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Espace vectoriel

En mathématiques, plus précisément en algÚbre linéaire, un espace vectoriel est un ensemble d'objets, appelés vecteurs, que l'on peut additionner entre eux, et que l'on peut multiplier par un scalaire (pour les étirer ou les rétrécir, les tourner, etc.). En d'autres termes, c'est un ensemble muni d'une structure permettant d'effectuer des combinaisons linéaires. Les scalaires sont généralement des nombres réels ou des nombres complexes, ou alors pris dans n'importe quel corps.

Dans un espace vectoriel, on peut additionner deux vecteurs. Par exemple, la somme du vecteur v (en bleu) et w (en rouge) est v + w. On peut aussi multiplier un vecteur, comme le vecteur w que l'on peut multiplier par 2, on obtient alors 2w et la somme devient v + 2w.

Étant donnĂ© un corps K, un espace vectoriel E sur K est un groupe commutatif (dont la loi est notĂ©e +) muni d'une action « compatible » de K (au sens de la dĂ©finition ci-dessous).

Espace vectoriel

DĂ©finitions

Soit K un corps commutatif[1] - [2], comme le corps commutatif des rationnels, celui, , des réels[3] ou celui, , des complexes (on parlera dans ces cas d'espace vectoriel rationnel, réel ou complexe).

Un espace vectoriel sur K, ou K-espace vectoriel, est un ensemble E, dont les Ă©lĂ©ments sont appelĂ©s vecteurs (ou — plus rarement — points[4] - [5]), muni de deux lois :

tel que les propriétés suivantes soient vérifiées :

1. (E,+) est un groupe abélien, autrement dit :
C'est-Ă -dire que pour tous vecteurs u, v et w de E :
u + v = v + u u + (v + w) = (u + v) + w
0E + v =vu + (–u) =0E
2. La loi « ‱ » vĂ©rifie les propriĂ©tĂ©s suivantes :
  • elle est distributive Ă  gauche par rapport Ă  la loi « + » de E et Ă  droite par rapport Ă  l'addition du corps K,
  • elle vĂ©rifie une associativitĂ© mixte (par rapport Ă  la multiplication dans K),
  • l'Ă©lĂ©ment neutre multiplicatif du corps K, notĂ© 1K, est neutre Ă  gauche pour ‱[N 2].
C'est-Ă -dire que pour tous vecteurs u, v de E et tous scalaires λ, ÎŒ :
λ‹(u + v) = (λ‹u) + (λ‹v) (λ + ”)‱u = (λ‹ u) + (” ‱ u)
(λΌ)‱u=λ‹(”‹u) 1K ‱u=u

Ces axiomes impliquent que E est non vide et pour tout vecteur u de E et tout scalaire λ[6] :

λ‹u = 0E ⇔ (λ = 0K ou u = 0E) (–λ)‱u = –(λ‹u) = λ‹(–u)

Les vecteurs (éléments de E) ont été ici écrits avec des lettres latines italiques, mais certains auteurs les notent par des lettres en gras, ou les surmontent d'une flÚche.

Exemples

Les fonctions ℝ → ℝ continues forment un ℝ-espace vectoriel, notĂ© C0(ℝ, ℝ).

Voici quelques exemples d'espaces vectoriels qui servent entre autres en analyse ou en géométrie :

  • L'espace nul est l'espace vectoriel sur un corps K comportant un unique Ă©lĂ©ment, qui est nĂ©cessairement le vecteur nul. L'espace nul est l'objet initial et l'objet final de la catĂ©gorie des espaces vectoriels (en) sur K.
  • Tout corps K se prĂ©sente comme un K-espace vectoriel. L'addition et la multiplication de K fournissent respectivement l'addition vectorielle et la multiplication par un scalaire.
  • Plus gĂ©nĂ©ralement, l'ensemble des n-uplets d'Ă©lĂ©ments de K, muni des lois usuelles, forme l'espace vectoriel Kn.
  • Les matrices Ă  n lignes et p colonnes Ă  coefficients dans K forment l'espace Mn,p(K).
  • Si K est commutatif, toute extension de corps de K, c'est-Ă -dire tout plongement de K dans un corps L, munit L d'une structure d'espace vectoriel sur K.
  • L'ensemble C0(X) des fonctions continues rĂ©elles ou complexes dĂ©finies sur espace topologique X est un espace vectoriel (rĂ©el ou complexe).
  • L'ensemble des (germes de) solutions d'une Ă©quation diffĂ©rentielle linĂ©aire homogĂšne est un espace vectoriel (rĂ©el ou complexe).
  • L'ensemble des suites numĂ©riques satisfaisant une relation de rĂ©currence linĂ©aire est un espace vectoriel rĂ©el.

Espaces vectoriels sur un corps non commutatif

La définition ci-dessus est celle des espaces vectoriels à gauche sur K. Les espaces vectoriels à droite sur K sont les espaces vectoriels à gauche sur le corps opposé à K. Si le corps K est commutatif, les notions d'espaces vectoriels à gauche et à droite coïncident, et l'on peut alors noter à gauche ou à droite (au choix) la multiplication par un scalaire.

Les notions de la thĂ©orie des espaces vectoriels qui ne sont valables, avec les dĂ©finitions usuelles, que lorsque le corps est commutatif sont notamment celles liĂ©es Ă  la multilinĂ©aritĂ© (dĂ©terminant, trace, produits tensoriels, algĂšbre extĂ©rieure, algĂšbre sur un corps commutatif) ou aux fonctions polynomiales. MĂȘme si l'on ne se sert pas de ces notions, il faut faire attention Ă  divers dĂ©tails lorsque le corps de base n'est pas supposĂ© commutatif. Par exemple, les homothĂ©ties n'existent (en tant qu'applications linĂ©aires) que si le facteur scalaire est central dans le corps, et la multiplication scalaire doit ĂȘtre Ă©crite du cĂŽtĂ© opposĂ© des applications linĂ©aires (donc avec le scalaire Ă  droite si les applications linĂ©aires sont notĂ©es Ă  gauche de leurs arguments).

Combinaison linéaire

Les deux opĂ©rations sur un espace vectoriel permettent de dĂ©finir les combinaisons linĂ©aires, c'est-Ă -dire les sommes finies de vecteurs affectĂ©s de coefficients (scalaires). La combinaison linĂ©aire d'une famille (vi)i∈I de vecteurs ayant pour coefficients (λi)i∈I est le vecteur ∑i∈I λivi. Lorsque l'ensemble d'indexation I est infini, il est nĂ©cessaire de supposer que la famille (λi)i∈I est Ă  support fini, c'est-Ă -dire qu'il n'y a qu'un ensemble fini d'indices i pour lesquels λi est non nul.

Sous-espace vectoriel

Deux plans vectoriels de l'espace ℝ3 en jaune et en vert, qui se coupent selon une droite vectorielle en bleu.

Un sous-espace vectoriel de E est une partie non vide F de E stable par combinaisons linĂ©aires. Muni des lois induites, F est alors un espace vectoriel. L'intersection d'une famille non vide (finie ou infinie) de sous-espaces vectoriels est un sous-espace vectoriel mais l'union, mĂȘme finie, n'en est pas un en gĂ©nĂ©ral.

Famille de vecteurs et dimension

Indépendance linéaire

Une famille (vi)i∈I de vecteurs de E est dite libre (sur K) ou encore les vecteurs de cette famille sont dits linéairement indépendants, si la seule combinaison linéaire des vi égale au vecteur nul est celle dont tous les coefficients sont nuls. Dans le cas contraire, la famille est dite liée et les vi sont dits linéairement dépendants.

Une famille constituée d'un seul vecteur est libre si et seulement si ce vecteur est non nul. Un couple de vecteurs est lié si et seulement si les deux vecteurs sont colinéaires. Si (u, v) est un couple de vecteurs linéairement indépendants, alors (u, v), (u + v, v) et (u, u + v) sont eux aussi des couples de vecteurs non colinéaires, mais la famille (u, v, u + v) est toujours liée.

Sous-espace vectoriel engendré

Le sous-espace vectoriel engendré par une famille (vi)i∈I de vecteurs, noté Vect((vi)i∈I), est le plus petit sous-espace (au sens de l'inclusion) contenant tous les vecteurs de cette famille. De maniÚre équivalente, c'est l'ensemble des combinaisons linéaires des vecteurs vi. La famille engendre E, ou encore est génératrice, si le sous-espace qu'elle engendre est E tout entier.

Une famille B de vecteurs de E est une base de E si elle est libre et génératrice ou, ce qui est équivalent, si tout vecteur de E s'exprime de maniÚre unique comme combinaison linéaire des éléments de B. L'existence d'une base pour tout K-espace vectoriel E se déduit du théorÚme de la base incomplÚte.

DĂ©finition de la dimension

Étant donnĂ© un espace vectoriel E sur un corps K, toutes les bases de E ont le mĂȘme cardinal, appelĂ© dimension de E.

Deux espaces vectoriels sur K sont isomorphes (c'est-Ă -dire reliĂ©s par un isomorphisme) si et seulement s'ils sont de mĂȘme dimension.

Application linéaire

Conservation de la somme dans une application linĂ©aire : ici oĂč (resp. ) est la projection sur y de direction x (resp. sur x de direction y).

Soient E et F deux espaces vectoriels sur un mĂȘme corps K. Une application f de E vers F est dite linĂ©aire si elle est additive et commute Ă  la multiplication par les scalaires : Autrement dit, f prĂ©serve les combinaisons linĂ©aires.

L'ensemble des applications linéaires de E dans F est souvent noté L(E, F). Si K est commutatif, L(E, F) est un sous-espace vectoriel de l'espace des fonctions de E dans F. Toute composée d'applications linéaires est linéaire. L'ensemble L(E, E) des endomorphismes de E se note L(E). Un isomorphisme d'espaces vectoriels est une application linéaire bijective. Un automorphisme est un endomorphisme bijectif. L'ensemble des automorphismes de E est le groupe linéaire GL(E).

Noyau et image

Application linĂ©aire ayant pour image (d1) et pour noyau (d2). Ici, f = 1,5p oĂč p est la projection sur (d1) de direction (d2)

Pour toute application linéaire f de E dans F,

  • les vecteurs x de E tels que f(x) = 0 forment un sous-espace vectoriel de E, appelĂ© le noyau de f et notĂ© Ker(f) ;
  • les vecteurs f(x) pour x dans E forment un sous-espace vectoriel de F, appelĂ© l'image de f et notĂ© Im(f) ;
  • f est
  • la dimension de Im(f), appelĂ©e le rang de f, est infĂ©rieure ou Ă©gale Ă  celles de E et F. Elle est reliĂ©e Ă  celles de E et Ker(f) par le thĂ©orĂšme du rang :
    +

Le graphe de f est un sous-espace vectoriel de E × F, dont l'intersection avec E × {0} est Ker(f) × {0}.

Forme linéaire

Une forme linéaire sur un K-espace vectoriel E est une application linéaire de E dans K. Si K est commutatif, les formes linéaires sur E forment un K-espace vectoriel appelé l'espace dual de E et noté E*. Les noyaux des formes linéaires non nulles sur E sont les hyperplans de E.

Produits et sommes directes

La somme F + G de deux sous-espaces vectoriels F et G, dĂ©finie par coĂŻncide avec le sous-espace vectoriel engendrĂ© par F⋃G. Cette construction se gĂ©nĂ©ralise Ă  une famille quelconque (non vide) de sous-espaces vectoriels.

La formule de Grassmann relie les dimensions de F et G Ă  celles de leur somme et de leur intersection :

Les deux sous-espaces F et G de E sont dits « en somme directe » lorsque la décomposition de tout vecteur de leur somme F + G en une somme de deux vecteurs, l'un appartenant à F et l'autre à G, est unique (il suffit pour cela que la décomposition de 0E soit unique, c'est-à-dire que F∩G = {0E}). Cette définition se généralise à la somme d'une famille quelconque (non vide) (Fi)i∈I de sous-espaces. Si cette somme est directe alors les Fi sont d'intersection nulle deux à deux mais la réciproque est fausse.

Une somme F + G, lorsqu'elle est directe, est notĂ©e F⊕G. Les sous-espaces F et G sont dits supplĂ©mentaires (l'un de l'autre) dans E s'ils sont en somme directe et si de plus, cette somme est Ă©gale Ă  E. Le thĂ©orĂšme de la base incomplĂšte garantit que tout sous-espace vectoriel possĂšde au moins un supplĂ©mentaire.

Soit une famille (Ei)i∈I de K-espaces vectoriels. Le produit cartĂ©sien ∏i∈I Ei hĂ©rite naturellement d'une structure de K-espace vectoriel, appelĂ© espace vectoriel produit.

Les familles Ă  support fini forment un sous-espace vectoriel de ∏i∈I Ei, appelĂ© la somme directe des espaces Ei et notĂ© ⊕i∈I Ei.

Lorsque tous les Ei sont égaux à K, ce produit et cette somme sont respectivement notés KI (l'espace des fonctions de I dans K) et K(I) (le sous-espace des fonctions à support fini, dont la dimension est égale au cardinal de I). Pour I = N, on construit ainsi l'espace KN des suites dans K et le sous-espace K(N) des suites à support fini.

Espace vectoriel quotient

Soit F un sous-espace vectoriel de E. L'espace quotient E/F (c'est-Ă -dire l'ensemble des classes d'Ă©quivalence de E pour la relation « u ~ v si et seulement si u – v appartient Ă  F », muni des opĂ©rations dĂ©finies naturellement sur les classes) est un espace vectoriel tel que la projection E → E/F (qui associe Ă  u sa classe d'Ă©quivalence) soit linĂ©aire de noyau F.

Tous les sous-espaces supplémentaires de F dans E sont isomorphes à E/F. Leur dimension commune, lorsqu'elle est finie, s'appelle la codimension de F dans E.

Propriétés des espaces vectoriels de dimension finie

Soit E un espace vectoriel engendré par un nombre fini m d'éléments.

  • La dimension n de E est finie, infĂ©rieure ou Ă©gale Ă  m.
  • Toute famille libre de E a au plus n vecteurs et toute famille gĂ©nĂ©ratrice en a au moins n. Pour qu'une famille d'exactement n vecteurs soit une base, il suffit qu'elle soit libre ou gĂ©nĂ©ratrice : elle est alors les deux.
  • Le seul sous-espace de E de dimension n est E.
  • Si K est commutatif, l'espace dual E* de E est Ă©galement de dimension n, d'aprĂšs le thĂ©orĂšme de la base duale.
  • Si K est commutatif et si n ≠ 0, l'ensemble des formes n-linĂ©aires alternĂ©es sur E est un espace vectoriel de dimension 1. Ce rĂ©sultat est Ă  la base de la thĂ©orie du dĂ©terminant.
  • On dĂ©duit du thĂ©orĂšme du rang que pour toute application linĂ©aire f de E dans un espace de mĂȘme dimension n,f est surjective ⇔ f est injective ⇔ f est bijective.
  • Si K est commutatif, alors l'application de Mm,n(K) dans L(Kn, Km) qui, Ă  toute matrice A, associe l'application linĂ©aire X ↩ AX, est un isomorphisme d'espaces vectoriels. Plus gĂ©nĂ©ralement, toute application linĂ©aire entre deux espaces munis chacun d'une base finie est reprĂ©sentable par une matrice.

Structures connexes

Structures relatives

  • Une paire d'espaces vectoriels est la donnĂ©e d'un espace vectoriel et d'un sous-espace de celui-ci.
  • Plus gĂ©nĂ©ralement, un espace vectoriel peut ĂȘtre filtrĂ© par la donnĂ©e d'une suite croissante ou dĂ©croissante de sous-espaces.
  • Un drapeau sur un espace vectoriel E de dimension finie est une suite strictement croissante de sous-espaces, de l'espace nul Ă  E.
  • Un espace vectoriel rĂ©el de dimension finie peut ĂȘtre orientĂ© par le choix d'une orientation sur ses bases.
  • Un espace vectoriel graduĂ© est une famille d'espaces vectoriels, gĂ©nĂ©ralement indexĂ©e par ℕ, â„€ ou â„€/2â„€. Un morphisme entre deux tels espaces vectoriels graduĂ©s est alors une famille d'applications linĂ©aires qui respecte la graduation.

Structures algébriques

  • Un module M sur un anneau A est un groupe additif muni d'une loi externe sur M Ă  coefficients dans A, compatible avec l'addition sur M et avec les opĂ©rations sur A. Il ne dispose en gĂ©nĂ©ral ni de base ni de supplĂ©mentaires. Un espace vectoriel s'avĂšre ĂȘtre simplement un module sur un corps[7].
  • Une algĂšbre est un espace vectoriel muni d'une multiplication distributive par rapport Ă  l'addition et compatible avec la loi de composition externe.
  • Une algĂšbre de Lie est un espace vectoriel muni d'un crochet de Lie compatible avec la loi de composition externe.

Structures topologiques et géométriques

  • Un espace affine est un ensemble muni d'une action libre et transitive d'un espace vectoriel.
  • Un espace prĂ©hilbertien est un espace vectoriel muni d'un produit scalaire.
  • Un espace vectoriel euclidien est un espace prĂ©hilbertien rĂ©el de dimension finie.
  • Un espace euclidien est un espace affine dont la direction est un espace vectoriel euclidien.
  • Un espace hermitien est un espace prĂ©hilbertien complexe de dimension finie. C'est l'analogue complexe de l'espace vectoriel euclidien.
  • Un espace vectoriel est dit normĂ© lorsqu'il est muni d'une norme.
  • Un espace de Banach est un espace vectoriel normĂ© et complet pour la distance issue de sa norme. Tous les espaces vectoriels prĂ©hilbertiens de dimension finie (essentiellement les espaces euclidiens et hermitiens) sont des espaces de Banach.
  • Un espace de Hilbert est un espace prĂ©hilbertien complet pour la norme issue de son produit scalaire. C'est donc un cas particulier d'espace de Banach.
  • La colinĂ©aritĂ© de deux vecteurs permet de dĂ©finir une classe d'Ă©quivalence sur les vecteurs non-nuls. Ce classement par colinĂ©aritĂ© dĂ©finit l'espace projectif dit associĂ© Ă  l'espace vectoriel.
  • Si K est un corps muni d'une topologie, un espace vectoriel topologique sur K est un K-espace vectoriel muni d'une topologie compatible, c'est-Ă -dire que l'addition et la multiplication par un scalaire doivent ĂȘtre continues. C'est le cas entre autres des espaces vectoriels normĂ©s et des espaces de FrĂ©chet.
  • Un fibrĂ© vectoriel est une surjection d'un espace topologique sur un autre, telle que la prĂ©image de chaque point soit munie d'une structure d'espace vectoriel compatible continĂ»ment avec les structures des prĂ©images des points voisins.

Historique

Giuseppe Peano, qui exposa la premiÚre définition axiomatique d'un espace vectoriel en 1888.

La notion d'espace vectoriel naßt conceptuellement de la géométrie affine avec l'introduction des coordonnées dans un repÚre du plan ou de l'espace usuel. Vers 1636, Descartes et Fermat donnÚrent les bases de la géométrie analytique en associant la résolution d'une équation à deux inconnues à la détermination graphique d'une courbe du plan.

Afin de parvenir à une résolution géométrique sans utiliser la notion de coordonnées, Bolzano introduisit en 1804 des opérations sur les points, droites et plans, lesquelles sont les précurseurs des vecteurs[8]. Ce travail trouve un écho dans la conception des coordonnées barycentriques[9] par Möbius en 1827. L'étape fondatrice de la définition des vecteurs fut la définition par Bellavitis du bipoint, qui est un segment orienté (une extrémité est une origine et l'autre un but). La relation d'équipollence, qui rend équivalents deux bipoints lorsqu'ils déterminent un parallélogramme, achÚve ainsi de définir les vecteurs.

La notion de vecteur est reprise avec la prĂ©sentation des nombres complexes par Argand et Hamilton, puis celle des quaternions par ce dernier, comme des Ă©lĂ©ments des espaces respectifs ℝ2 et ℝ4. Le traitement par combinaison linĂ©aire se retrouve dans les systĂšmes d'Ă©quations linĂ©aires, dĂ©finis par Laguerre dĂšs 1867.

En 1857, Cayley introduisit la notation matricielle, qui permit d'harmoniser les notations et de simplifier l'écriture des applications linéaires entre espaces vectoriels. Il ébaucha également les opérations sur ces objets.

Vers la mĂȘme Ă©poque, Grassmann reprit le calcul barycentrique initiĂ© par Möbius en envisageant des ensembles d'objets abstraits munis d'opĂ©rations[10]. Son travail dĂ©passait le cadre des espaces vectoriels car, en dĂ©finissant aussi la multiplication, il aboutissait Ă  la notion d'algĂšbre. On y retrouve nĂ©anmoins les concepts de dimension et d'indĂ©pendance linĂ©aire, ainsi que le produit scalaire apparu en 1844. La primautĂ© de ces dĂ©couvertes est disputĂ©e Ă  Cauchy avec la publication de Sur les clefs algĂ©briques dans les Comptes Rendus.

Peano, dont une contribution importante a Ă©tĂ© l'axiomatisation rigoureuse des concepts existants — notamment la construction des ensembles usuels — a Ă©tĂ© un des premiers Ă  donner une dĂ©finition contemporaine du concept d'espace vectoriel[11] vers la fin du XIXe siĂšcle.

Un développement important de ce concept est dû à la construction des espaces de fonctions par Lebesgue, construction qui a été formalisée au cours du XXe siÚcle par Hilbert et Banach, lors de sa thÚse de doctorat en 1920.

C'est à cette époque que l'interaction entre l'analyse fonctionnelle naissante et l'algÚbre se fait sentir, notamment avec l'introduction de concepts clés tels que les espaces de fonctions p-intégrables ou encore les espaces de Hilbert. C'est à cette époque qu'apparaissent les premiÚres études sur les espaces vectoriels de dimension infinie.

Translations

Les translations forment un espace vectoriel sur un corps approprié.

Sans disposer d'une définition des espaces vectoriels, une approche possible de la géométrie plane se fonde sur l'étude d'un plan affine de Desargues P. Il comporte des points et des droites, avec une relation d'appartenance appelée incidence, dont les propriétés donnent un sens à l'alignement des points et au parallélisme des droites. On appelle homothétie-translation toute transformation de P préservant l'alignement et envoyant toute droite sur une droite parallÚle. Hormis l'identité (considérée à la fois comme une homothétie et une translation), une telle transformation fixe au plus un point ; elle est appelée homothétie si elle fixe un point O, qui est alors son centre ; elle est appelée une translation sinon. L'ensemble des homothéties de centre fixé O forment un groupe commutatif pour la loi de composition, indépendant de O à isomorphisme prÚs, noté K*. Il est possible d'adjoindre un élément 0 pour former un corps K, dont la loi d'addition est encore définie à partir de P. Tout scalaire non nul correspond à une unique homothétie de centre O, et on dit que est son rapport. L'ensemble des translations de P forme un K-espace vectoriel, ses lois étant les suivantes :

  • La somme vectorielle de deux translations t et t' est leur composĂ©e qui est une translation ;
  • La multiplication d'une translation t par un scalaire non nul λ de K est la conjugaison de t par une homothĂ©tie h de centre quelconque et de rapport λ, autrement dit la transformation , qui est une translation.

Le vecteur nul est l'identitĂ©. L'opposĂ© d'un vecteur reprĂ©sentĂ© par une translation t est le vecteur dĂ©fini par t−1.

Tout ceci se gĂ©nĂ©ralise aux espaces affines d'incidence (ou synthĂ©tiques) de dimensions (finies ou infinies) supĂ©rieures ou Ă©gales Ă  3 (ils sont alors de Desargues). Mais dans ce cas, si le nombre d'Ă©lĂ©ments des droite est Ă©gal Ă  2, la relation de parallĂ©lisme entre droites doit ĂȘtre incluse dans la dĂ©finition des espaces affines. Donc, il y a intrinsĂšquement un espace vectoriel « sous-jacent » Ă  tout plan affine de Desargues et Ă  tout espace affine d'incidence.

Ces considérations permettent de faire le lien entre une approche moderne de la géométrie fondée sur l'algÚbre linéaire, et une approche axiomatique.

Notes et références

Notes

  1. L'hypothĂšse de commutativitĂ© de « + » est en fait redondante : elle se dĂ©duit des autres propriĂ©tĂ©s, en dĂ©veloppant de deux façons diffĂ©rentes (1 + 1)‱(u + v) : cf. notes analogues dans les articles « Anneau unitaire » et « Module sur un anneau ».
  2. Cette condition est nĂ©cessaire, comme le montre le contre-exemple suivant. Si on prend par exemple E = K, et que la loi externe est dĂ©finie comme l'opĂ©ration toujours nulle (λ‹u = 0 pour tout λ de K et tout u de E), alors tous les autres axiomes sont satisfaits sauf celui-ci.

Références

  1. (en) Serge Lang, Algebra, [détail des éditions] : corps défini au chapitre II, espace vectoriel au chapitre III. La théorie des corps fait l'objet des chapitres VII à XII, d'autres notions d'algÚbre étant présentées aux chapitres XIII à XVIII.
  2. Roger Godement, Cours d'algĂšbre, 1966 : le chapitre 8 porte sur les anneaux et corps, et le chapitre 10 sur les modules et espaces vectoriels.
  3. (en) Michael Artin, Algebra [dĂ©tail de l’édition] : le chapitre 3, consacrĂ© aux espaces vectoriels, prĂ©sente d'abord les espaces vectoriels n avant de donner une dĂ©finition de la structure de corps.
  4. Dieudonné 1964, p. 31.
  5. Serge Lang, AlgÚbre linéaire, vol. 1, Interéditions, chap. 1 et 2.
  6. Stéphane Balac et Frédéric Sturm, AlgÚbre et analyse : cours de mathématiques de premiÚre année avec exercices corrigés, PPUR, (lire en ligne), p. 302, prop. 8.1.3.
  7. Lang 1965, p. 85
  8. (de) B. Bolzano, Betrachtungen ĂŒber einige GegenstĂ€nde der Elementargeometrie, 1804.
  9. (de) A. Möbius, Der barycentrische CalcĂŒl, 1827.
  10. (de) H. Grassmann, Die Ausdehnungslehre.
  11. (it) G. Peano, Calcolo geometrico secondo l'Ausdehnungslehre di H. Grassmann preceduto dalle operazioni della logica deduttiva, 1888.

Voir aussi

Bibliographie

  • (de) Helmut Boseck, EinfĂŒhrung in die Theorie der linearen VektorrĂ€ume, 1967
  • Jean DieudonnĂ©, AlgĂšbre linĂ©aire et gĂ©omĂ©trie Ă©lĂ©mentaire, Hermann,
  • (en) Leon Mirsky (en), An Introduction to Linear Algebra, 1955, rĂ©Ă©d. 1990 [lire en ligne]

Lien externe

(en) John J. O'Connor et Edmund F. Robertson, « Abstract linear spaces », sur MacTutor, université de St Andrews.

Articles connexes

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