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Argon

L'argon est l'Ă©lĂ©ment chimique de numĂ©ro atomique 18 et de symbole Ar. Il appartient au groupe 18 du tableau pĂ©riodique et fait partie de la famille des gaz nobles, Ă©galement appelĂ©s « gaz rares », qui regroupe Ă©galement l'hĂ©lium, le nĂ©on, le krypton, le xĂ©non et le radon. L'argon est le troisiĂšme constituant le plus abondant de l'atmosphĂšre terrestre, avec une fraction massique de 1,288 %, correspondant Ă  une fraction volumique de 0,934 % (soit 9 340 ppm), et est le gaz noble le plus abondant de l'Ă©corce terrestre, dont il reprĂ©sente 1,5 ppm. L'argon de l'atmosphĂšre terrestre est presque entiĂšrement constituĂ© d'argon 40, nuclĂ©ide radiogĂ©nique provenant de la dĂ©sintĂ©gration du potassium 40, tandis que l'argon observĂ© dans l'univers est essentiellement constituĂ© d'argon 36, produit par nuclĂ©osynthĂšse stellaire dans les supernovae.

Argon
Image illustrative de l’article Argon
Argon solide et liquide.
Position dans le tableau périodique
Symbole Ar
Nom Argon
Numéro atomique 18
Groupe 18
Période 3e période
Bloc Bloc p
Famille d'éléments Gaz noble
Configuration Ă©lectronique [Ne] 3s2 3p6
Électrons par niveau d’énergie 2, 8, 8
Propriétés atomiques de l'élément
Masse atomique 39,948 ± 0,001 u
Rayon atomique (calc) (71 pm)
Rayon de covalence 106 ± 10 pm[1]
Rayon de van der Waals 188 pm
État d’oxydation 0
Oxyde inconnu
Énergies d’ionisation[2]
1re : 15,759 610 eV 2e : 27,629 66 eV
3e : 40,74 eV 4e : 59,81 eV
5e : 75,02 eV 6e : 91,009 eV
7e : 124,323 eV 8e : 143,460 eV
9e : 422,45 eV 10e : 478,69 eV
11e : 538,96 eV 12e : 618,26 eV
13e : 686,10 eV 14e : 755,74 eV
15e : 854,77 eV 16e : 918,03 eV
17e : 4 120,885 7 eV 18e : 4 426,229 6 eV
Isotopes les plus stables
Iso AN PĂ©riode MD Ed PD
MeV
36Ar0,336 %stable avec 18 neutrons
37Artraces (?)
{syn.}
35,04 jΔ37Cl
38Ar0,063 %stable avec 20 neutrons
39Artraces (?)
{syn.}
269 ansÎČ-0,56539K
40Ar99,6 %stable avec 22 neutrons
42Ar{syn.}32,9 ansÎČ-0,60042K
Propriétés physiques du corps simple
État ordinaire Gaz (non magnĂ©tique)
Masse volumique 1,783 7 g·L-1

(0 °C, 1 atm)[3]

SystÚme cristallin Cubique à faces centrées
Couleur incolore
Point de fusion −189,36 °C[3]
Point d’ébullition −185,85 °C[3]
Énergie de fusion 1,188 kJ·mol-1
Énergie de vaporisation 6,43 kJ·mol-1 (1 atm, −185,85 °C)[3]
TempĂ©rature critique −122,3 °C
Point triple −189,344 2 °C[5]
Volume molaire 22,414×10-3 m3·mol-1
Pression de vapeur
Vitesse du son 319 m·s-1 à 20 °C
Chaleur massique 520 J·kg-1·K-1
ConductivitĂ© thermique 0,017 72 W·m-1·K-1
Divers
No CAS 7440-37-1[6]
No ECHA 100.028.315
No CE 231-147-0
Précautions
SGH[7]
SGH04 : Gaz sous pression
Attention
H280 et P403
SIMDUT[8]
A : Gaz comprimé
A,
Transport[7]


Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire.

Le nom argon provient du grec ancien áŒ€ÏÎłÏŒÎœ, signifiant « oisif », « paresseux » [dĂ©rivĂ© du mot grec áŒ€Î”ÏÎłÏŒÏ‚, formĂ© de ጀ-Î”ÏÎłÏŒÏ‚, signifiant « sans travail », « oisif »], en rĂ©fĂ©rence au fait que cet Ă©lĂ©ment est chimiquement inerte. Sa configuration Ă©lectronique prĂ©sente une couche de valence saturĂ©e Ă  l'origine de sa stabilitĂ© et de la quasi impossibilitĂ© d'Ă©tablir des liaisons covalentes. La tempĂ©rature de son point triple, 83,805 8 K, est l'un des points de rĂ©fĂ©rence de l'Échelle internationale de tempĂ©rature de 1990 (ITS-90).

L'argon est produit industriellement par distillation fractionnée d'air liquiéfié. Il est utilisé essentiellement comme atmosphÚre inerte pour le soudage et divers procédés industriels à haute température faisant intervenir des substances réactives. On utilise ainsi une atmosphÚre d'argon dans les fours à arc électrique au graphite pour éviter la combustion de ce dernier. On emploie également l'argon dans l'éclairage par lampes à incandescence, tubes fluorescents et tubes à gaz. Il permet de réaliser des lasers à gaz bleu-vert.

Propriétés principales

L'argon est incolore, inodore, ininflammable et non toxique aussi bien Ă  l'Ă©tat gazeux que liquide ou solide. Sa solubilitĂ© dans l'eau est Ă  peu prĂšs comparable Ă  celle de l'oxygĂšne et vaut 2,5 fois celle de l'azote. Il est chimiquement inerte dans Ă  peu prĂšs toutes les conditions et ne forme aucun composĂ© chimique confirmĂ© Ă  tempĂ©rature ambiante.

L'argon est cependant susceptible de former des composĂ©s chimiques dans certaines conditions extrĂȘmes hors Ă©quilibre. Le fluorohydrure d'argon HArF a ainsi Ă©tĂ© obtenu par photolyse ultraviolette de fluorure d'hydrogĂšne HF dans une matrice cryogĂ©nique d'iodure de cĂ©sium CsI et d'argon Ar[9] ; stable en dessous de 27 K (−246,15 °C), il a Ă©tĂ© identifiĂ© par spectroscopie infrarouge[10]. Le fluorohydrure d'argon est le seul composĂ© connu de l'argon qui soit neutre et stable Ă  l'Ă©tat fondamental.

L'argon peut Ă©galement former des clathrates dans l'eau lorsque ses atomes sont emprisonnĂ©s dans le rĂ©seau tridimensionnel formĂ© par la glace[11]. Il existe par ailleurs des ions polyatomiques contenant de l'argon, comme le cation hydrure d'argon ArH+, et des exciplexes, tels qu'Ar2* et ArF*. Divers composĂ©s prĂ©sentant des liaisons Ar–C et Ar–Si stables ont Ă©tĂ© prĂ©dits par simulation numĂ©rique mais n'ont pas Ă©tĂ© synthĂ©tisĂ©s en laboratoire[12].

Isotopes

Les principaux isotopes d'argon prĂ©sents dans l'Ă©corce terrestre sont l'argon 40 (40Ar) pour 99,6 %, l'argon 36 (36Ar) pour 0,34 % et l'argon 38 (38Ar) pour 0,06 %. Le potassium 40 (40K) se dĂ©sintĂšgre spontanĂ©ment Ă  raison de 11,2 % en argon 40 par capture Ă©lectronique ou Ă©mission de positron et Ă  raison de 88,8 % en calcium 40 (40Ca) par dĂ©sintĂ©gration ÎČ− avec une pĂ©riode radioactive (demi-vie) de 1,25 milliard d'annĂ©es. Cette durĂ©e et le rapport entre les sous-produits formĂ©s permettent de dĂ©terminer l'Ăąge de roches par la mĂ©thode de la datation au potassium-argon[13].

Dans l'atmosphĂšre terrestre, l'argon 39 est produit essentiellement par l'interaction du rayonnement cosmique sur l'argon 40 par capture neutronique suivie par une double Ă©mission de neutron[14]. Dans le sous-sol, il peut ĂȘtre Ă©galement produit Ă  partir de potassium 39 par capture neutronique suivie par une Ă©mission de proton.

L'argon 37 est produit lors d'essais nuclĂ©aires souterrains Ă  partir de calcium 40 par capture neutronique suivie d'une dĂ©sintĂ©gration α ; il prĂ©sente une pĂ©riode radioactive de 35 jours[15].

L'argon est remarquable par le fait que sa composition isotopique varie sensiblement d'une rĂ©gion du SystĂšme solaire Ă  l'autre. L'argon dont la source principale est la dĂ©sintĂ©gration radioactive du potassium 40 des roches est constituĂ© majoritairement d'argon 40, comme sur les planĂštes telluriques retenant une atmosphĂšre : VĂ©nus, la Terre et Mars. En revanche, l'argon formĂ© directement par nuclĂ©osynthĂšse stellaire est essentiellement constituĂ© d'argon 36 produit par rĂ©action alpha, ce qui est le cas du Soleil, dont l'argon est Ă  84,6 % de l'argon 36 selon les mesures du vent solaire[16]. Il en est de mĂȘme dans les planĂštes gĂ©antes, oĂč l'abondance relative des isotopes 36Ar : 38Ar : 40Ar vaut 8400 : 1600 : 1[17].

Outre l'atmosphĂšre terrestre, qui prĂ©sente une fraction volumique de 0,934 % d'argon, soit 9 340 ppm, l'atmosphĂšre de Mercure en contient 0,07 ppm, celle de VĂ©nus en contient 70 ppm, et celle de Mars en contient 19 300 ppm, soit 1,93 %[18].

La prĂ©dominance de l'argon 40 radiogĂ©nique dans l'atmosphĂšre terrestre est responsable du fait que la masse atomique de l'argon terrestre, de l'ordre de 39,95 u, est supĂ©rieure de 0,85 u Ă  celle du potassium, qui le suit dans le tableau pĂ©riodique des Ă©lĂ©ments et dont la masse atomique est de l'ordre de 39,10 u. Ceci semblait paradoxal lors de la dĂ©couverte de l'argon en 1894[19] car Dmitri MendeleĂŻev avait rangĂ© son tableau pĂ©riodique par ordre de masse atomique croissante, ce qui conduisait Ă  devoir placer l'argon entre le potassium et le calcium, de masse atomique voisine de 40,08 u et confondue avec celle de l'argon Ă  0,13 u prĂšs, alors qu'il y avait une diffĂ©rence de masse atomique de 3,65 u entre le chlore (35,45 u) et le potassium (39,10 u). Ce problĂšme fut rĂ©solu par Henry Moseley, qui dĂ©montra en 1913 que le tableau pĂ©riodique devait ĂȘtre rangĂ© par ordre de numĂ©ro atomique croissant, et non par masse atomique croissante, ce qui classait les Ă©lĂ©ments dans le bon ordre.

L'abondance atmosphĂ©rique relative de l'argon par rapport aux autres gaz nobles — 9 340 ppm d'argon, contre 5,24 ppm d'hĂ©lium, 18,18 ppm de nĂ©on, 1,14 ppm de krypton et 0,087 ppm de xĂ©non — peut aussi ĂȘtre attribuĂ©e Ă  l'argon 40 radiogĂ©nique : l'argon 36 prĂ©sente en effet une abondance de seulement 31,5 ppm (0,337 % de 9 340 ppm), du mĂȘme ordre de grandeur que celle du nĂ©on (18,18 ppm).

Composés

L'atome d'argon présente une couche de valence saturée d'électrons, avec des sous-couches s et p complÚtes. Ceci rend cet élément chimiquement inerte et trÚs stable, c'est-à-dire qu'il ne forme de liaison chimique avec d'autres atomes que trÚs difficilement. Jusqu'en 1962, les gaz nobles étaient considérés comme totalement inertes et impropres à la formation de composés chimiques ; à cette date cependant, la synthÚse de l'hexafluoroplatinate de xénon[20] XePtF6 ouvrit la voie à la chimie des gaz nobles.

Le premier composĂ© d'argon avec le pentacarbonyle de tungstĂšne, de formule chimique W(CO)5Ar, fut publiĂ© en 1975, mais son existence rĂ©elle demeura contestĂ©e[21]. En aoĂ»t 1962 fut synthĂ©tisĂ© Ă  l'UniversitĂ© d'Helsinki le fluorohydrure d'argon HArF par photolyse ultraviolette de fluorure d'hydrogĂšne HF dans une matrice cryogĂ©nique d'iodure de cĂ©sium CsI et d'argon Ar, composĂ© stable en dessous de 27 K (−246,15 °C) identifiĂ© par spectroscopie infrarouge[10]. Cette dĂ©couverte fit accepter l'idĂ©e que l'argon puisse former des composĂ©s faiblement liĂ©s[22].

Le dication mĂ©tastable ArCF22+, isoĂ©lectronique avec le fluorure de carbonyle COF2 et le phosgĂšne COCl2 du point de vue des Ă©lectrons de valence, a Ă©tĂ© observĂ© en 2009[23], mettant en Ɠuvre une liaison carbone–argon. L'ion molĂ©culaire 36ArH+, correspondant au cation hydrure d'argon 36 (argonium), a Ă©tĂ© dĂ©tectĂ© dans le milieu interstellaire au niveau de la nĂ©buleuse du Crabe[24] ; c'est le premier composĂ© de gaz noble dĂ©tectĂ© dans l'espace.

L'hydrure d'argon solide Ar(H2)2 est un composĂ© de van der Waals prĂ©sentant la mĂȘme structure cristalline que la phase de Laves (en) MgZn2. Il se forme Ă  des pressions comprises entre 4,3 et 220 GPa, bien que des rĂ©sultats obtenus par spectroscopie Raman suggĂšrent que les molĂ©cules H2 du composĂ© Ar(H2)2 se dissocient au-dessus de 175 GPa[25].

Production industrielle et applications

L'argon est produit industriellement par distillation fractionnĂ©e d'air liquĂ©fiĂ© dans des unitĂ©s cryogĂ©niques de distillation de l'air (en), procĂ©dĂ© qui permet de sĂ©parer l'azote liquide, qui bout Ă  77,3 K, de l'argon, qui bout Ă  87,3 K, et de l'oxygĂšne liquide, qui bout Ă  90,2 K. La production mondiale d'argon est de l'ordre de 700 000 tonnes par an[13] - [26].

L'argon présente plusieurs propriétés intéressantes qui justifient son utilisation industrielle :

D'autres gaz nobles prĂ©sentent des propriĂ©tĂ©s semblables et pourraient ĂȘtre Ă©galement utilisĂ©s, mais l'argon est de loin le moins cher de tous, Ă©tant obtenu comme sous-produit de l'extraction de l'oxygĂšne et de l'azote de l'air par distillation fractionnĂ©e cryogĂ©nique.

Applications industrielles

L'argon est utilisé dans certains procédés industriels à haute température au cours desquels des substances chimiquement inertes tendent à devenir réactives. Une atmosphÚre d'argon est ainsi utilisée dans les fours électriques à électrodes de graphite afin de prévenir la combustion de ce matériau.

Pour certains de ces procédés, la présence d'azote ou d'oxygÚne provoquerait des défauts dans le matériau. L'argon est utilisé dans certains types de soudage à l'arc comme le soudage MIG-MAG et le soudage TIG, ainsi que dans le traitement du titane et d'autres éléments réactifs. On fait également croßtre les cristaux de silicium et de germanium destinés à l'industrie des semi-conducteurs sous atmosphÚre d'argon pour en assurer la qualité cristalline.

L'argon est utilisé dans l'industrie avicole comme méthode d'abattage par atmosphÚre contrÎlée pour asphyxier les volailles, que ce soit pour un abattage de masse aprÚs l'apparition d'une maladie ou comme moyen d'abattage alternatif à l'électronarcose. La densité relative de l'argon par rapport à l'air le fait rester prÚs du sol lors du gazage[27]. Sa nature non réactive le rend compatible avec les produits alimentaires[28], et le fait qu'il se substitue partiellement à l'oxygÚne dans les tissus allonge la durée de conservation alimentaire[29].

L'argon est parfois utilisé pour éteindre des incendies en préservant les équipements de valeur, comme des serveurs informatiques, qui seraient endommagés par l'utilisation d'eau ou de mousses[30].

Applications médicales

Des procédures de cryochirurgie (en) telles que la cryoablation (en) utilisent l'argon liquide pour détruire des tissus comme des cellules cancéreuses. On a pu l'employer dans une procédure dite argon-enhanced coagulation, qui est une forme d'électrochirurgie (en) par torche à plasma, mais qui présente un risque d'embolie gazeuse matérialisé par la mort d'au moins un patient[31].

Des lasers bleus à argon sont utilisés en chirurgie pour la suture des artÚres, détruire des tumeurs, en chirurgie oculaire[13], ou encore pour l'électrocoagulation par voie endoscopique de lésions responsables de saignements digestifs[32].

L'argon a également été expérimenté pour remplacer l'azote dans le gaz respiratoire appelé Argox (en) afin d'accélérer l'élimination de l'azote dissous dans le sang[33].

Recherche scientifique

L'argon liquide est utilisé comme cible pour la détection des neutrinos et les recherches sur la matiÚre noire. Les interactions entre les hypothétiques WIMPs et les noyaux des atomes d'argon devrait produire une scintillation observable à travers des tubes photomultiplicateurs. Les détecteurs à deux phases contenant de l'argon gazeux sont utilisés pour détecter les électrons produits par ionisation lors des interactions WIMP-noyaux d'argon.

Comme les autres gaz nobles liquĂ©fiĂ©s, l'argon liquide a un taux de scintillation Ă©levĂ© (environ 51 photons/keV[34]), est transparent pour sa propre scintillation, et est relativement facile Ă  purifier. Il est moins cher que le xĂ©non et prĂ©sente un profil temporel de scintillation diffĂ©rent, ce qui permet de distinguer les interactions Ă©lectroniques des interactions nuclĂ©aires. Il prĂ©sente en revanche une plus forte radioactivitĂ© ÎČ en raison de sa contamination par l'argon 39, sauf Ă  utiliser de l'argon issu du sous-sol terrestre, appauvri en 39Ar, dont la pĂ©riode radioactive n'est que de 269 ans et dont le stock n'est pas reconstituĂ© par l'interaction 40Ar(n,2n)39Ar du rayonnement cosmique sur l'argon atmosphĂ©rique[35].

Dans un autre registre, l'argon 39 a été employé notamment pour dater des eaux souterraines et des carottes de glace en Antarctique[14]. La datation par le potassium-argon et la datation argon-argon sont également employées pour la datation radiométrique de roches sédimentaires, métamorphiques et ignées[13].

Conservateur

L'argon, numéro E938, est utilisé comme conservateur alimentaire afin d'éliminer l'oxygÚne et l'humidité de l'atmosphÚre contenue dans les emballages et retarder leur date limite de consommation. L'oxydation par l'air, l'hydrolyse et les autres réactions qui dégradent les produits sont ainsi retardées ou entiÚrement bloquées. Les réactifs chimiques et les molécules pharmaceutiques sont parfois emballés sous atmosphÚre d'argon. Ce gaz noble est également utilisé comme conservateur pour les vernis, le polyuréthane ou encore les peintures.

L'argon est Ă©galement utilisĂ© en vinification pour protĂ©ger le vin de l'oxygĂšne et prĂ©venir son oxydation ainsi que les interactions bactĂ©riennes indĂ©sirables (notamment les bactĂ©ries acĂ©tiques, qui produisent de l'acide acĂ©tique et font tourner le vin en vinaigre). Il peut Ă©galement ĂȘtre utilisĂ© comme gaz propulseur pour sprays.

Équipements de laboratoire

L'argon peut ĂȘtre utilisĂ© comme gaz inerte pour rampe Ă  vide et boĂźte Ă  gants ; il est prĂ©fĂ©rĂ© Ă  l'azote, moins cher, car l'azote est susceptible de rĂ©agir avec des composĂ©s particuliĂšrement rĂ©actifs, ainsi qu'avec certains Ă©quipements. De plus, l'argon prĂ©sente l'avantage d'ĂȘtre plus dense que l'air, contrairement Ă  l'azote, ce qui le rend plus simple Ă  utiliser en pratique.

L'argon peut ĂȘtre utilisĂ© comme gaz porteur en chromatographie en phase gazeuse et en ionisation par Ă©lectronĂ©buliseur. C'est le gaz de prĂ©dilection pour le plasma utilisĂ© en spectromĂ©trie Ă  plasma Ă  couplage inductif. L'argon est utilisĂ© prĂ©fĂ©rentiellement en dĂ©pĂŽt par pulvĂ©risation cathodique (en) sur les spĂ©cimens Ă  Ă©tudier par microscopie Ă©lectronique Ă  balayage et pour le nettoyage des wafers en microfabrication.

Éclairage

Une lampe à incandescence est généralement remplie d'argon afin de préserver son filament de l'oxydation à haute température. L'argon est également utilisé pour son rayonnement par ionisation, comme dans les lampes à plasma et les calorimÚtres en physique des particules. Les lampes à décharge remplies d'argon pur produisent une lumiÚre violet pùle tirant sur le bleu lavande, qui devient bleue en ajoutant un peu de mercure.

L'argon est également utilisé pour les lasers ioniques (en) bleus et verts.

Lampe à décharge remplie d'argon.

Applications diverses

L'argon est utilisé comme isolant thermique pour double vitrage. On l'utilise également pour le remplissage des combinaisons étanches pour plongée en scaphandre autonome en raison de son inertie chimique et de sa faible conductivité thermique.

L'argon est l'un des gaz pouvant ĂȘtre utilisĂ© en astronautique comme propulseur des VASIMR. Dans le domaine de l'armement aĂ©rien, il est utilisĂ© sous pression pour refroidir, en se dĂ©tendant, la tĂȘte de certains missiles air-air, dont des missiles AIM-9 Sidewinder.

L'argon a Ă©tĂ© utilisĂ© en athlĂ©tisme comme dopant simulant l'hypoxie. Il a de ce fait Ă©tĂ© inclus, avec le xĂ©non, Ă  la liste des mĂ©thodes et des substances interdites par l'Agence mondiale antidopage en 2014 avant d'en ĂȘtre retirĂ© en 2020.

Histoire et Ă©tymologie

Le mot argon dĂ©rive du grec ancien áŒ€ÏÎłÏŒÏ‚ / argĂłs, « oisif, paresseux, stĂ©rile », formĂ© du prĂ©fixe grec privatif ጀ- / a- et du mot áŒ”ÏÎłÎżÎœ / Ă©rgon, « travail », cette Ă©tymologie Ă©voquant le caractĂšre inerte de l'Ă©lĂ©ment[36].

La prĂ©sence dans l’air d'un gaz chimiquement inerte fut suspectĂ©e par Henry Cavendish dĂšs 1785[37] mais sa dĂ©couverte par Lord Rayleigh et Sir William Ramsay Ă  l'University College de Londres attendit 1894. Ils procĂ©dĂšrent en Ă©liminant d'un Ă©chantillon d'air pur son oxygĂšne, son dioxyde de carbone, sa vapeur d'eau et son azote, ce qui laissait un gaz inerte qu'ils appelĂšrent argon[38] - [39] - [40]. Ces deux scientifiques firent Ă  la Royal Society la communication officielle de leur dĂ©couverte le [41].

Ils furent mis sur la piste par le fait que l’azote produit chimiquement Ă©tait 0,5 % plus lĂ©ger que celui extrait de l’air par Ă©limination des autres gaz atmosphĂ©riques connus Ă  l'Ă©poque. La distillation fractionnĂ©e d’air liquĂ©fiĂ© leur permit de produire une quantitĂ© notable d’argon en 1898 et par la mĂȘme occasion d’isoler deux autres gaz nobles le nĂ©on et le xĂ©non.

L’argon fut Ă©galement observĂ© en 1882 au cours de travaux indĂ©pendants par H. F. Newall et W. N. Hartley, qui notĂšrent des raies spectrales dans le spectre d'Ă©mission de l'air ne correspondant Ă  aucun Ă©lĂ©ment chimique connu[42].

Le symbole chimique de l’argon fut A jusqu'en 1957, date à laquelle il devint Ar[43].

Dangers

Tout comme l’hĂ©lium, l’argon n’est pas dangereux Ă  faible concentration. Toutefois, il est 38 % plus dense que l'air et l'inhalation d’une grande quantitĂ© d'argon comporte des risques d’asphyxie par privation d’oxygĂšne (anoxie) ; ceci peut se produire par exemple lors d'opĂ©rations de soudage dans un espace confinĂ©.

Notes et références

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  2. (en) David R. Lide, CRC Handbook of Chemistry and Physics, TF-CRC, , 87e Ă©d. (ISBN 0849304873), p. 10-202
  3. (en) David R. Lide, CRC Handbook of Chemistry and Physics, CRC Press Inc, , 90e éd., 2804 p., Relié (ISBN 978-1-420-09084-0)
  4. (en) Robert H. Perry et Donald W. Green, Perry's Chemical Engineers' Handbook, USA, McGraw-Hill, , 7e Ă©d., 2400 p. (ISBN 0-07-049841-5), p. 2-50
  5. ProcÚs-verbaux du Comité international des poids et mesures, 78e session, 1989, pp. T1-T21 (et pp. T23-T42, version anglaise).
  6. Base de données Chemical Abstracts interrogée via SciFinder Web le 15 décembre 2009 (résultats de la recherche)
  7. EntrĂ©e du numĂ©ro CAS « 7440-37-1 Â» dans la base de donnĂ©es de produits chimiques GESTIS de la IFA (organisme allemand responsable de la sĂ©curitĂ© et de la santĂ© au travail) (allemand, anglais), accĂšs le 30 janvier 2009 (JavaScript nĂ©cessaire)
  8. « Argon » dans la base de données de produits chimiques Reptox de la CSST (organisme québécois responsable de la sécurité et de la santé au travail), consulté le 25 avril 2009
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