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Module sur un anneau

En mathématiques, et plus précisément en algÚbre générale, au sein des structures algébriques, « un module est à un anneau ce qu'un espace vectoriel est à un corps[1] » : pour un espace vectoriel, l'ensemble des scalaires forme un corps tandis que pour un module, cet ensemble est seulement muni d'une structure d'anneau (unitaire, mais non nécessairement commutatif).

Une partie des travaux en théorie des modules consiste à retrouver les résultats de la théorie des espaces vectoriels, quitte pour cela à travailler avec des anneaux plus maniables, comme les anneaux principaux. La notion de module sur un anneau fournit un cadre général et abstrait permettant de traiter les aspects purement algébriques des problÚmes linéaires qu'on rencontre dans toutes les branches des mathématiques : théorie des nombres, algÚbre linéaire classique, calcul tensoriel, formes différentielles, équations aux dérivées partielles, équations intégrales, géométrie algébrique, fonctions analytiques, topologie algébrique, etc.[2].

Comparaison avec la structure d'espace vectoriel

Certaines propriĂ©tĂ©s vraies pour les espaces vectoriels ne sont plus vraies pour les modules. Par exemple l'existence d'une base n'y est plus assurĂ©e, et on ne peut pas nĂ©cessairement y dĂ©velopper de thĂ©orie de la dimension, mĂȘme dans un module engendrĂ© par un nombre fini d'Ă©lĂ©ments.

Les modules ne sont pas une gĂ©nĂ©ralisation inutile. Ils apparaissent naturellement dans beaucoup de situations algĂ©briques ou gĂ©omĂ©triques. Un exemple simple est un module sur l'anneau des polynĂŽmes Ă  une ou plusieurs indĂ©terminĂ©es, anneau dans lequel la plupart des Ă©lĂ©ments n'ont pas d'inverse. On peut mĂȘme considĂ©rer des anneaux non intĂšgres, comme celui des fonctions infiniment diffĂ©rentiables sur un ouvert.

DĂ©finitions

Module Ă  gauche, module Ă  droite

Soit A un anneau (unitaire), dont la multiplication sera notée par simple juxtaposition.

Un A-module est la donnĂ©e (M, +, ‱) d'un ensemble M, d'une loi de composition interne + dans M qui fait de M un groupe abĂ©lien[3] et d'une loi externe ‱ de A × M dans M vĂ©rifiant, pour tous Ă©lĂ©ments a et b de A et x, y de M :

  • (distributivitĂ© de ‱ par rapport Ă  l'addition dans M)
  • (distributivitĂ© de ‱ par rapport Ă  l'addition dans A)
    Remarque : la loi + du membre de gauche est celle de l'anneau A et la loi + du membre de droite est celle du groupe M.
  • [4].

Un A-module Ă  gauche (ou encore un module Ă  gauche sur A) est un A-module oĂč :

Un A-module Ă  droite est un A-module oĂč :

La seule diffĂ©rence entre un A-module Ă  gauche et un A-module Ă  droite est donc que dans le cas d'un A-module Ă  gauche (M, +, ‱), on a la relation (ab)‱x = a‱(b‱x) (pour a et b dans A et x dans M), alors que dans le cas d'un A-module Ă  droite, c'est (ab)‱x = b‱(a‱x). En particulier, la loi externe d'un A-module Ă  droite (M, +, ‱) part de l'ensemble A × M, aussi bien que la loi externe d'un A-module Ă  gauche (M, +, ‱)[5].

Avec ces dĂ©finitions, les A-modules Ă  droite sont exactement les Aop-modules Ă  gauche, oĂč Aop dĂ©signe l'anneau opposĂ© de A. Cela justifie que dans la suite, on se restreigne Ă  l'Ă©tude des modules Ă  gauche. Si l'anneau A est commutatif (auquel cas il est Ă©gal Ă  son opposĂ©), les A-modules Ă  gauche sont exactement les A-modules Ă  droite et on dit simplement « A-module ».

Pour a dans A et x dans M, on note couramment a‱x multiplicativement (par juxtaposition) ; dans le cas d'un A-module Ă  gauche on dĂ©signe a‱x par ax, de sorte que, pour a, b dans A et x dans M, on a l'Ă©galitĂ© a(bx) = (ab)x (ce qui permet d'Ă©crire sans ambiguĂŻtĂ© abx) ; dans le cas d'un A-module Ă  droite, on dĂ©signe plutĂŽt a‱x par xa, de sorte que, pour a, b dans A et x dans M, on a l'Ă©galitĂ© (xa)b = x(ab).

On commet couramment l'abus de langage d'identifier un module Ă  gauche (resp. Ă  droite) (M, +, ‱) et l'ensemble M. Par exemple, on dit « Soient M un A-module Ă  gauche et P une partie de M », en dĂ©signant par la premiĂšre lettre M le module et par la seconde ce qu'on pourrait appeler l'ensemble sous-jacent du module.

On montre facilement que, (M, +, ‱) Ă©tant un A-module Ă  gauche ou Ă  droite, a Ă©tant un Ă©lĂ©ment de A et x un Ă©lĂ©ment de M, on a les relations :

  • a ‱ 0 = 0 (oĂč 0 dĂ©signe le neutre de l'addition dans M) et
  • 0 ‱ x = 0 (oĂč le 0 de gauche dĂ©signe le neutre de l'addition dans A et le 0 de droite dĂ©signe le neutre de l'addition dans M).

On laisse le lecteur traduire ces égalités en notations multiplicatives (différentes pour les modules à gauche et les modules à droite).

Exemples

  • Lorsque A est un corps commutatif, on retrouve la structure habituelle de A-espace vectoriel. Dans ce cas, les Ă©lĂ©ments de A sont appelĂ©s les scalaires, les Ă©lĂ©ments de M sont appelĂ©s les vecteurs. Plus gĂ©nĂ©ralement, d'ailleurs, si K est un corps non forcĂ©ment commutatif, on considĂšre des K-espaces vectoriels Ă  gauche (resp. Ă  droite), qui ne sont autres que les modules Ă  gauche (resp. Ă  droite) sur l'anneau K.
  • A, muni de sa propre loi de groupe additif et, en guise de loi « externe », de sa multiplication A × A → A : (a, b) ↩ ab, est un A-module Ă  gauche, qu'on note parfois[6] As.
  • L'anneau opposĂ© de A, muni de sa propre loi de groupe additif et, en guise de loi « externe », de sa multiplication A × A → A : (a,b) ↩ ba (oĂč ba correspond Ă  la multiplication dans A) est un A-module Ă  droite, qu'on note parfois[6] Ad.
  • L'ensemble des vecteurs du plan dont les coordonnĂ©es sont des entiers relatifs, autrement dit l'ensemble des entiers de Gauss, forme un â„€-module.
  • Tout groupe abĂ©lien est automatiquement un â„€-module pour la loi externe dĂ©finie par :
    • pour n > 0, n ∙ x = x + 
 + x avec n termes x,
    • pour n = 0, 0 ∙ x = 0,
    • pour n < 0, n ∙ x = –((–n) ∙ x), l'opposĂ© de (–n) ∙ x.
      Cette loi est la seule qui munisse un groupe abélien d'une structure de ℀-module. Il y a donc équivalence entre la notion de ℀-module et celle de groupe abélien.
  • La structure de A-module apparaĂźt dans celle d'algĂšbre sur un anneau.
  • Si M est un groupe abĂ©lien et si f est un endomorphisme de groupe de M, alors on peut dĂ©finir la loi externe f ∙ x = f(x) qui confĂšre Ă  M une structure de End(M)-module.
  • Si M est un espace vectoriel, on peut faire la mĂȘme chose avec des endomorphismes d'espaces vectoriels au lieu de groupes. Par exemple, l'espace vectoriel ℝn Ă  n dimensions est un module Ă  gauche sur via la multiplication matricielle.
  • Si M est un A-module Ă  gauche, l'ensemble des applications d'un ensemble S vers M est un A-module Ă  gauche, pour les lois et dĂ©finies par et .
  • Un espace vectoriel E sur un corps commutatif K peut ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un module sur l'anneau principal K[X], et par ce biais la majeure partie des propriĂ©tĂ©s de l'algĂšbre linĂ©aire peut ĂȘtre dĂ©montrĂ©e[7].
    Cette structure de module est la suivante : étant donné fixé, pour tout , on pose , avec car cet ensemble a une structure d'algÚbre sur K.

Lien avec la théorie des représentations

Le premier axiome montre que, pour , l'application est un endomorphisme du groupe M. Les trois axiomes suivants traduisent quant à eux le fait que l'application est un morphisme (unitaire) de l'anneau A dans l'anneau des endomorphismes (de groupe) de M, noté End(M).

RĂ©ciproquement, la donnĂ©e d'un morphisme d'anneaux unitaires : A → End(M) fournit Ă  M une structure de A-module (Ă  gauche) via la loi . Une structure de A-module est donc Ă©quivalente Ă  la donnĂ©e d'un morphisme A → End(M).

Un tel morphisme A → End(M) est appelĂ© une reprĂ©sentation de A sur le groupe abĂ©lien M. Une reprĂ©sentation est dite fidĂšle si elle est injective. En termes de module, cela signifie que si pour tout vecteur x de M, a ∙ x = 0, alors a = 0.

Ceci est une gĂ©nĂ©ralisation de ce que l'on trouve dans la thĂ©orie des reprĂ©sentations des groupes, oĂč l'on dĂ©finit une reprĂ©sentation d'un groupe G sur un K-espace vectoriel comme un morphisme (unitaire) de l'algĂšbre du groupe G, K[G] vers End(V), autrement dit, oĂč l'on donne une structure de K[G]-module Ă  V.

Sous-module

Soit M un A-module à gauche, et N une partie non vide de M. On dit que N est un sous-module (à gauche) de M si les conditions suivantes sont respectées :

  • N est un sous-groupe de (M,+) ;
  • Pour tout .

Autrement dit, un sous-module est une partie linéairement stable.

Exemples

  • Deux cas trĂšs importants sont celui des sous-modules du A-module Ă  gauche As et celui des sous-modules du A-module Ă  droite Ad : ce sont, respectivement, les idĂ©aux Ă  gauche et les idĂ©aux Ă  droite de l'anneau A.
  • Si le module est un espace vectoriel, on parle de sous-espace vectoriel (ou encore de sous-espace).
  • Dans un groupe abĂ©lien, considĂ©rĂ© comme â„€-module (voir supra), les sous-modules sont exactement les sous-groupes[2].

Applications linéaires

Une application linĂ©aire f entre deux modules M et N sur un mĂȘme anneau A est une fonction qui conserve la structure de module, c'est-Ă -dire qui vĂ©rifie :

Autrement dit, une application linéaire est un morphisme de modules. Si f est bijective, on dit de plus que f est un isomorphisme. Si les modules de départ et d'arrivée M et N sont identiques, on dit que f est un endomorphisme. Si f est à la fois un endomorphisme et un isomorphisme, on dit que c'est un automorphisme.

Le noyau d'une application linéaire f est l'ensemble des éléments x de M qui vérifient f(x) = 0. C'est un sous-module de M et il est noté Ker f. On peut également définir l'image d'une application linéaire Im f = f(M) qui est un sous-module de N.

Comme dans le cas des groupes ou des anneaux, un morphisme de A-modules donne lieu à un isomorphisme , défini par

Opérations sur les modules

Produits de modules

Si on considĂšre une famille de modules ( sur un mĂȘme anneau A, on peut munir l'ensemble produit d'une structure de module en dĂ©finissant les lois suivantes :

  • Loi interne :
  • Loi externe :

Le module ainsi dĂ©fini s'appelle le module produit. Les projections sont alors des applications linĂ©aires surjectives. Un exemple important de produit de modules est celui oĂč tous les modules facteurs sont identiques Ă  un mĂȘme module M ; leur produit n'est alors autre que l'ensemble des applications de I dans M.

Somme directe de modules

Soit une famille de A-modules, on note leur produit . L'ensemble E des éléments de M dont toutes les composantes sauf un nombre fini sont nulles est appelé somme directe externe de la famille de modules et il est noté :

C'est un sous-module de . Dans le cas oĂč I est fini, la somme directe E et le produit M sont Ă©videmment confondus.

Intersection et somme de sous-modules

Si M est un module, et est une famille de sous-modules de M, on dit que la famille est en somme directe si :

Pour toute partie J finie de I, pour tout

Dans ce cas, la somme , appelée somme directe interne, est isomorphe à la somme directe externe et elle est également notée .

Produit tensoriel de modules

À deux modules M et N sur un anneau commutatif A est associĂ© un A-module M⊗AN tel que pour tout A-module F, les applications bilinĂ©aires de M×N dans F correspondent aux applications linĂ©aires de M⊗AN dans F[8].

Propriétés de finitude

On dit qu'un A-module est de type fini s'il est engendré sur A par un nombre fini d'éléments. On a alors .

On dit qu'un module est de prĂ©sentation finie s'il est le quotient d'un An par un sous-module de type fini. Un module de prĂ©sentation finie est en particulier de type fini. La rĂ©ciproque est vraie lorsque A est noethĂ©rien. Pour un module M de prĂ©sentation finie, tout homomorphisme surjectif L → M avec L de type fini admet un noyau de type fini[9].

On dit qu'un A-module est libre s'il possĂšde une base sur A (voir Module libre).

Si M est de type fini et libre, il existe alors un isomorphisme entre M et An, oĂč n est le cardinal de la base.

Si M est de type fini, un sous-module N de M n'est pas nécessairement de type fini. Un module M tel que tout sous-module est de type fini est dit noethérien.

Notes et références

  1. Daniel Perrin, Cours d'algÚbre [détail des éditions] p. 60.
  2. Roger Godement, Cours d'algĂšbre, Paris, Hermann, (ISBN 978-2-7056-5241-8, OCLC 502437807), p. 163.
  3. L'hypothĂšse de commutativitĂ© de « + » est en fait redondante : elle se dĂ©duit des autres propriĂ©tĂ©s, en dĂ©veloppant de deux façons diffĂ©rentes (1 + 1)‱(x + y), cf. (en) Saunders Mac Lane et Garrett Birkhoff, Algebra, AMS, , 3e Ă©d. (lire en ligne), p. 162.
  4. Mac Lane et Birkhoff 1999, p. 160, remarquent que sans ce dernier axiome, n'importe quel groupe abĂ©lien pourrait ĂȘtre trivialement muni d'une structure de A-module en prenant comme loi externe l'application nulle.
  5. On suit ici N. Bourbaki, AlgĂšbre, ch. II, Paris, 1970, p. II.1-2.
  6. N. Bourbaki, AlgĂšbre, ch. II, Paris, 1970, p. II.2-3.
  7. Patrice Tauvel, AlgÚbre : agrégation, licence 3e année, master, Paris, Dunod, coll. « Sciences sup », , 451 p. (ISBN 978-2-10-049412-5, OCLC 934359427).
  8. Georges Gras et Marie-Nicole Gras, AlgÚbre fondamentale. Arithmétique.
  9. Nicolas Bourbaki, ÉlĂ©ments de mathĂ©matique, AlgĂšbre commutative, I, § 2.8.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Gema-Maria DĂ­az-Toca, Henri Lombardi et Claude QuittĂ©, Modules sur les anneaux commutatifs - Cours et exercices, Calvage et Mounet, 2014
  • GrĂ©gory Berhuy, Modules : thĂ©orie, pratique
 et un peu d’arithmĂ©tique, Calvage et Mounet, 2012
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