Diagonalisation
En mathématiques, la diagonalisation est un procédé d'algÚbre linéaire qui permet de simplifier la description de certains endomorphismes d'un espace vectoriel, en particulier de certaines matrices carrées. Elle consiste à rechercher et expliciter une base de l'espace vectoriel constituée de vecteurs propres, lorsqu'il en existe une. En dimension finie, la diagonalisation revient en effet à décrire cet endomorphisme à l'aide d'une matrice diagonale.
Ce procédé se ramÚne donc à une réduction maximale de l'endomorphisme, c'est-à -dire à une décomposition de l'espace vectoriel en une somme directe de droites vectorielles stables par l'endomorphisme. Sur chacune de ces droites, l'endomorphisme se réduit à une homothétie. La diagonalisation d'un endomorphisme permet un calcul rapide et simple de ses puissances et de son exponentielle, ce qui permet d'exprimer numériquement certains systÚmes dynamiques linéaires, obtenus par itération ou par des équations différentielles.
MĂ©thode
- La diagonalisation d'une matrice M demande le plus souvent de déterminer ses valeurs propres et les sous-espaces propres associés ; pour ce faire, il est en général utile de commencer par calculer le polynÎme caractéristique de la matrice :
Pour , le polynĂŽme caractĂ©ristique est , oĂč est l'indĂ©terminĂ©e et In est la matrice identitĂ© de .
Les valeurs propres λi sont les racines de , il y a donc au plus n valeurs propres de multiplicité mi.
On détermine ensuite, pour chaque valeur propre, le sous-espace propre qui lui est associé :La matrice n'est diagonalisable que si la dimension de chaque sous-espace propre Eλi est égale à la multiplicité mi de la valeur propre λi, ce qui signifie que pour chaque on a une base de mi vecteurs propres que l'on note Xi,j, 1 †j †mi.
Alors il existe une matrice inversible U telle que Uâ1MU soit Ă©gale Ă une matrice diagonale D (semblable Ă M par dĂ©finition) dont les coefficients diagonaux sont les λi rĂ©pĂ©tĂ©s mi fois et U est la matrice dont les colonnes sont les vecteurs Xi,j (l'ordre n'a pas d'importance, mais si on a le vecteur Xi,j sur la k-iĂšme colonne de U, alors on a la valeur propre λi sur la k-iĂšme colonne de D). - Un endomorphisme u qui n'a qu'un nombre fini de valeurs propres (ce qui est toujours le cas en dimension finie) est diagonalisable si et seulement s'il est annulĂ© par un polynĂŽme scindĂ© et Ă racines simples. De plus, les projecteurs sur les sous-espaces propres s'expriment alors comme des polynĂŽmes en u (voir Lemme des noyaux).
Exemples
Premier exemple
Considérons la matrice :
Cette matrice admet comme valeurs propres :
Ainsi A qui est de taille 3, a 3 valeurs propres distinctes, donc est diagonalisable.
Si nous voulons diagonaliser A, nous avons besoin de déterminer les vecteurs propres correspondants. Il y a par exemple :
On vérifie facilement que .
Maintenant soit P la matrice ayant ces vecteurs propres comme colonnes :
Alors « P diagonalise A », comme le montre un simple calcul :
Remarquons que les valeurs propres λk apparaissent sur la diagonale de la matrice dans le mĂȘme ordre que nous avons placĂ© les colonnes propres pour former P.
DeuxiĂšme exemple
Soit
(voir le calcul d'un déterminant)
Donc les valeurs propres sont :
- 2 de multiplicité 2,
- â3 de multiplicitĂ© 1.
Calcul des sous-espaces propres :
Calcul de E2 : On cherche les tels que :
Or :
Donc
On procĂšde de mĂȘme pour Eâ3 et l'on obtient :
On a bien : et , donc cette matrice est diagonalisable.
Une diagonalisation possible est : , avec
Projecteur
Soit (en dimension quelconque) p un projecteur, c'est-Ă -dire un endomorphisme idempotent : p2 = p. Il est annulĂ© par le polynĂŽme X2 â X = (X â 1)X, qui est scindĂ© et Ă racines simples. Il est donc diagonalisable, de valeurs propres 1 et 0. Les projecteurs sur les deux sous-espaces propres correspondants (supplĂ©mentaires l'un de l'autre) sont p et id â p. Si l'espace est normĂ© (ou plus gĂ©nĂ©ralement si c'est un espace vectoriel topologique) et si p est continu, ces deux sous-espaces sont donc mĂȘme supplĂ©mentaires topologiques.
Symétrie
Toujours en dimension quelconque, soit s une symĂ©trie, c'est-Ă -dire un endomorphisme involutif : s2 = id. Il est annulĂ© par le polynĂŽme X2 â 1 = (X â 1)(X + 1) qui est scindĂ©, et Ă racines simples dĂšs que le corps des scalaires est de caractĂ©ristique diffĂ©rente de 2. Il est donc dans ce cas diagonalisable, ses deux sous-espaces propres (pour les valeurs propres 1 et â1) Ă©tant d'ailleurs ceux (pour les valeurs propres 1 et 0) du projecteur p = (s + id)/2.
Par exemple sur l'espace â(H) des opĂ©rateurs bornĂ©s sur un espace de Hilbert H sur K = â ou â, la symĂ©trie qui Ă chaque opĂ©rateur associe son adjoint est toujours â-linĂ©aire, et diagonalisable en tant que telle : les opĂ©rateurs hermitiens et antihermitiens forment deux sous-espaces vectoriels rĂ©els supplĂ©mentaires (topologiques). (Lorsque H est de dimension finie n sur K, une Ă©criture matricielle montre que leurs dimensions sont Ă©gales respectivement Ă n(n + 1)/2 et n(n â 1)/2 si H est euclidien, et toutes deux Ă©gales Ă n2 si H est hermitien.)
Limites et généralité
Tous les endomorphismes ne sont pas diagonalisables. Cependant :
- le polynĂŽme caractĂ©ristique d'un endomorphisme est scindĂ© si et seulement si son polynĂŽme minimal l'est, et sur un corps algĂ©briquement clos comme â, ils le sont toujours. Dans ce cas, la dĂ©composition de Dunford assure que l'endomorphisme se dĂ©compose comme somme d'un endomorphisme diagonalisable et d'un nilpotent qui commutent, ce qui facilite le calcul de ses puissances et ses exponentielles ;
- dans l'ensemble des matrices carrĂ©es de taille fixĂ©e Ă coefficients complexes (qui sont toutes trigonalisables sur â), l'ensemble des matrices diagonalisables est dense (pour la topologie usuelle)[1] ;
- dans l'ensemble des matrices carrĂ©es de taille fixĂ©e Ă coefficients rĂ©els trigonalisables sur â (c'est-Ă -dire dont toutes les valeurs propres â a priori complexes â sont rĂ©elles), l'ensemble des matrices diagonalisables est dense[1].
Diagonalisation simultanée
Si une famille d'endomorphismes d'un espace E est simultanément diagonalisable, c'est-à -dire s'il existe une base de E propre pour tous les , il est clair que les commutent deux à deux.
On n'a qu'une réciproque partielle : si E est de dimension finie ou si est fini, toute famille d'endomorphismes diagonalisables de E qui commutent deux à deux est simultanément diagonalisable[2].
Notes et références
- Yoann Gelineau (UniversitĂ© Claude-Bernard Lyon 1), DensitĂ© des matrices diagonalisables dans âłn(â), d'aprĂšs Rombaldi, ThĂšmes pour l'agrĂ©gation de mathĂ©matiques, p. 51.
- Exercices corrigés .
Bibliographie
(en) Richard S. Varga, Matrix Iterative Analysis, Springer, 2010 (ISBN 978-3-64205154-8)
Articles connexes
- Analyse en composantes principales
- Matrice nilpotente (pour des exemples de matrices trigonalisables mais non diagonalisables) ; Matrice diagonalisable (dont les matrices simultanément diagonalisables)
- RĂ©duction de matrice
- RĂ©duction d'endomorphisme