Terbium
Le terbium est un élément chimique, de symbole Tb et de numéro atomique 65. C'est un métal gris argenté de la famille des lanthanides appartenant au groupe des terres rares.
L'appellation terbium, provient de l'endroit, Ytterby prĂšs de Stockholm en SuĂšde, oĂč l'on a dĂ©couvert le minerai dans lequel ont Ă©galement Ă©tĂ© identifiĂ©es plusieurs autres terres rares. Les Ă©lĂ©ments chimiques yttrium, erbium et ytterbium partagent la mĂȘme Ă©tymologie.
On extrait aujourd'hui le terbium du sable de monazite (teneur d'environ 0,03 %) comme beaucoup d'autres lanthanides.
Le terbium est une ressource non renouvelable. Une publication du Centre national de la recherche scientifique français avait mĂȘme prĂ©vu son Ă©puisement pour 2012[6].
Histoire
PremiÚre découverte
(1797-1858).
DĂ©couvertes des terres rares. | ||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||||
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Diagrammes des découvertes des terres rares. Les dates entre parenthÚses sont les dates d'annonces des découvertes[7]. Les branches représentent les séparations des éléments à partir d'un ancien (l'un des nouveaux éléments conservant le nom de l'ancien, sauf pour le didyme). |
En 1789, le chimiste finlandais Johan Gadolin identifie un nouvel oxyde (ou « terre ») dans un échantillon d'ytterbite (rebaptisée plus tard « gadolinite » en son honneur). Cette nouvelle roche avait été découverte deux ans auparavant par le lieutenant Carl Axel Arrhenius prÚs du village d'Ytterby en SuÚde. Ces travaux sont confirmés en 1797 par Anders Gustaf Ekeberg qui baptise le nouvel oxyde yttria[8].
PrÚs d'un demi-siÚcle plus tard, le Suédois Carl Gustav Mosander parvient à isoler plusieurs terres rares (cérium, lanthane et didyme) grùce à de nouveaux procédés de cristallisation fractionnée[9]. Convaincu que l'yttria extraite de la gadolinite est également un mélange, il décide d'y chercher certains de ces nouveaux composés. à l'automne 1842, il parvient à isoler deux oxydes, l'un blanc (donnant des sels incolores), qu'il considÚre comme le véritable yttrium, et l'autre jaune (donnant des sels roses), qu'il décide de nommer « odinium » en l'honneur du dieu Odin de la mythologie nordique. Avant de publier les résultats de ces recherches en 1843, Mosander achÚve une étape supplémentaire de fractionnement des oxalates de ces composés et découvre un troisiÚme oxyde. Il décide de conserver le terme yttria pour la fraction incolore (oxyde d'yttrium pur) et nomme la fraction jaune « erbine » et la fraction rose « terbine », toujours en rappel du village d'Ytterby[10].
Controverses et confusions
Durant les dĂ©cennies qui suivent, les dĂ©couvertes de Mosander sont remises en question. En 1860, son compatriote Nils Johan Berlin reprend l'Ă©tude de l'yttria brute et parvient Ă en isoler deux oxydes. Il en considĂšre un comme Ă©tant de l'oxyde d'yttrium pur et identifie l'autre comme l'erbine de Mosander, malgrĂ© le fait qu'il donne des sels colorĂ©s en rose. Il ne trouve par contre aucune trace de la terbine[11]. Ces expĂ©riences sont rĂ©pĂ©tĂ©es en 1864 Ă Göttingen par Friedrich Otto Popp et Ă GenĂšve par Marc Delafontaine, avec des conclusions opposĂ©es : le premier ne trouve aucun autre Ă©lĂ©ment que l'yttrium et prĂ©tend que les autres composĂ©s sont des oxydes dĂ©jĂ connus (du cĂ©rium et du didyme)[12], alors que le second soutient l'existence Ă la fois de l'erbine et de la terbine[13]. Puis en 1866, c'est au tour de Robert Bunsen et de son assistant Johan Bahr de l'UniversitĂ© dâHeidelberg de rĂ©itĂ©rer le processus de sĂ©paration. Ils reconnaissent que les sels d'yttrium sont incolores et que leurs solutions ne prĂ©sentent pas de bandes d'absorption, alors que les sels d'erbium ont une belle coloration rose et que leurs solutions donnent un spectre d'absorption tout Ă fait diffĂ©rent de celui du didyme. Mais ils ne trouvent aucun autre composĂ©[14].
Ainsi, la confusion s'installe et les noms choisis par Mosander sont intervertis. Delafontaine a beau rĂ©torquer que l'erbine de Berlin et de Bahr et Bunsen n'est autre que la terbine de Mosander, et qu'il dĂ©tient les preuves de l'existence de la vraie erbine (celle de Mosander), il n'est pas entendu. Pendant plusieurs annĂ©es, le terbium disparaĂźt de la liste des Ă©lĂ©ments connus et se trouve ainsi absent de la premiĂšre version du tableau pĂ©riodique des Ă©lĂ©ments de Dmitri MendeleĂŻev en 1869[9]. Les SuĂ©dois Per Teodor Cleve et Otto Magnus Höglund (de) tentent de vĂ©rifier en 1872 l'hypothĂšse de Delafontaine, mais Ă©chouent une fois de plus Ă isoler autre chose que l'erbium (au sens de Bahr et Bunsen)[15]. L'existence de ce dernier fait bientĂŽt l'unanimitĂ© au sein de la communautĂ© scientifique, grĂące Ă sa dĂ©tection dans le spectre solaire par l'astronome amĂ©ricain Charles Augustus Young la mĂȘme annĂ©e[16].
Confirmations
C'est finalement dans un autre minerai, la samarskite, que Delafontaine finit par retrouver la trace de l'erbine jaune de Mosander. Il pense un temps la renommer « mosandrium » en l'honneur du chimiste suédois, puis s'accorde avec son compatriote Jean Charles Galissard de Marignac pour conserver le nom de terbine :
« Dans une note antérieure, j'ai proposé d'appliquer au radical de cette terre jaune, le nom de Mosandrium, quoique ce soit le vrai erbium de Mosander ; ce changement me semblait justifié par la notoriété qu'ont les travaux de M. Bunsen et de M. Cléve et qui rend impossible d'enlever à leur terre rose son nom impropre d'erbine, sans créer une confusion regrettable. M. Marignac pense qu'il serait préférable de ne pas créer un nouveau nom et qu'il vaut mieux compléter l'interversion des noms en appelant terbine la terre jaune (erbine Mosander non Bunsen), et erbine la terre rose (terbine de Mosander). Je me rangerai volontiers à cet avis [...] »
â Marc Delafontaine[17]
En 1878, ses travaux sont confirmĂ©s par Marignac, qui isole lui-mĂȘme le terbium de la gadolinite. ParallĂšlement, l'AmĂ©ricain John Lawrence Smith publie la dĂ©couverte d'une nouvelle terre jaune dans la samarskite, Ă laquelle il choisit de donner le nom de « mosandrum »[18]. Marignac l'analyse et dĂ©clare qu'elle n'est rien d'autre que la terbine dont Delafontaine et lui-mĂȘme viennent de prouver l'existence[19], ce qui donne lieu Ă une vive dispute entre les trois scientifiques[20]. Ces dĂ©couvertes sont dĂ©finitivement ratifiĂ©es par la publication en 1882 des 194 lignes du spectre du terbium par le chimiste britannique Henry Enfield Roscoe[16].
Caractéristiques
Propriétés physiques
Le terbium est un mĂ©tal d'aspect gris argentĂ©. Comme les autres membres de la famille des lanthanides, il est mallĂ©able, ductile et assez mou pour ĂȘtre coupĂ© avec un couteau. Il est assez stable dans l'air, et existe sous deux formes allotropiques, avec un changement de phase Ă 1 289 °C[21].
Comme toutes les terres rares lourdes, le terbium prĂ©sente une structure cristalline en empilement compact hexagonal. En dessous de son point de Curie (â54,15 °C), il montre un agencement ferromagnĂ©tique simple avec les moments alignĂ©s selon l'axe b du plan basal. Au-dessus de Tc, l'Ă©lĂ©ment ne devient pas immĂ©diatement paramagnĂ©tique, mais atteint plutĂŽt un Ă©tat antiferromagnĂ©tique particulier qui persiste jusqu'Ă sa tempĂ©rature de NĂ©el (â43,15 °C). Cet agencement, connu sous le nom d'antiferromagnĂ©tisme hĂ©licoĂŻdal, est caractĂ©risĂ© par le fait que tous les moments magnĂ©tiques d'une mĂȘme couche sont parallĂšles et orientĂ©s selon un angle fixe par rapport aux moments des couches adjacentes. Ils tournent ainsi autour de l'axe c Ă la maniĂšre d'une vis ou d'une hĂ©lice. Le dysprosium partage ces caractĂ©ristiques particuliĂšres pour d'autres tempĂ©ratures[22]. Ces deux Ă©lĂ©ments prĂ©sentent de plus une magnĂ©tostriction Ă©levĂ©e[10].
Le cation terbium(III) exhibe une importante fluorescence de couleur verte. Elle implique une transition 5D4 â 7F5 dont la bande d'Ă©mission principale est situĂ©e Ă 545 nm, avec un temps de vie de 0,1 Ă 2 ms[23].
Propriétés chimiques et composés
La valence la plus commune dans les composĂ©s solides est de III. Un valence de IV est connue pour le mĂ©tal dans son dioxyde (TbO2) et son tĂ©trafluorure (TbF4). Le terbium forme Ă©galement plusieurs oxydes non stĆchiomĂ©triques de composition approximative Tb4O7. En solution, le mĂ©tal existe seulement Ă l'Ă©tat trivalent : [Tb(H2O)n]3+ .
Le terbium forme un certain nombre de composés binaires avec des éléments comme l'oxygÚne (TbO2, Tb2O3, Tb7O12, Tb11O20), l'hydrogÚne (TbH2, TbH3), les halogÚnes (TbF3, TbF4, TbI3), l'azote (TbN), le phosphore (TbP), le soufre (TbS), le sélénium (TbSe) et le tellure (TbTe), ainsi qu'avec le carbone, le silicium, le bore, l'arsenic et l'antimoine[24].
Isotopes
à l'état naturel, le terbium ne possÚde qu'un seul isotope stable : 159Tb. C'est donc un élément mononucléidique et monoisotopique.
Trente-six radioisotopes synthĂ©tiques ont Ă©tĂ© caractĂ©risĂ©s, du terbium 135 au terbium 171. Les plus stables sont le terbium 158, avec une demi-vie de 180 ans, et le terbium 157, avec une demi-vie de 71 ans. Les deux modes de dĂ©sintĂ©gration principaux sont la capture Ă©lectronique, qui se traduit par la production d'isotopes du gadolinium, et la dĂ©sintĂ©gration bĂȘta moins, rĂ©sultant en isotopes du dysprosium[25].
L'élément possÚde également 27 isomÚres nucléaires, dont le plus stable, 156mTb, a une demi-vie de 24,4 heures[25].
Abondance naturelle et production
Le terbium est présent en combinaisons avec d'autres terres rares dans plusieurs minéraux, comme le xénotime (1 % d'oxyde de terbium), l'euxénite (1,3 %), ou encore la cérite, la monazite et la gadolinite. L'élément a également été détecté dans la matiÚre stellaire. Son abondance dans la croûte terrestre est estimée à 1,2 mg/kg[24], il est donc deux fois plus commun que l'argent[8].
En 2018, les principales ressources miniĂšres sont situĂ©es en Chine, aux Ătats-Unis, au BrĂ©sil, en Inde, au Sri Lanka et en Australie. Les rĂ©serves en terbium Ă©taient estimĂ©es Ă 300 000 tonnes et la production mondiale est d'environ 10 tonnes par an (donnĂ©e 2001)[8], mais en avril dans la revue Nature des chercheurs japonais estiment que les gisements nouveaux dĂ©tectĂ©s et explorĂ©s Ă l'Est du Japon depuis quelques annĂ©es reprĂ©sentent sur 2 500 km2 environ 16 millions de tonnes de terres rares, situĂ©es dans le sĂ©diment marin, Ă plus de 5 000 mĂštres de profondeur ; sur 2 499 km2, le fond contiendrait lĂ plus de 16 millions de tonnes d'oxydes de terres rares, soit 420 ans d'approvisionnement mondial de terbium (et aussi 620 ans d'approvisionnement mondial d'Europium, 780 ans de rĂ©serve d'yttrium, 730 ans pour dysprosium, selon une publication d'avril 2018 dans Scientific Reports[26] ; cette ressource ne pourrait toutefois pas ĂȘtre exploitĂ©e avant 2023 Ă©tant donnĂ© les coĂ»ts et difficultĂ©s d'accĂšs[27].
Terbium dans l'univers
Si rare sur la terre, le terbium est un élément qui se trouve dans les objets célestes.
Du terbium a été détecté dans le Soleil par spectroscopie[28], depuis Charles Augustus Young (au-dessus).
En 2023, du terbium une fois ionisé (Tb II en notation spectroscopique, Tb+ en notation chimique) a été détecté, sous forme gazeuse, dans l'atmosphÚre de KELT-9 b, une exoplanÚte de type Jupiter ultra-chaud dont la température atteint 4 000 °C. Il semble que l'analyse de cette existence puisse contribuer à déterminer l'ùge et l'origine de cette planÚte particuliÚre[29].
Extraction
Les procĂ©dĂ©s d'extraction du terbium sont similaires Ă ceux des autres lanthanides. L'Ă©lĂ©ment est sĂ©parĂ© des autres terres rares par des mĂ©thodes basĂ©es sur l'Ă©change d'ions, qui sont relativement faciles et plus rapides que les techniques de cristallisation fractionnĂ©e. Le mĂ©tal est obtenu Ă partir de son trifluorure (TbF3) ou de son trichlorure (TbCl3) anhydres par rĂ©duction thermique avec le calcium mĂ©tallique dans un creuset en tantale. Il peut ensuite ĂȘtre purifiĂ© par refusion sous vide[24].
Le prix d'un gramme de terbium pur à 99,9 % était d'environ 40 dollars américains en 2015[21].
Utilisations
Propriétés optiques
Les composés des ions trivalents de plusieurs lanthanides fluorescent aprÚs stimulation par des rayons UV ou une décharge électrique. Cette particularité en fait des composants de choix pour la conception des luminophores. Ainsi, la fluorescence verte du terbium connaßt trois principales applications industrielles : tubes cathodiques des téléviseurs et des écrans d'ordinateurs, tubes fluorescents trichromatiques pour l'éclairage et radiographie médicale (transformation des rayons X en lumiÚre visible)[30].
Luminophore | Excitation | Application |
---|---|---|
Gd2O2S:Tb3+ | Rayons X | Ăcrans renforçateurs de rayons X |
Rayon cathodique | Tubes cathodiques (vert) | |
ZnS:Tb3+ | Ălectrons | Panneaux Ă©lectroluminescents |
LaPO4:Ce,Tb | Rayons UV | Composante verte des tubes fluorescents trichromatiques |
(Ce,Tb)MgAl11O19 | ||
(Gd,Ce,Tb)MgB5O10 |
à plus petite échelle, les propriétés optiques du terbium sont également utilisés en biochimie. Ainsi, une méthode spectrophotométrique de détection des spores bactériennes a été proposée. Elle repose sur l'addition de chlorure de terbium à un lysat d'endospores. L'acide dipicolinique, qui est un marqueur chimique unique des spores, chélate l'ion terbium(III) et forme un complexe qui montre une fluorescence intense dans le spectre visible[31].
Enfin, de maniÚre plus anecdotique, la fluorescence verte du terbium est utilisée comme moyen de protection contre la contrefaçon des billets de la monnaie européenne[32].
Autres
- Pile Ă combustible : stabilisateur des cristaux de ZrO2 dans des cellules.
Notes et références
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- (en) Beatriz Cordero, VerĂłnica GĂłmez, Ana E. Platero-Prats, Marc RevĂ©s, Jorge EcheverrĂa, Eduard Cremades, Flavia BarragĂĄn et Santiago Alvarez, « Covalent radii revisited », Dalton Transactions,â , p. 2832 - 2838 (DOI 10.1039/b801115j)
- (en) David R. Lide, CRC Handbook of Chemistry and Physics, CRC, , 89e Ă©d., p. 10-203
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- SIGMA-ALDRICH
- Ăpuisement des ressources naturelles sur eco-info.org et rĂ©fĂ©rences en fin d'article.
- (en) Episodes from the History of the Rare Earth Elements, Springer Netherlands, coll. « Chemists and Chemistry », (ISBN 9789401066143 et 9789400902879, DOI 10.1007/978-94-009-0287-9), xxi.
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Voir aussi
Liens externes
- (en) « Technical data for Terbium » (consulté le ), avec en sous-pages les données connues pour chaque isotope
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1 | H | He | |||||||||||||||||||||||||||||||
2 | Li | Be | B | C | N | O | F | Ne | |||||||||||||||||||||||||
3 | Na | Mg | Al | Si | P | S | Cl | Ar | |||||||||||||||||||||||||
4 | K | Ca | Sc | Ti | V | Cr | Mn | Fe | Co | Ni | Cu | Zn | Ga | Ge | As | Se | Br | Kr | |||||||||||||||
5 | Rb | Sr | Y | Zr | Nb | Mo | Tc | Ru | Rh | Pd | Ag | Cd | In | Sn | Sb | Te | I | Xe | |||||||||||||||
6 | Cs | Ba | La | Ce | Pr | Nd | Pm | Sm | Eu | Gd | Tb | Dy | Ho | Er | Tm | Yb | Lu | Hf | Ta | W | Re | Os | Ir | Pt | Au | Hg | Tl | Pb | Bi | Po | At | Rn | |
7 | Fr | Ra | Ac | Th | Pa | U | Np | Pu | Am | Cm | Bk | Cf | Es | Fm | Md | No | Lr | Rf | Db | Sg | Bh | Hs | Mt | Ds | Rg | Cn | Nh | Fl | Mc | Lv | Ts | Og | |
8 | 119 | 120 | * | ||||||||||||||||||||||||||||||
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