Archéen
LâArchĂ©en est un Ă©on de lâĂ©chelle des temps gĂ©ologiques, subdivisĂ© en quatre Ăšres. Il suit lâHadĂ©en et prĂ©cĂšde le ProtĂ©rozoĂŻque, tous trois Ă©tant regroupĂ©s sous le vocable de PrĂ©cambrien (les 86 premiers pour cent de lâexistence de la Terre). Son origine, traditionnellement placĂ©e Ă â3 800 Ma[1], est aujourd'hui fixĂ©e Ă â4 000 Ma par la Commission internationale de stratigraphie[2]. LâArchĂ©en commence en fait avec lâapparition certaine de la vie sur Terre : ce point de dĂ©part Ă©tant imprĂ©cis et faisant lâobjet de nombreuses recherches par les spĂ©cialistes des origines de la vie, le dĂ©but de lâArchĂ©en restera sans doute une convention encore quelque temps.
Notation chronostratigraphique | AR |
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Notation RGF | ar |
Niveau | ĂonothĂšme / Ăon |
Stratigraphie
Paléogéographie et climat
Ătymologie
Le mot vient du grec ancien áŒÏÏÎź (ArkhÄ), signifiant « commencement, origine ».
Ăres de lâArchĂ©en
Les bornes des Ăšres de lâArchĂ©en, Ă lâexception de sa base, sont dĂ©finies non pas par des stratotypes mais par des bornes chronologiques absolues. LâArchĂ©en se dĂ©compose en quatre Ăšres :
- lâĂoarchĂ©en (de -4000 Ă -3600 Ma) : apparition supposĂ©e de microorganismes ;
- le PalĂ©oarchĂ©en (de -3600 Ă -3200 Ma) : la plus ancienne forme de vie connue (bactĂ©rie de 3,460 Ga dâĂąge) remonte Ă cette Ăšre (voir Histoire Ă©volutive du vivant);
- le Mésoarchéen (de -3200 à -2800 Ma) : existence avérée de stromatolithes ;
- le Néoarchéen (de -2800 à -2500 Ma).
ĂlĂ©ments de connaissance
Bien que quelques fragments de roche plus anciens soient connus (datĂ©s de lâHadĂ©en), les premiĂšres formations rocheuses datent de cette Ă©poque. Ces formations se rencontrent au Groenland, dans le Bouclier canadien, au nord-ouest de lâAustralie, au BrĂ©sil et en Afrique.
Au dĂ©but de lâArchĂ©en, l'Ă©nergie thermique dĂ©livrĂ©e par le Soleil Ă©tait de 25 Ă 30 % moins importante (qu'Ă notre Ă©poque), mais le flux d'UV Ă©tait probablement filtrĂ© par une couche d'ozone et de nuages moins dense (les aĂ©rosols issus des plantes et algues faisant dĂ©faut). Une Ă©tude sur un gisement de fer rubanĂ© montre que l'atmosphĂšre terrestre contenait beaucoup plus de gaz Ă effet de serre qu'aujourd'hui (avec une concentration en CO2 trois fois supĂ©rieure) et montre qu'il y avait une quasi-absence de terres Ă©mergĂ©es (Ă l'albĂ©do plus Ă©levĂ©) ; tout cela maintenait la tempĂ©rature supĂ©rieure Ă celle de la congĂ©lation de l'eau, ce qui rendait les conditions environnementales favorables Ă l'apparition de la vie[3].
De plus, le flux thermique issu de la Terre elle-mĂȘme est supposĂ© avoir Ă©tĂ©, Ă cette Ă©poque, au moins le triple de la valeur actuelle et fut sans doute encore le double au dĂ©but du ProtĂ©rozoĂŻque. La chaleur excĂ©dentaire a pu provenir du reste de la chaleur dĂ©gagĂ©e lors de lâaccrĂ©tion de la Terre, (donc aussi) de la chaleur produite par la formation du noyau ferreux, et bien sĂ»r, celle produite par la dĂ©sintĂ©gration radioactive des diffĂ©rents isotopes radioactifs, comme l'uranium 238, l'uranium 235, le thorium 232, le potassium 40, alors prĂ©sents en plus grandes quantitĂ©s qu'actuellement (voire plusieurs fois plus abondants pour les isotopes uranium 235 et potassium 40).
Les roches de cet Ă©on sont des roches mĂ©tamorphiques ou des roches magmatiques, la majoritĂ© de ces derniĂšres sont des roches plutoniques. LâactivitĂ© volcanique Ă©tait nettement plus importante que de nos jours, avec de nombreux points chauds, rifts et des Ă©ruptions de laves inhabituelles telles que de la komatiite. Les roches plutoniques, des strates et de masses volumineuses, de granites, de diorites, des intrusions de roche ultramafique dans des roches mafiques, des anorthosites et des monzonites prĂ©dominent dans les cratons cristallins rĂ©manents de la croĂ»te archĂ©enne, qui existent encore de nos jours.
Le modĂšle de tectonique des plaques de lâArchĂ©en ne fait pas consensus chez les gĂ©ophysiciens, un modĂšle propose une tectonique substantiellement diffĂ©rente de celle de nos jours, avec des plaques plus petites et plus nombreuses et une croĂ»te ocĂ©anique recyclĂ©e plus rapidement, il nâexiste pas de grands continents, les petits protocontinents sont probablement la norme. Ces continents felsiques se forment au niveau des points chauds plutĂŽt quâau niveau des zones de subduction Ă partir dâune variĂ©tĂ© de source : diffĂ©renciation de roches mafiques qui produisent des roches felsiques, magma mafique qui force la fusion de roche felsique et provoque la granitisation de roches intermĂ©diaires, fonte partielle de roche mafique et mĂ©tamorphisme de sĂ©diments felsiques rocheux. Ces fragments de continents ont pu disparaĂźtre si leur densitĂ© Ă©tait trop Ă©levĂ©e pour Ă©viter leur destruction dans les zones de subduction[4] ou leur dĂ©lamination.
Une autre explication pour lâabsence de roches de plus de 3,8 milliards dâannĂ©es est donnĂ©e par la collision de la Terre et dâun grand nombre de mĂ©tĂ©orites ou de comĂštes entre 4,1 et 3,8 milliards dâannĂ©es durant le grand bombardement tardif. Des impacteurs suffisamment volumineux ont ainsi pu faire disparaitre toute trace de roches antĂ©rieures.
Paléoclimat
Lâeau sous forme liquide est prĂ©sente, les ocĂ©ans ont probablement fini de se former durant lâHadĂ©en. L'atmosphĂšre de l'ArchĂ©en ne contient apparemment pas ou trĂšs peu d'oxygĂšne libre. Elle est gĂ©nĂ©ralement considĂ©rĂ©e comme moyennement rĂ©ductrice (dioxyde de carbone CO2, azote N2). Des modĂšles plus anciens considĂ©raient une atmosphĂšre plus fortement rĂ©ductrice (mĂ©thane CH4, ammoniac NH3) et il est bien possible, au vu des derniĂšres pĂ©ripĂ©ties du paradoxe tempĂ©rature-pression (cf. ci-dessous), qu'on en revienne Ă une concentration importante en mĂ©thane[5].
On a longtemps cru que la pression atmosphérique était élevée à l'Archéen (quelques atm). Mais en 2012, la mesure des petits cratÚres générés par l'impact des gouttes de pluie sur un tuf vieux de 2,7 Ga montre que la pression était alors comprise entre 0,52 et 1,1 atm[6]. Et en 2016, la comparaison, en fonction de la profondeur, du volume des bulles piégées dans une coulée de lave datant de 2,74 Ga établit la pression au-dessus de la coulée à 0,23 ± 0,23 atm, donc moins de 0,5 atm[7].
Ă l'ArchĂ©en la tempĂ©rature est supĂ©rieure Ă celle dâaujourd'hui : 40 Ă 85 °C selon la plupart des modĂšles, quoiqu'une tempĂ©rature plus tempĂ©rĂ©e ne soit pas complĂštement exclue[8]. Cette tempĂ©rature Ă©levĂ©e est paradoxale, car les modĂšles d'Ă©volution stellaire indiquent que le Soleil Ă©tait de 25 Ă 30 % moins lumineux qu'aujourd'hui. La diffĂ©rence est sans doute compensĂ©e par la prĂ©sence de gaz Ă effet de serre plus efficaces (de plus grande pression partielle) et/ou par l'absence de nuages rĂ©flĂ©chissants (donc un albĂ©do plus bas). Le paradoxe semblait facile Ă rĂ©soudre tant que l'on considĂ©rait la pression archĂ©enne comme Ă©levĂ©e, mais les derniers rĂ©sultats relancent la question.
Paléoécologie
Une vie anaérobie est présente et évolue durant tout l'archéen (« expansion archéenne »). Elle était réduite à des formes unicellulaires procaryotes. C'est pendant cette période qu'est apparu LUCA (divergence du vivant vers les lignées des bactéries et des archées). Des fossiles de stromatolithes (produits par des tapis microbiens), ont été datés de 3,5 Ga en Australie[9] et de 3,7 Ga au Groenland[10] mais ce dernier résultat a été invalidé en 2018[11]. On a aussi trouvé des traces de la présence d'archées. Cette période se termine avec le Protérozoïque qui verra apparaßtre de trÚs nombreuses nouvelles espÚces, dans une atmosphÚre plus riche en oxygÚne.
La vie de cette époque a laissé peu de traces (organismes unicellulaires), mais leur empreinte ADN persiste chez les organismes actuels : des généticiens du Massachusetts Institute of Technology publient en 2010 dans Nature leur étude sur le génome de 100 espÚces et leurs 4 000 gÚnes par un modÚle mathématique de macroévolution. L'expansion archéenne voit apparaßtre 27 % des gÚnes actuels, notamment ceux codant les protéines de la voie du transport membranaire des électrons, protéines impliquées dans la photosynthÚse et aboutissant à la Grande Oxydation à la fin de l'Archéen[12].
Notes et références
- (en) « Archean Eon (Archeozoic) », sur GeoWhen database.
- « International Chronostratigraphic Chart v.2023/04 », sur International Commission on Stratigraphy, (consulté le ).
- (en) Minik T. Rosing, « No climate paradox under the faint early Sun », Nature, no 464, 9 avril 2010, p. 744-747.
- (en) Steven M. Stanley, Earth System History, New York, W.H. Freeman and Company, 1999 (ISBN 0-7167-2882-6), p. 297-301.
- François Savatier, « Une faible pression atmosphĂ©rique Ă l'ArchĂ©en », Pour la science, no 465,â , p. 6-7.
- (en) S. M. Som, D. C. Catling, J. P. Harnmeijer, P. M. Polivka et R. Buick, « Air density 2.7 billion years ago limited to less than twice modern levels by fossil raindrop imprints », Nature, vol. 484,â , p. 359â362 (DOI 10.1038/nature10890).
- (en) Sanjoy M. Som, Roger Buick, James W. Hagadorn, Tim S. Blake, John M. Perreault, Jelte P. Harnmeijer et David C. Catling, « Earth's air pressure 2.7 billion years ago constrained to less than half of modern levels », Nature Geoscience, vol. 9,â , p. 448â451 (DOI 10.1038/ngeo2713).
- (en) James F. Kating et Tazwell Howard, « Atmospheric composition and climate on the early Earth »(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?), Royal Society Journal, septembre 2006.
- (en) M. J. Van Kranendonk, P. Philippot, K. Lepot, S. Bodorkos & F. Pirajno, « Geological setting of Earthâs oldest fossils in the c. 3.5 Ga Dresser Formation, Pilbara craton, Western Australia », Precambr. Res., no 167, 2008, p. 93â124.
- (en) Allen P. Nutman, Vickie C. Bennett, Clark R. L. Friend, Martin J. Van Kranendonk & Allan R. Chivas, « Rapid emergence of life shown by discovery of 3,700-million-year-old microbial structures », Nature, vol. 537, Letter, 22 septembre 2016, doi:10.1038/nature19355, .
- (en) Abigail C. Allwood, Minik T. Rosing, David T. Flannery, Joel A. Hurowitz & Christopher M. Heirwegh, « Reassessing evidence of life in 3,700-million-year-old rocks of Greenland », Nature,â (DOI 10.1038/s41586-018-0610-4).
- (en) Lawrence A. David & Eric J. Alm, « Rapid evolutionary innovation during an Archaean genetic expansion », Nature,â (DOI 10.1038/nature09649).
Voir aussi
Bibliographie
- H. Bouhallier, Ăvolution structurale et mĂ©tamorphique de la croĂ»te continentale archĂ©enne (Craton de Dharwar, Inde du Sud), 277 p., 100 fig., dont 5 pl. coul., 7 tab., dont annexes (1995) (ISBN 2-905532-59-9) [lire en ligne].
- A.N. Kouamelan, GĂ©ochronologie et GĂ©ochimie des Formations ArchĂ©ennes et ProtĂ©rozoĂŻques de la Dorsale de Man en CĂŽte dâIvoire. Implications pour la Transition ArchĂ©en-ProtĂ©orozoĂŻque, 290 p., 99 fig., 23 tabl., 2 pl. couleur, dont annexe (1996) (ISBN 2-905532-72-6) ([lire en ligne] no 73).
- M. A. Santos Pinto, Le recyclage de la croûte continentale archéenne : Exemple du bloc du Gavião - Bahia, Brésil, 193 p., 102 fig., 51 tab. (1996) (ISBN 2-905532-74-2) ([lire en ligne] no 75).
- D. Chardon, Les déformations continentales archéennes : Exemples naturels et modélisation thermomécanique, 300 p., 127 fig., 6 tabl., 4 pl. photo ; dont annexes (1997) (ISBN 2-905532-75-0) ([lire en ligne] no 75).
Articles connexes
Liens externes
- Présentation pédagogique de l'Archéen par Hervé Martin (SFE : Société Française d'Exobiologie)
- La Terre archĂ©enne, une planĂšte sans tectonique des plaques ? â L'univers de la gĂ©ologie
- Des prĂ©cisions apportĂ©es sur la formation de la lithosphĂšre continentale archĂ©enne â L'univers de la gĂ©ologie