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Quantité de mouvement

En physique, la quantité de mouvement est le produit de la masse par le vecteur vitesse d'un corps matériel supposé ponctuel. Il s'agit donc d'une grandeur vectorielle, définie par , qui dépend du référentiel d'étude[1]. Par additivité, il est possible de définir la quantité de mouvement d'un corps non ponctuel (ou système matériel), dont il est possible de démontrer qu'elle est égale à la quantité de mouvement de son centre d'inertie affecté de la masse totale du système, soit (C étant le centre d'inertie du système)[1].

Quantité de mouvement
Description de cette image, également commentée ci-après
Au billard, il est possible de considérer qu'il y a conservation de la quantité de mouvement du système constitué par les billes en collision. Ainsi, lors d'une collision d'une bille en mouvement sur une autre immobile, cette dernière va acquérir tout (si la bille incidente est stoppée net) ou une partie (si elle continue ou est déviée) de la quantité de mouvement initiale de la bille incidente.
Unités SI kg m s−1 (= N s)
Dimension M L T-1
Nature Grandeur vectorielle conservative extensive
Lien à d'autres grandeurs

La notion de quantité de mouvement s'introduit naturellement en dynamique : la relation fondamentale de la dynamique exprime le fait que l'action d'une force extérieure sur un système conduit à une variation de sa quantité de mouvement : . Par ailleurs elle fait partie, avec l'énergie, des grandeurs qui se conservent pour un système isolé, c'est-à-dire soumis à aucune action extérieure, ou si celles-ci sont négligeables ou se compensent. Cette propriété est utilisée notamment en théorie des collisions.

En mécanique analytique ou quantique la quantité de mouvement apparaît naturellement comme la grandeur liée à l'invariance du hamiltonien ou du lagrangien dans une translation d'espace, c'est-à-dire à la propriété d'homogénéité de l'espace, qui est effectivement vérifiée en l'absence de forces ou champs extérieurs. Sur un plan plus général il s'agit d'une des conséquences du théorème de Noether qui permet de relier symétrie continue d'un système et lois de conservation.

La notion d'impulsion ou moment linéaire généralise en mécanique analytique celle de quantité de mouvement, en tant que moment conjugué des coordonnées cartésiennes , soit . Quantité de mouvement et impulsion sont souvent confondues en raison de leur coïncidence dans la majorité des cas. Néanmoins ces deux grandeurs sont distinctes[2] - [3]. L'impulsion coïncide avec la quantité de mouvement lorsque les forces appliquées à la particule dérivent d'une énergie potentielle. L'analogue « angulaire » du moment linéaire est le moment angulaire généralement confondu avec le moment cinétique[4].

Il est aussi possible de définir la quantité de mouvement, plus souvent alors appelée impulsion, pour le champ électromagnétique. Le plus souvent, il est fait référence à la densité volumique d'impulsion du champ donnée par .

En mécanique relativiste, les notions de quantité de mouvement et d'énergie sont liées par l'introduction du quadrivecteur énergie-impulsion , où γ est le facteur de Lorentz.

En mécanique quantique, la quantité de mouvement est définie comme un « opérateur vectoriel », c'est-à-dire comme un ensemble de trois opérateurs (un par composante spatiale) qui respectent certaines relations de commutation (dites canoniques) avec les composantes de l'opérateur de position.

Histoire

Système aristotélicien

On trouve une première formulation de la quantité de mouvement chez Jean Buridan (1292 - 1363), dans ses Questiones sur la physique d'Aristote : L'impetus implanté augmente dans le même rapport que la vitesse. Quand un déménageur met un corps en mouvement, il y implante un certain impetus. C'est une certaine force qui permet au corps de se déplacer dans la direction dans laquelle le déménageur démarre ce mouvement, qu'il soit vers le haut, vers le bas, vers le côté ou en cercle. C'est à cause de cet impetus, dit-il, qu'une pierre se déplace après que le lanceur a cessé de la déplacer. Mais en raison de la résistance de l'air (et aussi de la gravité de la pierre) qui s'efforce de la déplacer dans le sens inverse du mouvement causé par l'impetus, celui-ci faiblira tout le temps. Par conséquent, le mouvement de la pierre sera progressivement plus lent et, finalement, l'impulsion est tellement diminuée ou détruite que la gravité de la pierre prévaut et déplace la pierre vers son lieu naturel. On peut, dit-il, accepter cette explication parce que les autres explications s'avèrent fausses alors que tous les phénomènes sont d'accord avec celle-ci. L'impulsion implantée, on notera, est causée par la vitesse et supposée proportionnelle à celle-ci. Ailleurs, Buridan l'a considérée comme proportionnelle au poids du corps. Dans les unités correctement choisies. L'expression poids × vitesse reproduite par l'historien des sciences Olaf Pedersen, donne un sens précis à l'impetus, un concept qui était auparavant assez vague. Du point de vue formel, ce nouveau concept en dynamique est égal à la quantité de mouvement de la physique classique, mais en réalité, les deux sont très différents parce qu'ils jouent différentes parties dans leurs théories dynamiques respectives. Le point important est que dans son sens médiéval, le mot impetus est une force avec le même statut physique que la gravité, la légèreté, le magnétisme, etc. Néanmoins, la théorie pourrait bien avoir préparé la voie à la notion d'inertie[5] qui le remplacera définitivement au XVIIe siècle av. J.-C..

Galilée et Descartes

Dans le [[:Two New Sciences|Discorsi e dimostrazioni matematiche intorno a due nuove scienze (it)]] (en) de Galilée, la conservation du mouvement, pourtant pleinement reconnue et utilisée, intervient seulement au cours de l’exposé. René Descartes, mesurant toute sa portée, l’introduit comme une « loi de la nature » au seuil de sa philosophie naturelle. Toutefois les domaines d’application du système de Descartes reste la cosmologie philosophique. Il n'a pas la qualité d’une proposition scientifique, intrinsèquement liée aux conditions qu’exige une théorie géométrisée du mouvement. Par son association avec le concept d’une matière en soi indifférente au repos et au mouvement, Galilée est le précurseur direct du principe classique d’inertie, ouvrant la voie à une première théorie mathématisée du mouvement dont les résultats passeront intégralement dans la synthèse newtonienne[6].

Unités

L'unité SI de quantité de mouvement est le kilogramme-mètre par seconde kg m s−1, équivalent au newton-seconde (N s).

L'unité dans le système d'unités anglo-saxonnes est la livre-force-seconde (lbf s) : lbf s = 4,448 221 N s. C'est la confusion entre ces deux unités, métrique et anglo-saxonne, qui a été la cause de la perte de la sonde martienne Mars Climate Orbiter le , la poussée des petites corrections de trajectoire pour satelliser la sonde ayant été sous-estimée d'un facteur ~4,5.

Mécanique classique

Définition en mécanique newtonienne

En mécanique classique, la quantité de mouvement d'un point matériel de masse m animé dans un référentiel donné d'une vitesse est définie comme produit de la masse et de la vitesse :

C'est donc, comme la vitesse, une grandeur vectorielle, dont l'unité SI est le kilogramme mètre par seconde (kg m s−1).

Cette grandeur est additive, ainsi pour un système matériel composé de N particules, la quantité de mouvement totale (ou résultante cinétique) du système est définie par :

.

En introduisant le centre d'inertie C du système dont le vecteur position est par définition il vient aussitôt par dérivation la relation[1] :

autrement dit la quantité de mouvement totale du système est égale à la quantité de mouvement de son centre d'inertie C affectée de la masse totale du système :

Cette relation est valable pour tout type de système matériel, déformable ou non.

En mécanique du solide, la quantité de mouvement est la résultante du torseur cinétique.

Relation fondamentale de la dynamique

La relation fondamentale de la dynamique exprime le fait que l'action d'une force fait varier la quantité de mouvement du point matériel dans un référentiel galiléen[7] :

Cette relation se généralise aisément à un système matériel en ce qui concerne la quantité de mouvement totale du système, c'est-à-dire celle de son centre d'inertie C affecté de la masse totale du système[8] - [9] :

Ce résultat est connu sous le nom de théorème de la résultante cinétique ou encore théorème du centre d'inertie: il montre que pour un système matériel l'action des forces extérieures conduit à une variation de la quantité de mouvement du centre d'inertie du système[10] - [1].

Conservation de la quantité de mouvement

Collision élastique de masses inégales.
Collision inélastique entre deux masses égales.
Collision élastique de masses égales.
L'effet du recul ramène le tube de ce canon de type Howitzer 105 mm M102 vers l'arrière.


En l'absence de forces extérieures, ou si leur résultante est nulle, la quantité de mouvement d'un système matériel est donc une constante du mouvement, puisque alors . En mécanique analytique cette loi de conservation peut être reliée à l'invariance par translation dans l'espace du Lagrangien, cf. ci-après.

Une illustration classique de la conservation de la quantité de mouvement est fournie par le pendule de Newton, qui est souvent utilisé comme objet décoratif (cf. illustration ci-contre). Une bille à une extrémité est lâchée sans vitesse et acquiert une certaine quantité de mouvement, puis entre en collision avec les autres billes accolées. La bille à l'autre extrémité repart dans le même sens que la bille incidente, ayant acquis sa quantité de mouvement, qui se « transmet » à travers les billes accolées.

De façon générale, la conservation de la quantité de mouvement est très importante dans l'étude des chocs de particules ou de la désintégration (séparation en plusieurs parties) d'un système. En effet dans le cas d'un choc de deux (ou plus) corps matériel, la durée de l'interaction entre les corps est très brève et il est possible de négliger l'effet des interactions extérieures au système constitué par les corps en collision, dont la quantité de mouvement totale peut donc être considérée comme conservée. Il est important de souligner que l'énergie cinétique n'est en général pas conservée dans une collision, car il y a souvent changement de l'état interne des corps durant la collision : par exemple deux particules qui restent accolées au cours d'une collision, ce n'est que si la collision est élastique que l'énergie cinétique est conservée, en plus de la quantité de mouvement (cf. illustrations ci-contre).

Deux exemples classiques permettent d'illustrer l'application de la conservation de la quantité de mouvement dans l'étude des chocs ou de la désintégration d'un système :

  • Exemple 1 : choc de plein fouet d'une boule de billard par une autre : une boule de billard de masse m heurte de plein fouet (centres alignés) à la vitesse une autre boule de billard de masse m' , initialement immobile. La conservation de la quantité de mouvement globale du système {boule 1 + boule 2} pendant la durée très brève du choc implique :
, soit ,

est la variation de la vitesse de la première boule pendant le choc. Si le choc est de plein fouet alors et sont colinéaires et alors la deuxième boule part à la vitesse de valeur . À la limite il peut y avoir transfert de la totalité de la quantité de mouvement de la première boule sur la deuxième et alors .

  • Exemple 2 : recul d'une arme à feu : lorsqu'une arme à feu est utilisée, le système {arme de masse M + balle de masse m} peut être considéré comme isolé, l'action du poids étant négligeable. Dans ce cas, et l'arme étant supposée immobile dans le référentiel d'étude, la conservation de la quantité de mouvement du système avant et après le tir implique que :
,
et désignant respectivement la vitesse de la balle et celle de l'arme juste après le tir. Voir l'article détaillé : recul d'une arme à feu.

Par suite, il y a un phénomène de recul de l'arme à la vitesse .

Le même phénomène intervient lorsqu'un objet lourd (une pierre) est projeté depuis une barque (image ci-contre). C'est la fameuse expérience de la barque de Tsiolkovski.

La propulsion d'une fusée utilise la conservation de la quantité de mouvement du système {fusée + gaz brûlés}. Ici, décollage de la fusée Saturn V de la mission Apollo 11.

De façon générale ce phénomène permet de comprendre le principe du moteur-fusée (cf. figure ci-contre) : l'expulsion d'une masse (dm étant la variation de masse du vaisseau qui est négative) de matière à la vitesse d'éjection pendant dt conduit — du fait de la conservation de la quantité de mouvement — (et en négligeant l'action des forces extérieures) à faire varier la vitesse de la fusée spatiale de . En intégrant sur une durée finie , la vitesse de la fusée (de masse initiale m0) varie donc de avec Δm < 0 puisque la fusée perd de la masse. Ainsi, la fusée se déplace dans le sens opposé aux gaz éjectés (voir Équation de Tsiolkovski).

  • Exemple 3 : Portance d'une aile : Il est possible de calculer la portance d'une aile en sommant les forces élémentaires de pression agissant en chaque point de cette aile. Cependant, la production de portance par une aile est intrinsèquement due à la projection vers le bas de l'air s'écoulant sur cette aile (on peut donc dire que l'aile fonctionne à réaction).
De même, la mesure en soufflerie de la variation de quantité de mouvement horizontale de l'air s'écoulant autour d'une aile permet de calculer la traînée aérodynamique de cette aile.

Notion de percussion mécanique

Une variation de quantité de mouvement consécutive à l'action d'une force est donc calculée comme étant l'intégrale de la force pendant la durée d'action de la force. Pour un objet de quantité de mouvement initiale à un instant t1, qui subit une force pendant une durée t2t1, l'intégrale de cette force par rapport au temps, pendant cette durée, est égale à :

.

En utilisant la relation fondamentale de la dynamique , on obtient :

.

L'usage, dérivé de l'appellation anglo-saxonne impulse, est d'appeler cette grandeur « impulsion ». Néanmoins, en toute rigueur, en français impulsion désigne le moment conjugué, grandeur de la mécanique lagrangienne. Lorsque la durée d'action de la force est très courte, la grandeur I précédente est appelée percussion mécanique, en raison de son importance dans la théorie des chocs.

Définition en mécanique analytique

En mécanique lagrangienne, l'état d'un système de N particules (3N degrés de liberté) est décrit par son Lagrangien noté , où et désigne les coordonnées et vitesses généralisées sous formes vectorielles de la i-ème particule (i = 1,...,N).

Notion de moment conjugué ou impulsion généralisée

Pour chaque particule il est possible de définir le moment conjugué (ou impulsion généralisée) de par la relation[11] - [12] :

Le symbole désignant l'opérateur gradient évalué par rapport aux composantes de la vitesse généralisée de la i-ème particule.

D'après les équations de Lagrange, qui s'écrivent avec les mêmes notations il vient aussitôt , et si la coordonnée est cyclique, c'est-à-dire que le lagrangien ne dépend pas de celle-ci, alors et donc le moment conjugué est conservé[13].

Distinction moment conjugué - quantité de mouvement

La notion de moment linéaire ne correspond pas en général à celle de la quantité de mouvement.

Par exemple, dans le cas du mouvement d'un seul point matériel dans un potentiel central V(r), ne dépendant que de la distance r à une origine O, le mouvement est plan (2 degrés de liberté) et le Lagrangien du système peut s'écrire aisément en coordonnées cylindro-polaires sous la forme :

,

et le moment conjugué de est donc qui est la valeur du moment cinétique de la particule (qui dans ce cas est conservée car L ne dépend pas de θ).

Ce n'est que si les coordonnées généralisées coïncident avec les coordonnées cartésiennes (i.e. qi = (xi, yi, zi)) et en l'absence de champ électromagnétique que et donc que le moment linéaire correspond à la quantité de mouvement de chaque particule. En effet dans ce cas les équations de Lagrange s'identifient avec celles données par la relation fondamentale de dynamique appliquée à chaque particule.

Si les coordonnées cartésiennes sont utilisées et que les particules, qui portent une charge Qi sont en présence d'un champ électromagnétique, défini par les potentiels scalaire et vecteur du champ notés , le Lagrangien du système fait intervenir le potentiel généralisé :[14], et dans ce cas le moment linéaire s'écrit du fait des équations de Lagrange

, en notant la quantité de mouvement de la particule.

Le moment conjugué est alors dans ce cas désigné sous le nom d'impulsion pour le distinguer de la quantité de mouvement .

Quantité de mouvement et invariance par translation dans l'espace

Une translation infinitésimale du système dans l'espace est définie par la transformation appliquée à chaque particule, étant le vecteur de translation élémentaire. Il est évident puisque que cette translation laisse inchangée les vecteurs vitesses des particules, qui coïncident avec les vitesses généralisées pour les coordonnées cartésiennes.

Si le Lagrangien du système est invariant par translation dans l'espace, alors nécessairement sa variation élémentaire correspondante est nulle au premier ordre en .

D'après les équations de Lagrange, et en opérant en coordonnées cartésiennes, cette condition s'écrit sous la forme :

,

or la translation élémentaire envisagée étant arbitraire, l'invariance par translation du Lagrangien implique que la quantité de mouvement totale du système est conservée[15].

Ainsi la quantité de mouvement apparaît naturellement en mécanique analytique comme la grandeur conservée associée à l'invariance par translation du Lagrangien (ou du Hamiltonien), c'est-à-dire à la propriété d'homogénéité de l'espace. Il s'agit d'un cas particulier du théorème de Noether.

Formalisme hamiltonien

Dans le formalisme hamiltonien la description de l'état du système à N degrés de liberté se fait en termes des N coordonnées et impulsions généralisées qi et pi, qui interviennent dans l'expression du Hamiltonien H(q, p, t) du système.

Il est possible d'introduire le crochet de Poisson de deux grandeurs arbitraires f(q, p) et g(q, p) fonction des coordonnées et impulsions généralisées, défini par :

.

Dans le cas particulier où f = qi et g = pi il vient {qi, pi} = 1 : ce résultat permet de généraliser la notion de position et de quantité de mouvement en mécanique quantique, en permettant de définir par le principe de correspondance une relation de commutation canonique entre les deux opérateurs.

Mécanique des fluides

Définition en mécanique des fluides

Dans le cadre de la description eulérienne des fluides, les équations sont généralement présentées sous forme locale (en un point). On s'affranchit alors de la notion de volume en définissant en tout point du fluide le vecteur quantité de mouvement par

avec ρ la masse volumique du fluide étudié au point M à l'instant t et la vitesse de la particule de fluide se trouvant au point M à l'instant t. Si le fluide est incompressible, ρ est constant dans le temps et dans l'espace.

Théorème de la quantité de mouvement pour un fluide

Le théorème de la quantité de mouvement pour un fluide s'écrit :

À noter que les forces exercées par l'extérieur sur le fluide sont de deux types : les forces à distance (volumiques) et les forces au contact (surfaciques) :

Un exemple de force volumique est le poids et un exemple de force surfacique sont les forces de friction (on parle plutôt de viscosité).

Mécanique relativiste

Lorsqu'Albert Einstein formula sa théorie de la relativité restreinte, il adapta la définition de la quantité de mouvement en un vecteur en quatre dimensions (quadrivecteur) appelé le quadri-moment, égal à la quadrivitesse multipliée par la masse du corps. Le quadri-moment reste lui aussi constant au cours du temps en l'absence de force extérieure.

De plus, la norme du quadri-moment est invariante par changement de référentiel inertiel. Plus précisément, la pseudo-norme est invariante par les transformations de Lorentz, ce qui traduit l'invariance de la masse m du corps (et de son énergie au repos : mc²). Par contre, il y a changement des coordonnées du quadri-moment d'un référentiel à l'autre, et cela traduit le fait que la vitesse du corps et son énergie cinétique sont différentes d'un référentiel à l'autre.

L'expression de la quadri-vitesse d'une particule de vitesse spatiale v inférieure à c est :

représente le vecteur vitesse classique de la particule, et est un facteur appelé gamma relativiste ou facteur de Lorentz, c étant la vitesse de la lumière. Le carré de la norme de ce quadrivecteur est donné par .

Le quadrivecteur impulsion-énergie qui généralise en mécanique relativiste la notion de quantité de mouvement s'obtient en considérant pα = μα par analogie avec la définition classique, ce qui donne , avec :

  • , énergie relativiste de la particule ;
  • et , quantité de mouvement relativiste de la particule et dont la norme classique est l'énergie cinétique.

Le carré de la norme de ce quadrivecteur est la grandeur qui reste invariante lors d'une transformation de Lorentz, et qui est nécessairement égale au carré de la norme de μα soit m2c2, par suite

L'invariant relativiste associé à ce quadrivecteur est donc l'énergie de masse de la particule (de même que la masse demeure inchangée en mécanique newtonienne par changement de référentiel).

Les objets de masse nulle, tels que les photons, possèdent aussi un 4-moment où la pseudo-norme du quadrivecteur p est nulle. On a dans ce cas :

d'où p = E/c pour la norme de la quantité de mouvement classique.

Impulsion du champ électromagnétique

La notion de quantité de mouvement n'est pas limitée à un corps matériel, mais peut être étendue à un champ comme le champ électromagnétique, pour lequel elle porte plutôt le nom d'impulsion, pour éviter toute confusion. L'impulsion du champ électromagnétique correspondant à un volume V est donnée par :

.

La quantité correspond à la densité d'impulsion électromagnétique, c'est-à-dire à l'impulsion du champ électromagnétique par unité de volume. Elle est directement liée au vecteur de Poynting puisque .

Il est possible de montrer que cette quantité correspond bien à la densité d'impulsion liée au champ électromagnétique en considérant son interaction avec les charges et les courants présents dans un volume V arbitraire, délimité par la surface fermée (S)[16] : de par la conservation de l'impulsion du système global {charges + courants + champ e.m}, la variation des densités d'impulsions des charges et courants et du champ doit être égale au flux de densité d'impulsion à travers la surface (S).

L'interaction entre le champ et les charges et les courants fait intervenir la densité de force de Lorentz , or d'après les équations de Maxwell, il vient :

  • pour la densité de charge : ;
  • pour la densité de courant : ,

ce qui donne par substitution :

,

or d'après l'identité , il vient :

,

le terme de droite pouvant être rendu plus symétrique en utilisant les deux équations de Maxwell donnant la structure du champ :

  • ;
  • ,

ce qui donne finalement :

,

le terme de droite peut alors se mettre sous la forme de la divergence du tenseur des contraintes de Maxwell :

,

soit finalement :

,

cette dernière équation apparaît bien sous la forme d'une équation locale de bilan, le terme de gauche donnant la variation temporelle de la densité locale d'impulsion du système des charges et courants () et du champ (terme en ), le terme de droite correspondant aux échanges avec le reste. Ainsi, peut être assimilée à la densité d'impulsion du champ électromagnétique.

Mécanique quantique

En mécanique quantique, l'état d'un système à un instant t est décrit par un vecteur d'état noté appartenant à l'espace des états du système (celui-ci possède une structure d'espace de Hilbert). Les différentes grandeurs physiques usuelles (position, énergie, etc.) sont alors des opérateurs hermitiens, donc à valeurs propres réelles, appelé observables.

La notion d'impulsion qui est souvent confondue avec la quantité de mouvement d'une particule, correspond à un opérateur, un ensemble de trois opérateurs correspondant chacun aux trois composantes d'espaces, dits opérateurs scalaires, qu'il est possible de regrouper, par analogie avec le cas classique en un opérateur dit vectoriel, dit opérateur impulsion, noté .

Opérateurs position et impulsion - relations de commutation canoniques

Par définition, l'opérateur de position et l'opérateur impulsion sont des opérateurs vectoriels, dont les trois opérateurs scalaires agissant sur les différentes composantes j=x,y,z correspondent aux diverses directions d'espace et obéissent aux relations de commutation canoniques suivantes :

La première relation de commutation se déduit formellement par analogie avec le crochet de Poisson {qj, pk} = δjk entre coordonnées et impulsions généralisées en mécanique hamiltonienne, en appliquant la prescription (principe de correspondance): .

La non-commutativité entre et (idem pour les autres composantes) implique qu'il n'est pas possible de mesurer simultanément la position et la quantité de mouvement (et donc la vitesse) d'une particule. Il existe donc des inégalités, dites de Heisenberg, sur les écart-types moyens notés Δx et Δ px de la mesure de chacune des deux grandeurs[alpha 1] : .

La conséquence de ces relations est que la notion de trajectoire n'existe pas pour une particule quantique.

De façon heuristique, cette situation peut aisément se comprendre. En effet si l'on cherche à localiser avec précision une particule, il faut utiliser une onde de courte longueur d'onde, donc de grande énergie. Or cette énergie va être nécessairement transmise, en tout ou en partie à la particule, modifiant de façon appréciable sa quantité de mouvement. Il sera possible d'utiliser une onde de plus grande longueur d'onde, mais alors l'incertitude sur la mesure de la position augmentera.

Expression en représentation position

En représentation position, où l'état du système peut être décrit par sa fonction d'onde , l'opérateur position pour une composante x donnée correspond simplement à la multiplication de la fonction d'onde par celle-ci :

,

il est alors facile de vérifier que du fait de la relation de commutation canonique entre et la quantité de mouvement dans la direction , pour une particule sans charge électrique et sans spin, est donné par l'opérateur :

,

l'opérateur vectoriel de quantité de mouvement s'écrit ainsi sous forme intrinsèque :

.

Expression en représentation impulsion

En représentation impulsion l'état du système est décrit par la fonction d'onde « en impulsion » , l'opérateur impulsion pour une composante x donnée correspond simplement à la multiplication de la fonction d'onde par celui-ci:

,

il est alors facile de vérifier que du fait de la relation de commutation canonique entre et l'expression de l'opérateur position , pour une particule sans charge électrique et sans spin, est donné par:

,

l'opérateur vectoriel de position s'écrit ainsi dans cette représentation sous forme intrinsèque :

.

États propres et conservation de l'impulsion

Les états propres de l'opérateur quantité de mouvement, c'est-à-dire les états pour lequel la quantité de mouvement de la particule a une valeur déterminée, sont donnés en représentation position à une dimension selon x par l'équation aux valeurs propres :

soit , il vient aussitôt .

La valeur de px n'est pas quantifiée a priori, sauf si des conditions particulières sont imposées à la particule, par exemple si elle confinée dans une boîte.

Ce résultat se généralise aussitôt à trois dimensions sous la forme , où est le vecteur d'onde de la particule. Ces états ne sont pas normalisables au sens usuel (ce ne sont pas des fonctions de carré sommable), mais il est possible de les normaliser « au sens des distributions » :

.

Avec cette condition de normalisation il est possible de montrer que , en prenant pour convention de phase C réel[17] et les états propres normalisés de l'opérateur impulsion s'écrivent ainsi en représentation position:

.

Pour un système stationnaire, l'opérateur hamiltonien du système s'exprime en fonction de l'opérateur quantité de mouvement : (particule sans spin en l'absence de champ magnétique). En général du fait de la non-commutation entre opérateur impulsion et position, les états propres de l'impulsion ne sont pas états propres du hamiltonien.

Quelques états d'une particule libre dans une « boîte » unidimensionnelle : (A) correspond au mouvement classique, (B,C,D) correspondent à des états propres d'énergie croissante, (en bleu, partie réelle de ψ, en rouge la partie imaginaire), (E,F) correspondent à des états quelconques, superposition d'états propres.

Toutefois, dans le cas d'une particule libre dans tout l'espace, et les états propres du hamiltonien sont ceux de l'impulsion, car alors et commutent entre eux. Les états propres d'énergie ne sont donc pas quantifiés, et sont qualifiés de continus. Ils correspondent chacun à une valeur donnée de l'impulsion[18]. Cette situation correspond en mécanique quantique à la conservation de la quantité de mouvement classique.

La fonction d'onde « complète » d'un tel système, c'est-à-dire la solution de l'équation de Schrödinger dépendant du temps, est alors donnée par [19], avec , fréquence associée à l'énergie E. Les états propres ont donc la forme d'ondes progressives, traduisant sur le plan quantique le déplacement classique de la particule selon la direction de l'impulsion.

Le caractère continu de ces états propres de l'impulsion disparaît si la particule n'est plus strictement libre, mais confinée dans une région donnée de l'espace (« barrière de potentiel infinie »). Du point de vue mathématique cela revient à imposer des conditions aux limites à la fonction d'onde, qui devra s'annuler sur la « frontière » de la « boîte » dans laquelle est confinée la particule, puisque celle-ci a une probabilité de présence nulle en dehors de cette région. Ces conditions aux limites se traduisent physiquement par une quantification de l'énergie et donc de l'impulsion (cf. pour plus de détails l'article Particule dans une boîte). Les états propres correspondants se mettront sous la forme d'une somme des états propres libres, et correspondront à des ondes stationnaires, traduisant sur le plan quantique le confinement de la particule, cf. figure ci-contre.

Notes et références

Notes

  1. Les relations d'incertitude d'Heisenberg sont la conséquence mathématique du fait que position et impulsion sont, à un facteur constant près, les transformées de Fourier l'une de l'autre : quelle que soit la fonction de transformée , on a .

Références

  1. Voir notamment Perez, Cours de physique : mécanique - 4e édition, Masson, Paris, 2001.
  2. C. Cohen-Tannoudji, B. Diu et F. Laloë, Mécanique quantique [détail de l’édition], tome I, 1977, chap. III, B, p. 225.
  3. Voir également en mécanique classique Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique [détail des éditions] et Herbert Goldstein, Charles P. Poole Jr. et John L. Safko, Classical Mechanics [détail des éditions].
  4. Ainsi pour une particule libre de masse m en coordonnées sphériques, le lagrangien L est donné par , et les moments conjugués sont donc , et . Seul pr, qui est le moment conjugué d'une variable linéaire, coïncide avec une quantité de mouvement (ici composante radiale), les deux autres moments conjugués de variables angulaires coïncident eux avec les deux composantes du moment cinétique de la particule, appelé parfois aussi pour cette raison moment angulaire.
  5. (en) Olaf Pedersen. Early Physics and Astronomy: A Historical Introduction. CUP Archive, 11 mars 1993. Page 210
  6. Clavelin Maurice, « Galilée et Descartes sur la conservation du mouvement acquis », Dix-septième siècle, 1/2009 (no 242), p. 31-43. (lire en ligne).
  7. Pour un référentiel non galiléen, il faut considérer en plus des forces « réelles » agissant sur le point matériel, c'est-à-dire des forces liées à l'action d'un autre corps matériel sur le système, des forces dite d'inertie ou de repère, liées uniquement à son caractère non-inertiel, cf. notamment Perez, op. cit..
  8. La démonstration de ce résultat fait intervenir la loi de l'action et de la réaction ou troisième loi de Newton, cf. Perez, op. cit.
  9. Là encore pour un référentiel non-galiléen, il faut tenir compte de l'action des forces d'inertie.
  10. Ce résultat est valable pour tous les systèmes matériels, et pas seulement pour les solides.
  11. Cette notion permet de passer au formalisme hamiltonien par transformation de Legendre sur .
  12. La grandeur définie par est appelée parfois force généralisée. Elle ne correspond pas en général à la notion de force en mécanique de Newton, sauf en coordonnées cartésiennes.
  13. Si seule la composante de cette coordonnée généralisée est cyclique, seule la composante correspondante du moment se conservera : cf. exemple ci-après.
  14. Voir notamment Herbert Goldstein, Charles P. Poole Jr. et John L. Safko, Classical Mechanics [détail des éditions] à ce sujet.
  15. Voir à ce sujet Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique, t. 1 : Mécanique [détail des éditions].
  16. Le volume (V) est considéré comme simplement connexe.
  17. Cf. Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique, t. 3 : Mécanique quantique [détail des éditions], §15.
  18. Il existe une description alternative, en écrivant l'équation de Schrödinger en coordonnées sphérique et en tenant compte de la séparation radiale-angulaire du fait du caractère « central » de l'absence de potentiel. Dans ce cas les différents états propres sont de la forme ψn, l, m(r, θ, ϕ) = Rn, l(r) Ylm(θ, ϕ)Ylm(θ, ϕ) sont les harmoniques sphériques et Rnl(r) est la fonction radiale dont l'expression fait intervenir les fonctions de Bessel sphériques. Ces états propres correspondent alors à des valeurs déterminées — et nécessairement quantifiées — du moment cinétique. Il est possible, dans la mesure où ces états à symétrie sphérique forment une base complète, de développer les états propres de l'impulsion sur cette base : ceci est utilisé notamment en théorie de la diffusion quantique. Cf. à ce sujet Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique, t. 3 : Mécanique quantique [détail des éditions].
  19. Il convient de rappeler que si le hamiltonien est stationnaire, la solution générale de l'équation de Schrödinger dépendante du temps est de la forme , avec solution de l'équation de Schrödinger stationnaire .

Voir aussi

Bibliographie

Quantité de mouvement en mécanique classique ou relativiste

  • Perez, Cours de physique : mécanique - 4e édition, Masson, Paris, 2001 (pour une introduction au niveau 1er cycle).
  • Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique, t. 1 : Mécanique [détail des éditions] (niveau avancé, dans le cadre du formalisme de la mécanique analytique, en mettant l'accent sur le lien symétrie / loi de conservation).
  • Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique, t. 2 : Théorie des champs [détail des éditions] (pour la mécanique relativiste).
  • Herbert Goldstein, Charles P. Poole Jr. et John L. Safko, Classical Mechanics [détail des éditions] (une référence classique, de niveau 2e à 3e cycle, qui aborde également la mécanique relativiste).

Quantité de mouvement en mécanique quantique

  • C. Cohen-Tannoudji, B. Diu et F. Laloë, Mécanique quantique [détail de l’édition] (une référence classique pour l'introduction à la mécanique quantique).
  • Albert Messiah, Mécanique quantique [détail des éditions] (autre référence classique plus ancienne).
  • Lev Landau et Evgueni Lifchits, Physique théorique, t. 3 : Mécanique quantique [détail des éditions] (un très bon ouvrage, à un niveau avancé).
  • R. Shankar, Principles of Quantum Mechanics, 2e édition, Plenum Press, New York, 1994.

Articles connexes

Liens externes

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