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Grande Oxydation

La Grande Oxydation ou Grande Oxygénation[1] (Great Oxygenation Event en anglais, ou GOE), également appelée catastrophe de l'oxygÚne ou crise de l'oxygÚne, est un événement majeur qui s'est produit dans l'atmosphÚre terrestre, les eaux de surface et la biosphÚre il y a environ 2,4 à 2 milliards d'années (Ga), au Paléoprotérozoïque : le dioxygÚne, ou oxygÚne libre (non combiné à d'autres éléments comme dans CO2), est devenu un constituant notable de l'atmosphÚre, il s'est accumulé à l'état dissous dans les eaux, une majeure partie des sols se sont oxydés, et les organismes vivants ont dû s'adapter à ces nouvelles conditions[2] - [3].


Évolution de la concentration en dioxygĂšne de l'atmosphĂšre terrestre (limite haute en rouge, basse en vert). Échelle horizontale : Ăąge en milliards d'annĂ©es.
PhasePériode (Ga)Caractéristiques
13,85–2,45Pas de production de dioxygùne.
22,45–1,85La production de dioxygĂšne est absorbĂ©e par les ocĂ©ans et les fonds marins.
31,85–0,85Les ocĂ©ans dĂ©gagent du dioxygĂšne mais il est absorbĂ© par les terres.
Constitution de la couche d'ozone.
4 et 50,85–0,54
0,54–prĂ©sent
Les puits d'oxygÚne sont saturés et le dioxygÚne s'accumule dans l'atmosphÚre.

Le dioxygĂšne, libĂ©rĂ© dans l'eau de mer par le mĂ©tabolisme des organismes photosynthĂ©tiques (principalement les cyanobactĂ©ries), a d'abord rĂ©agi avec les composĂ©s rĂ©ducteurs prĂ©sents en surface (mĂ©thane CH4, sels et minĂ©raux ferreux). Il a commencĂ© Ă  s'accumuler quand ces « puits de l'oxygĂšne » sont venus Ă  saturation. L'oxygĂšne libre Ă©tait probablement un poison pour les premiers organismes vivants, comme il l'est encore aujourd'hui pour une majeure partie des organismes anaĂ©robies : ils ont d'abord dĂ» dĂ©velopper des mĂ©canismes pour s'en protĂ©ger, ensuite sont apparus des organismes aĂ©robies — aujourd'hui majoritaires — pour lesquels le dioxygĂšne est devenu indispensable (respiration). Les organismes photosynthĂ©tiques ont Ă©galement dĂ» adapter leur mĂ©tabolisme car le dioxygĂšne diminue l'efficacitĂ© de la Rubisco, l'enzyme-clĂ© de la photosynthĂšse. La Grande Oxydation n'est donc pas qu'un Ă©vĂ©nement chimique affectant la surface terrestre, c'est aussi une crise Ă©cologique majeure, sans doute la premiĂšre de l'histoire du vivant.

Évolution du cycle de l'oxygùne

La comprĂ©hension de ces Ă©vĂšnements nĂ©cessite de connaĂźtre certaines bases de physiologie : les ĂȘtres vivants Ă©laborent des structures basĂ©es sur le carbone — qu'il s'agisse de courtes chaĂźnes cycliques (glucides = sucres), ou de longues chaĂźnes plus ou moins complexes (lipides = graisses), ou encore des composĂ©s carbonĂ©s comportant un groupe azotĂ© (protĂ©ines, formĂ©es de chaĂźnes d'acides aminĂ©s). Dans tous les cas, il s'agit d'assemblages d'atomes de carbone. Les organismes responsables de l'oxygĂ©nation tirent leur carbone des molĂ©cules de dioxyde de carbone (CO2) extraites de l'atmosphĂšre, l'Ă©nergie nĂ©cessaire provenant de la lumiĂšre solaire (photosynthĂšse). Chaque rĂ©action de fixation d'un atome de carbone supplĂ©mentaire libĂšre une molĂ©cule de dioxygĂšne (O2), qui n'est donc pour ces organismes vivants (cyanobactĂ©ries) qu'un dĂ©chet toxique.

Ces organismes primitifs Ă©liminaient ce dioxygĂšne dans les ocĂ©ans, celui-ci rĂ©agissait avec les composĂ©s de l'ocĂ©an, principalement avec les mĂ©taux comme le fer ferreux pour prĂ©cipiter en hĂ©matite et magnĂ©tite, ce qui limitait les possibilitĂ©s de vie Ă  la prolifĂ©ration des seuls organismes anaĂ©robies. Ce n'est plus le cas vers −2,4 Ga : aprĂšs l'Ă©puisement du fer ferreux marin, le dioxygĂšne s'est alors rĂ©pandu des ocĂ©ans Ă  l'atmosphĂšre, dĂ©clenchant une crise Ă©cologique en raison de sa toxicitĂ© pour les organismes anaĂ©robies de l'Ă©poque qui le produisent.

La fluctuation de la teneur d'un autre mĂ©tal dissous dans l'eau de mer pourrait ĂȘtre Ă  l'origine de la Grande Oxydation. Une Ă©tude de 2009 montre une chute brutale des teneurs en nickel dissous dans l'eau de mer Ă  une pĂ©riode estimĂ©e entre 2,7 et 2,4 Ga[4]. L'origine de cette baisse considĂ©rable — la teneur Ă©tait alors 400 fois supĂ©rieure Ă  ce qu'elle est aujourd'hui — n'est pas bien expliquĂ©e, peut-ĂȘtre liĂ©e au refroidissement et Ă  la solidification du manteau terrestre. Cette chute des teneurs en nickel serait responsable de la quasi-disparition de micro-organismes (archĂ©obactĂ©ries) mĂ©thanogĂšnes qui prolifĂ©raient dans ces eaux enrichies en nickel (Ă©pisode surnommĂ© la « famine du nickel »). Leur quasi-disparition a laissĂ© la place Ă  des algues et autres organismes producteurs d'oxygĂšne par photosynthĂšse, responsables de la Grande Oxydation[4] - [5].

De plus, l'oxygĂšne libre rĂ©agit avec le mĂ©thane atmosphĂ©rique (ce gaz Ă©tant Ă  cette Ă©poque, avec le dioxyde de carbone, Ă  l'origine de l'effet de serre), dĂ©clenchant ainsi la glaciation huronienne entre 2,4 et 2,1 Ga, probablement le plus long Ă©pisode boule de neige de la Terre. AprĂšs cette glaciation, la fonte des glaces provoque un lessivage des continents, ce qui apporte des Ă©lĂ©ments nutritifs dans les ocĂ©ans, favorisant le dĂ©veloppement des cyanobactĂ©ries photosynthĂ©tiques Ă  l'origine de l'accĂ©lĂ©ration considĂ©rable de l'augmentation de la concentration d’oxygĂšne dans l'atmosphĂšre terrestre : la concentration en oxygĂšne de l’air augmente rapidement, en deux cents millions d'annĂ©es, pour atteindre vers −2,1 Ga d'annĂ©es un seuil de 4 % qui voit l'Ă©mergence de la vie multicellulaire aĂ©robie.

De plus, cet oxygÚne libre est à l'origine de la formation de la couche d'ozone qui a pour effet d'absorber la plus grande partie du rayonnement solaire ultraviolet, autorisant l'accroissement de la biodiversité.

Ainsi, la vie aérobie (utilisant l'oxygÚne atmosphérique libre), actuellement majoritaire, résulte de l'adaptation de la vie primitivement anaérobie à un environnement qu'elle a rendu toxique.

ModÚles et théories

Ce modĂšle a Ă©tĂ© prĂ©cisĂ© en 2013 : la concentration d’oxygĂšne dans l'atmosphĂšre terrestre montre des fluctuations et une dynamique « en yoyo » entre 2,3 et 1,8 Ga pour chuter au cours du MĂ©soprotĂ©rozoĂŻque 1,8 et 1,6 Ga Ă  un taux de 0,1 % de la teneur actuelle[6] - [7], qui perdure pendant un milliard d'annĂ©es, cette pĂ©riode voyant le dĂ©veloppement uniquement de bactĂ©ries qui laissent peu de traces fossiles. Ce milliard (d'annĂ©es) est nommĂ© par les scientifiques britanniques « le milliard ennuyeux » (the boring billion, par l'absence de fossiles) et aprĂšs cette pĂ©riode vers 600-700 millions d’annĂ©es (glaciation Varanger Ă  l'Ă©poque du CryogĂ©nien), l'atmosphĂšre terrestre connaĂźt Ă  nouveau une importante augmentation d'oxygĂšne jusqu'Ă  nos jours[8], oĂč le taux est de 20,9 %.

Notes et références

Références

  1. « L'histoire de l'univers », sur Futura (consulté le ).
  2. Yves Sciama, « Elles ont façonnĂ© la Terre », Science et Vie, hors-sĂ©rie no 261,‎ , p. 21 (ISSN 0151-0282).
  3. Christian de Duve (trad. Anne Bucher et Jean-Mathieu Luccioni), PoussiĂšre de vie : Une histoire du vivant, Paris, Fayard, , 588 p. (ISBN 978-2-213-59560-3).
  4. (en) Kurt O. Konhauser et al., « Oceanic nickel depletion and a methanogen famine before the Great Oxidation Event », Nature, vol. 458, no 7239,‎ , p. 750–753 (PMID 19360085, DOI 10.1038/nature07858, Bibcode 2009Natur.458..750K)
  5. (en) Cynthia Graber, « Breathing Easy Thanks to the Great Oxidation Event », sur Scientific American (consulté le ).
  6. « L’effet « yoyo » de l’oxygĂšne atmosphĂ©rique il y a 2,3 Ă  2 milliards d’annĂ©es, dĂ©cisif pour la vie sur Terre », sur INSU (consultĂ© le )
  7. « DĂ©couverte scientifique majeure par l’analyse des sĂ©diments du bassin de Franceville au Gabon », sur La France au Gabon et Ă  SĂŁo TomĂ© et Principe (consultĂ© le )
  8. (en) Donald E. Canfielda, Lauriss Ngombi-Pembab, Emma U. Hammarlunda, Stefan Bengtsonc, Marc Chaussidond, François Gauthier-Lafayee, Alain Meunierb, Armelle Riboulleauf, Claire Rollion-Bardd, Olivier Rouxelg, Dan Asaelg, Anne-Catherine Pierson-Wickmannh et Abderrazak El Albani, « Oxygen dynamics in the aftermath of the Great Oxidation of the Earth’s atmosphere », Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 110, no 42,‎ , p. 16736-16741 (DOI 10.1073/pnas.1315570110)

Voir aussi

Articles connexes

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