Forme différentielle
En gĂ©omĂ©trie diffĂ©rentielle, une forme diffĂ©rentielle est la donnĂ©e d'un champ d'applications multilinĂ©aires alternĂ©es sur les espaces tangents d'une variĂ©tĂ© diffĂ©rentielle possĂ©dant une certaine rĂ©gularitĂ©. Le degrĂ© des formes diffĂ©rentielles dĂ©signe le degrĂ© des applications multilinĂ©aires. La diffĂ©rentielle d'une fonction numĂ©rique peut ĂȘtre regardĂ©e comme un champ de formes linĂ©aires : c'est le premier exemple de formes diffĂ©rentielles. Au-delĂ de cet exemple, non seulement les formes diffĂ©rentielles interviennent naturellement dans les problĂšmes de gĂ©omĂ©trie diffĂ©rentielle, mais elles permettent de dĂ©finir des structures importantes, comme les formes volumes, les formes symplectiques, les formes de contact ou encore les connexions.
La manipulation des formes différentielles fait intervenir un certain nombre d'opérations, dont le produit extérieur, le produit intérieur, la dérivée extérieure et la dérivée de Lie. En particulier, la dérivée extérieure permet de distinguer les formes fermées et les formes exactes. Cette distinction permet dans un second temps de définir les espaces de cohomologie de De Rham.
Les problĂšmes de rĂ©gularitĂ© ne sont pas abordĂ©s dans cet article. On fera donc implicitement l'hypothĂšse que les fonctions introduites sont de classe Câ.
DĂ©finitions
Forme différentielle de degré 1
Les formes diffĂ©rentielles de degrĂ© 1 â ou 1-formes â sont des champs de formes linĂ©aires sur une variĂ©tĂ© diffĂ©rentielle. Dit autrement, on se donne une forme linĂ©aire en chaque espace tangent avec une dĂ©pendance rĂ©guliĂšre en . La dĂ©pendance en peut facilement ĂȘtre prĂ©cisĂ©e par l'expression dans des cartes locales. On les appelle parfois covecteurs ou champs de covecteurs ; ces outils ont des propriĂ©tĂ©s analogues aux champs de vecteurs. Il existe en rĂ©alitĂ© un isomorphisme une fois introduite, par exemple, une mĂ©trique riemannienne. Si est une fonction rĂ©elle diffĂ©rentiable, sa diffĂ©rentielle est une 1-forme diffĂ©rentielle (dite exacte) qui en chaque point vaut la forme linĂ©aire . Localement, les 1-formes diffĂ©rentielles s'expriment comme combinaisons de diffĂ©rentielles de fonctions.
Plus exactement, le dual de l'espace vectoriel réel est un espace vectoriel de dimension n. Si désigne les coordonnées dans , alors on note l'application -Úme coordonnée . Les formes linéaires sur s'expriment comme des combinaisons à coefficients réels des formes linéaires . Les 1-formes différentielles s'expriment alors comme des combinaisons des dont les coefficients dépendent de maniÚre du point de base :
Sur une variété différentielle M, une 1-forme différentielle s'exprime localement comme ci-dessus dans les cartes locales. L'exemple le plus simple est la différentielle d'une fonction en un point a
Si X est un champ de vecteurs sur M et λ est une 1-forme diffĂ©rentielle, alors est diffĂ©rentiable ; cette fonction est linĂ©aire en X. Cela permet de regarder une 1-forme diffĂ©rentielle comme une forme linĂ©aire sur le module des champs de vecteurs sur M (dont l'anneau de base est l'ensemble des fonctions de M dans â).
Définition comme champ de formes multilinéaires alternées
Les formes différentielles se définissent comme une extension en géométrie différentielle des formes multilinéaires alternées.
Pour une variĂ©tĂ© diffĂ©rentielle M, une forme diffĂ©rentielle Ï de degrĂ© k sur M est un champ d'applications k-linĂ©aires alternĂ©es sur les espaces tangents avec une dĂ©pendance rĂ©guliĂšre en x : pour tous champs de vecteurs , la fonction est de classe Câ.
De mĂȘme que pour les 1-formes diffĂ©rentielles, il est possible de donner l'expression locale des formes diffĂ©rentielles de degrĂ© k grĂące au produit extĂ©rieur (voir plus bas).
Définition comme section d'un fibré
L'ensemble des applications multilinéaires alternées sur forme un espace vectoriel noté . L'ensemble de ces espaces forme ce qu'on appelle un fibré vectoriel sur M, noté , formellement la k-iÚme puissance du fibré cotangent de M. Une forme différentielle de degré k peut se redéfinir comme une section globale de ce fibré vectoriel.
Cette approche permet non seulement de donner une meilleure signification Ă la rĂ©gularitĂ© de la forme diffĂ©rentielle, mais permet aussi d'Ă©tendre la dĂ©finition des formes diffĂ©rentielles. Si E est un fibrĂ© vectoriel sur M, une forme diffĂ©rentielle de degrĂ© k Ă valeurs dans E est une section globale du produit tensoriel . C'est donc un champ d'applications multilinĂ©aires alternĂ©es Ă valeurs dans les fibres de E. De telles formes peuvent aussi ĂȘtre dĂ©finies comme des applications multilinĂ©aires alternĂ©es du module X(M) dans le module des sections globales de E.
Opérations sur les formes différentielles
La manipulation des formes différentielles en pratique exige un ensemble d'opérations élémentaires. Certaines sont purement algébriques et se définissent en réalité pour toutes applications multilinéaires alternées. D'autres sont propres à la topologie différentielle et aux formes différentielles.
Opérations algébriques
Par dĂ©finition, l'ensemble des formes diffĂ©rentielles (rĂ©elles) de degrĂ© k sur une variĂ©tĂ© diffĂ©rentielle M forme un module sur Câ(M). En particulier, les formes diffĂ©rentielles de degrĂ© k s'additionnent ou peuvent ĂȘtre multipliĂ©es par des fonctions rĂ©elles :
- Produit intérieur
- Le produit intĂ©rieur se dĂ©finit en algĂšbre linĂ©aire, dĂ©finition qui s'Ă©tend naturellement aux formes diffĂ©rentielles. Si X est un champ de vecteurs et α une forme diffĂ©rentielle de dimension k, on dĂ©finit une forme diffĂ©rentielle de degrĂ© k â 1, par :
. - Produit extérieur
- Le produit extĂ©rieur de deux formes diffĂ©rentielles α et ÎČ de degrĂ©s respectifs k et q se dĂ©finit comme suit :
, oĂč dĂ©signe la signature de la permutation Ï et la somme porte sur toutes les permutations Ï de [1, k + q] croissantes sur les k premiers entiers et croissantes sur les q derniers. Le rĂ©sultat est une forme de degrĂ© k + q.
Ces opĂ©rations munissent d'une structure d'algĂšbre graduĂ©e commutative. Ici, commutatif signifie que pour toutes formes diffĂ©rentielles α et ÎČ de degrĂ©s respectifs k et q, on a :
- Image réciproque (pullback)
- Si est une application de classe C1 et si α est une forme différentielle de degré k sur N, on définit comme une forme différentielle de degré k sur M par :
L'application définit un morphisme d'algÚbres graduées.
Dérivée extérieure
La dérivée extérieure est définie comme l'unique application , transformant les k-formes en (k + 1)-formes, et vérifiant :
- si f est une fonction lisse, la 1-forme df est la différentielle de f ;
- pour toutes formes α et ÎČ, oĂč α est de degrĂ© p : ;
- le carrĂ© de d est nul : d(dÏ) = 0.
Une forme diffĂ©rentielle Ï pouvant s'Ă©crire comme une dĂ©rivĂ©e extĂ©rieure (Ï = dΟ) est dite exacte.
Une forme diffĂ©rentielle Ï dont la dĂ©rivĂ©e est nulle (dÏ = 0) est dite fermĂ©e.
Les formes exactes et les formes fermées sont donc, respectivement, l'image et le noyau de d.
Le troisiÚme axiome se reformule en : « toute forme exacte est fermée ».
La réciproque n'est pas vraie en général, et l'étude des liens entre formes exactes et formes fermées conduit à la théorie de la cohomologie de De Rham.
Dérivée de Lie
Une 0-forme différentielle est une fonction différentiable ; considérer sa dérivée selon un champ de vecteurs X consiste à introduire la fonction . La dérivée de Lie d'une forme différentielle α de degré k selon un champ de vecteurs X est une forme différentielle de degré k notée définie par :
On démontre (formule de Cartan) que
Intégration des formes
Les formes différentielles de degré k sont intégrées sur des chaßnes de dimension k. Si k est nul, alors il s'agit d'une évaluation des fonctions aux points considérés. D'autres valeurs de k, avec k > 0, correspondent aux intégrales curvilignes, de surface, de volume, etc.
Soit
une forme différentielle et S un ouvert d'une variété orientée de dimension k plongée dans Rn, paramétré par :
avec u un paramÚtre dans le domaine D. Alors Rudin 1976 définit l'intégrale de la forme différentielle sur S par :
oĂč
est le déterminant jacobien.
D'aprÚs le théorÚme de changement de variables, cette définition ne dépend pas du paramétrage (compatible avec l'orientation) de l'ouvert.
Références
- (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de lâarticle de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Differential form » (voir la liste des auteurs).
- (en) Raoul Bott et Loring W. Tu, Differential Forms in Algebraic Topology, Springer, coll. « GTM » (no 82), (lire en ligne)
- (en) Walter Rudin, Principles of Mathematical Analysis, New York, McGraw-Hill, (ISBN 978-0-07054235-8)
- (en) Michael Spivak, Calculus on Manifolds, Benjamin, 1965 (ISBN 978-0-80539021-6) [lire en ligne]
- (en) Vladimir A. Zorich, Mathematical Analysis II, Springer, 2004 (ISBN 978-3-540-40633-4) [lire en ligne]
- (fr) Henri Cartan,Formes différentielles, Hermann, 1967 plusieurs rééditions, la derniÚre en 2007
Voir aussi
- Variété (géométrie)
- Forme différentielle complexe (en)