Composé organoaluminique
Un composĂ© organoaluminique est un composĂ© organomĂ©tallique contenant une liaison carboneâaluminium[1]. Leurs propriĂ©tĂ©s dĂ©coulent de la polaritĂ© de la liaison CâAl et de la forte aciditĂ© de Lewis des espĂšces tricoordonnĂ©es. Leur principal emploi industriel est la production de polyolĂ©fines. Ce sont par exemple le trimĂ©thylaluminium (CH3)6Al2, le triĂ©thylaluminium (CH3CH2)6Al2, le triisobutylaluminium ((CH3)2CHCH2)3Al ou encore le rĂ©actif de Tebbe.
Les composĂ©s alkylaluminium R3Al sont des liquides incolores. Ceux Ă chaĂźnes alkyle R courtes s'enflamment spontanĂ©ment Ă l'air et rĂ©agissent de maniĂšre explosive au contact de l'eau ; ceux qui portent des groupes R plus longs sont moins rĂ©actifs. Les dĂ©rivĂ©s RnAlX3ân, oĂč X = F, Cl, Br, I, OR, NR2, etc. se comportent Ă©galement de maniĂšre sensiblement moins rĂ©active. Les composĂ©s organoaluminiques rĂ©agissent avec la plupart des solvants, hormis les hydrocarbures saturĂ©s et aromatiques ; le contact avec le chloroforme CHCl3 est susceptible de provoquer des explosions. La dĂ©composition thermique par dĂ©shydroalumination commence Ă 80 °C pour les composĂ© organoaluminiques avec des groupes alkyle ÎČ-ramifiĂ©s et Ă 120 °C pour les organoaluminiques avec des groupes n-alkyle.
Structure et liaisons
Composés d'aluminium(III)
Les composĂ©s organoaluminiques prĂ©sentent gĂ©nĂ©ralement des centres Al Ă trois ou quatre ligands coordonnĂ©s, bien que des coordinences plus Ă©levĂ©es soient observĂ©es avec des ligands inorganiques tels que l'anion fluorure Clâ. L'aluminium tĂ©tracoordonnĂ© tend Ă adopter une gĂ©omĂ©trie tĂ©traĂ©drique. L'atome d'aluminium est plus gros que celui de bore et peut de ce fait coordonner quatre ligands carbonĂ©s.
Les composés organoaluminiques tricoordonnés sont généralement des dimÚres ayant deux ligands alkyle pontants. Ainsi, la molécule de triméthylaluminium, malgré son nom, est formée de deux atomes d'aluminium et six groupes méthyle, pour donner une structure Me2Al(”-Me)2AlMe2.
Lorsque le composĂ© organoaluminique porte un ligand hydrure ou halogĂ©nure, ces ligands de petite taille occupent les sites pontants ; en revanche, lorsque les chaĂźnes carbonĂ©es R sont volumineuses, la coordinence de l'aluminium se limite Ă 3, ce qui est, par exemple, le cas avec les ligands mĂ©sityle 2,4,6-(CH3)3C6H2â ou isobutyle (CH3)2CHCH2â[3].
Ăchanges de ligands dans les composĂ©s trialkylaluminium
Les dimĂšres de trialkylaluminium sont souvent impliquĂ©s dans des Ă©quilibres dynamiques, entraĂźnant l'Ă©change de ligands pontants et terminaux ainsi qu'entre les dimĂšres. MĂȘme dans des solvants non coordinants, l'Ă©change AlâMe est rapide, comme le confirme la RMN du proton. Par exemple, Ă â25 °C, le spectre RMN du 1H du trimĂ©thylaluminium Me6Al2 comprend deux pics dans un rapport 1:2, comme calculĂ© Ă partir de la structure Ă l'Ă©tat solide. Ă 20 °C, un seul pic est observĂ© car l'Ă©change de groupes mĂ©thyle terminaux et pontants est trop rapide pour ĂȘtre rĂ©solu par RMN[4]. Le fait que les monomĂšres soient des acides de Lewis forts est liĂ© Ă la taille du centre Al(III) et Ă sa tendance Ă atteindre une configuration Ă©lectronique satisfaisant la rĂšgle de l'octet.
Composés d'aluminium(II) ou d'aluminium(I)
Le premier composĂ© organoaluminique ayant une liaison AlâAl a Ă©tĂ© observĂ© en 1988 avec le dialane de formule ((Me3Si)2CH)2AlâAl(CH(SiMe3)2)2. Ils sont gĂ©nĂ©ralement prĂ©parĂ©s par rĂ©duction des chlorures de dialkylaluminium (R2AlCl)2 par du potassium mĂ©tallique[5] :
Un autre groupe notable d'alanes est formĂ© par les tĂ©traalanes ayant quatre centres Al(I). Ces composĂ©s adoptent un noyau tĂ©traĂ©drique, comme illustrĂ© par le (Cp*Al)4 et ((Me3Si3C)Al)4. Le groupe [Al12(i-Bu)12]2â a Ă©tĂ© obtenu Ă partir d'Ă©tudes connexes sur la rĂ©duction des composĂ©s organoaluminiques. Ce dianion adopte une structure icosaĂ©drique rappelant l'anion dodĂ©caborate [B12H12]2â. Son Ă©tat d'oxydation formel est infĂ©rieur Ă 1.
Préparation
De maniÚre semblable aux composés organosiliciés, les composés organoaluminiques sont principalement formés par les trois processus suivants :
- par addition oxydante d'halogénure de composé organique et d'aluminium (procédé direct) :
- 2 Al + 3 RX ⶠRAlX2 / R2AlX ;
- par substitution nucléophile des halogénures d'aluminium par des anions organiques (métathÚse) :
- R2AlX + Râ ⶠR2AlR + Xâ ;
- par insertion d'alcĂšnes ou d'alcynes dans la liaison AlâH des alanes organiques (hydroalumination) :
- R2AlH + H2C=CH2 R2AlCH2CH3.
La transmétallation des organomercuriels est rarement utilisée :
à partir d'halogénures d'alkyle et d'aluminium
Industriellement, les composés alkylaluminium simples de type R6Al2, avec R = Me ou Et, sont préparés selon un procédé en deux étapes commençant par l'alkylation de la poudre d'aluminium pour donner du sesquichlorure d'éthylaluminium (CH3CH2)3Al2Cl3 :
- 2 Al + 3 CH3CH2Cl ⶠ(CH3CH2)3Al2Cl3.
La rĂ©action est semblable Ă la synthĂšse des rĂ©actifs de Grignard. Le sesquichlorure formĂ© peut ĂȘtre rĂ©duit en dĂ©rivĂ© triorganoaluminique :
- 2 (CH3CH2)3Al2Cl3 + 6 Na ⶠ(CH3CH2)6Al2 + 2 Al + 6 NaCl.
C'est le procédé employé pour la production de triméthylaluminium Me6Al2 et le triéthylaluminium Et6Al2[6].
Hydroalumination
La poudre d'aluminium réagit directement avec certains alcÚnes terminaux en présence d'hydrogÚne. Le procédé comprend deux étapes, la premiÚre produisant des hydrures de dialkylaluminium. De telles réactions sont généralement conduites à des températures élevées et nécessitent une activation par des réactifs de trialkylaluminium :
Les hydrures organoaluminiques ayant des substituants R peu volumineux sont généralement trimériques. Dans une étape ultérieure, ces hydrures sont traités avec un excÚs d'alcÚne pour réaliser l'hydroalumination :
- 2 [(C2H4R)2AlH]3 + 3 CH2=CHR ⶠ3 (C2H4R)3Al2.
L'hydrure de diisobutylaluminium [((CH3)2CHCH2)2AlH]2, qui est dimérique, est préparé par élimination à partir de triisobutylaluminium ((CH3)2CHCH2)3Al :
- 2 ((CH3)2CHCH2)3Al ⶠ[((CH3)2CHCH2)2AlH]2 + 2 (CH3)2C=CH2.
Carboalumination
Les composés organoaluminiques peuvent réagir avec les alcÚnes et les alcynes, entraßnant l'addition nette d'un résidu organique et d'un fragment métallique sur la liaison multiple (carboalumination (en)). Ce procédé peut se dérouler de maniÚre purement thermique ou en présence d'un catalyseur à base de métal de transition. Pour le procédé non catalysé, la monoaddition n'est possible que lorsque l'alcÚne est substitué. Pour l'éthylÚne, la carboalumination conduit à une distribution de Poisson d'espÚces alkylaluminium supérieures. La réaction est régiosélective pour les alcÚnes terminaux[7]. La « réaction ZACA (en) », publiée pour la premiÚre fois par le prix Nobel de chimie japonais Ei-ichi Negishi, est un exemple de carboalumination asymétrique d'alcÚnes catalysée par un catalyseur zirconocÚne chiral[8].
La méthylalumination des alcynes en présence de dichlorure de zirconocÚne (C5H5)2ZrCl2[9] - [10] est employée pour la synthÚse de fragments d'alcÚnes trisubstitués stéréodéfinis, qui sont un motif courant dans les terpÚnes et polycétides naturels. La synthÚse de (E)-4-iodo-3-méthylbut-3-én-1-ol ci-dessous[11] est une application typique de cette réaction :
La rĂ©giosĂ©lectivitĂ© de la rĂ©action est gĂ©nĂ©ralement assez Ă©levĂ©e avec les alcynes terminaux (> 90:10 rr), pour lesquels on obtient une sĂ©lectivitĂ© syn complĂšte mĂȘme en prĂ©sence de substituants hĂ©tĂ©roatomiques propargyliques ou homopropargyliques. Cependant, la mĂ©thylalumination catalysĂ©es par le zirconocĂšne donne des rendements et une rĂ©giosĂ©lectivitĂ© dĂ©gradĂ©s avec les alkyles supĂ©rieurs.
Préparation à l'échelle du laboratoire
Bien que les composés organoaluminiques les plus simples soient disponibles dans le commerce à prix modique, de nombreuses méthodes ont été développées pour la synthÚse des organoaluminiques en laboratoire, notamment la métathÚse ou la transmétallation. La métathÚse du chlorure d'aluminium AlCl3 avec un organolithien RLi ou un réactif de Grignard RMgX donne le trialkyle R3Al, par exemple du tributylaluminium Bu3Al à partir de n-butyllithium BuLi :
La transmétallation d'un organomercuriel est également possible, par exemple à partir de diphénylmercure Ph2Hg, qui donne du triphénylaluminium Ph3Al :
RĂ©actions
La forte réactivité des composés organoaluminiques vis-à -vis des électrophiles est attribuée à la séparation de charge entre l'aluminium et l'atome de carbone.
Acidité de Lewis
Les composés organoaluminiques sont des acides durs et forment facilement des adduits avec des bases telles que la pyridine, le tétrahydrofurane (THF) et les amines tertiaires. Ces adduits ont un centre Al à géométrie tétraédrique.
Ălectrophiles
La liaison AlâC est polarisĂ©e de sorte que le carbone soit hautement basique. Les acides rĂ©agissent pour donner des alcanes. Par exemple, les alcools donnent des alcoolates :
Une grande variĂ©tĂ© d'acides peut ĂȘtre employĂ©e outre les simples acides minĂ©raux. Les amines donnent des amides. Avec le dioxyde de carbone, les composĂ©s trialkylaluminium donnent le carboxylate de dialkylaluminium, puis les dicarboxylates d'alkylaluminium, Ă©voquant la carbonatation des rĂ©actifs de Grignard[12] - [13] :
La rĂ©action entre les composĂ©s trialkylaluminium et le dioxyde de carbone a Ă©tĂ© utilisĂ©e pour produire des alcools, des alcĂšnes[12] et des cĂ©tones[14]. L'oxygĂšne donne les alcoolates correspondants, qui peuvent ĂȘtre hydrolysĂ©s en alcools :
- 2 R3Al + 3 O2 ⶠ2 (RO)3Al.
Un peroxyde organoaluminique AlâOâOâC dont la structure a Ă©tĂ© caractĂ©risĂ©e est par exemple (C6H5N(Me)C)2CH(R)AlâOâOâCMe3, avec R = (Me3Si)2CHâ[15].
La rĂ©action des composĂ©s trialkylaluminium purs avec l'eau, les alcools, les phĂ©nols, les amines, le dioxyde de carbone, les oxydes de soufre, les oxydes d'azote, les halogĂšnes et les hydrocarbures halogĂ©nĂ©s peut ĂȘtre violente.
Polymérisation d'alcÚnes
Industriellement, les composés organoaluminiques sont utilisés comme catalyseurs pour la polymérisation des alcÚnes en polyoléfines, comme c'est le cas du méthylaluminoxane.
Notes et références
- (en) D. F. Shriver et P. W. Atkins, Inorganic Chemistry, Oxford University Press, 2006. (ISBN 978-0199264636)
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- (en) C. Elschenbroich, Organometallics, 3e Ă©d., Wiley-VCH, 2006. (ISBN 978-3-527-29390-2)
- (en) Frank Albert Cotton et Geoffrey Wilkinson, Advanced Inorganic Chemistry: A Comprehensive Text, John Wiley & Sons, 4e Ă©d., 1980, p. 343. (ISBN 978-0-471-02775-1)
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- (en) Michael J. Krause, Frank Orlandi, Alfred T. Saurage et Joseph R. Zietz Jr., « Aluminum Compounds, Organic », Ullmann's Encyclopedia of Industrial Chemistry,â (DOI 10.1002/14356007.a01_543, lire en ligne)
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- (en) Ei-ichi Negishi, « 3. Discovery of ZACA reaction â Zr-catalyzed asymmetric carboalumination of alkenes », ARKIVOC, vol. VIII,â , p. 34-53 (DOI 10.3998/ark.5550190.0012.803, lire en ligne)
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C-H | He | |||||||||||||||||
C-Li | C-Be | C-B | C-C | C-N | C-O | C-F | Ne | |||||||||||
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C-Rb | C-Sr | C-Y | C-Zr | C-Nb | C-Mo | C-Tc | C-Ru | C-Rh | C-Pd | C-Ag | C-Cd | C-In | C-Sn | C-Sb | C-Te | C-I | C-Xe | |
C-Cs | C-Ba | * | C-Lu | C-Hf | C-Ta | C-W | C-Re | C-Os | C-Ir | C-Pt | C-Au | C-Hg | C-Tl | C-Pb | C-Bi | C-Po | C-At | Rn |
Fr | C-Ra | * * |
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â | ||||||||||||||||||
* | C-La | C-Ce | C-Pr | C-Nd | C-Pm | C-Sm | C-Eu | C-Gd | C-Tb | C-Dy | C-Ho | C-Er | C-Tm | C-Yb | ||||
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Ac | C-Th | C-Pa | C-U | C-Np | C-Pu | C-Am | C-Cm | C-Bk | C-Cf | C-Es | Fm | Md | No |
Liaison de base en chimie organique | Nombreuses utilisations en chimie |
Recherche académique, peu d'usages courants | Liaison inconnue / non évaluée |