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Capture Ă©lectronique

La capture Ă©lectronique (plus prĂ©cisĂ©ment capture Ă©lectronique orbitale, cf. section « Notations »), ou dĂ©sintĂ©gration Δ, ou parfois dĂ©sintĂ©gration bĂȘta inverse, est un processus de physique nuclĂ©aire au cours duquel un noyau atomique dĂ©ficient en neutrons absorbe un Ă©lectron situĂ© sur une couche Ă©lectronique de l’atome. Variante de la dĂ©sintĂ©gration ÎČ+, sa description thĂ©orique est formulĂ©e par la thĂ©orie publiĂ©e par Enrico Fermi en 1933. La consĂ©quence de la capture, selon la loi de conservation de la charge Ă©lectrique, est qu’il y a une transmutation de l’atome puisqu’un proton, en absorbant l’électron intrus devient un neutron, et Ă©mission d’un neutrino Ă©lectronique pour conserver le nombre leptonique ; l’atome qui avait Z protons et N neutrons devient un atome avec (Z-1) protons et (N+1) neutrons :

A
Z
X
+ 0
-1
e–
⟶ A
Z–1
Y
+ 0
0
Îœe
,
DiffĂ©rents modes de dĂ©sintĂ©gration radioactive : radioactivitĂ©s α, ÎČ– et ÎČ+, capture Ă©lectronique Δ, Ă©mission de neutron n et Ă©mission de proton p.

oĂč X et Y dĂ©signent respectivement le noyau pĂšre et le noyau fils. A est le nombre de masse.

Ce processus nuclĂ©aire est suivi de plusieurs Ă©missions de photons pour que l’atome atteigne son Ă©tat fondamental. D’une part, le noyau nouvellement formĂ© peut se dĂ©sexciter en Ă©mettant des photons Îł s’il avait Ă©tĂ© formĂ© dans un Ă©tat excitĂ©. D’autre part, le cortĂšge Ă©lectronique se rĂ©organise afin de combler la lacune laissĂ©e dans les couches internes par l’électron capturĂ©. Cette rĂ©organisation est accompagnĂ©e d’émissions de rayons X et/ou d’électrons Auger.

Historique

Gian-Carlo Wick a Ă©tĂ© le premier Ă  thĂ©oriser l’existence de la dĂ©croissance par capture Ă©lectronique.
Luis Alvarez fut le premier à observer expérimentalement la capture électronique.

IrĂšne et FrĂ©dĂ©ric Joliot-Curie sont les premiers, en , Ă  proposer la possibilitĂ© pour un noyau de dĂ©croitre aprĂšs absorption d’un Ă©lectron. Ils Ă©crivent ainsi dans le Journal de Physique et Le Radium « On peut encore supposer que l’isotope inconnu Na22 n’est pas stable et se transforme spontanĂ©ment en Ne22 par captation d’un Ă©lectron extranuclĂ©aire[1]. » Il a par la suite Ă©tĂ© montrĂ© que le sodium 22 dĂ©croit effectivement par capture Ă©lectronique Ă  hauteur d’environ 10 %[2].

La capture Ă©lectronique a Ă©tĂ© thĂ©orisĂ©e pour la premiĂšre fois par Gian-Carlo Wick dans un papier publiĂ© en italien le [3] - [4]. Dans ce papier, Wick applique la rĂ©cente thĂ©orie de la dĂ©sintĂ©gration bĂȘta proposĂ©e par Enrico Fermi et prĂ©sente une autre dĂ©sintĂ©gration possible en plus de la radioactivitĂ© ÎČ+ dont la dĂ©couverte avait Ă©tĂ© annoncĂ©e six semaines auparavant, le , par IrĂšne Curie et FrĂ©dĂ©ric Joliot devant l’AcadĂ©mie des Sciences[5]. Il calcule la probabilitĂ© de se dĂ©sintĂ©grer par Ă©mission de positron et par capture Ă©lectronique. Du fait de la dĂ©couverte de la radioactivitĂ© ÎČ+ par le couple Joliot-Curie, Emilio SegrĂš Ă©crit qu’il existe un petit doute concernant le fait de savoir si Wick a vraiment Ă©tĂ© le premier Ă  mentionner la capture d’électrons K et Ă  calculer sa probabilitĂ©[4] mĂȘme si les Joliot-Curie ne font pas rĂ©fĂ©rence Ă  la capture Ă©lectronique dans leur rapport de 1934. La possibilitĂ© de la capture Ă©lectronique a aussi Ă©tĂ© envisagĂ©e par Hans Bethe et Rudolf Peierls deux mois aprĂšs le papier de Wick[6]. Par la suite, le calcul de Wick a Ă©tĂ© repris et amĂ©liorĂ© par Hideki Yukawa et Shƍichi Sakata[7].

La capture Ă©lectronique d’électron K a Ă©tĂ© observĂ©e pour la premiĂšre fois par Luis Alvarez dans la dĂ©croissance du vanadium 48. Il a dĂ©crit son expĂ©rience dans un papier de Physical Review publiĂ© en 1937[4] - [8] - [9]. Le vanadium 48 a Ă©tĂ© produit par bombardement de titane par des deutĂ©rons, tandis que la dĂ©tection des photons X caractĂ©ristiques du titane a Ă©tĂ© faite Ă  l’aide d’une feuille d’aluminium. La pĂ©riode de trois ans sĂ©parant la prĂ©diction thĂ©orique de l’observation expĂ©rimentale s’explique du fait de la difficultĂ© de mesurer le photon X ou l’électron Auger qui rĂ©sulte du rĂ©arrangement atomique qui suit la capture Ă©lectronique. Par la suite, Alvarez a continuĂ© Ă  Ă©tudier la capture Ă©lectronique dans le gallium 67[10] ainsi que d’autres nuclĂ©ides[4] - [11]. Quelques annĂ©es plus tard, D. H. W. Kirkwood, Bruno Pontecorvo et Geoffrey Chalmers Hanna en 1948[12], puis en 1949[13] ont observĂ© la capture Ă©lectronique d’électron L dans la dĂ©croissance de l’argon 37. Puis, P. W. Dougan a mesurĂ©, au cours de sa thĂšse de doctorat, la capture d’électron M en 1961 dans la dĂ©croissance du germanium 71[14].

Point de vue fondamental

Diagramme de Feynman d’une capture Ă©lectronique.

Le proton et le neutron n’étant pas des particules Ă©lĂ©mentaires, le processus de la capture Ă©lectronique implique, au niveau fondamental, les quarks up et down qui composent les protons et les neutrons. La thĂ©orie Ă©lectrofaible prĂ©voit qu’un boson W+ soit Ă©changĂ© entre le quark up et l’électron transformant le quark up en quark down et l’électron en neutrino Ă©lectronique.

Aspects énergétiques

Valeur Q

La valeur Q exprime la quantitĂ© d’énergie relĂąchĂ©e par une rĂ©action. Dans le cas d’une rĂ©action de capture Ă©lectronique, elle vaut

oĂč et sont respectivement les Ă©nergies de masse du noyau pĂšre (avant la dĂ©sintĂ©gration) et du noyau fils (aprĂšs la dĂ©sintĂ©gration), l’énergie d’excitation du noyau pĂšre (Ă©gale Ă  0 MeV sauf dans le cas d’isomĂšres), est l’énergie de liaison de l’électron qui a participĂ© au processus et correspond Ă  la diffĂ©rence d’énergie entre les orbitales atomiques du noyau pĂšre () et du noyau fils (). Ce dernier terme est gĂ©nĂ©ralement nĂ©gligĂ© sauf dans le cas d’atomes lourds (avec un grand numĂ©ro atomique Z) oĂč cette valeur peut atteindre environ 10 keV[15]. En revanche, peut atteindre la centaine de keV dans les noyaux les plus lourds, comme dans le bismuth 208[16], et n’est gĂ©nĂ©ralement pas nĂ©gligĂ©[17].

Compte tenu du fait qu’une rĂ©action ne peut avoir lieu que lorsque la valeur Q est positive (de l’énergie est relĂąchĂ©e par le systĂšme), la capture Ă©lectronique n’a lieu que lorsque

En pratique, et sont souvent nĂ©gligeables par rapport Ă  la diffĂ©rence de masses des noyaux pĂšre et fils (d’autant plus si on considĂšre les Ă©lectrons des couches L, M, N, 
) ce qui revient Ă  dire que la capture Ă©lectronique se produit dĂšs que le noyau fils est moins massif que le noyau pĂšre. NĂ©anmoins, la prĂ©sence de ce seuil permet, par exemple, d’expliquer pourquoi la dĂ©croissance par capture Ă©lectronique de l’amĂ©ricium 244 dans son Ă©tat fondamental n’a pas Ă©tĂ© observĂ©e tandis que ce mode de dĂ©sintĂ©gration a Ă©tĂ© observĂ©e, bien qu’avec une faible probabilitĂ©, dans son isomĂšre Ă  86,1 keV. En effet, la diffĂ©rence de masse entre l’ÂČ⁎⁎Am et le ÂČ⁎⁎Pu est d’environ 75 keV/c2 tandis que l’énergie de liaison des Ă©lectrons de la couche K est de l’ordre de 140 keV. Ainsi la dĂ©sintĂ©gration par capture Ă©lectronique de l’ÂČ⁎⁎Am n’est-elle possible que par capture d’un Ă©lectron de couches supĂ©rieures (L, M, N, 
) ce qui est beaucoup moins probable[Note 1] que la capture d’un Ă©lectron de la couche K. En revanche, dans l’isomĂšre ÂČ⁎⁎ᔐAm, la capture d’électron de la couche K est possible puisqu’il faut prendre en compte l’énergie du niveau excitĂ©. On a ainsi une Ă©nergie « disponible » de 164 Â± 9 keV[19] ce qui est supĂ©rieure aux 140 keV correspondant Ă  l’énergie de liaison d’un Ă©lectron de la couche K. La probabilitĂ© Ă©tant plus importante, ce mode de dĂ©croissance a pu ĂȘtre observĂ© Ă  hauteur de 0,036 ± 0,001 %[19].

Neutrino

AprĂšs une capture Ă©lectronique, deux corps peuvent se partager l’énergie : le noyau de recul et le neutrino Ă©lectronique. Cela se traduit par le fait que ces deux particules ont une Ă©nergie cinĂ©tique bien dĂ©finie contrairement au cas de la dĂ©sintĂ©gration bĂȘta oĂč le spectre en Ă©nergie est continu du fait de la prĂ©sence d’une troisiĂšme particule (la particule bĂȘta). L’énergie du neutrino dĂ©pend donc uniquement de l’énergie disponible. Comme indiquĂ© dans la section prĂ©cĂ©dente, cette Ă©nergie dĂ©pend principalement de la masse des noyaux pĂšre et fils et de l’énergie de liaison de la couche Ă©lectronique sur laquelle se trouve l’électron participant Ă  la capture Ă©lectronique. Ainsi, pour un noyau pĂšre donnĂ©, le neutrino peut-il prendre plusieurs Ă©nergies diffĂ©rentes suivant les diffĂ©rentes couches Ă©lectroniques impliquĂ©es (K, L, M, 
).

En tenant compte de la conservation de l’énergie et de la quantitĂ© de mouvement, en nĂ©gligeant les effets relativistes et en considĂ©rant le neutrino sans masse, on dĂ©montre que l’énergie cinĂ©tique du neutrino s’exprime Ă  l’aide de la relation suivante


De ce rĂ©sultat, il est possible de voir que le neutrino emporte quasiment l’ensemble de l’énergie disponible. En effet, le rapport est proche de 0 (la valeur Q est de l’ordre du MeV tandis que l’énergie de masse vaut plusieurs dizaines voire centaines de MeV). Il est alors possible d’appliquer un dĂ©veloppement limitĂ© Ă  l’ordre 1 ce qui conduit Ă  la relation .

Noyau de recul

La conservation de la quantitĂ© de mouvement permet de dĂ©montrer que l’énergie cinĂ©tique du noyau de recul, , s’exprime habituellement Ă  l’aide de la relation suivante[20]

oĂč est l’énergie du neutrino associĂ©e Ă  une couche Ă©lectronique donnĂ©e, est la masse du noyau fils Y (aprĂšs la dĂ©sintĂ©gration) et est la vitesse de la lumiĂšre dans le vide.

Cette quantitĂ© est gĂ©nĂ©ralement nĂ©gligeable sauf dans le cas du ⁷Be oĂč l’énergie de recul du ⁷Li vaut 57 eV dans le cas d’une capture d’un Ă©lectron de la couche K. Cette Ă©nergie de recul a Ă©tĂ© mesurĂ©e pour la premiĂšre fois en 1997 par Massimiliano Galeazzi et ses collaborateurs[21].

RĂ©arrangement du cortĂšge Ă©lectronique

Schéma présentant la capture électronique et le réarrangement atomique qui suit.

Un proton libre ne peut se dĂ©sintĂ©grer en neutron par capture Ă©lectronique ; les protons et les neutrons doivent faire partie d’un noyau. Lors de la capture Ă©lectronique, un Ă©lectron situĂ© sur une orbitale atomique, habituellement les couches K ou L, est capturĂ© par le proton conduisant Ă  la dĂ©croissance du noyau. La capture de l’électron crĂ©e un trou sur l’orbitale oĂč il se trouvait. Les Ă©lectrons se rĂ©arrangent alors sur les couches afin de remplir Ă  nouveau les orbitales de plus basses Ă©nergies. DiffĂ©rentes transitions Ă©lectroniques ont alors lieu jusqu’à ce que l’ensemble des couches soient pleines. Chaque transition (passage d’un Ă©lectron d’une couche donnĂ©e Ă  une couche d’énergie infĂ©rieure) est accompagnĂ©e par l’émission d’un photon X ou d’un Ă©lectron Auger.

L’énergie du photon X ou de l’électron Auger correspond exactement Ă  la diffĂ©rence d’énergie entre les deux niveaux Ă©lectroniques. En supposant la capture d’un Ă©lectron de la couche K par le proton et la transition d’un Ă©lectron de la couche L vers la couche K pour combler la lacune, alors l’énergie du photon X Ă©mis, EX, est donnĂ©e par la relation :

EX = EK - EL

oĂč EK et EL sont respectivement l’énergie des couches K et L. Au lieu d’émettre un photon X, il est Ă©galement possible de transfĂ©rer ce surplus d’énergie Ă  un autre Ă©lectron du cortĂšge Ă©lectronique qui sera alors expulsĂ© de l’atome ; il s’agit de l’effet Auger. L’énergie de cet Ă©lectron, Ee, est alors donnĂ©e par (en supposant qu’il se trouve sur la couche M) :

Ee = EK - EL - EM

oĂč EM est l’énergie de la couche M.

Le rĂ©arrangement atomique complet peut donc ĂȘtre accompagnĂ© de plusieurs Ă©missions d’électrons Auger et/ou de photons X. Il est par ailleurs possible que la lacune initiale soit comblĂ©e par un Ă©lectron libre. Un unique photon X (ou un unique Ă©lectron Auger) est alors Ă©mis avec une Ă©nergie Ă©gale Ă  l’énergie du niveau sur lequel a Ă©tĂ© faite la lacune.

Temps de demi-vie

Les temps de demi-vie relativement longs observĂ©s dans le cadre de la capture Ă©lectronique s’expliquent par le fait que ce processus est gouvernĂ© par l’interaction faible. Ainsi, les temps de demi-vie les plus courts sont de l’ordre de la milliseconde (10−3 s), Ă  comparer aux temps de demi-vie des Ă©tats excitĂ©s d’un noyau, gouvernĂ©s par l’interaction forte, de l’ordre de 10−21 s pour les plus courts. Deux facteurs influent particuliĂšrement sur le temps de demi-vie[22] :

  • la valeur Q : plus elle est grande, plus le temps de demi-vie est court ;
  • la structure nuclĂ©aire des noyaux pĂšre et fils : plus la diffĂ©rence de spin[Note 2] entre les Ă©tats initial et final est faible, plus le temps de demi-vie est court. Cela permet ainsi d’expliquer le temps de demi-vie du ⁎ÂčCa qui est d’environ 100 000 ans. En effet, l’état fondamental du ⁎ÂčCa a un spin de 7/2 ħ et une paritĂ© nĂ©gative tandis que son noyau fils, le ⁎ÂčK, a un Ă©tat fondamental avec un spin de 3/2 ħ et une paritĂ© positive. La diffĂ©rence de spin de 2ħ ainsi que le changement de paritĂ© explique la dĂ©sintĂ©gration relativement lente de ce noyau.

En plus de ces deux facteurs, il faut en ajouter un troisiĂšme qui correspond Ă  la probabilitĂ© de trouver un Ă©lectron dans le noyau atomique. En gĂ©nĂ©ral, cette probabilitĂ© est la plus importante pour les Ă©lectrons se trouvant sur les couches Ă©lectroniques les plus internes (couches K, L, M, 
 par ordre d’importance)[Note 1]. Ainsi, plus le nombre quantique principal d’un Ă©lectron est grand, plus sa probabilitĂ© de prĂ©sence Ă  l’intĂ©rieur du noyau est faible. Il est en de mĂȘme pour le nombre quantique secondaire ; plus celui-ci est grand, plus la fonction d'onde de l’électron sera diffuse rĂ©duisant de ce fait la probabilitĂ© de prĂ©sence dans le noyau[23].

Les électrons des couches les plus internes sont globalement plus prÚs du noyau dans les noyaux les plus lourds (ceux avec un grand numéro atomique) ce qui explique pourquoi le temps de demi-vie des noyaux lourds décroissant par capture électronique est globalement plus court que ceux des noyaux plus légers.

Milieu compressé

La premiĂšre Ă©tude concluante de l’influence de la compression des atomes sur le taux de capture Ă©lectronique a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e par R. F Leininger, E. SegrĂš et C. Wiegand en 1949[24]. Dans cette Ă©tude, la dĂ©croissance du ⁷Be a Ă©tĂ© mesurĂ©e lorsque des atomes de ce dernier Ă©taient prĂ©sents sous la forme d’oxyde de bĂ©ryllium, BeO, et sous forme de fluorure de bĂ©ryllium, BeF₂. L’étude a montrĂ© que la constante de dĂ©sintĂ©gration du bĂ©ryllium 7 Ă©tait diffĂ©rente lorsqu’il Ă©tait prĂ©sent Ă  l’intĂ©rieur d’une matrice cristalline (le fluorure de bĂ©ryllium) et lorsqu’il Ă©tait seul ; la constante de dĂ©croissance du ⁷Be prĂ©sent dans le fluorure de bĂ©ryllium est 0,16 % plus petite que celle du ⁷Be libre. D’autres Ă©tudes sur le bĂ©ryllium ont montrĂ© que l’écart entre les constantes de dĂ©croissance pouvait attendre 1 % dans d’autres matĂ©riaux[25]. Cette diminution de la constante de dĂ©croissance vient du fait que la capture Ă©lectronique devient plus probable lorsque l’atome est compressĂ©, les Ă©lectrons Ă©tant plus proches du noyau.

En gĂ©ochimie, il a Ă©tĂ© supposĂ© que de fortes pressions pourraient augmenter le taux de dĂ©croissance du potassium 40 (qui se dĂ©sintĂšgre en argon 40), faussant ainsi la datation par le potassium-argon. Il est cependant admis que des pressions moins importantes auraient un effet sur la rĂ©tention de l’argon bien avant de pouvoir influencer le taux de dĂ©croissance du potassium[26].

Atome ionisé

Tout comme la conversion interne, ce processus ne peut avoir lieu si l’atome est entiĂšrement ionisĂ©, Ă©tant donnĂ© qu’aucun Ă©lectron ne pourra ĂȘtre capturĂ© par le noyau. Cela permet d'expliquer pourquoi le 7Be est stable dans le rayonnement cosmique[27]. En revanche, plusieurs Ă©tudes ont montrĂ© que le temps de demi-vie d’un noyau dĂ©croissant uniquement par capture Ă©lectronique augmentait lorsqu’il est pratiquement ionisĂ©[28] - [29]. Ces Ă©tudes ont montrĂ© qu’un atome hydrogĂ©noĂŻde, c’est-Ă -dire un atome n’ayant plus qu’un seul Ă©lectron, a une constante de dĂ©croissance environ deux fois plus grande que celle d’un atome hĂ©liumoĂŻde (un atome n’ayant que 2 Ă©lectrons) ; l’hĂ©liumoĂŻde dĂ©croit donc deux fois moins vite que l’hydrogĂ©noĂŻde. Ce rĂ©sultat est en contradiction avec le sens commun qui voudrait que la probabilitĂ© de dĂ©croitre soit deux fois plus importante lorsqu’il y a deux Ă©lectrons plutĂŽt qu’un seul. Des travaux thĂ©oriques permettent de reproduire ces rĂ©sultats, essentiellement en tenant compte de la conservation du moment angulaire dans le systĂšme noyau plus Ă©lectron[30] - [31].

Il a par ailleurs Ă©tĂ© montrĂ© dans ces deux expĂ©riences que l’atome neutre dĂ©croĂźt Ă©galement moins vite que l’atome hydrogĂ©noĂŻde. L’explication est la mĂȘme que dans le cas de l’hĂ©liumoĂŻde[28] - [29].

CompĂ©tition entre la capture Ă©lectronique et l’émission de positron

Seuil pour l’émission de positron

Tout comme la capture Ă©lectronique, l’émission de positron peut avoir lieu dans les noyaux dĂ©ficients en neutrons. D’un point de vue Ă©nergĂ©tique, cette derniĂšre ne peut avoir lieu que si la masse du noyau pĂšre est supĂ©rieure d’au moins 1,022 MeV/c2 Ă  la masse du noyau fils. La raison est la suivante. Dans la rĂ©action :

A
Z
X
⟶ A
Z–1
Y
+ 0
1
e+
+ 0
0
Îœe
,

le noyau X possĂšde Z Ă©lectrons tout comme le produit de dĂ©croissance primaire Y, qui a un proton de moins dans son noyau atomique que X. Le noyau fils Y est donc ionisĂ© nĂ©gativement juste aprĂšs la dĂ©croissance par Ă©mission de positron. L’électron supplĂ©mentaire sera donc relĂąchĂ© et doit ĂȘtre pris en compte dans le bilan Ă©nergĂ©tique de la rĂ©action. L’énergie de la dĂ©croissance, la valeur Q, qui correspond Ă  la diffĂ©rence d’énergie entre le systĂšme final et le systĂšme initial, s’écrit :

Seules les rĂ©actions exothermiques se produisent spontanĂ©ment puisqu’elles ne nĂ©cessitent pas l’apport d’énergie extĂ©rieure. Ainsi, pour que l’émission de positron soit possible, faut-il que Q soit nĂ©gatif. C’est le cas si :

En nĂ©gligeant la masse du neutrino Ă©lectronique, infĂ©rieure Ă  1,1 eV/c2 d’aprĂšs la derniĂšre Ă©valuation du Particle Data Group[32], on en dĂ©duit que l’émission de positron n’est possible que lorsque la diffĂ©rence de masse entre le noyau pĂšre et noyau fils est supĂ©rieure Ă  deux fois la masse de l’électron (l’électron et le positron ont la mĂȘme masse, 511 keV/c2), soit 1,022 MeV/c2.

Compétition

Ainsi la capture Ă©lectronique est-elle le seul mode de dĂ©croissance Ă  la disposition des noyaux dĂ©ficients en neutrons pour lesquels l’émission de positron est impossible. Au-delĂ  de ce seuil, il existe une compĂ©tition entre la capture Ă©lectronique et l’émission de positron. Dans les grandes lignes, le rapport entre la probabilitĂ© de dĂ©croitre par capture Ă©lectronique, PΔ, et celle de dĂ©croitre par radioactivitĂ© ÎČ+, PÎČ+, est[22] :

Cela se comprend par le fait que d’une part la probabilitĂ© de prĂ©sence dans le noyau d’un Ă©lectron 1s augmente avec le numĂ©ro atomique et que d’autre part, la crĂ©ation du positron, qui est une particule chargĂ©e positivement, n’est pas favorable du fait de la rĂ©pulsion coulombienne avec les protons du noyau, d’autant plus importante que le nombre de protons est Ă©levĂ©.

Plus précisément, le rapport entre les deux probabilités est donné par[33] :

pour une transition permise, et :

pour une transition interdite unique, oĂč :

  • qK est l’énergie du neutrino associĂ© Ă  l’électron de la couche K ;
  • f et g sont des composantes des fonctions d’onde radiale de l’électron ;
  • B est un facteur d’échange ;
  • ΔJ est la diffĂ©rence entre le moment angulaire initial et final ;
  • PK, PL, PM, 
 sont respectivement les probabilitĂ©s de capturer un Ă©lectron de la couche Ă©lectronique K, L, M, 


Utilisation de la capture Ă©lectronique

Scintigraphie au gallium

Le gallium 67 a un temps de demi-vie d’environ 3 jours[34] et dĂ©croit uniquement par capture Ă©lectronique vers des Ă©tats excitĂ©s du zinc 67 qui Ă©met alors des photons gamma afin d’atteindre son Ă©tat fondamental. Ces photons sont utilisĂ©s dans la scintigraphie au gallium. Cette technique d’imagerie mĂ©dicale est utilisĂ©e lorsqu’une technique concurrente, la tomographie par Ă©mission de positons, n’est pas disponible[35]. Le gallium 67 est ainsi utilisĂ© du fait de ces propriĂ©tĂ©s chimiques, de son temps de demi-vie relativement adĂ©quat et de sa dĂ©croissance qui conduit Ă  l’émission de rayons gamma.

Datation par le potassium-argon

Le potassium 40 dĂ©croit par capture Ă©lectronique en argon 40. Ce mode de dĂ©croissance est utilisĂ©e pour dater la formation de certaines roches contenant du potassium, en supposant nulle la quantitĂ© initiale d’argon 40 dans ces roches et que l’argon 40 y reste piĂ©gĂ© une fois formĂ©.

Notations et désignation

Ce processus est parfois appelĂ© dĂ©sintĂ©gration bĂȘta inverse[36] - [37], bien que ce terme puisse aussi rĂ©fĂ©rer Ă  l’interaction entre un antineutrino Ă©lectronique et un proton[38] - [39].

Concernant la notation, celle qui est la plus couramment utilisée est celle qui suit :

7Be + e– ⟶ 7Li + Îœe.

L’électron qui est capturĂ© est l’un des Ă©lectrons prĂ©sents dans le cortĂšge Ă©lectronique de l’atome ; il ne s’agit donc pas d’une collision entre le noyau et un Ă©lectron qui arriverait de l’extĂ©rieur, comme pourrait le suggĂ©rer la notation de la rĂ©action ci-dessus. La notation est en effet ambigĂŒe car elle est identique Ă  un autre phĂ©nomĂšne, nommĂ© ionisation par impact Ă©lectronique[40]. Ce phĂ©nomĂšne correspond Ă  la capture d’un Ă©lectron, provenant de l’extĂ©rieur de l’atome, par un atome ou une molĂ©cule. Ce phĂ©nomĂšne a principalement lieu dans les plasmas. Pour distinguer les deux phĂ©nomĂšnes, on rencontre parfois[41] - [42] l’écriture suivante pour reprĂ©senter la capture Ă©lectronique orbitale :

7Be 7Li + Îœe,

oĂč l’indication qu’il s’agit du processus nuclĂ©aire de la capture Ă©lectronique est donnĂ©e par le « CE » au-dessus de la flĂšche.

Exemples courants

En 1977, Walter Bambynek avait relevĂ© l’existence d’environ 500 noyaux qui dĂ©croissent partiellement ou uniquement par capture Ă©lectronique[43]. Parmi ceux-ci, voici une liste des principaux radioisotopes qui dĂ©croissent uniquement par capture Ă©lectronique et qui ont un temps de demi-vie supĂ©rieur Ă  1 an :

RadioisotopeTemps de demi-vie
26Al (7,17 ± 0,24) × 10⁔ annĂ©es[44]
41Ca (1,002 ± 0,017) × 10⁔ annĂ©es[45]
44Ti 60,0 ± 1,1 années[46]
53Mn (3,74 ± 0,04) × 10⁶ annĂ©es[47]
55Fe 2,747 ± 0,008 années[48]
59Ni (76 ± 5) × 10Âł annĂ©es[49]
81Kr (2,29 ± 0,11) × 10⁔ annĂ©es[47]
91Nb (nl) (6,8 ± 1,3) × 10ÂČ annĂ©es[47]
93Mo (ia) (4,0 ± 0,8) × 10Âł annĂ©es[47]
97Tc (4,21 ± 0,16) × 10⁶ annĂ©es[47]
101Rh (nl) 3,3 ± 0,3 années[47]
109Cd (nl) 461,9 ± 0,4 jours[50]
133Ba (ia) 10,540 ± 0,006 années[51]
137La (nl) (6 ± 2) × 10⁎ annĂ©es[47]
145Pm (nl) 17,7 ± 0,4 années[47]
146Pm (nl) 5,53 ± 0,5 années[47]
150Eu (nl) 36,9 ± 0,9 années[47]
157Tb (ia) 71 ± 7 années[47]
163Ho 4570 ± 25 années[47]
173Lu (ia) 1,37 ± 0,01 années[47]
174Lu (ia) 3,31 ± 0,05 années[47]
172Hf (ia) 1,87 ± 0,03 années[47]
179Ta 1,82 ± 0,03 années[47]
193Pt (ia) 50 ± 6 années[47]
194Hg 444 ± 77 années[47]
202Pb (52,5 ± 2,8) × 10Âł annĂ©es[47]
205Pb (1,73 ± 0,07) × 10⁷ annĂ©es[47]
208Bi (3,68 ± 0,04) × 10⁔ annĂ©es[47]

Autres processus liés

Capture Ă©lectronique radiative

Comme c’est le cas pour l’ensemble des processus de dĂ©sintĂ©gration bĂȘta, il peut arriver que la capture Ă©lectronique soit accompagnĂ©e de l’émission d’un photon gamma en plus du neutrino. L’énergie du neutrino ne prend alors plus une valeur unique mais suit une distribution, puisque l’énergie disponible est partagĂ©e entre trois corps. Ce rayon gamma peut ĂȘtre compris comme une sorte de « bremsstrahlung interne » qui a lieu lorsque l’électron capturĂ© interagit Ă©lectromagnĂ©tiquement avec le noyau. La prĂ©sence de photons accompagnant les dĂ©sintĂ©grations bĂȘta Ă©tait connue depuis G. H. Aston en 1927[52]. Dix ans plus tard, Christian MĂžller indique que ce phĂ©nomĂšne devrait Ă©galement avoir lieu dans la capture Ă©lectronique[53]. La premiĂšre observation expĂ©rimentale de la capture Ă©lectronique radiative a Ă©tĂ© publiĂ©e par H. Bradt et al. en 1946[54].

La premiÚre description théorique du phénomÚne a été donnée par Philip Morrison et Leonard I. Schiff (en) dans un papier publié en 1940[55].

Double capture Ă©lectronique

La double capture Ă©lectronique est un processus de dĂ©sintĂ©gration au cours duquel deux captures Ă©lectroniques orbitales ont lieu simultanĂ©ment. La rĂ©action s’écrit :

A
Z
X
+ 2 0
-1
e–
⟶ A
Z–2
Y
+ 2 0
0
Îœe
.

Ce mode de dĂ©croissance ne peut se produire que si la masse du nuclĂ©ide fils est infĂ©rieure Ă  celle du nuclĂ©ide pĂšre. En pratique, ce mode de dĂ©croissance, tout comme la double dĂ©sintĂ©gration bĂȘta, est trĂšs lent ; son observation n’est ainsi possible que lorsque les autres modes de dĂ©croissance, beaucoup plus probables, ne peuvent avoir lieu. Les temps de demi-vie sont ainsi trĂšs grands avec des valeurs de l’ordre de 1020 annĂ©es. En 2014, seule la dĂ©croissance du baryum 130 par double capture Ă©lectronique avait pu ĂȘtre mise en Ă©vidence sur la base d’arguments gĂ©ochimiques[56] - [57] - [58]. En 2019, la dĂ©croissance du xĂ©non 124 est observĂ©e avec une demi-vie, la plus longue jamais mesurĂ©e, de (1,8 Â± 0,6) Ă— 1022 ans[59] - [60] (1 300 milliards de fois l'Ăąge de l'Univers).

Capture muonique

Le muon est un lepton — tout comme l’électron — appartenant Ă  la deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration (tandis que l’électron appartient Ă  la premiĂšre). En remplaçant des Ă©lectrons appartenant au cortĂšge Ă©lectronique de l’atome par des muons, la capture d’un muon par le noyau conduit Ă  la rĂ©action suivante :

A
Z
X
+ 0
-1
Ό–
⟶ A
Z–1
Y*
+ 0
0
ΜΌ
,

oĂč ” dĂ©signe le muon, X le noyau pĂšre, Y le noyau fils et ΜΌ le neutrino muonique. Le noyau fils est crĂ©Ă© dans un Ă©tat excitĂ©. Pour atteindre son Ă©tat fondamental, il Ă©met des photons et/ou des particules tels que des protons, des neutrons, des particules alpha


Article connexe

Notes et références

Notes

  1. Il existe cependant des exceptions comme le 40K dont la probabilité de capturer un électron L est plus grande que celle de capturer un électron K[18].
  2. Comme souvent, on dĂ©signe ici par spin le moment angulaire total, c’est-Ă -dire la somme du moment angulaire orbital et du spin du ou des nuclĂ©ons qui peuplent l’état.

Références

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