Algue
Les algues /alg/ sont des organismes vivants capables de produire de la photosynthÚse oxygénique et dont le cycle de vie se déroule généralement en milieu aquatique. Elles constituent une part trÚs importante de la biodiversité et la base principale des chaßnes alimentaires des eaux douces, saumùtres et marines. Diverses espÚces sont utilisées pour l'alimentation humaine, l'agriculture et l'industrie.
l'appellation « Algues » s'applique en français à plusieurs taxons distincts.
Taxons concernés
- Classe des Cyanophyceae ou Oxyphotobacteria
- Domaine des Eukaryota
- Division des Glaucophyta ou Glaucocystophyta
- Division des Rhodophyta
- Sous-division des Cyanidiophytina
- Classe des Cyanidiophyceae
- Sous-division des Rhodophytina
- Classe des Bangiophyceae
- Classe des Compsopogonophyceae
- Classe des Florideophyceae
- Classe des Porphyridiophyceae
- Classe des Rhodellophyceae
- Classe des Stylonematophyceae
- Sous-division des Cyanidiophytina
- Division des Chlorobionta ou Viridiplantae
- Sous-division des Chlorophyta
- Classe des Prasinophyceae
- Classe des Pedinophyceae
- Classe des Ulvophyceae
- Classe des Chlorophyceae
- Classe des Trebouxiophyceae
- Sous-division des Streptophyta
- Classe des Mesostigmatophyceae
- Classe des Chlorokybophyceae
- Classe des Klebsormidiophyceae
- Classe des Zygnematophyceae ou Conjugatophyceae
- Classe des Coleochaetophyceae
- Classe des Charophyceae
- Sous-division des Chlorophyta
- Division des Cryptophyta
- Classe des Cryptophyceae ou Cryptomonadea ou Cryptomonadophyceae
- Division des Euglenozoa
- Classe des Euglenophyceae ou Euglenoida
- Division des Cercozoa
- Classe des Chlorarachniophyceae
- Division des Haptophyta ou Prymnesiophyta
- Classe des Pavlovophyceae
- Classe des Prymnesiophyceae
- Division des Dinophyta
- Classe des Dinophyceae
- Classe des Blastodiniphyceae
- Classe des Noctiluciphyceae
- Classe des Syndiniophyceae
- Division des Ochrophyta ou Heterokontophyta
- Classe des Bacillariophyceae ou Diatomophyceae
- Classe des Bolidophyceae
- Classe des Parmophyceae
- Classe des Pelagophyceae
- Classe des Pedinellophyceae
- Classe des Dictyochophyceae
- Classe des Pinguiophyceae
- Classe des Raphidophyceae
- Classe des Phaeothamniophyceae
- Classe des Chrysomerophyceae
- Classe des Xanthophyceae ou Tribophyceae
- Classe des Schizocladiophyceae
- Classe des Phaeophyceae ou Melanophyceae ou Fucophyceae
- Classe des Eustigmatophyceae
- Classe des Chrysophyceae
Les algues ne constituent pas un groupe évolutif unique, mais rassemblent toute une série d'organismes pouvant appartenir à des groupes phylogénétiques trÚs différents[1]. De fait, les algues ont souvent été définies par défaut, par simple opposition aux végétaux terrestres ou aquatiques pluricellulaires.
L'étude des algues s'appelle la phycologie. Le terme d'algologie est parfois utilisé, mais il désigne également la branche de la médecine qui traite de la douleur[2].
De nombreuses estimations ont fait varier le nombre dâespĂšces dâalgues de 30 000 Ă plus d'un million. MalgrĂ© les incertitudes quant aux organismes qui devraient ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des algues, un inventaire Ă©tabli en 2012, d'aprĂšs la base de donnĂ©es AlgaeBase (qui inclut 15 phyla et 64 classes mais ne prend pas en compte les quelque 200 000 espĂšces de diatomĂ©es, microalgues siliceuses), recense 72 500 espĂšces dâalgues diffĂ©rentes[3].
Ătymologie
Le mot « algue » est issu du mot latin alga[4] de mĂȘme signification. Son Ă©tymologie est obscure. Bien que certaines spĂ©culations le rapprochent du latin algÄre, « avoir froid »[5], aucune raison connue ne permet d'associer les algues Ă la tempĂ©rature. Une source plus vraisemblable serait *allÄga « liant, entrelaçant » (dĂ©rivĂ© de adlÄgÄtÄo action de lier).
Le mot grec ancien pour « algue » est ÏῊÎșÎżÏ / phĆ·kos, ce qui pouvait signifier soit l'algue elle-mĂȘme (probablement une algue rouge), soit une teinture rouge qui en dĂ©rive. En effet, la latinisation fĆ«cus dĂ©signait avant tout le rouge cosmĂ©tique. Son Ă©tymologie est Ă©galement incertaine, mais un candidat potentiel est le terme hĂ©breu biblique Ś€ŚŚ / pĆ«k, « peinture », un fard Ă paupiĂšres utilisĂ© par les anciens Ăgyptiens et d'autres habitants de MĂ©diterranĂ©e orientale. Il pourrait alors s'agir de n'importe quelle couleur : noir, rouge, vert ou bleu.
L'étude moderne des algues, marines ou d'eau douce, est appelée soit phycologie, soit algologie, selon que la racine grecque ou latine est utilisée. Le mot fucus est repris dans un certain nombre de taxons.
Description générale, typologie
Les algues constituent un groupe polyphylétique
Jusque dans les annĂ©es 1960, la classification du monde vivant comportait un « rĂšgne vĂ©gĂ©tal » subdivisĂ© en thallophytes (taxon dans lequel Ă©tait inclus les algues) et les cormophytes. Ces taxons Ă©taient des regroupements artificiels d'organismes trĂšs divers sur la base de ressemblances morphologiques, et sont devenus obsolĂštes. La dĂ©finition des algues est liĂ©e Ă l'histoire des sciences et des classifications et rĂ©pond plus Ă des nĂ©cessitĂ©s pratiques qu'elle nâest cohĂ©rente. Le terme collectif d'algues est en effet une dĂ©nomination commode permettant de regrouper des organismes photosynthĂ©tiques infĂ©odĂ©s aux zones humides mais plusieurs groupes algaux n'ont pas d'ancĂȘtre commun direct (groupes polyphylĂ©tiques, dissĂ©minĂ©s en plusieurs lignĂ©es Ă©volutives bien distinctes au sein du domaine des eucaryotes)[8] - [9].
Dans l'acception la plus large du terme, les algues rassemblent :
- des organismes procaryotes : les Cyanobactéries (autrefois nommées « algues bleues » ou Cyanophycées) ;
- des eucaryotes :
- divers groupes à espÚces unicellulaires (Euglénophytes, Cryptophytes, Haptophytes, Glaucophytes, etc.),
- d'autres groupes Ă espĂšces unicellulaires ou pluricellulaires :
- les « algues rouges » ou Rhodophyta,
- les Stramenopiles (regroupant notamment les Diatomées et les « algues brunes » ou Phéophycées),
- et enfin des végétaux assez proches des plantes terrestres : les « algues vertes », qui comprennent entre autres les Ulvophycées.
La morphologie est donc trĂšs diversifiĂ©e : de nombreuses espĂšces sont unicellulaires, Ă©ventuellement mobiles, d'autres forment des filaments cellulaires ou des lames simples, d'autres dĂ©veloppent des architectures complexes et diffĂ©renciĂ©es, par apposition cellulaire ou par enchevĂȘtrement de filaments tubulaires. Les algues ne possĂšdent cependant pas de tissus nettement individualisĂ©s, comme on peut en trouver parmi les vĂ©gĂ©taux terrestres vasculaires. Les couleurs des algues, qui peuvent ĂȘtre trĂšs variĂ©es (verte, jaune, rouge, brune...) ont servi, dans le sillage de Lamouroux Ă dĂ©signer les diffĂ©rents « groupes » taxinomiques d'algues.
Bien que pouvant appartenir à des groupes non apparentés, les algues peuvent constituer des groupes écologiques pertinents : les macroalgues marines ou d'eau douce, le phytoplancton, le périphyton, le phytobenthos, etc.
Des algues en symbiose
Certaines algues contribuent Ă des formes symbiotiques stabilisĂ©es trĂšs rĂ©pandues dans la nature, telles que les lichens et les coraux zooxanthellĂ©s, mais certaines espĂšces peuvent aussi ĂȘtre impliquĂ©es dans des formes de symbioses plus rares ou plus insolites, par exemple avec certaines Ă©ponges d'eau douce comme Spongilla lacustris, avec des mollusques nudibranches comme Phyllodesmium longicirrum et mĂȘme, cas unique connu chez les VertĂ©brĂ©s, avec la salamandre maculĂ©e Ambystoma maculatum.
Il existe quelques cas d'algues parasites.
Des plantes aquatiques non apparentées aux algues
Tous les végétaux aquatiques ne sont cependant pas des algues. Plusieurs groupes de plantes terrestres se sont adaptés à une existence immergée en eau douce (des mousses, les fougÚres Hydropteridales, diverses Spermaphytes dont les Potamogetonacées, les Hydrocharitacées, les Utriculaires, etc.).
Quelques familles de plantes Ă fleurs vivent mĂȘme exclusivement ou partiellement dans la mer (ZostĂ©racĂ©es, PosidoniacĂ©es, Cymodoceaceae, certaines Hydrocharitaceae, Ruppiaceae et Zannichelliaceae) constituant des herbiers marins.
Des algues en milieu terrestre
à l'inverse, de nombreuses algues unicellulaires ont conquis des habitats terrestres trÚs diversifiés, pourvu qu'ils soient au moins un peu humides.
Ainsi, Chlamydomonas nivalis vit dans les glaciers. Des algues verdissent de nombreuses Ă©corces d'arbres. L'algue Klebsormidium est frĂ©quemment trouvĂ©e sur les façades d'Europe ainsi que d'autres espĂšces selon Ortega-Calvo et al.(1991)[10] ; Rindi et Guiry (2004)[11] ; Barberousse (2006)[12] et Rindi (2004)[13] - [14], dont Trentepohlia, Trebouxia, Prasiola et Chlorella ou encore une espĂšce du genre Trentepohlia est responsable des traĂźnĂ©es rougeĂątres sur le ciment de poteaux Ă©lectriques, de murs ou sur le crĂ©pi de mortier appliquĂ© sur certaines façades de bĂątiments, par exemple assez frĂ©quemment dans l'ouest de la France. Des murs peuvent ĂȘtre teintĂ©s de jaune-orangĂ©, brun ou bordeaux en raison de la prĂ©sence de carotĂ©noĂŻdes et de produits de dĂ©gradation de la chlorophylle (les phycobiliprotĂ©ines) issus dâalgues, de cyanobactĂ©ries et de microchampignons. La colonisation de crĂ©pis par des bactĂ©ries chemo-organotrophiques et/ou les produits de dĂ©gradation des cyanobactĂ©ries et des algues enrichies en fer provoque une coloration rouge et rose des façades selon Warscheid et Braams (2000)[15], citĂ©s par Estelle Dalod dans sa thĂšse sur l'influence de la composition chimique de mortiers sur leur biodĂ©tĂ©rioration par les algues[16].
- Algues vertes (et mousses) sur vieux mur humide
- Algues rouges sur mur (Bretagne)
- trainées rouges
- Algues rouges sur mur
Taxinomie (Classification des algues)
« Algues » procaryotes
Traditionnellement, on classait les cyanobactéries parmi les algues, référencées comme cyanophytes ou algues bleu-vert, bien que certains traités les en aient exclues. Elles apparaissent déjà dans des fossiles du Précambrien, datant d'environ 3,8 milliards d'années. Elles auraient joué un grand rÎle dans la production de l'oxygÚne de l'atmosphÚre. Leurs cellules ont une structure procaryote typique des bactéries. La photosynthÚse se produit directement dans le cytoplasme. Lorsqu'elles sont en symbiose avec un champignon, elles forment un lichen.
Elles sont à l'origine des chloroplastes des cellules eucaryotes, et ont ainsi permis aux végétaux de réaliser la photosynthÚse, à la suite d'une endosymbiose.
Algues eucaryotes
Toutes les autres algues sont eucaryotes. Chez-elles, la photosynthÚse se produit dans des structures particuliÚres, entourées d'une membrane, qu'on appelle chloroplastes. Ces structures contiennent de l'ADN et sont similaires aux cyanobactéries validant l'hypothÚse de l'endosymbiose.
Trois groupes de végétaux ont des chloroplastes « primaires » :
- les Chlorobiontes dont font partie les plantes vertes ;
- les algues rouges ou Rhodophytes ;
- les Glaucophytes.
Dans ces groupes, le chloroplaste est entourĂ© par 2 membranes. Ceux des algues rouges ont plus ou moins la pigmentation typique des cyanobactĂ©ries, alors que la couleur verte, et celle des plantes supĂ©rieures, est due Ă la chlorophylle a et b. L'analyse biochimique des membranes permet raisonnablement de soutenir l'hypothĂšse que ces groupes ont un ancĂȘtre commun, c'est-Ă -dire que l'existence des chloroplastes serait la consĂ©quence d'un seul Ă©vĂ©nement endosymbiotique[1].
Deux autres groupes, les Euglénophytes et les Chlorarachniophytes, ont des chloroplastes verts contenant de la chlorophylle a et b. Ces chloroplastes sont entourés, respectivement, de trois ou quatre membranes et furent probablement acquis de l'incorporation d'une algue verte. Ceux des Chlorarachniophytes contiennent un petit nucléomorphe, reste du noyau de la cellule. On suppose que les chloroplastes des Euglénophytes ont seulement 3 membranes parce qu'ils furent acquis par myzocytose plutÎt que par phagocytose.
Les autres algues ont toutes des chloroplastes contenant des chlorophylles a et c. Ce dernier type de chlorophylle n'est pas connu du moindre procaryote ou chloroplaste primaire, mais des similarités génétiques suggÚrent une relation avec l'algue rouge. Ces groupes comprennent :
- les hétérokontophytes (par exemple : algues dorées, diatomées, algues brunes) ;
- les haptophytes (par exemple : coccolithophores) ;
- les cryptophytes ;
- les dinoflagellés.
Dans les trois premiers de ces groupes (Chromista), le chloroplaste a 4 membranes retenant un nuclĂ©omorphe chez les Cryptophytes, et on suppose maintenant qu'ils ont en commun un ancĂȘtre colorĂ©. Le chloroplaste des DinoflagellĂ©s typiques a 3 membranes, mais il y a une diversitĂ© considĂ©rable dans les chloroplastes de ce groupe, quelques membres ayant acquis leurs plastes par d'autres sources. Les Apicomplexa, un groupe de parasites Ă©troitement apparentĂ©s, ont aussi des plastes dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s appelĂ©s apicoplastes, diffĂ©rents toutefois des vĂ©ritables chloroplastes, qui semblent avoir une origine commune avec ceux des dinoflagellĂ©s.
Appartenance des algues, selon diverses classifications
- Dans le plus ancien systÚme à 3 rÚgnes, les algues sont dans le rÚgne végétal, parmi les thallophytes, avec les champignons et les lichens.
- Dans le systÚme à 5 rÚgnes (de Robert Harding Whittaker), les algues sont réparties entre les Plantae et les Protista.
- En classification phylogénétique, les algues sont réparties en 11 groupes dans un groupe polyphylétique.
Genres d'algues
Quelques genres, classés selon Catalogue Of Life :
- Phylum Cyanobacteria : Ă ce phyllum appartiennent les Stromatolites.
- Phylum Haptophyta
- Calcidiscus (coccolithophore) (Unicellulaire)
- Phylum Ochrophyta
- Alaria
- Stypopodium
- Cystoseira
- Durvillaea
- Eisenia (Aramé)
- Fucus
- Himanthalia
- Laminaria
- Macrocystis
- Protococcus = Phaeococcus
- sargasse
- Vaucheria
- Phylum Chlorophyta
- Acetabularia (Unicellulaire)
- Blidingia, Bryopsis
- Caulerpa, Chlamydomonas (Unicellulaire), Chlorella (Unicellulaire), Cladophora , Codium
- Dictyota
- Enteromorpha
- Haematococcus
- Mougeotia, Monostroma
- Nitella
- Oedogonium
- Pediastrum, Prasiola
- Spirogyra
- Ulothrix, Ulva
- Volvox
- Zoochlorella, Zygnema
- Phylum Rhodophyta
- Asparagopsis
- Ceramium, Chondrus (Carragheen), Corallina
- Feldmannophycus
- Gelidium
- Lithothamnium
- Nemalion
- Porphyra
- Phylum Dinophyta
- Zooxanthella = Endodinium (Unicellulaire)
Algues fossiles
- Girvanella (Cyanobacteria)
- Diplopora
Un des projets collaboratifs de Tela botanica porte sur la création d'une base de données Algues[17] pour les algues (macroalgues et microalgues marines, saumùtres, dulçaquicoles et terrestres) de France métropolitaine, et éventuellement ensuite des territoires d'outre-mer.
Formes des algues
La plupart des algues les plus simples sont unicellulaires flagellés ou amoeboïdes, mais des formes coloniales et non-mobiles se sont développées indépendamment dans plusieurs de ces groupes. Les niveaux d'organisation les plus courants, dont plusieurs peuvent intervenir dans le cycle de vie d'une espÚce, sont les suivants :
- Colonial - petit groupe ordinaire de cellules mobiles.
- CapsoĂŻde - cellules non mobiles incluses dans un mucilage.
- CoccoĂŻde - des cellules individuelles non-mobiles avec des parois cellulaires.
- PalmelloĂŻde - des cellules non-mobiles incluses dans le mucilage.
- Filamenteux - une kyrielle de cellules non-mobiles connectées ensemble, quelquefois ramifiées.
- Membraneux - des cellules formant un thalle avec une différenciation partielle des tissus.
Des niveaux plus Ă©levĂ©s d'organisation ont mĂȘme Ă©tĂ© atteints, menant Ă des organismes avec des diffĂ©renciations complĂštes des tissus. Ce sont les algues brunes qui peuvent atteindre 70 m de long (varech) ; les algues rouges et les algues vertes. Les formes les plus complexes se trouvent chez les algues vertes (voir Charales), dans une lignĂ©e qui a conduit aux plantes supĂ©rieures. Le point oĂč ces derniĂšres commencent et oĂč les algues s'arrĂȘtent est marquĂ© habituellement par la prĂ©sence d'organes reproductifs munis de couches de cellules protectrices, une caractĂ©ristique qu'on ne trouve pas dans les autres groupes d'algues.
Ăcologie des algues
Les algues constituent, avec les bactĂ©ries et le zooplancton, une part essentielle importante de l'Ă©cologie aquatique et de l'environnement marin notamment. Elles ont adoptĂ© des modes de vie trĂšs divers, certaines vivant mĂȘme hors de l'eau. GrĂące Ă des spores rĂ©sistantes, nombre d'entre elles ont une capacitĂ© exceptionnelle de rĂ©sistance. Le vent, les embruns et les oiseaux migrateurs[18] contribuent Ă leur dispersion.
Les algues jouent un rÎle fondamental dans le cycle du carbone[19]. En effet, elles fixent le carbone atmosphérique via la photosynthÚse et contribuent ainsi à limiter l'effet de serre.
Bien qu'elles soient toutes pourvues de chlorophylle, elles peuvent ĂȘtre autonomes (autotrophes ou saprophytes), parasites, ou vivre en symbiose.
- Algues autotrophes
- Algues flottantes du plancton
- Algues unicellulaires, en colonies lĂąches ou filamenteuses formant le phytoplancton,
- Algues flottantes de grande taille : les sargasses, algues brunes adaptées à la vie flottante, elles ont donné leur nom à la mer des Sargasses, ou bien algues brunes ou rouges qui forment des boules ou pelotes flottantes appelées aegagropiles.
- Algues thermophiles
- Algues aériennes
- Algues fixées
- sur des rochers : Ă©pilithes
- Ce sont les organismes sessiles[20] benthiques, représentés par des algues des cÎtes rocheuses fixées aux rochers ou aux galets jusqu'à une profondeur de 50 à 75 m, mais elles se raréfient trÚs rapidement avec la profondeur au-delà de 30 m, les radiations utiles à la photosynthÚse étant absorbées par l'eau de mer. Elles se développent plus sur des cÎtes en pente douce qui forment des plates-formes littorales étendues. C'est parmi ces algues qu'on trouve les espÚces géantes : les laminaires, les Durvillea de Nouvelle-Zélande longue de 10 m, ou les Nereocystis de la cÎte Ouest de l'Amérique du Nord dont les frondes peuvent atteindre 50 m de long.
- NB : la posidonie (Posidonia oceanica), espÚce endémique de Méditerranée, n'est pas une algue, mais une plante à fleurs de la famille des Posidoniacées. La zostÚre est également une plante à fleurs. Quant à la salicorne, c'est une plante terrestre halophile (qui aime le sel).
- sur des animaux : Ă©pizoĂŻques
- sur des végétaux : épiphytes
- sur du bois : Ă©pixyles
- sur des rochers : Ă©pilithes
- Algues flottantes du plancton
- Algues saprophytes
- Algues parasites
- Algues symbiotiques :
- on appelle zoochlorelles ou zooxanthelles les algues vivant en association avec des organismes animaux, selon qu'il s'agit d'algues vertes ou d'algues brunes. Les organismes concernés sont des spongiaires, des cnidaires, des bryozoaires ou des protozoaires.
- avec des champignons : les lichens. Toutes les algues qui prennent part à la formation de lichens sont des Chlorophycées, la plupart unicellulaires.
Les macroalgues croissent surtout dans les eaux peu profondes et procurent des habitats diffĂ©rents. Les microalgues, qui composent le phytoplancton, sont Ă la base de la chaĂźne alimentaire marine. Le phytoplancton peut ĂȘtre prĂ©sent en forte densitĂ© lĂ oĂč les nutriments sont abondants, par exemple dans les zones de remontĂ©e d'eau ou eutrophisĂ©es. Elles peuvent alors former des efflorescences, et changer la couleur de l'eau.
Les marées vertes qui peuvent couvrir certaines plages d'un matelas nauséabond de quelques décimÚtres d'épaisseur et de quelques mÚtres voire dizaines de mÚtres de large, sont dues à la prolifération d'algues vertes, essentiellement Ulva lactuca, dans un milieu enrichi en nitrates par le ruissellement dans les zones d'agriculture intensive ou par un traitement insuffisant des eaux usées de zones urbaines.
La consommation animale de populations algales est le fait de filtreurs (microalgues, spores d'algues), de brouteurs d'algues (animaux marins qui raclent ou sucent, à l'aide de leur radula, les algues microscopiques, les jeunes germinations des macroalgues) ou de patureurs (animaux broutant des morceaux de macroalgues, principalement les poissons phytophages). La pression animale sur ces populations provient essentiellement des animaux de la zone de balancement des marées qui ont également une répartition étagée : Mollusques Gastéropodes (Littorines, aplysies, Gibbules, Troques, Pourpres, Patelles) et des Crustacés CirripÚdes représentés par plusieurs espÚces de Balanes[21].
Les algues offrent des supports à l'épifaune fixée (ascidies, vers polychÚtes), abritent une macrofaune vagile (crabes, oursins) et une microfaune importantes servant de nourriture à différents prédateurs (poissons, crustacés)[22].
Utilisations
Historique
Le plus ancien document attestant de l'usage mĂ©dicinal des algues remonte en Chine avec le Shennong bencao jing, ouvrage traitant des drogues vĂ©gĂ©tales, animales et minĂ©rales et dont la paternitĂ© a Ă©tĂ© attribuĂ©e Ă un empereur mythique Shennong vivant aux environs de 2800 av. J.-C. Un chapitre entier de ce livre traite des algues et recommande notamment l'usage d'algues brunes riches en iode (Laminaria digitata, Laminaria saccharina, Fucus vesiculosus, Sargassum) dans le traitement du goitre, rĂ©alisant une iodothĂ©rapie avant la lettre[23]. L'auteur chinois Sze Teu Ă©crit en 600 av. J.-C. « certaines algues sont les seuls mets dignes de la table d'un roi » mais la civilisation grĂ©co-romaine se montre moins enthousiaste pour les vĂ©gĂ©taux marins (la seule exception Ă©tant les matrones romaines qui destinent le Fucus Ă des usages cosmĂ©tiques. Ainsi Virgile Ă©crit dans lâĂnĂ©ide « nihil vilior alga » (rien de plus vil que les algues)[24].
L'exploitation des goĂ©mons comme engrais remonte au moins au haut Moyen Ăge en France. L'exploitation du varech devient industrielle Ă partir du XVIe siĂšcle[25].
LĂ©gume mĂ©prisĂ© car situĂ© en bas de la chaĂźne des ĂȘtres d'Aristote, l'algue est parfois consommĂ©e par les populations littorales pour faire face aux difficultĂ©s et aux menaces de disettes, cette consommation Ă©tant supplantĂ©e par celle de la pomme de terre dont la culture s'Ă©tend en Europe pendant toute la premiĂšre moitiĂ© du XVIIIe siĂšcle et contribue Ă mettre fin aux famines endĂ©miques[26].
Les dĂ©cennies 1990 et 2000 voient les algues ĂȘtre stigmatisĂ©es : les plages doivent en ĂȘtre dĂ©barrassĂ©es pour les touristes qui veulent des plages « propres » et les marĂ©es vertes produisent un effet dĂ©sastreux sur l'opinion publique ; mais leur retour en grĂące est amorcĂ© avec la valorisation de nombreux produits Ă base d'algues pour l'industrie cosmĂ©tique, l'alimentation, la mĂ©decine, la thalassothĂ©rapie, etc.[27]
Alimentation humaine
Une cinquantaine d'espÚces d'algues comestibles sauvages ou cultivées[28] sont utilisées pour l'alimentation humaine, soit directement, soit sous forme de compléments alimentaires, soit sous forme d'additifs :
- Comme aliment direct, les algues sont une sorte de lĂ©gume, comme la laitue de mer (Ulva lactuca). Au goĂ»t gĂ©nĂ©ralement d'iode mais aussi de caramel, violette ou champignon, souvent vendues sous forme sĂ©chĂ©e (nori, wakame, hijiki) ou fraĂźches conservĂ©es dans le sel (haricot de mer)[28], elles contiennent gĂ©nĂ©ralement des protĂ©ines, sels minĂ©raux et vitamines. Elles n'ont cependant pour le moment qu'une importance marginale dans la plupart des pays occidentaux, Ă l'exception notable de certaines Ăźles ou rĂ©gions proches de la mer : Grande-Bretagne (Pays de Galles) ou Bretagne par exemple. Elles tiennent une place plus importante dans l'alimentation de nombreux pays d'ExtrĂȘme-Orient : Chine, CorĂ©e du Sud, Japon, ViĂȘt Nam.
- Les compléments alimentaires incluent par exemple la spiruline, microalgue bleue, commercialisée sous forme de gélule comme complément particuliÚrement riche en protéines, acide γ-linolénique et en vitamines.
- Les additifs pour l'industrie agroalimentaire incluent par exemple l'AramĂ© ou le fucus vĂ©siculeux (ce dernier Ă©galement connu sous les noms de varech ou goĂ©mon) ; l'algine[29] ou acide alginique, utilisĂ©e comme liant dans les charcuteries. Les carraghĂ©nanes extraits de Chondrus crispus sont des gĂ©lifiants utilisĂ©s couramment dans les flans, pĂątes dentifricesâŠ
Les algues sont aussi une source d'oligo-éléments, notamment de magnésium et d'iode, qui font souvent défaut à l'alimentation dans les pays industrialisés (ceux qui consomment peu de poisson notamment, et qui consomment du sel raffiné dépouillé de son iode naturel). Elles renferment également des polyphénols antioxydants appelés phlorotanins.
Il faut éviter la consommation d'algues qui vivent dans l'eau polluée, car certains polluants sont absorbés par ces végétaux. C'est le cas par exemple avec les rejets d'eau radioactive prÚs des centrales nucléaires cÎtiÚres, des centres de retraitement de déchets radioactifs (Windscale en Grande-Bretagne, usine de la Hague en France par exemple) ou des lieux d'expérimentation de bombes atomiques (l'atoll de Moruroa en Polynésie française par exemple) : les teneurs en radionucléides peuvent alors rendre ces algues dangereuses pour la santé.
Alimentation animale
On note l'utilisation ancienne du goémon dans la fabrication de farines et tourteaux incorporés aux aliments composés, pour volailles notamment.
En Bretagne, le goémon était utilisé pour l'alimentation des vaches.
Engrais et amendements
Le goémon, ou varech, est récolté sur les cÎtes, notamment en Bretagne depuis trÚs longtemps pour en faire de l'engrais. Autrefois, il servait aussi à produire de la soude et de la potasse. Il existe plusieurs façons d'utiliser les algues comme engrais naturels pour l'usage agricole ou de jardinage.
- Ramassage Ă l'automne de prĂ©fĂ©rence ; aprĂšs les cultures, le dĂ©poser sur la terre et l'enfouir (bĂȘchage superficiel) - ce n'est valable que pour les algues rouge ou verte.
- Pour les autres types d'algues (laminaires, varech), Ă©taler et laisser sĂ©cher pour Ă©vacuer le chlorure de sodium ; ceci autorise un ramassage Ă©talĂ© sur l'annĂ©e en fonction des tempĂȘtes.
- Mélanger à un compost de déchets ménagers - maturité obtenue au bout de 6 mois. Les algues contiennent 70 % de matiÚres organiques et beaucoup d'éléments minéraux : azote 2 %, potasse 3 % (le fucus en contient 6 %), phosphore en faible quantité 0,3 %, calcium 2 %, magnésium 1 %, soufre 1 à 8 %, sodium 5 %, fer, nickel, cuivre, zinc, iode, manganÚse. La richesse des algues en produits fertilisants ne doit pas faire oublier la présence de sel (sodium) dont l'excÚs occasionne une infertilisation par brûlure des sols.
Deux usages sont préconisés : l'alternance des types de fumure 1 an sur 2 (algue-fumier animal) ; et une utilisation modérée 2 à 3 kg/m2 ou 20 tonnes par hectare. Lors du ramassage, il faut prendre en compte le sable associé aux dépÎts d'algue d'estran, il peut représenter 25 à 30 % du poids total, et selon la nature du sol à amender, il est susceptible de fragiliser la structure de rétention aqueuse des sols initiaux ou au contraire alléger des sols un peu lourd.
Le maërl, ou Phymatolithon calcareum (Lithothamnium calcareum), une algue rouge calcifiée, était utilisé pour l'amendement des sols acides. Les fonds à maërl sont maintenant protégés.
En 2022, prÚs de cinquante sociétés dans le monde développent des composés bioactifs marins extraits d'algues pour élaborer une gamme caractéristique de biostimulants qui limitent l'utilisation d'engrais[30]. Par exemple, la société Goëmar fait depuis les années 1980 des recherches sur des stimulateurs de la défense des plantes et a mis au point un vaccin à base de laminarine qui a obtenu l'homologation sur plusieurs cultures[31].
Production de biocarburants
C'est probablement Ă partir d'algues que les biocarburants pourront ĂȘtre produits avec le meilleur rendement[32] - [33] rendant ainsi envisageable une production en quantitĂ© significative sans dĂ©forestation massive. Des cultures d'algues unicellulaires Ă forte teneur en lipides (50 % Ă 80 % en masse) et Ă temps de doublement rapide (de l'ordre de 24 h) permettent en effet une production de biodiesel moins polluante et incomparablement plus efficace que l'agriculture intensive de vĂ©gĂ©taux terrestres : les superficies nĂ©cessaires sont 30 fois moindres.
Plusieurs techniques de production sont étudiées :
- Culture en Ă©tang.
- Culture sous serre.
- Culture dans des biorĂ©acteurs fortement insolĂ©s[34], oĂč la production d'algues est accĂ©lĂ©rĂ©e par barbotage de CO2 (Ă©vitant ainsi le rejet immĂ©diat de ce gaz Ă effet de serre issu d'une industrie polluante comme une cimenterie, une centrale Ă©lectrique thermique Ă flamme).
Les lipides extraits de cette biomasse peuvent ĂȘtre utilisĂ©s :
- soit directement comme huile végétale pour alimenter les moteurs diesel
- à 100 % pour ceux qui le tolÚrent : tracteurs, moteurs de bateaux, moteurs de camions et voitures de modÚles des années 1990 ;
- ou en mélange à du gazole, jusqu'à 50 % sans modification, pour les moteurs récents, plus sensibles,
- soit soumis Ă une transesterification pour produire du biodiesel. Les rĂ©sidus peuvent encore ĂȘtre valorisĂ©s, par exemple par une fermentation produisant du bioĂ©thanol.
Une limite de cette filiÚre est la nécessité d'alimenter les cultures d'algues en fortes concentrations de CO2. Tant que ce CO2 sera issu de l'exploitation d'une énergie fossile, on ne pourra pas considérer cette source de biocarburant comme une énergie renouvelable.
La microalgue euglena est un exemple tangible de biocarburant Ă base d'algue. En effet, en 2015, la sociĂ©tĂ© japonaise Euglena (entreprise) fournit quotidiennement un bus en biocarburant, composĂ© Ă hauteur de 1 % d'euglena[35]. La sociĂ©tĂ© a aussi pour ambition de dĂ©velopper du biocarburant pour avion, et a annoncĂ© vouloir lâutiliser Ă lâoccasion des Jeux olympiques d'Ă©tĂ© de 2020, mais aucun avion nâa pour le moment volĂ© avec du biocarburant produit par la sociĂ©tĂ©[36] - [37].
Propriétés antifouling des algues
Les macroalgues marines constituent une source de recherche non nĂ©gligeable pour les molĂ©cules antifouling[38]. En effet ces organismes sont sujets au biofouling avec lâadhĂ©sion de multiples organismes tels que des bactĂ©ries, des microalgues, dâautres macroalgues ou encore divers mollusques. Il y a par exemple entre 102 et 107 cellules.cmâ2 de bactĂ©ries Ă©piphytes selon les espĂšces de macroalgues[39]. Le dĂ©veloppement de biofouling peut avoir des effets dĂ©lĂ©tĂšres pour lâalgue. En effet, le recouvrement de leur surface dâĂ©change par les organismes invasifs peut limiter lâaccĂšs aux nutriments[40] mais aussi Ă la lumiĂšre, empĂȘchant la photosynthĂšse. Les microorganismes adhĂ©rĂ©s peuvent Ă©galement ĂȘtre pathogĂšnes pour lâalgue et nuire Ă son dĂ©veloppement[41]. Pour contrer le biofouling, la macroalgue dĂ©veloppe donc des moyens de dĂ©fense chimiques et physiques. Par exemple, lâalgue peut endiguer lâinvasion dâorganismes en gĂ©nĂ©rant des dĂ©rivĂ©s rĂ©actifs de lâoxygĂšne (ROS)[2], mais aussi en sĂ©crĂ©tant des mĂ©tabolites secondaires biocides ou rĂ©pulsifs (molĂ©cules anti-quorum sensing[42]). Certaines macroalgues prĂ©sentent Ă©galement une topographie particuliĂšre de surface[43], recouverte dâune couche mucilagineuse inhospitaliĂšre limitant la fixation dâorganismes.
Les revĂȘtements antifouling Ă©coresponsables peuvent donc sâinspirer des algues pour inhiber lâadhĂ©sion des organismes sur une surface, Ă la fois en imitant leur topographie de surface, mais aussi en y greffant des molĂ©cules dâalgues Ă visĂ©e antifouling. Quelques exemples de molĂ©cules et leur spectre dâaction sont prĂ©sentĂ©s dans le tableau ci-dessous.
Algue | Type dâactivitĂ© | ComposĂ© actif |
Caulerpa prolifera | Antibactérienne, antialgale | Esters AcetylÚne sesquiterpenoide[44] |
Sargassum spp. | Anti-algale | Phlorotanin[45] |
Laurencia viridis | Anti-diatomée | Dehydrothyrsiferol[46] |
Grateloupia turuturu | Anti-balane | Floridoside[47] |
Ulvaria obscura | Anti-appétante | Dopamine[48] |
Autres usages industriels
Certaines substances tirĂ©es des algues, notamment l'algine, dĂ©jĂ citĂ©e, sont utilisĂ©es comme gĂ©lifiants, Ă©paississants, Ă©mulsifiants, dans de nombreuses industries : pharmacie, cosmĂ©tiques, matiĂšres plastiques, peinturesâŠ
L'agar-agar sert de base pour la fabrication des milieux de culture bactériologique.
Phymatolithon calcareum (Lithothamnium) fournit un calcaire poreux utilisé pour la filtration de l'eau.
La capacité des algues à filtrer l'eau en concentrant ses constituants est également utilisable dans des stations d'épuration des eaux usées (villes) ou des eaux sortant d'installations industrielles (industrie chimique notamment). Il reste à choisir ce qu'il est fait de ces algues devenues des déchets, en général toxiques.
Les alginates sont utilisés dans les pansements gastriques (formation d'un gel surnageant à la surface du contenu gastrique), les pansements destinés aux grands brûlés (activation de la cicatrisation) maintien d'un environnement humide avec un grand pouvoir d'absorption) et les prises d'empreintes dentaires[49].
Les extraits d'algues sont recherchĂ©s pour leurs principes actifs (vitamine C, polyphĂ©nolsâŠ) incorporĂ©s dans les crĂšmes anti-Ăąge hydratantes, rĂ©gĂ©nĂ©rantes et anti-UV qui reprĂ©sentent les plus fortes valeurs ajoutĂ©es[50] de la filiĂšre cosmĂ©tique utilisant les algues[51].
Il est également possible de fabriquer des biomatériaux et matériaux biosourcés à partir d'algues, sans faire appel au pétrole (tensioactifs issus de laminaires dont sont extraits des mannuronates, bioplastiques biodégradables produits à l'aide de microalgues élevées dans les eaux usées, briques composées à 60 % de sargasses[52].
Effet anti-inflammatoire des algues
Les principales familles de molécules anti-inflammatoires présentes chez les macroalgues sont les polysaccharides sulfatés, les acides gras polyinsaturés (PUFAs), le vidadol A et B, les caroténoïdes (fucoxanthine, astaxanthine), les alcaloïdes (caulerpine), les terpénoïdes, et la phéophytine a[53].
La fucoxantine est un dĂ©rivĂ© des carotĂ©noĂŻdes et a Ă©tĂ© isolĂ© chez lâalgue brune Myagropsis myagroides. Des Ă©tudes in vitro sur des lignĂ©es cellulaires de macrophages de souris RAW 264 induites par LPS ont permis de montrer quâil y a principalement inhibition de la production de NO de maniĂšre dose-dĂ©pendante par la fucoxantine et que ceci est dĂ» Ă lâinhibition de la transcription de iNOS (en). Il y a donc inhibition de la sĂ©crĂ©tion de cytokine et en particulier de TNFα. La fucoxanthine rĂ©duit aussi la translocation vers le noyau des protĂ©ines P50 et P65 et donc la dĂ©gradation, dans le cytoplasme, de lâinhibiteur de B (ikB) ce qui induit la diminution de la transactivation du facteur NFkB et inhibe la phosphorylation des protĂ©ines kinases mitogĂšnes (MAPKs, JNK, ERKâŠ). De plus, des tests LDH ont permis dâĂ©tablir la non cytotoxicitĂ© de la fucoxantine[54].
La caulerpine est un alcaloĂŻde bi-indolĂ©. Plusieurs isomĂšres de la caulerpine ont Ă©tĂ© isolĂ©s chez les rhodophycĂ©es et les chlorophycĂ©es. Pour Ă©tudier in vivo lâeffet anti-inflammatoire de la caulerpine, deux modĂšles ont Ă©tĂ© utilisĂ©s chez la souris : lâĆdĂšme de lâoreille induit par des capsaicines et la lâinflammation du pĂ©ritoine induite par des carrageenans. Une inhibition de la formation de lâĆdĂšme des oreilles de souris de 56 % est observĂ©e lorsquâil y a eu prĂ©alablement traitement Ă la caulerpine. De mĂȘme, il y a rĂ©duction de lâinflammation du pĂ©ritoine chez les souris traitĂ©es Ă la caulerpine. Des mĂ©canismes dâaction similaires Ă lâindomĂ©thacine tels que lâinhibition de COX et des phosphilases A sont possibles. La caulerpine est aussi antinociceptive, anti-tumorale, rĂ©gulatrice de croissance et a des propriĂ©tĂ©s stimulantes pour la croissance de la racine des plantes[55].
Une Ă©tude in vitro rĂ©vĂšle que la phĂ©ophytine a isolĂ©e dâUlva (Enteromorpha) prolifera supprime lâinduction de la production dâanion superoxyde par un composĂ© pro-inflammatoire. La phĂ©ophytine inhibe la chimiotaxie des leucocytes ainsi que la formation de lâĆdĂšme de lâoreille de souris et ce, in vivo[56].
Lâeffet cytotoxique dâun ensemble de polysaccharides sulfatĂ©s extraits de lâalgue Sargassum hemiphyllum a Ă©tĂ© testĂ© in vitro en mesurant la prolifĂ©ration cellulaire ainsi que la production de LDH ; il nây a pas dâeffet cytotoxique dĂ©tectable in vitro. Des analyses in vitro semblent montrer que les polysaccharides inhibent la formation des mĂ©diateurs de lâinflammation tels que les cytokines. Ces Ă©tudes mĂšnent les chercheurs Ă penser que les polysaccharides sulfatĂ©s interagissent avec la voie de formation du facteur de transcription trimĂ©rique NF-kB en sĂ©questrant l'un des monomĂšres Ă lâextĂ©rieur du noyau[57].
Effets neuroprotecteurs de certaines microalgues
Des Ă©tudes ont montrĂ© que certaines espĂšces de microalgues et les mĂ©tabolites qu'elles produisent auraient une activitĂ© neuroprotectrice qui pourraient prĂ©senter un intĂ©rĂȘt pour le traitement de la maladie d'Alzheimer[58].
Des extraits de l'espĂšce Chlorella vulgaris, Synechococcus et Nannochloropsis oculata sont riches en carotĂ©noĂŻdes et protĂšgent le cerveau contre les dommages neuronaux associĂ©s au stress oxydant, qui est considĂ©rĂ©e comme l'un des facteurs qui contribuent au dĂ©veloppement de la maladie d'Alzheimer . Nannochloropsis (en) oculata, Tetraselmis chui (en) et Cocculinella minutissima (en) possĂšdent de forts effets inhibiteurs sur l'activitĂ© de l'acĂ©tylcholinestĂ©rase qui dĂ©grade l'acĂ©tylcholine responsable de l'amĂ©lioration de la mĂ©moire et la cognition. Un extrait de l'espĂšce Nannochloropsis oceanica limiterait le stress oxydant induit par l'agrĂ©gation des peptides bĂȘta-amyloĂŻdes dans le cerveau et qui nuit Ă la croissance et Ă la survie des neurones[58].
Adaptation aux ultraviolets
En zone intertidale, les algues, qui sont des organismes fixĂ©s, sont soumises Ă de nombreux stress, dont le rayonnement ultraviolet (UV). Les UV provoquent un stress oxydant en entraĂźnant la formation de dĂ©rivĂ©s rĂ©actifs de lâoxygĂšne (DRO) comme le peroxyde d'hydrogĂšne (H2O2). Ces DRO peuvent endommager l'ADN, et provoquer la peroxydation des lipides et la carboxylation des protĂ©ines au sein des cellules. Ă long terme, cela peut engendrer le vieillissement cellulaire, des cancers, ou encore des inflammations. Afin de tolĂ©rer ces stress, les algues possĂšdent des stratĂ©gies dâadaptation comme la synthĂšse de mĂ©tabolites secondaires photoprotecteurs.
Il existe chez les algues une diversitĂ© importante de molĂ©cules photoprotectrices, qui agissent de diffĂ©rentes maniĂšres : filtres UVA-filtre UVB, molĂ©cules induisant la mĂ©lanogĂ©nĂšse, molĂ©cules rĂ©flectrices, anti-oxydantes et cicatrisantes. Leurs propriĂ©tĂ©s intĂ©ressent de plus en plus les industriels, notamment en cosmĂ©tique : lâobjectif est de trouver des filtres naturels afin de rĂ©duire les filtres chimiques prĂ©sents dans les crĂšmes solaires afin de limiter les rĂ©actions dâallergies et rĂ©duire la pollution des milieux par ces substances. Les molĂ©cules photoprotectrices qui sont le plus frĂ©quemment retrouvĂ©es chez les algues sont les acides aminĂ©s analogues de la mycosporine ou MAA (pour l'anglais mycosporine-like amino acid). Pour les algues nâayant pas de MAA pour se protĂ©ger des UV, il existe dâautres types de molĂ©cules comme les phlorotanins ou les carotĂ©noĂŻdes.
Acides aminés de type mycosporine
Les MAA sont prĂ©sents chez de nombreux organismes (mollusques, macroalgues, bactĂ©ries, cyanobactĂ©riesâŠ). Les MAA sont de petits mĂ©tabolites secondaires, dâune grande diversitĂ© structurale et possĂ©dant la propriĂ©tĂ© de chromophore : ils ont la possibilitĂ© de former un nuage Ă©lectronique dĂ©localisĂ© pouvant entrer en rĂ©sonance avec des rayons incidents dâune longueur dâonde donnĂ©e. Par exemple, le porphyra-334, extrait de Porphyra umbilicalis, capte et reflĂšte les UV dâune longueur dâonde de 334 nm (UVA) sans produire de dĂ©rivĂ©s rĂ©actifs de l'oxygĂšne. Leur synthĂšse est induite par lâexposition aux rayonnements solaires.
Leur propriĂ©tĂ© photoprotectrice est transmise le long de la chaine trophique jusquâau consommateur secondaire. Par exemple, les oursins doivent se nourrir dâalgues possĂ©dant des MAA afin de confĂ©rer Ă leurs Ćufs une rĂ©sistance solaire permettant leur bon dĂ©veloppement. RĂ©cemment, une Ă©quipe de chercheurs a mis en Ă©vidence lâefficacitĂ© photoprotectrice des MAA et notamment la porphyra-334 chez des fibroblastes humains. La porphyra-334 ne semble pas toxique pour ces cellules et semble rĂ©duire leur sĂ©nescence. Cette MAA limite le stress en reflĂ©tant les radiations UVA, rĂ©duisant le stress oxydatif liĂ© Ă l'exposition aux UV et rĂ©duit la synthĂšse de mĂ©talloprotĂ©ases matricielles (MMP) impliquĂ©es dans la destruction des tissus conjonctifs. La porphyra-334 est Ă©galement impliquĂ©e dans la capture des DRO impliquĂ©s dans les dommages ADN, peroxydation des lipides et carboxylation des protĂ©ines.
Ainsi les MAA présentent un haut potentiel cosmétique dans la protection solaire et la lutte contre la sénescence cellulaire.
Phlorotanins
Les phlorotanins sont des polyphĂ©nols trouvĂ©s chez les algues brunes. Ce sont des oligomĂšres de phloroglucinol avec une variĂ©tĂ© de combinaison entrainant une diversitĂ© importante de ces molĂ©cules. Ils ont diffĂ©rents rĂŽles comme la protection contre les herbivores. Ils sont suspectĂ©s de protĂ©ger les algues contre les UVB puisque leur spectre dâabsorption prĂ©sente un pic Ă environ 270 nm (UVB). En 2011, une Ă©quipe de chercheurs a dĂ©montrĂ© que les phlorotanins avaient un effet photoprotecteur chez des embryons de poisson-zĂšbre. En effet, les phlorotanins rĂ©duisent la gĂ©nĂ©ration de dĂ©rivĂ©s rĂ©actifs de l'oxygĂšne, lâhyperpigmentation et la mort cellulaire liĂ©es Ă une exposition aux UVB chez ces embryons.
Algues toxiques et nuisibles
Des algues unicellulaires microscopiques (DinoflagellĂ©es) peuvent rendre toxiques pour l'homme les mollusques (moules, huĂźtres, praires, coques, palourdesâŠ) et interdire leur consommation sous peine de troubles gastro-entĂ©riques graves ou, plus rarement, d'atteintes neuromusculaires ; c'est un phĂ©nomĂšne assez rĂ©current dans la mytiliculture de l'Ă©tang de Thau en Languedoc et sur les cĂŽtes de l'ocĂ©an Atlantique, notamment en Bretagne et en VendĂ©e.
Sargassum muticum, algue brune introduite accidentellement en Europe en 1973 avec des huitres japonaises, a colonisé rapidement le littoral atlantique de l'Espagne à la NorvÚge ainsi que la Méditerranée occidentale jusqu'à Venise. Elle a remplacé certaines espÚces (laminairia saccharina en particulier) et a pu constituer une nuisance importante pour la conchyliculture. Ce phénomÚne a été clairement caractérisé pour la premiÚre fois dans les années 1970, les pollutions augmentant de maniÚre importante dans les années 1980, avant de se stabiliser dans les années 1990.
Caulerpa taxifolia, algue verte tropicale échappée accidentellement du musée océanographique de Monaco est devenue depuis quelques années envahissante en mer Méditerranée au détriment de la végétation autochtone, entre autres les herbiers de posidonie. Elle présente une faible toxicité et n'est pas consommée par la faune locale.
Les goĂ©moniers considĂšrent comme une « mauvaise herbe » Saccorhiza polyschides, une laminaire trĂšs robuste, sans intĂ©rĂȘt Ă©conomique, qui colonise rapidement les rochers dĂ©pouillĂ©s par l'exploitation des Laminaria digitata.
Notes et références
- Voir en particulier les ouvrages :
- Bruno de Reviers, Biologie et phylogénie des algues, vol. 1 : tome 1, Paris, Belin, coll. « Belin Sup Sciences / Biologie », , 352 p. [détail des éditions] (ISBN 978-2-7011-3083-5, ISSN 1158-3762)
- Bruno de Reviers, Biologie et phylogénie des algues : tome 2, vol. 2 : tome 2, Paris, Belin, coll. « Belin Sup Sciences / Biologie », , 256 p. [détail des éditions] (ISBN 978-2-7011-3512-0, ISSN 1158-3762)
- (en) Florian Weinberger et Michael Friedlander, « Response of Gracilaria Conferta (rhodophyta) to Oligoagars Results in Defense Against Agar-Degrading Epiphytes », Journal of Phycology, vol. 36, no 6,â , p. 1079â1086 (ISSN 1529-8817, DOI 10.1046/j.1529-8817.2000.00003.x, lire en ligne, consultĂ© le )
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- Plus précisément de son accusatif singulier algam.
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- Le substrat fournit un point d'ancrage pour les macroalgues marines dont le caractĂšre fixe est un avantage dans un environnement oĂč la quantitĂ© des ressources (substances nutritives et lumiĂšre) n'est pas limitĂ©e, tandis que l'investissement Ă©nergĂ©tique allouĂ© Ă la mobilitĂ© (au coĂ»t Ă©nergĂ©tique Ă©levĂ©) est rĂ©duit. Cependant, cette sessilitĂ© les rend liĂ©es Ă leur environnement et confrontĂ©es Ă diffĂ©rents stress biotiques et abiotiques. La disponibilitĂ©, la texture (lisse ou rugueuse), le degrĂ© de cohĂ©sion (roche meuble, friable ou cohĂ©rente) et la nature chimique du substrat sont un des nombreux facteurs expliquant la rĂ©partition spatiale des espĂšces Ă©pilithes. Cf Nathalie Bourgougnon, op. cit., P. 58
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Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Ressources relatives au vivant :
- (en) EPPO Global Database
- (en) Paleobiology Database
- (en) MycoBank
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- (fr) CEVA - Centre d'Ă©tude et de valorisation des algues
- (en) Algaebase, inventaire des algues du monde.
- Histoire de la chimie des algues en Bretagne. De la soude Ă l'iode jusqu'aux alginates.