Fonction (mathématiques)
En mathĂ©matiques, une fonction permet de dĂ©finir un rĂ©sultat (le plus souvent numĂ©rique) pour chaque valeur dâun ensemble appelĂ© domaine. Ce rĂ©sultat peut ĂȘtre obtenu par une suite de calculs arithmĂ©tiques ou par une liste de valeurs, notamment dans le cas de relevĂ© de mesures physiques, ou encore par dâautres procĂ©dĂ©s comme les rĂ©solutions dâĂ©quations ou les passages Ă la limite. Le calcul effectif du rĂ©sultat ou son approximation repose Ă©ventuellement sur lâĂ©laboration de fonction informatique.
Dans lâenseignement scolaire, le terme «âŻfonction » concerne spĂ©cifiquement les fonctions rĂ©elles dâune variable rĂ©elle. De nombreuses fonctions dites usuelles sont ainsi dĂ©finies comme les fonctions affines, la racine carrĂ©e ou lâexponentielle, et peuvent ĂȘtre combinĂ©es Ă lâaide des opĂ©rations arithmĂ©tiques, de la composition ou de la dĂ©finition par morceaux.
Ces fonctions satisfont diverses propriĂ©tĂ©s portant sur la rĂ©gularitĂ©, les variations, lâintĂ©grabilitĂ©...
En théorie des ensembles, une fonction ou application est une relation entre deux ensembles pour laquelle chaque élément du premier est en relation avec un unique élément du second[1]. Parfois, on distingue la notion de fonction en affaiblissant la condition comme suit : chaque élément du premier ensemble est en relation avec au plus un élément du second.
En théorie des types, une fonction est la description de la méthode pour obtenir le résultat à partir de ses paramÚtres. Autrement dit une fonction est l'algorithme qui permet de la calculer.
Le terme de fonction s'utilise parfois pour des extensions de la notion comme les classes de fonctions p-intégrables ou les distributions telle la fonction de Dirac.
Vocabulaire et notations
Par dĂ©faut, une fonction est souvent notĂ©e ou , et si d'autres notations de fonctions sont nĂ©cessaires au sein d'un mĂȘme raisonnement, on utilise en gĂ©nĂ©ral les lettres suivantes dans l'alphabet latin, voire dans l'alphabet grec en commençant par Ï ou Ï.
dĂ©finie par lâexpression
Une fonction est souvent dĂ©finie par son expression, dĂ©pendant en gĂ©nĂ©ral dâune ou plusieurs variables, le plus souvent ou . En remplaçant les variables par des valeurs explicites dans lâexpression, on obtient une valeur de la fonction.
Dans le cadre de lâanalyse rĂ©elle, les fonctions ont des variables rĂ©elles, mais certaines valeurs rĂ©elles ne peuvent ĂȘtre employĂ©es dans lâexpression et sont appelĂ©es valeurs interdites. Câest le cas par exemple de zĂ©ro pour la fonction inverse, car on ne peut pas diviser par zĂ©ro. Par dĂ©faut, on considĂšre souvent que la fonction est dĂ©finie partout en dehors des valeurs interdites. Cependant, on peut aussi spĂ©cifier un domaine de dĂ©finition qui rassemble toutes les valeurs possibles pour les variables (assimilĂ© Ă lâensemble de dĂ©part ou source pour une application) et un ensemble d'arrivĂ©e (but) qui contient toutes les valeurs possibles de la fonction.
Ces informations peuvent ĂȘtre rĂ©sumĂ©es par un diagramme comme suit, oĂč la flĂšche entre les ensembles source et but est une simple flĂšche vers la droite (â), tandis que celle entre la variable et lâexpression est munie dâun taquet (âŠ) :
ou, pour une fonction définie sur un ensemble à valeurs dans un ensemble :
Une fonction peut ĂȘtre dĂ©finie par plusieurs expressions valables sur des domaines disjoints, comme la fonction valeur absolue :
Le domaine de dĂ©finition dâune fonction est classiquement notĂ© . L'ensemble image, c'est-Ă -dire l'ensemble des valeurs possibles pour le rĂ©sultat, est alors notĂ© ou , et par dĂ©finition inclus dans lâensemble but. Ătant donnĂ© une valeur dans le domaine de dĂ©finition, et un Ă©lĂ©ment de lâensemble but tel que , on dit que est lâ(unique) image de et que est un antĂ©cĂ©dent de . Par exemple, 9 est l'image de 3 par la fonction carrĂ©, et 3 est donc un antĂ©cĂ©dent de 9 (mais ce n'est pas le seul, puisque â3 est aussi un antĂ©cĂ©dent de 9).
Ătude
Typologie
Les méthodes d'analyse des fonctions diffÚrent selon la nature de la variable et du résultat. On distingue notamment :
- les fonctions rĂ©elles dâune variable rĂ©elle
- les fonctions réelles de plusieurs variables réelles
- les fonctions holomorphes et méromorphes à variables et valeurs complexes
- les fonctions à variables et valeurs vectorielles, étudiées le plus souvent comme arcs et surfaces paramétrées ou comme champ vectoriels
- les fonctions diffĂ©rentiables dĂ©finies sur des variĂ©tĂ©s diffĂ©rentielles Ă valeurs numĂ©riques ou dans dâautres variĂ©tĂ©s
- les fonctions arithmétiques à variable entiÚre et à valeurs complexes
- les fonctions boolĂ©ennes Ă variables et valeurs dans lâalgĂšbre de Boole
- les fonctions aléatoires (ou processus stochastiques) dont les valeurs sont des variables aléatoires
- les fonctions cardinales dont les valeurs sont des nombres cardinaux
Représentation graphique
Lâensemble des couples dĂ©finit le graphe de la fonction. Dans le cas dâune fonction rĂ©elle d'une variable rĂ©elle, ce graphe est inclus dans le plan et se prĂ©sente comme une courbe appelĂ©e courbe reprĂ©sentative, sur laquelle on peut faire figurer les extrema locaux, certaines tangentes ou demi-tangentes, les asymptotes et mettre en Ă©vidence les variations et les zones de convexitĂ© ou concavitĂ©. Cette reprĂ©sentation permet aussi de visualiser les points dâannulation ou zĂ©ros de la fonction, son signe, et Ă©ventuellement une majoration ou minoration, sa paritĂ© et sa pĂ©riodicitĂ©.
Une fonction dĂ©finie par une liste de valeurs numĂ©riques peut ĂȘtre reprĂ©sentĂ©e par un nuage de points, une courbe polygonale ou un diagramme en barres.
Pour une fonction rĂ©elle de deux variables, le graphe correspond en gĂ©nĂ©ral Ă une surface dans lâespace , sur laquelle on peut faire apparaitre des lignes de niveau, en utilisant Ă©ventuellement un code couleur pour mettre en Ă©vidence le relief.
Pour une fonction vectorielle ou holomorphe, on peut représenter un champ de vecteur ou utiliser la coloration de régions.
- Diagramme sagittal dâune fonction partielle
- Courbe polygonale représentant une fonction définie par une série chronologique
- Surface reprĂ©sentative dâune fonction de 2 variables
- Champ de vecteurs dans le plan
- Coloration de rĂ©gions pour la fonction complexe zĂȘta de Riemann
Modes de définition
Une fonction peut ĂȘtre dĂ©finie point par point par une expression explicite faisant intervenir dâautres fonctions de rĂ©fĂ©rence, des limites ou dâautres procĂ©dĂ©s algorithmiques. Il peut sâagir par exemple de la rĂ©ciproque dâune autre fonction. Une mĂȘme fonction peut dâailleurs ĂȘtre dĂ©finie par des formules diffĂ©rentes dont on montre lâĂ©galitĂ©, comme dans le cas de la fonction exponentielle.
Une fonction peut aussi ĂȘtre dĂ©finie globalement par une Ă©quation ou un systĂšme d'Ă©quations. En particulier, on dĂ©finit une fonction implicite si lâensemble des solutions dâune Ă©quation Ă deux inconnues x et y peut correspondre au graphe dâune fonction, câest-Ă -dire si pour toute valeur de x il existe au plus une solution de la forme . Une fonction peut aussi ĂȘtre dĂ©finie de proche en proche par une Ă©quation diffĂ©rentielle voire une Ă©quation aux dĂ©rivĂ©es partielles, ou par rĂ©currence dans le cas dâune fonction arithmĂ©tique.
On peut encore dĂ©finir une fonction sur un ensemble dense dans un autre et Ă©tendre la dĂ©finition par continuitĂ©. Ce procĂ©dĂ© permet notamment de justifier lâexistence de la courbe de Peano et dâautres fonctions continues mais nulle part dĂ©rivable. Il peut ĂȘtre utilisĂ© aussi pour dĂ©finir des fonctions sur un corps de nombres p-adiques.
Tous ces procĂ©dĂ©s de dĂ©termination mathĂ©matique sâaccompagnent de problĂšmes de calcul effectif, qui sâĂ©tudient dans le cadre de lâanalyse numĂ©rique.
Analyse
Lâanalyse mathĂ©matique sâentend le plus souvent dans lâĂ©tude dâune fonction numĂ©rique, avec la recherche de son signe et de ses variations, la dĂ©termination dâĂ©ventuels majorant ou minorant, points fixes et limites, voire le calcul de son intĂ©grale.
Plus gĂ©nĂ©ralement, on peut essayer de dĂ©terminer si une fonction est injective, câest-Ă -dire si tout Ă©lĂ©ment de lâensemble dâarrivĂ©e a au plus un antĂ©cĂ©dent. Dans ce cas, on sâintĂ©resse Ă la dĂ©termination de lâensemble image, car la fonction admet alors une rĂ©ciproque de son ensemble image vers son ensemble de dĂ©finition. La prĂ©cision de lâensemble de dĂ©finition est ici cruciale, comme dans le cas de la fonction carrĂ© (qui est nâest pas injective si elle est dĂ©finie sur , mais qui lâest par restriction Ă lâensemble ) ou de la fonction exponentielle (injective en tant que fonction dâune variable rĂ©elle, mais pas en tant que fonction dâune variable complexe).
Pour une fonction arithmĂ©tique, donc dĂ©finie sur lâensemble des entiers naturels, on sâintĂ©resse notamment aux relations entre lâimage dâun produit et les images des facteurs (surtout lorsque ceux-ci sont premiers entre eux).
Image directe et image réciproque
Ătant donnĂ© un sous-ensemble A de lâensemble de dĂ©part, lâimage directe est lâensemble des images des Ă©lĂ©ments de A par f. RĂ©ciproquement, Ă©tant donnĂ© un sous-ensemble B de lâensemble dâarrivĂ©e, sa prĂ©image ou image rĂ©ciproque est lâensemble des antĂ©cĂ©dents des Ă©lĂ©ments de B par f.
Ces notions permettent notamment dâexprimer la continuitĂ© dâune fonction entre espaces topologiques, de caractĂ©riser lâexistence de limites, de justifier quâune fonction est mesurable afin de pouvoir envisager son intĂ©grabilitĂ©.
Historique de la notion
La définition du concept de fonction a évolué depuis son introduction par Leibniz à la fin du XVIIe siÚcle[2]. Il s'agissait alors d'associer un objet à chaque point d'une courbe, par exemple la tangente. En identifiant chaque point de la courbe avec son ordonnée, Jean Bernoulli puis Euler redéfinissent ensuite ce terme pour décrire une expression composée d'une variable et d'éventuels paramÚtres constants (réels). Les opérations utilisées comprennent non seulement les opérations algébriques élémentaires, les séries et produits infinis mais aussi l'exponentielle, le logarithme et les lignes trigonométriques, considérés comme des opérations transcendantes.
Le lien entre l'expression d'une fonction et sa courbe reprĂ©sentative conduit Euler Ă Ă©largir la notion en admettant des dĂ©finitions par morceaux puis des courbes qui ne peuvent ĂȘtre obtenues par des expressions analytiques. La condition de continuitĂ© est formalisĂ©e par Bolzano et Cauchy au dĂ©but du XIXe siĂšcle. En 1829, l'Ă©tude des sĂ©ries de Fourier conduit Dirichlet Ă considĂ©rer des fonctions plus gĂ©nĂ©rales, telle que l'indicatrice des rationnels[3] - [4].
ParallĂšlement, le domaine de la variable s'ouvre aux nombres complexes. Au dĂ©but du XXe siĂšcle, les fonctions acceptent plusieurs variables, puis peuvent ĂȘtre dĂ©finies sur un ensemble quelconque. Sous l'impulsion de FrĂ©chet, la valeur d'une fonction suit la mĂȘme gĂ©nĂ©ralisation. La thĂ©orie de l'intĂ©gration et l'analyse fonctionnelle vont plus loin en considĂ©rant des fonctions presque partout dĂ©finies, nĂ©cessaires pour obtenir une structure d'espace de Banach sur les espaces Lp de fonctions -intĂ©grables.
En analyse complexe, le prolongement analytique des fonctions holomorphes entraßne la prise en compte de fonctions multivaluées sur l'ensemble des complexes, réalisées formellement comme des fonctions classiques définies sur une surface de Riemann.
Notes et références
- Définition que l'on trouve par exemple dans Paul Halmos, Introduction à la théorie des ensembles [détail des éditions], p. 40.
- Georges Papy, Mathématique moderne, vol. 1, Didier, , p. 315 : « Le mot de fonction a été introduit par Leibniz en 1694 ».
- Lejeune-Dirichlet, « Sur la convergence des sĂ©ries trigonomĂ©triques qui servent Ă reprĂ©senter une fonction arbitraire entre des limites donnĂ©es », J. reine angew. Math., vol. 4,â , p. 157-169 (lire en ligne).
- Le nom de Dirichlet est associĂ© Ă une dĂ©finition plus moderne de fonction par Hermann Hankel. Voir (de) H. Hankel, Untersuchungen ĂŒber die unendlich oft oscillirenden und unstetigen Functionen, (lire en ligne), p. 5. Sur cette Ă©volution de la notion de fonction, on pourra lire : Imre Lakatos, Preuves et rĂ©futations, Hermann, 1984, p. 194.
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Christian Houzel, « Fonction (notion de) », Dictionnaire des mathĂ©matiques â algĂšbre, analyse, gĂ©omĂ©trie, EncyclopĂŠdia Universalis et Albin Michel, Paris, 1997.
- Stella Baruk, « Fonction », Dictionnaire des mathĂ©matiques Ă©lĂ©mentaires, Ăditions du Seuil, 1995.