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Organomagnésien

Un organomagnĂ©sien est un composĂ© organique prĂ©sentant une liaison carbone–magnĂ©sium. Il s'agit d'une famille de composĂ©s organomĂ©talliques importante en synthĂšse organique car elle inclut les rĂ©actifs de Grignard, qui sont des organomagnĂ©siens mixtes de la forme R–MgX, oĂč R est une chaĂźne carbonĂ©e et X un halogĂšne, gĂ©nĂ©ralement le brome ou le chlore, parfois l'iode — le fluor n'est gĂ©nĂ©ralement pas utilisĂ© en raison de la trop faible polarisabilitĂ© du difluor F2. Ces rĂ©actifs sont couramment employĂ©s dans l'industrie et leur dĂ©couverte Ă  la fin du XIXe siĂšcle par le chimiste français Victor Grignard[1] a permis Ă  ce dernier d'obtenir le prix Nobel de chimie 1912[2] car ils permettent de lier une grande variĂ©tĂ© de synthons Ă  des molĂ©cules organiques.

Structure de l'anthracÚne-magnésium, un organomagnésien, ici complexé avec trois molécules de THF.

Outre les réactifs de Grignard, les organomagnésiens comptent des molécules telles que le diméthylmagnésium (CH3)2Mg, le dibutylmagnésium (CH3CH2CH2CH2)2Mg ou l'anthracÚne-magnésium.

CaractĂšre organomĂ©tallique des R—Mg—X

Le carbone a une Ă©lectronĂ©gativitĂ© forte : . À noter que . Ce fait physique impose la polarisation de la liaison C—Mg : C—Mg. À noter une inversion de la polaritĂ© des liaisons classiques du carbone : dans un organomĂ©tallique, le carbone porte une charge (ce carbone est appelĂ© « carbanion »), d'ailleurs cette liaison est 35 % ionique, ce qui permettra par rĂ©action avec par exemple un halogĂ©nure d'alkyle (R—X) la crĂ©ation d'une liaison carbone-carbone.

Les organomagnĂ©siens sont une des bases, au sens de Brönsted, les plus fortes de la chimie organique avec un pKa de l'ordre de 40 Ă  60. R—Mg—X est un nuclĂ©ophile puissant.

SynthĂšse

Du fait de leur extrĂȘme basicitĂ©, les organomagnĂ©siens n'existent pas Ă  l'Ă©tat naturel. Le bilan global de la synthĂšse est le suivant :

Mode opératoire

La synthĂšse des organomagnĂ©siens est dĂ©licate : le milieu rĂ©actionnel doit ĂȘtre anhydre, en raison des propriĂ©tĂ©s du produit souhaitĂ© ; la rĂ©action est fortement exothermique et le solvant est volatil et inflammable. Une mauvaise manipulation entraĂźne aussi la crĂ©ation d'un produit parasite — appelĂ© « couplage de Wurtz ».

Matériel requis :

  • ballon tricol ;
  • ampoule de coulĂ©e isobare ;
  • rĂ©frigĂ©rant de reflux ;
  • garde Ă  CaCl2 (ou travailler sous atmosphĂšre inerte) ;
  • agitateur magnĂ©tique chauffant ;
  • magnĂ©sium en copeaux ;
  • Ă©ther diĂ©thylique ou THF anhydre ;
  • dĂ©rivĂ© halogĂ©nĂ© ;
  • bain-marie puis eau froide.

Mode opératoire

  • RĂ©aliser un montage d'addition avec reflux, avec protection du milieu rĂ©actionnel contre l'humiditĂ© atmosphĂ©rique, et en mettant un barreau aimantĂ© ovoĂŻde dans le tricol.
  • Placer dans le tricol les copeaux de magnĂ©sium, ayant Ă©tĂ© au prĂ©alable activĂ©s au four. Les couvrir de quelques cm3 d'Ă©ther Ă©thylique anhydre. Rajouter un petit cristal de diiode.
  • Conditionner l'ampoule de coulĂ©e avec la solution du dĂ©rivĂ© halogĂ©nĂ© dans l'Ă©ther Ă©thylique anhydre, et la boucher avec un bouchon en verre.
  • Verser quelques gouttes de la solution d'halogĂ©nure sur les copeaux de magnĂ©sium, attendre quelques minutes l'observation d'une dĂ©coloration se produisant dans le milieu rĂ©actionnel.
  • Lorsque la couleur de l'iode a disparu dans le milieu rĂ©actionnel, chauffer au bain-marie afin d'installer un reflux, et verser l'halogĂ©nure lentement et goutte Ă  goutte en agitant magnĂ©tiquement.
  • Une fois l'addition finie, chauffer Ă  reflux le milieu rĂ©actionnel de maniĂšre Ă  obtenir une rĂ©action complĂšte.

Commentaires

Pour Ă©viter qu'il se produise un couplage de WĂŒrtz entre l'organomagnĂ©sien synthĂ©tisĂ© et l'halogĂ©nure. DĂšs le dĂ©but de la rĂ©action, l'Ă©ther entre en Ă©bullition : le reflux sert Ă  condenser les vapeurs d'Ă©ther qui s'Ă©coulent dans le ballon ; le reflux est lui aussi Ă  maintenir trĂšs faible, afin de ne pas crĂ©er la rĂ©action parasite citĂ©e prĂ©cĂ©demment. Il n'est pas nĂ©cessaire de chauffer tout le long de la manipulation car la rĂ©action est trĂšs exothermique.

La solution finalement obtenue est de couleur grisùtre assez claire, en général.

Solvant

L'éther joue ici un rÎle double, il solvate l'organomagnésien formé et le stabilise, l'organomagnésien est ici un acide de Lewis, le solvant joue ici le rÎle de base de Lewis, ainsi les doublets non liants de l'oxygÚne vont permettre de stabiliser le centre réactif du magnésium. On peut par exemple utiliser l'éther diéthylique ou le tétrahydrofurane (THF), cf. figure ci-dessous.

Le milieu dans lequel baigne l'organomagnĂ©sien doit ĂȘtre complĂštement anhydre : la rĂ©action eau/RMgX est vive.

Réactivité

Sur l'eau

La rĂ©action des organomagnĂ©siens sur l'eau est trĂšs vive (c'est une rĂ©action acido-basique : pKa(RH/R−) = 50), et exothermique. C'est pour cela que le mode opĂ©ratoire impose une dĂ©shydratation totale de l'air dans la verrerie, ainsi que des surfaces et solvants. Sauf cas particuliers, cette rĂ©action est considĂ©rĂ©e comme parasite, et entraĂźne la destruction de l'organomagnĂ©sien.

La réaction de l'organomagnésien sur l'eau est la suivante :

Avec les alcools

Avec les acides carboxyliques

Avec les amines

Avec les alcynes terminaux

Substitution nucléophile, exemple de I2

On propose la substitution nucléophile de RMgX sur I2 (la polarité de cette molécule est induite).

Substitution nucléophile avec les dérivés halogénés

Dérivé halogéné : R'-X

MĂ©canisme : SN2

R-MgX + R'-X —> R-R' + MgX2

Remarque : fonctionne bien avec R-I et Ar-CH2X car ils sont stabilisés par effet inductif pour R-I et mésomÚre pour Ar-CH2X.

RĂ©action sur les Ă©poxydes

MĂ©canisme : SN2

Dans l'Ă©ther :

R----Mg----X + O(CH2)2 (cycle) → R-CH2-CH2-O-Mg-X

Puis hydrolyse acide H3O+ :

R-CH2-CH2-O-Mg-X + H+ → R-CH2-CH2-OH + MgX+

Sur les aldéhydes et cétones

La rĂ©action entre les organomagnĂ©siens et les aldĂ©hydes mĂšne Ă  la formation d'un alcool secondaire si les chaines R1 et R2 contiennent au minimum un carbone. Si le carbone d'appui du groupe alcool final est asymĂ©trique, c’est-Ă -dire si les deux chaines R sont diffĂ©rentes, le produit sera composĂ© des deux isomĂšres de configuration R et S.

Cette réaction conduit à la création d'un alcool tertiaire. Comme pour les aldéhydes, si le carbone formé est asymétrique, on obtient un mélange R/S 50/50 ; ainsi, il n'y a pas de stéréosélectivité. Une étude du mécanisme de la réaction montre qu'en fait il y a un intermédiaire cyclique :

Animation :
Une animation du mécanisme
Une animation du mécanisme

Sur les esters

La réaction est similaire à la réaction sur une cétone. AprÚs hydrolyse, on obtient de maniÚre intermédiaire l'hémiacétal :

Celui-ci est instable, il subit une élimination conduisant à une cétone. L'organomagnésien présent va réagir chimiosélectivement avec la cétone avant l'ester, moins réactif car le noyau du carbone de son carbonyle est un peu masqué par les électrons non liants de l'oxygÚne lié par une liaison simple. Le bilan global de la réaction conduit à la formation d'un alcool tertiaire, sans possibilité d'isoler la cétone intermédiaire.

Sur les chlorures d'acyle

La réaction est similaire à la réaction sur une cétone mais plus rapide car le noyau du carbone lié au chlore montre une charge positive plus attirante pour le radical de l'organomagnésien.

R----Mg----X + R'-CO-Cl → R'-CO-R + Cl-Mg-X

La réaction conduit à la formation d'une cétone isolable s'il n'y a pas trop d'organomagnésien. Cette cétone instable va réagir avec l'organomagnésien qui se trouve dans le milieu réactionnel selon la réaction suivante :

R'-CO-R + RMgX → R-R'COMgX-R et sous l'action de H2O, on obtient un alcool tertiaire.

Si l'on veut s'arrĂȘter au stade de cĂ©tone, il faut opĂ©rer Ă  −65 °C.

Sur le CO2

On utilise le dioxyde de carbone Ă  l'Ă©tat de carboglace. La rĂ©action Ă  −40 °C conduit Ă  la formation d'un acide carboxylique R-COOH.

Notes et références

  1. Victor Grignard, « Sur quelques nouvelles combinaisons organomĂ©talliques du magnĂ©sium et leur application Ă  des synthĂšses d'alcools et d'hydrocarbures », Comptes rendus hebdomadaires des sĂ©ances de l'AcadĂ©mie des sciences, vol. 130,‎ , p. 1322-1325 (lire en ligne).
  2. (en) « The Nobel Prize in Chemistry 1912 » (consulté le ).


C-H He
C-Li C-Be C-B C-C C-N C-O C-F Ne
C-Na C-Mg C-Al C-Si C-P C-S C-Cl C-Ar
C-K C-Ca C-Sc C-Ti C-V C-Cr C-Mn C-Fe C-Co C-Ni C-Cu C-Zn C-Ga C-Ge C-As C-Se C-Br C-Kr
C-Rb C-Sr C-Y C-Zr C-Nb C-Mo C-Tc C-Ru C-Rh C-Pd C-Ag C-Cd C-In C-Sn C-Sb C-Te C-I C-Xe
C-Cs C-Ba * C-Lu C-Hf C-Ta C-W C-Re C-Os C-Ir C-Pt C-Au C-Hg C-Tl C-Pb C-Bi C-Po C-At Rn
Fr C-Ra *
*
Lr Rf Db C-Sg Bh Hs Mt Ds Rg Cn Nh Fl Mc Lv Ts Og
↓
* C-La C-Ce C-Pr C-Nd C-Pm C-Sm C-Eu C-Gd C-Tb C-Dy C-Ho C-Er C-Tm C-Yb
*
*
Ac C-Th C-Pa C-U C-Np C-Pu C-Am C-Cm C-Bk C-Cf C-Es Fm Md No
Liaisons chimiques au carbone
Liaison de base en chimie organique Nombreuses utilisations en chimie
Recherche académique, peu d'usages courants Liaison inconnue / non évaluée
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