 35
Groupe 17
Période 4e période
Bloc Bloc p
Famille d'éléments HalogÚne
Configuration Ă©lectronique [Ar] 3d10 4s2 4p5
Électrons par niveau d’énergie 2, 8, 18, 7
Propriétés atomiques de l'élément
Masse atomique 79,904 ± 0,001 u[1]
Rayon atomique (calc) 115 pm (94 pm)
Rayon de covalence 120 ± 3 pm[2]
Rayon de van der Waals 195 pm[3]
État d’oxydation -1, 0, 1, 3, 5, 7
ÉlectronĂ©gativitĂ© (Pauling) 2,96
Oxyde Acide fort
Énergies d’ionisation[1]
1re : 11,813 8 eV 2e : 21,591 eV
3e : 36 eV 4e : 47,3 eV
5e : 59,7 eV 6e : 88,6 eV
7e : 103,0 eV 8e : 192,8 eV
Isotopes les plus stables
Iso AN PĂ©riode MD Ed PD
MeV
79Br50,69 %stable avec 44 neutrons
81Br49,31 %stable avec 46 neutrons
Propriétés physiques du corps simple
État ordinaire Liquide (non-magnĂ©tique)
Allotrope Ă  l'Ă©tat standard Dibrome Br2
Masse volumique 7,59 g·l-1 (gaz)[1]

3,12 g·cm-3 (liquide, 20 °C)[1]

SystĂšme cristallin Orthorhombique
Couleur brun rougeĂątre
Point de fusion −7,2 °C[1]
Point d’ébullition 58,8 °C[1]
Énergie de fusion 5,286 kJ·mol-1
Énergie de vaporisation 29,96 kJ·mol-1 (1 atm, 58,8 °C);

30,91 kJ·mol-1 (1 atm, 25 °C)[1]

Volume molaire 21,055×10-3 m3·mol-1
Pression de vapeur 5 800 Pa Ă  6,95 °C
Vitesse du son 206 m·s-1 à 20 °C
Chaleur massique 480 J·kg-1·K-1
Conductivité thermique 0,122 W·m-1·K-1
Divers
No CAS 10097-32-2[4]
Précautions
SGH[5]
Dibrome Br2 :
SGH05 : CorrosifSGH06 : ToxiqueSGH09 : Danger pour le milieu aquatique
Danger
H314, H330, H400, P210, P273, P304+P340, P305+P351+P338, P309+P310 et P403+P233
Transport[5]
Dibrome Br2 :

Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire.

Le corps simple brome, de formule chimique Br2 (dibrome, formé de molécules homonucléaires diatomiques), est un liquide de couleur brunùtre dans les conditions normales de température et de pression. Carl Löwig et Antoine-JérÎme Balard ont découvert ce corps simple en 1825 et 1826, indépendamment l'un de l'autre. Son nom dérive du grec bromos (« puanteur »), en raison de son odeur piquante.

Peu abondant, il n'est que le 62e Ă©lĂ©ment chimique de la croĂ»te terrestre[6]. Dans la nature, il n'est jamais prĂ©sent sous forme de dibrome, mais le plus souvent sous forme de bromure. À cause du lessivage des roches et de la grande solubilitĂ© de nombreux bromures mĂ©talliques, le brome s'est accumulĂ© dans les ocĂ©ans (oĂč il est cependant 289 fois moins abondant que le chlore) : l'eau de mer est une source de brome. Les eaux de la mer Morte contiennent 50 000 ppm d'ions bromure et constituent, avec des gisements aux États-Unis et en Chine, les principales rĂ©serves mondiales[6].

Dans les minerais, l'ion bromure est souvent associé à l'argent. Les minéraux correspondants sont la bromargyrite (bromure d'argent AgBr), découvert à Mexico en 1841[7], et l'embolite.

Outre qu'il peut contribuer Ă  dĂ©grader la couche d'ozone, il semble jouer un rĂŽle de catalyseur dans le phĂ©nomĂšne atmosphĂ©rique Ă©cotoxicologiquement prĂ©occupant dit de « pluies de mercure » (impliquĂ© dans environ 80 % des cas)[8]. Il est notamment Ă©mis dans l'air par l'incinĂ©ration des dĂ©chets et pour de nombreux secteurs, il n'y a pas de valeurs limites d'Ă©mission (VLE) dans l'air ou dans les rejets d'eaux usĂ©es. En France, depuis 2013 dans certaines ICPE, les Ă©missions de brome et de composĂ©s inorganiques gazeux du brome (exprimĂ©es en HBr) sont rĂ©glementĂ©es : leur flux horaire ne doit pas dĂ©passer 50 g/h, et mg/m3 de gaz rejetĂ© dans l'atmosphĂšre[9].

Histoire

le 6,6â€Č-dibromoindigo, molĂ©cule responsable de la coloration du pourpre de Tyr.

Le premier composĂ© du brome utilisĂ© (bien avant que l'Ă©lĂ©ment chimique ne soit isolĂ©) remonte Ă  l'AntiquitĂ©. Le magnifique pigment mentionnĂ© dans la Bible[10] et connu des Romains sous le nom de pourpre de Tyr a Ă©tĂ© analysĂ© en 1909 par P. FriedlĂ€nder ; il s'agit du 6,6'-dibromoindigo[11]. Ce colorant Ă©tait Ă  l'Ă©poque extrait de l'escargot Murex brandaris. Il en fallait 12 000 pour prĂ©parer 1,5 g de colorant.

Le brome a été découvert indépendamment par Antoine-JérÎme Balard en 1826[12] et par Carl Löwig en 1825[13]. Voir un fac-similé du mémoire de Balard à cette référence[14].

Le chimiste Antoine-JérÎme Balard a trouvé le brome dans les eaux mÚres restant aprÚs avoir cristallisé le chlorure de sodium et le sulfate de sodium des prés-salés de Montpellier. Le jeune Balard (23 ans) avait remarqué la coloration jaune-soutenu de cette eau lors de l'addition de dichlore. L'extraction par l'éther et la potasse conduisait à un sel (KBr) qu'il traita par le dioxyde de manganÚse MnO2 (oxydant) en présence d'acide sulfurique. Il obtint ainsi un liquide rouge (Br2). Balard développa rapidement la chimie du brome et reconnut son caractÚre élémentaire, par comparaison au monochlorure d'iode ICl qui avait été isolé quinze ans auparavant[11]. Balard a nommé cet élément « muride », dérivé du latin muria[15].

Un an plus tÎt, en 1825, le chimiste Carl Löwig avait pu isoler un peu de dibrome en l'extrayant d'un échantillon d'eau. Pour extraire le dibrome de l'eau, il a saturé la solution avec du dichlore et l'a extrait grùce à sa solubilité dans l'éther diéthylique. L'évaporation de ce solvant a laissé une substance liquide brune. Mais le retard de la publication de sa découverte a permis à Antoine Balard[16] de publier en premier la découverte de ce nouvel élément chimique.

AprĂšs que les trois chimistes français Louis-Nicolas Vauquelin, Louis Jacques ThĂ©nard, et Louis Joseph Gay-Lussac eurent approuvĂ© la dĂ©couverte de Balard, ses rĂ©sultats furent prĂ©sentĂ©s Ă  l'AcadĂ©mie des sciences et publiĂ©s dans les Annales de chimie et physique. Dans sa publication, Ă  la demande de M. Anglada, Balard changea le nom muride en BrĂŽme ou brome, du grec ÎČÏáż¶ÎŒÎżÏ‚ (brĂŽmos) qui signifie « puanteur »[17].

Le brome (avec le chlore et l'iode) a pris une place importante, au cours de l'histoire de la chimie, pour comprendre la structure des composés organiques. Par exemple, Jean-Baptiste Dumas formulait en 1838 (bien avant que la tétravalence du carbone soit établie) une théorie de la substitution dont une des rÚgles indiquait que, lors d'une déshydrogénation par le chlore, le brome ou l'iode, un atome H était remplacé par un atome d'halogÚne.

Gisement

La production industrielle du dibrome rĂ©sulte de l'oxydation des ions bromure par le dichlore[11]. La source de bromure en AmĂ©rique est gĂ©nĂ©ralement la saumure d'Arkansas qui en contient 4 000 Ă  5 000 ppm. Les nations europĂ©ennes s'approvisionnent pour l'essentiel dans les eaux de la mer Morte (4 000 Ă  6 000 ppm). L'eau des ocĂ©ans n'en contient que 65 ppm mais reste une source utilisĂ©e. La France a produit du brome jusqu'en 1998 Ă  partir de la sylvinite extraite des Mines de potasse d'Alsace.

MĂ©thode de production

AprÚs oxydation par le dichlore, le dibrome est extrait en insufflant un courant d'air dans la solution de dibrome. Le dibrome est ensuite condensé et purifié. Bien que le procédé soit simple dans son principe, il nécessite, d'un point de vue technologique, de mettre en place des matériaux hautement résistants à l'oxydation[18].

Production et demande mondiale

Au dĂ©but du XXIe siĂšcle, la production mondiale se fait principalement aux États-Unis, qui sont suivis de prĂšs par IsraĂ«l (qui dispose d'un gisement important dans la mer Morte) alors que les nations d'Europe qui sont le 3e producteur n'en produit que 6 % du marchĂ© mondial[19].

La demande mondiale en brome a Ă©tĂ© dopĂ©e par son usage croissant dans certains pesticides, additifs de carburants, huiles de forage, biocides mais surtout dans les retardateurs de flamme (si dans les annĂ©es 1960 seuls 5 % du brome extrait dans le monde servait Ă  fabriquer des retardateurs de flammes, ce taux a Ă©tĂ© portĂ© Ă  38 % et sa production annuelle n'a cessĂ© de croĂźtre atteignant environ 540 000 tonnes en 2000[20]. Son usage comme additif de carburant a dĂ©clinĂ© de 1970 Ă  1995, alors que ses usages comme ignifugeant augmentaient en proportion inverse[20].

Dangers, précautions de transport

En tant qu'agent oxydant fort, le brome est incompatible avec la plupart des composés organiques et inorganiques[21]. La prudence est requise lors du transport du brome (généralement transporté dans des réservoirs en acier doublés de plomb, soutenus par de solides cadres métalliques[18].

Il est classĂ© aux États-Unis comme « substance extrĂȘmement dangereuse » au sens de la section 302 de la loi amĂ©ricaine sur la planification d'urgence et le droit de savoir (42 USC 11002). Il y est soumis Ă  des exigences strictes en matiĂšre de rapportage par les entreprises ou entitĂ©s qui le produisent, l’utilisent ou le stockent en quantitĂ© importante[22].

Isotopes

Le brome possÚde 32 isotopes connus, de nombre de masse compris entre 66 et 97, ainsi que 13 isomÚres nucléaires. Parmi ces isotopes, deux seulement sont stables, le brome 79 et le brome 81, qui constituent l'ensemble du brome naturel à raison de 50,69 et 49,31 %, respectivement. La masse atomique standard du brome est de 79,904(1) u.

Le radioisotope de plus longue durée de vie est le brome 77, avec une demi-vie de 57,036 heures.

Propriétés

Échantillon de brome.

Dans les conditions normales, le dibrome est un liquide de densitĂ© supĂ©rieure Ă  3 (ce qui est beaucoup comparĂ© aux liquides usuels, mais nettement moins que le mercure qui a une densitĂ© voisine de 13,6) et de couleur brun-rouge. Il est toxique et non mĂ©tallique Ă  pression ordinaire (il le devient Ă  trĂšs haute pression, Ă  partir de 55 GPa). À tempĂ©rature ordinaire, c'est un liquide extrĂȘmement volatil qui dĂ©gage des vapeurs rousses, de la mĂȘme couleur que le dioxyde d'azote. Avec le mercure, le dibrome est le seul corps simple liquide Ă  tempĂ©rature ambiante. Il dĂ©gage une odeur suffocante apparentĂ©e Ă  celle du dichlore. Son point de fusion est de −7,2 °C ; dans un environnement froid, le dibrome peut facilement geler. Son point d'Ă©bullition n'est pas trĂšs Ă©levĂ© : 58,8 °C[23] car les interactions entre molĂ©cules de dibrome sont faiblement attractives ; ce sont des interactions de van der Waals.

Le dibrome est plus oxydant que le diiode mais moins que le dichlore. Son potentiel redox est E° = 1,07 V (1,36 V pour Cl2/Cl− et 0,54 V pour I2/I−). Il rĂ©agit avec la plupart des autres corps simples, donc les mĂ©taux, pour former des sels : bromure de sodium, bromure de fer, etc.

Le brome est l'un des sept éléments qui forment une molécule diatomique, à l'instar de O2, N2, etc. Il réagit avec la majorité des composés organiques.

La solubilitĂ© dans l'eau du dibrome est largement supĂ©rieure Ă  celle des autres dihalogĂšnes. Elle est de 35 g/L, soit 0,214 mol/L. La solution de dibrome dans l'eau s'appelle « l'eau de brome » ; elle gĂ©nĂšre une vapeur de dibrome d'autant plus colorĂ©e que l'eau de brome est concentrĂ©e (loi de Henry). L'eau de brome est lĂ©gĂšrement acide (jusqu'Ă  pH = 2,6 pour une concentration Ă©levĂ©e[24]). Le dibrome est Ă©galement largement soluble dans les solvants organiques.

L'Ă©lĂ©ment chimique brome entre dans la composition de plusieurs composĂ©s interhalogĂ©nĂ©s : BrF, BrF3, BrF5, BrCl et IBr. Leur formation se produit par interaction directe entre les dihalogĂšnes correspondants dans la bonne stƓchiomĂ©trie. Dans les composĂ©s BrF3 et dans BrF5, l'atome central est Br. Ce dernier adopte une gĂ©omĂ©trie conforme Ă  celle prĂ©vue par la thĂ©orie VSEPR. Les anions interhalogĂ©nĂ©s, appelĂ©s polyhalogĂ©nures, existent Ă©galement comme BrF6−.

Dans des conditions fortement oxydantes, Br2 forme les cations dibrominium Br2+ et Br5+.

Dans l'eau en prĂ©sence d'ions bromure, le dibrome se transforme en tribromure Br3− (Ă  l'image de l'ion triiodure I3−, plus connu). En milieu aqueux basique, le dibrome se dismute en ions bromure Br− et ions bromate BrO3−, ce que montre bien un diagramme de Pourbaix. Dans l'eau, les entitĂ©s Br2, Br3−, HBrO, BrO−, HBrO3 et BrO3− coexistent[24].

Le bromure d'argent AgBr est moins soluble que son homologue AgCl et plus que AgI. La prĂ©cipitation de AgBr rĂ©sultant de l'addition d'une solution de nitrate d'argent Ă  une solution de bromure de sodium est une rĂ©action classique en chimie analytique qualitative ou quantitative. Cette derniĂšre peut ĂȘtre suivie par potentiomĂ©trie avec une Ă©lectrode d'argent et une Ă©lectrode de rĂ©fĂ©rence au calomel protĂ©gĂ©e par une allonge de nitrate de sodium.

En chimie de coordination, la série spectrochimique montre que le ligand bromure est à champ plus faible que le ligand chlorure.

En chimie organique, les halogénures d'alkyle s'hydrolysent assez facilement en présence d'eau. Plus généralement, l'ion bromure est un bon groupe partant dans les conditions d'une substitution nucléophile.

Toxicologie

Sur le modĂšle animal

Le brome pur est neurotoxique et perturbateur endocrinien, mais une étude de 2014 suggÚre que sous forme d'ion bromure (peu toxique), cet élément serait un cofacteur nécessaire à la biosynthÚse du collagÚne IV, ce qui en fait l'élément essentiel pour l'architecture de la membrane basale et le développement des tissus chez les animaux[25]. Néanmoins, aucun symptÎme ou syndrome de privation évident n'a été documenté[26].

Dans d'autres fonctions biologiques, sans ĂȘtre un Ă©lĂ©ment essentiel, l'ion bromure semble toujours bĂ©nĂ©fique lĂ  oĂč il remplace le chlore. Par exemple, en prĂ©sence de peroxyde d'hydrogĂšne (H2O2) formĂ© par les Ă©osinophiles et d'ions chlorure ou bromure, l'Ă©osinophile peroxydase fournit un mĂ©canisme puissant par lequel les Ă©osinophiles tuent les parasites multicellulaires (comme les vers nĂ©matodes impliquĂ©s dans la filariose) et certaines bactĂ©ries (ex. : de la tuberculose). L'Ă©osinophile peroxydase est une haloperoxydase (en) qui utilise prĂ©fĂ©rentiellement le bromure au chlorure Ă  cette fin, gĂ©nĂ©rant de l'hypobromite (acide hypobromeux), bien que l'utilisation de chlorure soit possible[27].

Les α-haloesters sont considĂ©rĂ©s comme hautement rĂ©actifs, et donc toxiques, en synthĂšse organique. Pourtant les mammifĂšres (dont les humains, les chats et les rats) semblent en biosynthĂ©tiser des traces (α-bromoester, le 2-octyl 4-bromo-3- l'oxobutanoate) dans leur liquide cĂ©phalo-rachidien oĂč il jouerait un rĂŽle encore Ă  clarifier dans l'induction du sommeil paradoxal[28].

La myĂ©loperoxydase de neutrophile peut utiliser de la dĂ©soxycytidine, du H2O2 et du bromate, ce qui pourrait entraĂźner des mutations de l’ADN[29].

Chez l'ĂȘtre humain

Le brome Ă©lĂ©mentaire est toxique et caustique (il provoque des brĂ»lures chimiques sur la peau, les muqueuses et la chair), et son inhalation sous forme de gaz ou de vapeur provoque une irritation des voies respiratoires, se manifestant par une toux, puis une suffocation conduisant Ă  la mort au-delĂ  d’un certain seuil inhalĂ©. Une exposition chronique conduit Ă  des infections bronchiques frĂ©quentes et Ă  une dĂ©tĂ©rioration gĂ©nĂ©rale de la santĂ©.

L’OSHA (Occupational Safety and Health Administration) des États-Unis a dĂ©fini une limite d'exposition admissible (PEL) pour le brome Ă  une moyenne pondĂ©rĂ©e dans le temps (TWA) de 0,1 ppm. L’Institut national pour la sĂ©curitĂ© et la santĂ© au travail (NIOSH) a fixĂ© une limite d’exposition recommandĂ©e (REL) de TWA 0,1 ppm et une limite Ă  court terme de 0,3 ppm. L'exposition au brome immĂ©diatement dangereux pour la vie et la santĂ© (IDLH) est de ppm[30].

L'anion bromure est peu toxique. Son apport quotidien normal est de 2 Ă  mg selon Nielsen (2000)[26]. Une exposition chronique Ă  des niveaux Ă©levĂ©s de bromure altĂšrent cependant la membrane des neurones, ce qui entrave progressivement la transmission de l'influx nerveux, entraĂźnant une intoxication chronique dite bromisme. Le bromure a une demi-vie d’élimination de 9 Ă  12 jours, ce qui peut entraĂźner une accumulation excessive. Des doses de 0,5 Ă  g/j de bromure peuvent provoquer le bromisme. Historiquement, la dose thĂ©rapeutique de bromure Ă©tait d'environ 3 Ă  g de bromure, ce qui explique pourquoi les intoxications Ă©taient courantes. Bien que des perturbations importantes et parfois graves des fonctions neurologiques, psychiatriques, dermatologiques et gastro-intestinales se produisent, la mort par intoxication aiguĂ« au brome est rare[31]. Le bromisme est principalement liĂ© Ă  la neurotoxicitĂ© du brome dans le cerveau, qui entraĂźne somnolence, psychose, convulsions et dĂ©lire[32].

Facteur d'autisme

En 2011, un lien entre des difficultĂ©s neurodĂ©veloppementales (du fƓtus et de l'enfant de 0 Ă  4 ans) et une exposition (prĂ©natale ou post-natale) Ă  certains produits bromĂ©s persistants est Ă©tabli par la chercheuse espagnole Mireia Gascon et son Ă©quipe[33]. Les produits en cause sont des retardateurs de flamme de type polybromodiphĂ©nylĂ©thers (groupe de 209 composĂ©s issus de la chimie, dit « PBDE », dont certains ont Ă©tĂ© massivement utilisĂ©s dans les annĂ©es 1990 Ă  2010 comme ignifugeant par les industries textiles, du plastique et de l'Ă©lectronique, aprĂšs qu'ils ont aussi Ă©tĂ© utilisĂ©s Ă  trĂšs haute dose dans les annĂ©es 1970 et 1980 pour l'extraction pĂ©troliĂšre). Deux ans plus tard, d'autres chercheurs montrent qu'il existe un risque accru de dĂ©velopper des troubles du spectre autistique pour des enfants dont la mĂšre Ă©tait en Ă©tat d'hypothyroĂŻdie lors de son premier trimestre de grossesse[34] ; sachant que le brome fait partie des causes d'hypothyroĂŻdie, car en tant qu’halogĂšne chimiquement proche de l’iode il peut en effet prendre la place de l’iode dans le systĂšme thyroĂŻdien (ce qui en fait un perturbateur endocrinien[35]).
En 2014, le caractÚre délétÚre des diphényléthers polybromés pour le neurodéveloppement est confirmé[36], puis réaffirmé en 2015 par une autre équipe via des tests menés chez des enfants de 9 à 12 ans[37]. Une autre équipe met également le brome en relation avec des anomalies de date de survenue de la puberté chez les filles[38].

En 2016, on admet que certaines maladies du trouble du spectre autistique (et des retards mentaux) sont clairement liĂ©es Ă  des dysfonctionnements endocriniens (survenu in utero[39] et/ou chez le nouveau-nĂ©) et notamment au niveau de l’axe thyroĂŻdien[40]. Il semble exister une corrĂ©lation entre la dĂ©ficience en iode (source d'hypothyroĂŻdie) et la sĂ©vĂ©ritĂ© des symptĂŽmes de l'autisme[41].

Le modĂšle animal confirme ce lien, en 2012, via une Ă©tude sur des souris. L'Ă©tude a utilisĂ© des souris femelles gĂ©nĂ©tiquement modifiĂ©es pour dĂ©velopper un trouble similaire au syndrome de Rett (trouble autistique), par la mutation du gĂšne MECP2 du chromosome X. AprĂšs exposition des mĂšres au BDE-47 (un PDBE), leur descendance, Ă©galement exposĂ©e, avait un poids de naissance et un taux de survie infĂ©rieurs, et prĂ©sentait des dĂ©ficits de sociabilitĂ© et d'apprentissage[42]. En 2013, une Ă©tude montre des lĂ©sions cĂ©rĂ©brales liĂ©es au BDP-49, induites chez des souris par l'inhibition du processus de production d'ATP mitochondriale (nĂ©cessaire pour que les cellules du cerveau disposent d'Ă©nergie). Une neurotoxicitĂ© se manifestait dĂšs les faibles doses. Cette Ă©tude offre une autre voie d'explication possible au fait que les PDBE entraĂźneraient l’apparition de symptĂŽmes autistiques[43].

Facteur (in utero ou dans l'enfance) de troubles du développement

Les concentrations prĂ©natales de certains BDE ou de la somme de tous les BPDE sont associĂ©es Ă  une diminution des taux de TSH Ă  l'Ăąge de 3 ans (phĂ©nomĂšne qui avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© observĂ© chez l’animal de laboratoire), avec des diffĂ©rences selon le sexe de l’enfant, les garçons semblant plus touchĂ©s que les filles[44]. Une Ă©tude (ayant portĂ© sur 208 enfants de 8 ans) sur les effets d’expositions simultanĂ©es Ă  certains PBDE aprĂšs la naissance a conclu qu’une telle exposition induit Ă  l’ñge de 8 ans une fonction exĂ©cutive dĂ©gradĂ©e (troubles du comportement et de l’attention), mais chez les jeunes garçons et pas chez les fillettes[45]. Ces ignifugeants (PBDE) sont retrouvĂ©s dans le cordon ombilical (mesures faites juste aprĂšs l’accouchement) et ils passent au travers de la barriĂšre placentaire, avec des sĂ©quelles sur le dĂ©veloppement moteur Ă©galement observĂ©es des annĂ©es plus tard[46]. Le risque plus Ă©levĂ© pour le garçonnet est confirmĂ© en 2019 par une autre Ă©tude[47]. Les effets dĂ©lĂ©tĂšres persistent chez l’enfant puis l’adolescent dont la mĂ©moire visuelle, verbale et de travail est affectĂ©e ; une Ă©tude basĂ©e sur des enfants dont le taux de PBDE avait Ă©tĂ© mesurĂ© dans le cordon ombilical, puis qui ont Ă©tĂ© suivis aux Ăąges de 2, 3, 5, 7 et 9 ans avec des tests de mĂ©moire chez les adolescents, montre que le taux PBDE dans le cordon ombilical est associĂ© Ă  une moindre mĂ©moire de travail auditive chez les filles, une moindre mĂ©moire visuelle chez les enfants (perte de cinq Ă  huit points aux tests)[48].
En 2019, les effets neurotoxiques d’une exposition in utero aux PBDE sont incontestables, de mĂȘme qu’un effet inhibiteur du taux d’hormones thyroĂŻdiennes (HT), mais on ignore encore si ce dernier effet peut expliquer toute la neurotoxicitĂ© des PBDE[49].

Dans le monde animal

Les organismes marins sont la principale source de composĂ©s organobromĂ©s et c’est dans ces organismes que le caractĂšre essentiel du brome est plus Ă©vident. Plus de 1 600 de ces composĂ©s organobromĂ©s ont Ă©tĂ© identifiĂ©s en 1999. Le plus abondant est le bromure de mĂ©thyle (CH3Br), dont environ 56 000 tonnes sont produites chaque annĂ©e par des algues marines[28]. L'huile essentielle de l'algue hawaĂŻenne Asparagopsis taxiformis est composĂ©e Ă  80% de bromoforme[50].

La plupart des composés organobromés présents dans la mer résultent de l'action d'une enzyme algale unique, la vanadium bromoperoxydase[51].

Utilisations

  • Utilisation courante pour la dĂ©sinfection de l'eau des piscines.
  • Il a Ă©tĂ© trĂšs utilisĂ© sous forme de bromure de mĂ©thyle (bromomĂ©thane, CH3Br) comme pesticide en fumigation, dont en culture sous serre avant d'ĂȘtre rĂ©cemment interdit en raison de sa toxicitĂ©, de son Ă©cotoxicitĂ©, en tant que gaz Ă  effet de serre et en tant que destructeur de la couche d'ozone (le brome est 45 fois plus rĂ©actif que le chlore pour dĂ©truire la molĂ©cule d’ozone).
  • L'utilisation du bromure d'argent en photographie argentique a Ă©tĂ© un procĂ©dĂ© gros consommateur d'Ă©lĂ©ment chimique brome. L'implication de AgBr dans le procĂ©dĂ© photographique remonte Ă  1840[11]. Ce procĂ©dĂ© est devenu minoritaire, faisant place aux photos numĂ©riques.
  • L'usage du bromure de potassium KBr comme sĂ©datif et anti-convulsivant dans le traitement de l'Ă©pilepsie a Ă©tĂ© initiĂ© en 1857[11]. Un bromure (bromure de potassium) a Ă©tĂ© utilisĂ© pour calmer ou inhiber le dĂ©sir sexuel de soldats vivant dans la promiscuitĂ© ou en opĂ©ration. Ce sont ses propriĂ©tĂ©s de perturbateur endocrinien (anti-androgĂšnes) qui Ă©taient impliquĂ©es.
  • C'est devenu un contaminant courant de l'environnement (sous forme de PBDE) ; il figure en effet parmi des centaines de composĂ©s retardateur de flamme trĂšs couramment utilisĂ©s dans des isolants, matiĂšres plastiques et textiles (surtout utilisĂ©s aux États-Unis oĂč la rĂšglementation a tardĂ© Ă  prendre en compte l'Ă©cotoxicitĂ© et la toxicitĂ© de nombreux PBDE. On en trouve aujourd'hui dans tous les organismes animaux filtreurs ou prĂ©dateurs de la planĂšte, et ils s'avĂšrent pour certains ĂȘtre facteurs de dĂ©lĂ©tion de la spermatogenĂšse et facteurs de handicap mental Ă  faible dose (voir l'article PolybromodiphĂ©nylĂ©ther pour plus de dĂ©tails).
  • Et encore dans les lampes halogĂšnes, les extincteurs, les colorants, en cosmĂ©tique (notamment pour les cheveux).
  • De nombreux intermĂ©diaires de synthĂšse en chimie fine contiennent un atome de brome, auquel on substitue d'autres groupements lors d'Ă©tapes ultĂ©rieures de synthĂšse.
  • Les traces de dibrome prĂ©sentes dans l'atmosphĂšre proviennent du gaz « halon » relĂąchĂ© par l’utilisation des extincteurs ainsi que par la transformation de certains produits agricoles.
  • Le brome est utilisĂ© pour la fabrication du bromazĂ©pam, seule benzodiazĂ©pine bromĂ©e.

Composés

Composés minéraux

Les composĂ©s minĂ©raux du brome sont pour beaucoup des bromures au sens strict (c'est-Ă -dire oĂč l'anion Br− est prĂ©sent). Certains composĂ©s Ă©galement nommĂ©s « bromure » sont des composĂ©s molĂ©culaires (ex. : dibromure de disoufre). Il existe aussi de nombreux composĂ©s du brome aux nombres d'oxydation diffĂ©rents de -I comme les oxoanions et leurs acides correspondant, ou les composĂ©s interhalogĂ©nĂ©s.

Bromures ioniques

Les bromures sont dits « ioniques » si l'Ă©lĂ©ment brome n'est pas liĂ© Ă  un voisin par une liaison covalente, Ă©ventuellement polarisĂ©e, mais s'il est prĂ©sent Ă  titre d'ion individuel Br−.

Bromures métalliques
photo d'un Ă©chantillon de bromure de sodium
Bromure de sodium.

Il existe de nombreux bromures métalliques comme le bromure de sodium, le bromure de cuivre CuBr2, etc. Ce sont tous des solides dans les conditions normales. Ils ne sont colorés que quand l'ion métallique est coloré, sinon, ils sont blancs comme le bromure de sodium ci-contre, l'ion bromure ne participant pas à la couleur du sel.

Contre-ion
Formule
Formule du bromure de démécarium.

L'ion bromure se rencontre souvent comme contre-ion d'ions complexes, par exemple dans le cas des ammoniums organiques. C'est le cas du bromure de démécarium de formule ci-contre. Ce composé est un inhibiteur de l'acétylcholinestérase.

C'est aussi le cas avec les organomagnésiens, par exemple le bromure de phénylmagnésium C6H5MgBr.

Bromures moléculaires

Les bromures sont moléculaires s'il existe une liaison covalente, le plus souvent polarisée, entre Br et son atome voisin. Dans cette section ne sont traités que les composés inorganiques. Les bromures organiques sont mentionnés plus loin.

Acide bromhydrique

Le bromure d'hydrogĂšne HBr est un gaz dans les conditions normales, structurellement identique au chlorure d'hydrogĂšne plus connu, HCl. Sa solution aqueuse est l'acide bromhydrique ; c'est un acide fort dans l'eau.

Dérivés d'acides
Formule du bromure de thionyle.

De nombreux composés du brome dérivent d'un acide minéral (pour les acides organiques voir ci-dessous) par remplacement du groupe d'atome OH par Br. C'est le cas du bromure de thionyle SOBr2, formule ci-contre et du bromure de sulfuryle SO2Br2 qui sont des dérivés de l'acide sulfureux et de l'acide sulfurique respectivement.

Les composés phosphorés tribromure de phosphore PBr3 et pentabromure de phosphore PBr5 sont des dérivés de l'acide phosphoreux H3PO3 et de l'acide phosphorique H3PO4 respectivement.

Composés interhalogénés

Les composés interhalogénés sont des composés moléculaires qui ne contiennent que des atomes d'halogÚnes. Ils sont préparés par interaction directe de deux dihalogÚnes (par exemple Br2 et Cl2). Plusieurs composés interhalogénés contiennent du brome :

  • les composĂ©s contenant F et Br :
    • BrF,
    • BrF3,
    • le pentafluorure de brome BrF5 : liquide incolore fumant, trĂšs toxique, extrĂȘmement rĂ©actif y compris avec l'eau au contact de laquelle il explose ;
  • un composĂ© contenant Br et Cl : BrCl ;
  • deux composĂ©s contenant I et Br :
    • IBr,
    • IBr5.
Autres bromures
Dibromure de disoufre.

Le dibromure de disoufre S2Br2 est un liquide orange-rouge (voir photo). C'est un composĂ© qui a la mĂȘme structure que le sulfure d'hydrogĂšne H2S.

Oxoanions

Les anions oxygĂ©nĂ©s du brome existent aux degrĂ©s d'oxydation +I, +III, +V et +VII. Il s'agit respectivement de l'ion hypobromite BrO−, bromite BrO2−, bromate BrO3− et perbromate BrO4−. Dans l'eau, l'ion bromate est majoritaire en milieu basique. L'ion hypobromite est responsable du caractĂšre bactĂ©ricide du brome mis Ă  profit dans la stĂ©rilisation de l'eau par le dibrome. L'ion perbromate n'a Ă©tĂ© synthĂ©tisĂ© que tardivement (1968 par radiochimie[52], 1969 par une mĂ©thode chimique[53]).

Ces oxoanions sont des bases dont l'acide conjugué est d'autant plus fort que le brome est dans un état d'oxydation élevé. L'acide bromique HBrO3 et l'acide perbromique HBrO4 sont des acides forts.

Composés organiques

Formule du bromure d'acétyle.

De trÚs nombreux composés organiques contiennent du brome. Ils sont structurellement identiques à leurs homologues chlorés. Par exemple le bromure d'acétyle CH3COBr dérive de l'acide éthanoïque par remplacement du groupe d'atomes OH par l'atome Br. Il est structurellement identique au chlorure d'acétyle CH3COCl. Certains ont une importance industrielle :

  • le dibromoĂ©thane a Ă©tĂ© un additif des essences qui captait le plomb provenant de la dĂ©composition de l'antidĂ©tonnant PbEt4 (TĂ©traĂ©thylplomb). La production du dibromoĂ©thane consommait (dans les annĂ©es 1970) Ă  elle seule 70 % de la production mondiale de brome[14]. La disparition de ces additifs dans les essences a Ă©tĂ© compensĂ©e par l'Ă©mergence d'autres utilisations du brome (en particulier le bromomĂ©thane)[18] ;
  • l'Ă©osine B contient deux atomes de brome par molĂ©cule et l'Ă©osine Y en contient quatre ;
  • de nombreux composĂ©s du brome contribuent Ă  la destruction de la couche d'ozone (60 fois plus « efficaces » que les CFC). Un plan d'Ă©limination est programmĂ© au niveau mondial (protocole de MontrĂ©al). Notamment :
    • bromure de mĂ©thyle CH3Br : pesticide Ă  trĂšs large spectre (vers, insectes, rongeurs). Il est trĂšs toxique par inhalation. Le bromomĂ©thane est le plus efficace des nĂ©maticides connu, pour tuer les vers[18],
    • halons, composĂ©s de carbone, fluor, brome et chlore (CF3Br, CF2BrCl, C2F4Br2) utilisĂ©s pour Ă©teindre les incendies, notamment en prĂ©sence d'Ă©lectricitĂ©.

Notes et références

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Voir aussi

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