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Gaz noble

Les gaz nobles, ou gaz rares sont un sous-ensemble d’élĂ©ments chimiques du groupe 18 (anciennement « groupe VIIIA », voire « groupe 0 ») du tableau pĂ©riodique. Ce sont l'hĂ©lium 2He, le nĂ©on 10Ne, l'argon 18Ar, le krypton 36Kr, le xĂ©non 54Xe et le radon 86Rn, ce dernier Ă©tant radioactif, avec une pĂ©riode de 3,8 jours pour le radon 222, son isotope le plus stable. Ils forment une famille d'Ă©lĂ©ments chimiques trĂšs homogĂšne de gaz monoatomiques incolores et inodores chimiquement trĂšs peu rĂ©actifs, voire totalement inertes pour les deux plus lĂ©gers — hormis dans des conditions trĂšs particuliĂšres. L'oganesson 118Og, dĂ©couvert au dĂ©but du XXIe siĂšcle, prolonge le 18e groupe, mais ses propriĂ©tĂ©s chimiques sont encore trop largement mĂ©connues pour pouvoir le ranger dans une quelconque famille ; les effets relativistes d'un noyau atomique trĂšs chargĂ© sur son cortĂšge Ă©lectronique pourraient en altĂ©rer suffisamment les propriĂ©tĂ©s, de sorte que cet Ă©lĂ©ment, qui serait probablement solide et non gazeux, ne serait plus nĂ©cessairement un gaz noble.

Les propriĂ©tĂ©s des gaz nobles s'accordent bien avec les thĂ©ories modernes dĂ©crivant la structure des atomes. Leur couche de valence est saturĂ©e, de sorte qu'ils n'Ă©tablissent normalement pas de liaison covalente avec d'autres atomes, d'oĂč leur inertie chimique. On ne connaĂźt que quelques centaines[alpha 1] de composĂ©s de gaz nobles, essentiellement du xĂ©non. À pression atmosphĂ©rique, la diffĂ©rence entre la tempĂ©rature d'Ă©bullition et la tempĂ©rature de fusion d'un gaz noble n'excĂšde jamais 10 °C, de sorte qu'ils n'existent Ă  l'Ă©tat liquide que dans un intervalle de tempĂ©ratures trĂšs Ă©troit.

On obtient le néon, l'argon, le krypton et le xénon à partir de l'atmosphÚre terrestre par liquéfaction et distillation fractionnée. L'hélium provient du gaz naturel, dont il est extrait par des techniques de séparation cryogénique. Le radon est généralement isolé à partir de la désintégration radioactive de composés de radium, de thorium ou d'uranium dissous.

La nature chimiquement inerte des gaz nobles les rend utiles pour toutes les applications oĂč les rĂ©actions chimiques sont indĂ©sirables. L'argon est ainsi utilisĂ© dans les ampoules Ă  incandescence pour Ă©viter l'oxydation du filament de tungstĂšne. Dans un autre registre, l'hĂ©lium est utilisĂ© en plongĂ©e sous-marine comme gaz respiratoire sous forme d'hĂ©liox ou de trimix pour limiter Ă  la fois les turbulences du gaz circulant dans l'Ă©quipement respiratoire, la toxicitĂ© de l'azote (narcose Ă  l'azote) et la toxicitĂ© de l'oxygĂšne (hyperoxie). Les gaz nobles sont par ailleurs utilisĂ©s dans des domaines aussi divers que l'Ă©clairage, le soudage, ou encore l'astronautique.

Fluorescence de l'hélium, du néon, de l'argon, du krypton et du xénon en tube à décharge de 20 cm sous 1,8 kV, 18 mA et 35 kHz.

Terminologie

L’appellation gaz rares vient de la faible prĂ©valence historique des gaz nobles comme substances chimiques, bien que cette dĂ©signation soit techniquement impropre car l'hĂ©lium constitue 24 % de la matiĂšre baryonique de l'univers, et l'argon 0,93 % de l'atmosphĂšre terrestre au niveau de la mer, de sorte qu'ils ne sont pas rares.

L'appellation gaz inertes rencontrĂ©e jadis est tombĂ©e en dĂ©suĂ©tude depuis qu'on a synthĂ©tisĂ© prĂšs d'un millier de composĂ©s et d'espĂšces chimiques contenant chacun des six gaz rares, bien que ces espĂšces requiĂšrent souvent — mais pas nĂ©cessairement — des conditions hors Ă©quilibre trĂšs particuliĂšres pour exister.

PrĂ©conisĂ©e par l'IUPAC et le Bulletin officiel du ministĂšre français de l'Éducation nationale[1], l'appellation gaz nobles, issue de l'allemand Edelgas, inventĂ©e par le chimiste allemand Hugo Erdmann en 1908 par analogie avec les mĂ©taux nobles (tels que l'or, Ă©galement peu rĂ©actif), apparaĂźt donc de plus en plus comme devant lĂ©gitimement remplacer Ă  terme celle de gaz rares ; c'est celle retenue dans cet article.

Propriétés

Les gaz nobles prĂ©sentent des interactions interatomiques faibles, de sorte que leur tempĂ©rature d'Ă©bullition est trĂšs basse. Dans les conditions normales de tempĂ©rature et de pression, ce sont tous des gaz monoatomiques : le radon est ainsi gazeux alors que sa masse atomique est supĂ©rieure Ă  celle du plomb et du bismuth, par exemple. L'hĂ©lium se distingue des autres gaz nobles Ă  diffĂ©rents Ă©gards : sa tempĂ©rature de fusion et sa tempĂ©rature d'Ă©bullition sont plus basses que celles de tous les autres substances connues ; c'est le seul Ă©lĂ©ment connu qui ne peut ĂȘtre solidifiĂ© Ă  pression atmosphĂ©rique (il faut une pression d'au moins 2,5 MPa Ă  −272,2 °C pour ce faire) ; c'est le seul Ă©lĂ©ment connu prĂ©sentant le phĂ©nomĂšne de superfluiditĂ©. Les tempĂ©ratures de fusion et d'Ă©bullition des gaz nobles augmentent avec leur numĂ©ro atomique, c'est-Ă -dire en descendant le long de leur colonne du tableau pĂ©riodique.

La configuration électronique des gaz nobles est caractérisée par le fait que leurs sous-couches s et p externes sont complÚtes, avec respectivement deux et six électrons[alpha 2], de sorte qu'il ne leur reste pas d'électron de valence disponible pour établir une liaison chimique avec un autre atome, en vertu de la rÚgle de l'octet. C'est ce qui explique leur inertie chimique. Cette inertie est plus relative pour le krypton et plus encore pour le xénon, dont on a isolé plusieurs centaines de composés, certains étant stables à température ambiante. Le radon semble également assez réactif, mais sa radioactivité en a freiné l'étude. L'oganesson aurait, selon les simulations numériques, une configuration électronique affectée par des couplages spin-orbite lui conférant une réactivité chimique comparable à celle de la plupart des autres éléments ; les données numériques ci-dessous relatives à l'oganesson sont issues d'extrapolations numériques et sont présentées à titre indicatif, cet élément n'étant a priori pas rangé parmi les gaz nobles.

ÉlĂ©ment Masse
atomique
Température
de fusion
Température
d'Ă©bullition
Masse
volumique
Rayon de
covalence
Configuration
Ă©lectronique
[2]
Énergie
d'ionisation
ÉlectronĂ©gativitĂ©
Pauling Allen[3]
HĂ©lium 4,002 602 u —[alpha 3] −268,928 °C 0,178 6 g·L-1 28 pm 1s2 2 372,3 kJ·mol-1 — 4,16
NĂ©on 20,179 7(6) u −248,59 °C −246,046 °C 0,900 2 g·L-1 58 pm [He] 2s2 2p6 2 080,7 kJ·mol-1 — 4,79
Argon 39,948(1) u −189,34 °C −185,848 °C 1,784 g·L-1 106 ± 10 pm [Ne] 3s2 3p6 1 520,6 kJ·mol-1 — 3,24
Krypton 83,798(2) u −157,37 °C −153,415 °C 3,749 g·L-1 116 ± 4 pm [Ar] 4s2 3d10 4p6 1 350,8 kJ·mol-1 3,00 2,97
XĂ©non 131,293(6) u −111,75 °C −108,099 °C 5,894 g·L-1 140 ± 9 pm [Kr] 5s2 4d10 5p6 1 170,4 kJ·mol-1 2,6 2,58
Radon [222] −71 °C −61,7 °C 9,73 g·L-1 150 pm [Xe] 6s2 4f14 5d10 6p6 1 037 kJ·mol-1 2,2 2,60
Oganesson [294] — 80 ± 30 °C 4,9 Ă  5,1 g·cm-3 157 pm [Rn] 7s2 5f14 6d10 7p6 839,4 kJ·mol-1 — —

Les gaz nobles jusqu'au xénon ont chacun plusieurs isotopes stables ; le radon, en revanche, n'en a aucun : c'est un élément radioactif. Le radon 222, son isotope le plus stable, présente une période radioactive de 3,8 jours et donne du polonium 218 par désintégration α, qui donne en fin de compte du plomb.

Le rayon atomique des gaz nobles augmente en descendant le long de la 18e colonne en raison du nombre croissant de sous-couches électroniques. La taille de ces atomes détermine plusieurs de leurs propriétés. Ainsi, le potentiel d'ionisation décroßt lorsque le rayon atomique augmente car les électrons de valence sont de plus en plus éloignés du noyau et interagissent par conséquent de moins en moins étroitement avec ce dernier. Le potentiel d'ionisation des gaz nobles est le plus élevé des éléments de chaque période, ce qui reflÚte la stabilité de leur configuration électronique, caractérisée par la saturation de leur couche de valence.

La valeur Ă©levĂ©e de leur potentiel d'ionisation est Ă©galement liĂ©e Ă  leur faible rĂ©activitĂ© chimique. Les gaz nobles les plus lourds, en revanche, ont une Ă©nergie d'ionisation qui devient comparable Ă  celle d'autres Ă©lĂ©ments chimiques et de certaines molĂ©cules. C'est l'observation du fait que l'Ă©nergie d'ionisation du xĂ©non est du mĂȘme ordre que celle de la molĂ©cule d'oxygĂšne O2 qui a conduit Neil Bartlett Ă  tenter d'oxyder le xĂ©non avec de l'hexafluorure de platine PtF6, connu pour oxyder l'oxygĂšne, ce qui permit de synthĂ©tiser l'hexafluoroplatinate de xĂ©non[alpha 4], premier composĂ© du xĂ©non connu.

Les gaz nobles ne sont pas des accepteurs d'électrons susceptibles de former des anions stables : leur affinité électronique est négative.

Les propriĂ©tĂ©s macroscopiques des gaz nobles sont dominĂ©es par leurs faibles forces de van des Waals entre les atomes. Cette force attractive augmente avec la taille des atomes car leur polarisabilitĂ© augmente et leur potentiel d'ionisation diminue. Il s'ensuit que, lorsqu'on descend le long de la colonne, les tempĂ©ratures de fusion et d'Ă©bullition croissent, de mĂȘme que l'enthalpie de vaporisation et la solubilitĂ©.

Les gaz nobles sont pratiquement des gaz parfaits aux conditions normales de tempĂ©rature et de pression, mais les Ă©carts observĂ©s par rapport Ă  la loi des gaz parfaits a fourni des Ă©lĂ©ments clĂ©s permettant l'Ă©tude des interactions intermolĂ©culaires. Leur potentiel de Lennard-Jones, souvent utilisĂ© pour modĂ©liser les interactions intermolĂ©culaires, a Ă©tĂ© dĂ©duit par John Lennard-Jones Ă  partir de donnĂ©es expĂ©rimentales sur de l'argon, avant que le dĂ©veloppement de la mĂ©canique quantique fournisse les outils permettant de les comprendre[4]. Les analyses thĂ©oriques de ces interactions Ă©taient relativement aisĂ©es dans la mesure oĂč les gaz nobles sont monoatomiques, avec des atomes sphĂ©riques, de sorte que les interactions entre atomes sont indĂ©pendantes de leur directions, c'est-Ă -dire qu'elles sont isotropes.

ÉlĂ©ment Point critique[5] Point triple[5] Spectre d'Ă©mission Couleur de dĂ©charge
HĂ©lium 3 3,309 3 K 114,59 kPa 0,041 19 g·cm-3 Inexistant
HĂ©lium 4 5,201 4 K 227,5 kPa 0,069 45 g·cm-3
NĂ©on 44,448 K 2,66 MPa 0,483 5 g·cm-3 24,54 K 43,3 kPa
Argon 150,7 K 4,87 MPa 0,535 g·cm-3 83,798 K 68,892 kPa
Krypton 209,40 K 5,51 MPa 0,909 g·cm-3 115,96 K 732 kPa
Xénon 289,777 K 5,88 MPa 1,105 g·cm-3 161,35 K 816 kPa
Radon[6] 377,7 K 6,19 MPa 1,528 g·cm-3 200,0 K 58,8 kPa

Abondance naturelle

L'abondance des gaz nobles dans l'univers est d'autant plus faible que leur numéro atomique est plus grand. L'hélium est le plus abondant d'entre eux, et le deuxiÚme élément le plus abondant dans l'univers aprÚs l'hydrogÚne, constituant environ 24 % de la masse de la matiÚre baryonique. L'essentiel de l'hélium de l'univers a été formée lors de la nucléosynthÚse primordiale à la suite du Big Bang, et sa quantité totale augmente réguliÚrement en raison des réactions de fusion de l'hydrogÚne en hélium de la nucléosynthÚse stellaire[7].

Sur Terre, l'abondance relative des gaz nobles est diffĂ©rente. L'hĂ©lium n'est que le troisiĂšme gaz noble le plus abondant de l'atmosphĂšre terrestre. L'hĂ©lium est en effet trop lĂ©ger pour que l'hĂ©lium primordial ait pu ĂȘtre retenu par la gravitĂ© terrestre, de sorte que l'hĂ©lium prĂ©sent sur Terre provient de la dĂ©sintĂ©gration α d'Ă©lĂ©ments radioactifs tels que l'uranium et le thorium de l'Ă©corce terrestre[8].

L'argon, en revanche, est plus abondant sur Terre que dans l'univers car il provient essentiellement de la capture électronique du potassium 40, présent lui aussi dans l'écorce terrestre, et qui donne de l'argon 40, principal isotope de l'argon terrestre, qui est pourtant assez rare dans le SystÚme solaire : ce phénomÚne est à la base de la datation par le potassium-argon.

Le xénon est anormalement peu abondant sur Terre, ce qui a longtemps constitué une énigme. Il est possible qu'il soit piégé dans les minéraux[9], le dioxyde de xénon XeO2 pouvant se substituer au dioxyde de silicium SiO2 dans les silicates, comme le quartz.

Le radon se forme dans la lithosphÚre par désintégration α du radium.

L'hélium est obtenu par distillation fractionnée à partir du gaz naturel, qui peut contenir jusqu'à 7 % d'hélium. Le néon, l'argon, le krypton et le xénon sont obtenus à partir de l'air par liquéfaction puis distillation fractionnée. L'argon est celui dont le coût de revient est le plus bas, tandis que le xénon est le gaz noble le plus cher.

Composés

La chimie des gaz nobles[10] est Ă©tudiĂ©e expĂ©rimentalement depuis les annĂ©es 1960 et les travaux de Neil Bartlett[11] sur l'hexafluoroplatinate de xĂ©non. Le xĂ©non est en effet le plus rĂ©actif des gaz nobles — hormis le radon, trop radioactif pour ĂȘtre Ă©tudiĂ© en dĂ©tail — et il forme de nombreux oxydes et fluorures dans lesquels le xĂ©non prĂ©sente des Ă©tats d'oxydation 2, 4, 6 et 8 :

Les trioxyde XeO3 et tĂ©traoxyde XeO4 de xĂ©non sont solubles dans l'eau, oĂč ils donnent deux oxoacides, respectivement l'acide xĂ©nique H2XeO4 et l'acide perxĂ©nique H4XeO6. Ce dernier donne des perxĂ©nates tels que le perxĂ©nate de sodium Na4XeO6, le perxĂ©nate de potassium K4XeO6, ou encore le perxĂ©nate de baryum Ba4XeO6.

La grande majoritĂ© des composĂ©s du xĂ©non produits jusque dans les annĂ©es 1980 combinaient le fluor et/ou l'oxygĂšne avec le xĂ©non[12] ; lorsqu'ils intĂ©graient d'autres Ă©lĂ©ments, comme l'hydrogĂšne ou le carbone, c'Ă©taient gĂ©nĂ©ralement avec des atomes Ă©lectronĂ©gatifs d'oxygĂšne et/ou de fluor[13]. NĂ©anmoins, une Ă©quipe animĂ©e par Markku RĂ€sĂ€nen de l'UniversitĂ© d'Helsinki a publiĂ© en 1995 la synthĂšse du dihydrure de xĂ©non XeH2, puis celle de l'hydroxyhydrure de xĂ©non HXeOH, de l'hydroxĂ©noacĂ©tylĂšne HXeCCH et d'autres composĂ©s du xĂ©non[14] - [15]. Par la suite, Khriatchev et al. ont publiĂ© la synthĂšse du composĂ© HXeOXeH par photolyse d'eau dans une matrice de xĂ©non cryogĂ©nique[16]. Ils ont Ă©galement fait Ă©tat des molĂ©cules deutĂ©rĂ©es HXeOD et DXeOD[17]. Le nombre de composĂ©s connus du xĂ©non est aujourd'hui de l'ordre du millier, certains prĂ©sentant des liaisons entre le xĂ©non et le carbone, l'azote, le chlore, l'or ou le mercure[13] - [18], tandis que d'autres, observĂ©s dans des conditions extrĂȘmes (matrices cryogĂ©niques ou jets gazeux supersoniques) prĂ©sentent des liaisons entre le xĂ©non et l'hydrogĂšne, le bore, le bĂ©ryllium, le soufre, l'iode, le brome, le titane, le cuivre et l'argent[18].

L'un des composĂ©s les plus inattendus du xĂ©non est le complexe qu'il forme avec l'or. Le cation tĂ©traxĂ©non-or AuXe42+ a en effet Ă©tĂ© caractĂ©risĂ© par l'Ă©quipe allemande de Konrad Seppelt dans le complexe AuXe42+(Sb2F11−)2[19].

Si la chimie des gaz nobles est essentiellement celle du xĂ©non, il existe nĂ©anmoins des composĂ©s chimiques avec d'autres gaz nobles que le xĂ©non. On connaĂźt ainsi le trioxyde de radon RnO3 ainsi que le difluorure de radon RnF2. Le krypton forme du difluorure de krypton KrF2, lequel donne les cations KrF+ et Kr2F3+[20]. Les gaz nobles plus lĂ©gers forment Ă©galement des exciplexes, c'est-Ă -dire des molĂ©cules qui ne sont stables qu'Ă  l'Ă©tat excitĂ©, notamment utilisĂ©s pour faire des lasers (laser Ă  excimĂšre). On connaĂźt Ă©galement de nombreux ions molĂ©culaires de gaz nobles, mĂȘme des moins rĂ©actifs d'entre eux, comme le nĂ©on, qui donne les ions HNe+, HeNe+, Ne2+ et NeAr+.

Applications

L'hélium liquide est utilisé pour refroidir les électroaimants supraconducteurs (en) dans les équipements d'imagerie par résonance magnétique.

Les gaz nobles prĂ©sentent une tempĂ©rature de fusion et une tempĂ©rature d'Ă©bullition particuliĂšrement basses, d'oĂč leur utilisation comme rĂ©frigĂ©rants cryogĂ©niques. En particulier, l'hĂ©lium liquide, qui bout Ă  −268,95 °C Ă  pression atmosphĂ©rique, est utilisĂ© avec les Ă©lectroaimants supraconducteurs (en) comme ceux utilisĂ©s en imagerie par rĂ©sonance magnĂ©tique (IRM) et en rĂ©sonance magnĂ©tique nuclĂ©aire (RMN)[21]. Le nĂ©on liquide est Ă©galement utilisĂ© en cryogĂ©nie, malgrĂ© le fait qu'il n'atteint pas les tempĂ©ratures aussi froides que l'hĂ©lium liquide, car il prĂ©sente une capacitĂ© rĂ©frigĂ©rante quarante fois supĂ©rieure Ă  celle de l'hĂ©lium liquide, et plus du triple de celle de l'hydrogĂšne liquide.

Stockage de gaz respiratoires pour plongée profonde à saturation.

L'hélium est utilisé comme constituant des gaz respiratoires à la place de l'azote en raison de sa faible solubilité dans les fluides physiologiques, notamment dans les lipides. Les gaz sont absorbés par le sang et les tissus biologiques sous pression, par exemple en plongée sous-marine, provoquant un effet anesthésiant appelé narcose à l'azote. En raison de sa solubilité réduite, l'hélium est peu absorbé dans les membranes cellulaires, de sorte que l'utilisation de l'hélium à la place de l'azote dans le héliox ou le trimix réduit l'effet narcotique du gaz respiratoire au cours de la plongée. Cette faible solubilité présente également l'avantage de limiter les risques d'accident de décompression, car les tissus comportent moins de gaz dissous susceptible de former des bulles lorsque la pression diminue lors de la remontée. L'argon, quant à lui, est considéré comme le meilleur candidat pour remplir les combinaisons de plongée.

Exemple de ballon à hélium.

L'hélium est utilisé, pour des raisons de sécurité, à la place de l'hydrogÚne dans les dirigeables et les ballons, malgré une perte de portance de 8,6 %.

Les gaz nobles sont Ă©galement utilisĂ©s dans de nombreuses applications requĂ©rant une atmosphĂšre chimiquement inerte. L'argon est utilisĂ© pour la synthĂšse de composĂ©s sensibles Ă  l'azote atmosphĂ©rique. L'argon solide permet d'Ă©tudier les molĂ©cules trĂšs instables en les immobilisant dans une matrice solide Ă  trĂšs basse tempĂ©rature qui empĂȘche les contacts et les rĂ©actions de dĂ©composition[22]. L'hĂ©lium peut ĂȘtre utilisĂ© en chromatographie en phase gazeuse (CPG), pour remplir les thermomĂštres Ă  gaz, et dans les appareils de mesure de la radioactivitĂ©, comme les compteurs Geiger et les chambres Ă  bulles. L'hĂ©lium et l'argon sont couramment utilisĂ©s pour isoler les mĂ©taux de l'atmosphĂšre lors de la dĂ©coupe ou du soudage Ă  l'arc Ă©lectrique, ainsi que pour divers autres procĂ©dĂ©s mĂ©tallurgiques et pour la production de silicium par l'industrie des semiconducteurs.

Les gaz nobles sont couramment utilisés pour l'éclairage en raison de leur inertie chimique. L'argon mélangé à l'azote est utilisé pour remplir les ampoules des lampes à incandescence[5], ce qui prévient l'oxydation de filament en tungstÚne tout en limitant la redéposition du tungstÚne sublimé sur les parois de l'ampoule. Le krypton est utilisé pour les ampoules à hautes performance avec une température de couleur plus élevée et un meilleur rendement énergétique car il réduit le taux d'évaporation du filament par rapport aux ampoules à argon ; en particulier, les lampes à halogÚnes utilisent un mélange de krypton avec de petites quantités de composés d'iode et de brome. Les gaz nobles luisent avec des couleurs particuliÚres lorsqu'ils sont utilisés dans les lampes à décharge, comme les « tubes au néon ». Malgré leur appellation commune, ces lampes contiennent généralement d'autres gaz que du néon comme substance phosphorescente, ce qui ajoutent de nombreuses teintes à la couleur rouge orangé du néon. Le xénon est couramment utilisé dans les lampes au xénon en raison de leur spectre quasiment continu qui ressemble à la lumiÚre du jour, avec des applications comme projecteurs de cinéma et phares automobiles.

Les gaz nobles sont utilisés pour réaliser des lasers à excimÚres, dont le principe repose sur l'excitation électronique de molécules pour former des excimÚres. Il peut s'agir de dimÚres tels que Ar2, Kr2 ou Xe2, ou plus souvent d'espÚces halogénées telles que ArF, KrF, XeF ou XeCl. Ces lasers produisent une lumiÚre ultraviolette dont la faible longueur d'onde (193 nm pour ArF et 248 nm pour KrF) permet de réaliser des images à haute résolution. Les lasers à excimÚres ont de nombreuses applications industrielles, médicales et scientifiques. On les utilise en microlithographie et en microfabrication, technologies essentielles à la réalisation des circuits intégrés, ainsi que pour la chirurgie au laser, comme l'angioplastie et la chirurgie oculaire.

Certains gaz nobles ont des applications directes en médecine. L'hélium est parfois utilisé pour faciliter la respiration des personnes asthmatiques[5], et le xénon est utilisé en anesthésie à la fois en raison de sa solubilité élevée dans les lipides, qui le rend plus efficace que le protoxyde d'azote N2O, et parce qu'il s'élimine facilement de l'organisme, ce qui permet une récupération plus rapide[23]. Le xénon est également utilisé en imagerie médicale des poumons par IRM hyperpolarisée[24]. Le radon, qui n'est disponible qu'en petites quantités, est utilisé en radiothérapie.

Notes et références

Notes

  1. L'estimation du nombre de composés de gaz nobles observés varie sensiblement selon les auteurs, de quelques centaines à plus d'un millier, essentiellement en raison de la présence de nombreuses espÚces chimiques observées hors équilibre (ions moléculaires, exciplexes, espÚces observées en matrice cryogénique d'argon gelé, etc.) qui sont, ou ne sont pas, comptées comme composés chimiques véritables.
  2. Hormis bien sûr l'hélium, qui n'a qu'une sous-couche s et pas de sous-couche p puisqu'il n'a que deux électrons.
  3. L'hélium à pression atmosphérique n'existe pas à l'état solide ; il se solidifie à 0,95 K sous une pression d'au moins 2,5 MPa.
  4. Bartlett publia la formule Xe+[PtF6]− pour cette substance, mais elle est trĂšs certainement fausse, s'agissant en rĂ©alitĂ© d'un mĂ©lange d'espĂšces molĂ©culaires comme XeF+[PtF6]−, XeF+[Pt2F11]− et [Xe2F3]+[PtF6]−, qui ne contient pas ce sel prĂ©cis.

Références

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