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Cohomologie de De Rham

En mathématiques, la cohomologie de De Rham est un outil de topologie différentielle, c'est-à-dire adapté à l'étude des variétés différentielles. Il s'agit d'une théorie cohomologique fondée sur des propriétés algébriques des espaces de formes différentielles sur la variété. Elle porte le nom du mathématicien Georges de Rham.

Le théorÚme de De Rham (en) affirme que le morphisme naturel, de la cohomologie de De Rham d'une variété différentielle vers sa cohomologie singuliÚre[1] à coefficients réels, est bijectif[2].

DĂ©finitions

Soit M une variété différentielle, décrivons l'algÚbre différentielle graduée (en) (Ω*(M), d) de ses formes différentielles. Pour tout entier naturel p :

  • est l'espace des formes diffĂ©rentielles de degrĂ© p sur M.
  • est l'opĂ©rateur de diffĂ©rentiation extĂ©rieure sur les formes diffĂ©rentielles de degrĂ© p.

On note dω la dĂ©rivĂ©e extĂ©rieure de ω quand on ne veut pas prĂ©ciser son degrĂ© ; il faut alors sous-entendre dpω oĂč p est le degrĂ© de ω.

L'étude de la cohomologie de De Rham est l'étude de la "conservation" de certaines propriétés algébriques le long de la chaßne:

dans un certain sens expliqué plus bas.

Formes fermées, formes exactes

Lorsque (i.e. ), on dit que la forme différentielle est fermée.

Lorsqu’il existe une forme telle que (i.e. ), on dit que la forme diffĂ©rentielle est exacte.

Théorie locale (lemme de Poincaré)

On a pour tout p la relation dp ∘ dp – 1 = 0, souvent abrĂ©gĂ© en . On en dĂ©duit le :

ThĂ©orĂšme — Toute forme diffĂ©rentielle exacte est fermĂ©e.

Le lemme de Poincaré permet de montrer que la réciproque est vraie localement :

Lemme de PoincarĂ© — Toute forme diffĂ©rentielle fermĂ©e est localement exacte.

Plus précisément, pour toute forme fermée définie sur un ouvert U de M contenant x, il existe un voisinage de x contenu dans U sur lequel la restriction de la forme est exacte.

En effet, si M ⊂ ℝn est un ouvert Ă©toilĂ©, ou un ouvert diffĂ©omorphe Ă  un ouvert Ă©toilĂ©, un calcul montre que toute forme fermĂ©e est exacte. Maintenant si M est quelconque, tout point admet un voisinage diffĂ©omorphe Ă  une boule et on est ramenĂ© au cas prĂ©cĂ©dent.

Théorie globale

Un lemme de PoincarĂ© global n'existe pas. Par exemple, sur le plan ℝ2 privĂ© de l'origine, la forme est fermĂ©e, mais non exacte.

Dans le cas gĂ©nĂ©ral, le p-iĂšme groupe de cohomologie de De Rham mesure l'obstruction pour une forme fermĂ©e Ă  ĂȘtre exacte.

Notations

Pour tout entier naturel p, on note :

  • l'espace des p-formes fermĂ©es.
  • l'espace des p-formes exactes.

Comme , on a , donc :

l'espace des formes exactes est un sous-espace des formes fermées.

DĂ©finition : groupes de cohomologie (de De Rham)

On dĂ©finit l'algĂšbre graduĂ©e H*(M) — la cohomologie de De Rham de M — comme l'homologie du complexe de cochaĂźnes de De Rham associĂ© Ă  l'algĂšbre diffĂ©rentielle graduĂ©e (Ω*(M), d).

Sa composante de degré p est donc l'espace vectoriel quotient de Zp(M) par Bp(M) :

c'est-à-dire l'espace des p-formes fermées modulo le sous-espace des p-formes exactes.

Hp(M) = 0 si p < 0 ou si p est strictement supérieur à la dimension de M.

Si M est compacte, chaque Hp(M) est de dimension finie[3].

La dimension de Hp(M) s'appelle le p-iÚme nombre de Betti (réel), noté bp(M).

Toute application diffĂ©rentiable f : M → N entre deux variĂ©tĂ©s induit un morphisme d'algĂšbres diffĂ©rentielles graduĂ©es Ω(f) : Ω*(N) → Ω*(M) donc un morphisme d'algĂšbres graduĂ©es f* : H*(N) → H*(M). On vĂ©rifie facilement que H* est un foncteur (contravariant).

Invariance par homotopie

Si deux applications diffĂ©rentiables f, g : M → N sont homotopes, elles le sont diffĂ©rentiablement[4]. On parvient alors Ă  construire[5] - [6] - [7] un opĂ©rateur L : Ω(N) → Ω(M) de degrĂ© –1 tel que Ω(g) – Ω(f) = d∘L + L∘d, ce qui prouve que g* = f*.

Toute application continue de M dans N est homotope à une application différentiable[8] - [9]. Elle détermine donc encore un morphisme de H*(N) dans H*(M)[10].

Exemples

  • H0(M) ≃ ℝc, oĂč c dĂ©signe le nombre de composantes connexes de M.
  • Si M est une variĂ©tĂ© lisse compacte connexe et orientable de dimension n, alors Hn(M) est de dimension 1.
    Un isomorphisme explicite est donné par l'intégration des formes différentielles

de degré maximum : une orientation de M étant donnée, l'application

de dans R est nulle sur les formes exactes d'aprÚs le théorÚme de Stokes. Elle passe donc au quotient en une application de Hn(M) dans R, et l'on démontre[11] qu'on obtient ainsi un isomorphisme.

  • Si M n'est pas orientable ou n'est pas compacte (les autres hypothĂšses restant les mĂȘmes), Hn(M) = 0.
  • Hk(Sn) = 0 pour 0 < k < n.

ThéorÚme de Hodge-de Rham

Un élément de Hp(M) est une classe d'équivalence de formes différentielles de degré p, qui n'admet pas a priori de représentant privilégié. La situation change si M est munie d'une métrique riemannienne g. On peut alors définir un opérateur de divergence

Soit alors

Ces formes sont dites harmoniques.

Le théorÚme de Hodge-de Rham[12] assure que si M est compacte est isomorphe à Hp(M).

Exemples

  • Si G est un groupe de Lie compact muni d'une mĂ©trique riemannienne bi-invariante, les formes harmoniques sont les formes diffĂ©rentielles bi-invariantes. En particulier, .
  • Soit S une surface de Riemann compacte. La donnĂ©e de la structure complexe Ă©quivaut Ă  celle d'une classe de mĂ©triques riemanniennes conformes, et les formes harmoniques de degrĂ© 1 ne dĂ©pendent que de la structure conforme. Ce sont les parties rĂ©elles des formes diffĂ©rentielles holomorphes de degrĂ© 1. Ainsi oĂč est le genre de S.

Notes et références

  1. Plus précisément : la cohomologie singuliÚre de l'espace topologique sous-jacent, supposé ici paracompact.
  2. Henri Cartan, « Les travaux de Georges de Rham sur les variĂ©tĂ©s diffĂ©rentiables », dans ƒuvres - Collected Works, vol. III, Springer, (ISBN 978-3-54009189-9, lire en ligne), p. 1448-1458, « 1. Le thĂ©orĂšme de De Rham ».
  3. Claude Godbillon, ÉlĂ©ments de topologie algĂ©brique [dĂ©tail de l’édition], p. 189, th. 2.6.
  4. Godbillon, p. 67, prop. 4.11.
  5. Godbillon, p. 164-165 (th. 2.5) : L = K∘Ω(H), oĂč H : M×ℝ → N est une homotopie diffĂ©rentiable de f Ă  g et K : Ωp(M×ℝ) → Ωp-1(M) est l'intĂ©gration de 0 Ă  1 le long des fibres de la projection M×ℝ → M.
  6. (en) Ieke Moerdijk et Gonzalo E. Reyes, Models for Smooth Infinitesimal Analysis, Springer, (lire en ligne), p. 168.
  7. (en) Theodore Voronov, « Differentiable Manifolds — §8: De Rham cohomology », , p. 9-10.
  8. Godbillon, p. 64-66, th. 4.5 et prop. 4.6.
  9. (en) Raoul Bott et Loring W. Tu, Differential Forms in Algebraic Topology, coll. « GTM » (no 82) (lire en ligne), p. 213.
  10. Claude Godbillon, ÉlĂ©ments de topologie algĂ©brique [dĂ©tail de l’édition], p. 166.
  11. Jacques Lafontaine, Introduction aux variétés différentielles [détail des éditions], chapitre 7.
  12. Georges de Rham, VariĂ©tĂ©s diffĂ©rentiables – Formes, courants, formes harmoniques, Paris, Hermann, , 3e Ă©d., 198 p. (ISBN 978-2-7056-1222-1).

Voir aussi

Lien externe

Oscar Burlet, Souvenirs de Georges de Rham

Ouvrages de mathématiques

Ouvrages de physique théorique

  • (en) Yvonne Choquet-Bruhat et CĂ©cile DeWitt-Morette, Analysis, Manifolds and Physics - Part I: Basics, North-Holland, 1989 (ISBN 978-0-44486017-0)
  • (en) Theodore Frankel (en), The Geometry of Physics - An Introduction, Cambridge University Press, 2004, 2e Ă©d. rĂ©visĂ©e et illustrĂ©e (ISBN 978-0-52153927-2)
  • (en) Mikio Nakahara, Geometry, Topology and Physics, Institute of Physics Publishing, 2003, 2e Ă©d. illustrĂ©e (ISBN 978-0-75030606-5)
  • (en) Charles Nash et Siddhartha Sen, Topology & Geometry for Physicists, Academic Press, 1983 (ISBN 978-0-12514080-5)
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