Biofilm
Un biofilm est une communauté multicellulaire plus ou moins complexe, souvent symbiotique, de micro-organismes (bactéries, microchampignons, microalgues ou protozoaires), adhérant entre eux et à une surface, et marquée par la sécrétion d'une matrice adhésive et protectrice. Il se forme généralement dans l'eau ou en milieu aqueux[7].
Antoni van Leeuwenhoek est le premier savant Ă observer en 1683 un biofilm naturel multispĂ©cifique, la plaque dentaire. C'est sur la base de lâobservation de lâultrastructure de cette plaque et de communautĂ©s microbiennes sessiles dans les torrents de montagne, que le microbiologiste John William (Bill) Costerton propose en 1978[8] la thĂ©orie des biofilms[9], et qu'il invente le terme de biofilm en 1987[10].
Le biofilm est une étape normale ou potentielle du cycle de vie de la plupart des bactéries[11], qui affichent alors un comportement coopératif[11] et produisent des phénotypes différenciés conduisant à des fonctions spécifiques, parfois en réaction à un stress.
Sa structure est hétérogÚne, souvent sous forme de colonie d'une ou plusieurs espÚces de bactéries et d'une matrice extracellulaire composée de substances polymÚres. La définition d'un biofilm peut légÚrement varier : certains auteurs choisissent par exemple d'exclure du terme « biofilm » les communautés bactériennes ne produisant pas leur propre matrice extracellulaire.
S'Ă©tant jusque-lĂ principalement attachĂ©e Ă Ă©tudier les cellules pour elles-mĂȘmes et indĂ©pendamment de leur milieu, la microbiologie intĂšgre les rĂ©cents dĂ©veloppements de la notion d'interactions avec le milieu et se tourne maintenant vers les biotopes, et notamment les biofilms, surtout observĂ©s comme habitat d'Ă©cotone ou comme Ă©lĂ©ment du rĂ©seau trophique[12].
Généralités
Le mode de vie en biofilm est l'un des deux modes de comportement des organismes unicellulaires â l'alternative Ă©tant la flottaison libre de type dit « planctonique », dans un mĂ©dium liquide, fluide ou mĂȘme solide. John William Costerton a proposĂ© en 1978 le terme de biofilm en suggĂ©rant que ce serait le mode de vie naturel de la plupart des micro-organismes[13]. Cette proposition, qui s'appuyait initialement sur la comparaison du nombre de bactĂ©ries sous forme planctonique d'une part, et au sein de biofilms dans les cours d'eau[14] - [15] d'autre part, est dĂ©sormais gĂ©nĂ©ralement admise par les microbiologistes.
Les biofilms sont, sauf exceptions, observĂ©s dans les milieux aqueux ou exposĂ©s Ă l'humiditĂ©. Ils peuvent se dĂ©velopper sur n'importe quel type de surface naturelle ou artificielle, qu'elle soit minĂ©rale (roche, interfaces air-liquideâŠ) ou organique (peau, tube digestif des animaux, racines et feuilles des plantes), industrielle (canalisations, coques des navires) ou mĂ©dicale (prothĂšses, cathĂ©ters)⊠Il est possible Ă un biofilm d'adhĂ©rer sur des matĂ©riaux « anti-adhĂ©sifs » comme le polytĂ©trafluoroĂ©thylĂšne (ou tĂ©flon). Voir l'article sur les micro-organismes extrĂȘmophiles pour la diversitĂ© Ă©tonnante de leurs habitats possibles dans les gammes de chaud, froid, pression, et autres extrĂȘmes. Dans des conditions optimales de croissance, un biofilm peut rapidement devenir macroscopique, jusqu'Ă atteindre le mĂštre d'Ă©paisseur si l'environnement le permet.
Hormis les cas oĂč les bactĂ©ries se rassemblent sur une surface nutritive (bois immergĂ© en dĂ©composition par exemple), un biofilm n'est pas une parade Ă la pauvretĂ© du milieu, mais plutĂŽt Ă son agressivitĂ© envers les micro-organismes. Le biofilm croĂźt d'ailleurs gĂ©nĂ©ralement d'autant plus rapidement que le milieu est riche en nutriments[16].
Nature homogÚne ou hétérogÚne des biofilms
Qu'ils croissent sur un substrat vivant ou inerte, les biofilms sont dits :
- homogÚnes quand ils sont composés d'une seule espÚce ;
- hĂ©tĂ©rogĂšnes quand plusieurs espĂšces sont associĂ©es. Dans ce dernier cas, le biofilm peut ĂȘtre Ă©galement caractĂ©risĂ© par une hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© structurelle : en son sein coexistent des diffĂ©rentiations gĂ©ographiquement marquĂ©es en termes de populations d'organismes mais aussi de gradients de pH, de teneur en oxygĂšne, avec des structures Ă©voquant parfois des pores, des canaux, des Ă©cailles, des couches, dures ou souples selon les cas ; au point de quelquefois presque Ă©voquer une peau ou un superorganisme autonome ou symbiote de son hĂŽte.
La biodiversité intrinsÚque d'un biofilm permet des synergies bactériennes ou fongo-bactériennes qui améliorent sa résistance à certains facteurs de stress, dont les antibiotiques[17] (antibiorésistance).
Traces fossiles
Les biofilms ont sans doute constitué les premiÚres colonies d'organismes vivants, il y a plus de 3,5 milliards d'années. Avec les stromatolithes, ils semblent à l'origine des premiÚres roches biogéniques et structures récifales, bien avant l'apparition des coraux.
Les voiles algaux que l'on trouve encore sur certains sĂ©diments exondĂ©s, certains sols humides ou certaines plages ou rivages d'eau douce pourraient aussi ĂȘtre Ă l'origine de processus de fossilisation d'ĂȘtres vivants au corps mou, et aussi de traces (humaines, de dinosaures[18] ou de microreliefsâŠ) sur un substrat mou. Ils sont Ă©tudiĂ©s et de mieux en mieux pris en compte par la taphonomie[19]. Il en est de mĂȘme pour les voiles microbiens[20].
Certains biofilms encroutant sont capables de croĂźtre sur eux-mĂȘmes ou plutĂŽt sur les lamines gĂ©nĂ©rĂ©es par les gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes de bactĂ©ries. Ils semblent, toujours avec les stromatolithes, Ă l'origine du premier puits de carbone majeur, il y a plus de 3 milliards d'annĂ©es.
L'environnement particulier du biofilm permet aux cellules de (ou les force Ă ) coopĂ©rer et agir les unes avec les autres de maniĂšre diffĂ©rente de ce qu'elles feraient en environnement libre. Les bactĂ©ries vivant dans un biofilm ont des propriĂ©tĂ©s sensiblement diffĂ©rentes de celles des bactĂ©ries « flottantes » de la mĂȘme espĂšce, qui peut faire penser comme dans le cas des stromatolithes Ă des propriĂ©tĂ©s Ă©mergentes de superorganismes.
La promiscuitĂ© des bactĂ©ries dans le biofilm favorise aussi probablement le transfert horizontal de gĂšnes de bactĂ©rie Ă bactĂ©rie de la mĂȘme famille, ou Ă d'autres genres et familles.
Composition, propriétés, fonctions
Les biofilms naturels sont surtout composĂ©s d'algues et de bactĂ©ries pour les surfaces Ă©clairĂ©es ou exondĂ©es, mais ils sont quasi exclusivement constituĂ©s de bactĂ©ries (dont photosynthĂ©tiques) et de champignons au sein du biofilm qui colonise les sĂ©diments ainsi que les feuilles ou les bois immergĂ©s[22]. Leur biodiversitĂ© intrinsĂšque peut ĂȘtre mesurĂ©e par des mĂ©thodes molĂ©culaires et mĂ©tagĂ©nomiques tels que l'empreinte gĂ©nĂ©tique par PCR-DGGR (Ă©lectrophorĂšse en gradient de gel dĂ©naturant)[23].
Les espĂšces les mieux Ă©tudiĂ©es (parce que certaines souches en sont trĂšs pathogĂšnes) sont Escherichia coli et Salmonella enterica. Des souches chlororĂ©sistantes et capables de produire des biofilms sur des substrats lisses (inox ou verre) et mĂȘme antiadhĂ©sif (TĂ©flon) prĂ©sentant des similitudes ont Ă©tĂ© trouvĂ©es et cultivĂ©es pour ces deux espĂšces[24]. Ainsi le sĂ©rovar de salmonelle Typhimurium - souche 43895OR, et les souches les plus rĂ©sistantes de E.coli (ex. : E.coli 43895OR) produisent toutes les deux des colonies bactĂ©riennes solidement consolidĂ©es par une matrice extracellulaire contenant des fibres de type curli (et cellulose dans le cas de la salmonelle), que ce soit en culture sur de l'agar-agar, ou sur un substrat trĂšs lisse.
Dans tous les cas, les souches ayant formĂ© des biofilms dĂ©veloppent une rĂ©sistance statistiquement plus Ă©levĂ©e (P <0,05) que les cultures planctoniques des mĂȘmes souches, face au peroxyde d'hydrogĂšne, au chlore ou Ă des dĂ©sinfectants Ă base d'ammonium quaternaire[24].
à la différence de E. coli, les Salmonelles semblent aussi capables de produire de la cellulose pour consolider leur biofilm[24].
Le biofilm formé par d'autres espÚces, n'étant pas connu comme pathogénes pour l'humain, est aussi trÚs étudié comme celui produit par la bactérie Myxococcus xanthus. Les études dans ce cas-ci, se concentrent sur l'étude des mécanismes amenant à la formation de ces biofilms comme le pilus du type IV[25],les polysaccharides[26] ou les systémes de régulations de ces systémes.
- Composition
Presque tous les micro-organismes ou certaines de leurs souches, éventuellement mutantes, ont développé des mécanismes d'adhérence aux surfaces et/ou les uns aux autres et/ou avec les cellules symbiotes, et/ou avec des cellules qu'ils doivent infecter pour survivre.
Ils peuvent s'intĂ©grer Ă un biofilm en formation crĂ©Ă© par d'autres espĂšces, de mĂȘme qu'ils peuvent, plus ou moins facilement selon les cas, se dĂ©tacher du biofilm sous l'action des forces mĂ©caniques ou chimiques de l'environnement.
L'adhĂ©sion est le fait de divers mĂ©canismes : fimbriae, pili, curli, impliquant des protĂ©ines de diffĂ©rents types (adhĂ©sines par exemple), production de cellulose[24] dans certains cas, etc. Il est donc mĂ©caniquement et biochimiquement possible pour un biofilm d'abriter plusieurs espĂšces diffĂ©rentes, et de ce fait d'Ă©ventuellement ĂȘtre plus rĂ©sistant Ă l'Ă©rosion mĂ©canique, Ă des dĂ©tergents et Ă la dĂ©sinfection (chloration par exemple, qui peut gĂ©nĂ©rer dans ce cas une chlororĂ©sistance). Il en va de mĂȘme pour les biofilms monospĂ©cifiques (constituĂ©s, in vitro, par une seule espĂšce mise en culture) ; ces biofilms sont beaucoup plus rĂ©sistants aux lavages agressifs quand une souche est accompagnĂ©e de souches « compagnonnes »[27]. Il a Ă©tĂ© montrĂ© que des souches de E. coli (dont de E. coli O157: H7) ne formant pas spontanĂ©ment de biofilms peuvent nĂ©anmoins survivre en tant que souche compagnonne dans des biofilms gĂ©nĂ©rĂ©s par d'autres souches, bien qu'elles survivent alors moins bien que les souches plus rĂ©sistantes en cas de stress.
De fait seuls quelques biofilms sont composĂ©s d'un seul type d'organisme - phĂ©nomĂšne liĂ© aux conditions environnantes plus souvent qu'Ă la nature mĂȘme des organismes. Les biofilms naturels ne sont que rarement clonaux mais au contraire abritent souvent de nombreux types de micro-organismes â bactĂ©ries, protozoaires ou encore algues, chaque groupe exĂ©cutant des fonctions mĂ©taboliques spĂ©cialisĂ©es, au profit de la rĂ©sistance de la communautĂ© constituĂ©e par le biofilm.
La « matrice » du biofilm Ă proprement parler, en plus de contenir les Ă©lĂ©ments dont sont faits les organismes qu'elle abrite (protĂ©ines, lipides, ADN, ARNâŠ) est Ă©galement constituĂ©e d'excrĂ©tats et de dĂ©chets mĂ©taboliques. Ce sont notamment des polysaccharides, (peptidoglycanes, celluloseâŠ) ou plus rarement des lipides et protĂ©ines. Ces matĂ©riaux nutritifs ou protecteurs sont produits par les micro-organismes eux-mĂȘmes ou par leur hĂŽte dans les cas oĂč il s'agit d'un biofilm formĂ© sur une surface vivante (peau humaine par exemple). Ils contiennent souvent aussi une importante proportion d'eau.
La diversité des espÚces vivantes qui composent le biofilm a une importance, car diversifiant les interactions durables possibles au sein de chaque espÚce (ex : comportement colonial et bioconstructeur des bactéries produisant des stromatolithes) et synergiques (ex. : symbioses) avec d'autres espÚces augmentent la fitness (par rapport à ce qu'elle serait pour une espÚce seule). Ceci vaut pour les bactéries, par exemple quand elles s'organisent en colonies cohérentes.
Face Ă un stress externe (chaud, froid, pHâŠ), les biofilms sont plus stables, plus rĂ©sistants et se protĂšgent mieux contre l'invasion par d'autres bactĂ©ries quand ils abritent une diversitĂ© d'espĂšces et de groupes de micro-organismes[28].
- Propriétés, fonctions écosystémiques
Un des aspects majeurs des biofilms est l'induction de changements dans les phĂ©notypes correspondant au changement de mode de comportement (de «planctonique» et individuel, Ă fixe et communautaire). Des sĂ©ries entiĂšres de gĂšnes voient changer la durĂ©e et le rythme de leurs mĂ©canismes d'activation, correspondant donc aussi Ă des changements de fonctions. L'environnement particulier du biofilm permet aux cellules de, ou les force Ă , coopĂ©rer et agir les unes avec les autres de maniĂšre diffĂ©rente qu'en environnement libre. Les bactĂ©ries vivant dans un biofilm ont des propriĂ©tĂ©s notablement diffĂ©rentes, voire trĂšs diffĂ©rentes de celles des bactĂ©ries « flottantes » de la mĂȘme espĂšce.
Certaines souches de bactéries de laboratoire ont perdu leur capacité à former des biofilms, soit par les cultures et sélections successives de bactéries planctoniques, soit par la perte de leur plasmides naturels connus pour favoriser la formation de biofilm[29].
La plus spectaculaire propriĂ©tĂ© des biofilms est trĂšs certainement l'Ă©tonnante capacitĂ© de rĂ©sistance qu'ils fournissent Ă leurs participants contre diverses agressions, comparĂ©e Ă la situation des mĂȘmes organismes en Ă©tat dit « planctonique ». Cette matrice est, d'autre part, elle-mĂȘme, assez rĂ©sistante pour que dans certaines conditions les biofilms puissent se fossiliser. Le biofilm pourrait d'ailleurs ĂȘtre Ă l'origine des premiers processus de vie coloniale et rĂ©cifale.
Les micro-organismes sont à plus d'un titre protégés et reliés entre eux par la matrice que fait le biofilm.
- Protection passive
- Par sa simple présence cette matrice protÚge passivement les cellules dans un rÎle de simple barriÚre physique contre l'entrée des agents antimicrobiens, détergents et antibiotiques[30] - [31] : la matrice extracellulaire dense et la couche externe de cellules protÚgent l'intérieur de la communauté.
- Protection métabolique
- Autre facteur de résistance accrue : pour des raisons qui restent à déterminer les bactéries entourées de biofilm sont moins actives métaboliquement, donc moins réceptives aux agents antimicrobiens[32] et aux disruptions environnementales[31].
- Protection active
- La résistance de P. aeruginosa aux antibiotiques a également été partiellement attribuée à des pompes de flux du biofilm expulsant activement les composants antimicrobiens[33] - [34] - [35]. Quelques biofilms se sont avérés contenir des canaux aqueux qui en sus de la distribution de nutriments permettent celle de molécules de signalisation, établissant la communication entre cellules par des signaux biochimiques. La formation du biofilm et par le biofilm est contrÎlée par des signaux de cellule à cellule, et des mécanismes dits de quorum sensing[36] - [37] - [38] - [39] - [40], ou perception du quota, fondés sur le principe de masse critique. Les systÚmes de perception du quota chez les bactéries gram-négatives détectent la densité des cellules en utilisant des signaux de cellule à cellule dépendant de la population, généralement une molécule d'acyl homosérine lactone. Quand cet [auto-inducer] atteint une certaine concentration critique, il active un régulateur transcriptionnel qui induit des gÚnes cibles spécifiques[41]. La nature et donc la fonction des molécules signalant les échanges de cellule à cellule changent à partir d'une concentration donnée des bactéries.
- Protection génétique
- Dans certains cas, la rĂ©sistance aux antibiotiques et biocides (notion de rĂ©calcitrance) et la rĂ©sistance aux dĂ©fenses immunitaires peuvent ĂȘtre exponentiellement multipliĂ©es. En effet, lors de leur implantation dans un biofilm l'expression gĂ©nĂ©tique des bactĂ©ries est modifiĂ©e. Cet environnement d'Ă©changes de matĂ©riel gĂ©nĂ©tique permettant le transfert d'informations est donc propice Ă l'acquisition de nouveaux caractĂšres.
Contribution à minéralisation ou à la corrosion ou dégradation de matériaux. Selon les cas et contextes, les biofilms contribuent à la dégradation de matériaux ou inversement à en produire.
- De nombreux matériaux (métaux, bois) voient leur dégradation (ou corrosion) trÚs accélérée, ou au contraire retardée, lorsqu'ils sont recouverts par certains biofilms, selon le contexte (humide ou sec, acide ou basique, chaud ou froid, eutrophe ou oligotrophe, etc.).
- Les cyanobactĂ©ries du picoplancton (ex. : Synechococcus elongatus) sont capables de prĂ©cipiter le carbone du CO2 dissous dans l'eau sous forme de calcite (carbonate de calcium ou CaCO3) dans tous les lacs riches en calcium de la Terre, contribuant ainsi aux puits de carbone naturels de la sĂ©dimentation lacustre[42]. On a ainsi estimĂ© qu'environ 8 000 t/an de carbone sont gĂ©ologiquement naturellement stockĂ©s dans le seul lac de Lugano et 2 500 t/an dans le lac de Sempach en Suisse[43]. Cette production est relativement saisonniĂšre avec un pic correspondant aux blooms planctoniques de cyanophicĂ©es dont les cellules (planctoniques ou de biofilms) peuvent alors se recouvrir de cristaux de calcite. Le microscope Ă©lectronique montre des bactĂ©ries en bĂątonnets entiĂšrement enrobĂ©es de cristaux de calcite[42]. on a montrĂ© en laboratoire que les substances extrapolymĂ©riques (SEP) produites par les biofilms, mĂȘme en l'absence de bactĂ©ries provoquaient la nuclĂ©ation de cristaux de calcite. Ces bactĂ©ries contribuent donc au tamponnement de l'eau et au maintien du caractĂšre oligotrophe de nombreux lacs de montagne[42].
Biofilms et santé
Les biofilms posent question dans le domaine médical, vétérinaire, de l'écologie, de l'hygiÚne agroalimentaire, et de la qualité microbiologique des eaux potables et de la gestion des canalisations. On cherche à mieux les comprendre et à les modéliser[44] - [45]
L'eau potable - si elle était peu chargée en matiÚre organique avant le traitement chloré - est considérée comme relativement bien désinfectée par la chloration permanente[46], mais elle est d'autant plus vulnérable en cas d'interruption de la chloration que :
- le contact permanent avec le chlore a pu Ă©ventuellement favoriser des mĂ©canismes de chlororĂ©sistance chez les espĂšces prĂ©sentes dans le biofilm (dont certaines peuvent ĂȘtre pathogĂšnes)[46],
- la chloration ne saurait en aucun cas détruire les biofilms qui se sont développés sur toutes les parois des canalisations de distribution d'eau et qui constituent l'essentiel de la biomasse bactérienne présente dans le réseau de distribution[46] ;
MĂȘme dans des rĂ©seaux de distribution d'eau « constamment chlorĂ©s, le biofilm peut reprĂ©senter jusqu'Ă 107 bactĂ©ries/cm2 dont 1 % sont viables et capables de se multiplier, prouvant l'inefficacitĂ© rĂ©elle du traitement sur ces biomasses fixĂ©es »[46]; - on peut supposer que depuis un siĂšcle environ (invention de la verdunisation de l'eau), le nombre de souches rĂ©sistantes, et l'importance de la rĂ©sistance a pu augmenter.
En France, l'étude des biofilms s'est notamment faite à l'INRA à partir de souches de culture de Bacillus subtilis (une bactérie Gram-positive, ubiquiste et facile à cultiver) qui durant dix ans a servi de modÚle pour étudier les voies moléculaires et génétiques contrÎlant la formation et l'organisation d'un biofilm. La plupart des données sur les biofilms de B. subtilis concernent les écotones air-liquide, ou air/gélose nutritive semi-solide. Quelques études ont porté sur la formation de macrocolonies complexes (formant parfois des excroissances en forme de thalles ou de haricots de 300 ”m de hauteur) sur l'interface liquide/solide[47].
Formation
Ătape 1 : attachement initial ;
étape 2 : attachement irréversible ;
étape 3 : apparition et « maturation I » du biofilm ;
Ă©tape 4 : maturation II ;
Ă©tape 5 : Ă©rosion et dispersion/DĂ©tachement autogĂšne[48].
Les photomicrographies (toutes Ă mĂȘme Ă©chelle) sont celles d'un biofilm de Pseudomonas aeruginosa en dĂ©veloppement.
(Informations tirées du Center for Biofilm Engineering, Montana State University )
Considérant le biofilm au sens « embryologique » c'est-à -dire comme une entité/unité fonctionnelle de structure multicellulaire organisée, on peut également parler de cycle de développement ou de cycle de vie car le modÚle en cinq étapes proposé ci-aprÚs peut se répéter indéfiniment:
- Lâadsorption des bactĂ©ries ou lâadhĂ©sion rĂ©versible sur le support constitue la premiĂšre Ă©tape de formation du biofilm. Elle est dĂ©clenchĂ©e, lorsque les microorganismes arrivent Ă la surface Ă une certaine distance (entre 2 et 50 nm), par l'intermĂ©diaire des forces non covalentes, comme les interactions de Van der Waals, acide-base et Ă©lectrostatiques[49]. L'accĂšs des bactĂ©ries Ă la surface est fonction du couplage chimiotaxie/motilitĂ©, de la sĂ©dimentation, du mouvement brownien, du transport convectif. Le taux dâĂ©tablissement des bactĂ©ries pionniĂšres dĂ©pend de la nature du substrat mais aussi de la rhĂ©ologie locale, en particulier des caractĂ©ristiques de vĂ©locitĂ© et de turbulence du milieu liquide environnant contenant les micro-organismes en suspension[50].
- Vient ensuite l'adhĂ©sion irrĂ©versible par la formation de molĂ©cules protĂ©iques appelĂ©es adhĂ©sines (en), et de structures telles que les pili. Ces premiers points fixes augmentent la capacitĂ© d'ancrage d'autres micro-organismes en accroissant et en variant les surfaces d'ancrage. Noter que certaines espĂšces ne sont pas capables de s'ancrer elles-mĂȘmes et s'intĂšgrent Ă d'autres espĂšces dĂ©jĂ installĂ©es en colonies en s'attachant Ă leur biofilm. On a ici les prĂ©mices de la structure du biofilm : sa diversitĂ© de natures et de structures laisse envisager une diversitĂ© de fonctions.
- Les micro-organismes se divisent, commençant ainsi des microcolonies. à partir d'une concentration suffisamment dense d'individus, les microcolonies commencent la sécrétion du biofilm proprement dit.
- Ensuite, la colonisation de la surface se fait grùce à la multiplication des microorganismes qui vont former des macrocolonies tout en sécrétant une substance polymérique extracellulaire (en). Ainsi, le biofilm grandit et mûrit, s'épaississant jusqu'à devenir macroscopique, et former un biofilm mature proprement dit[51].
- La cinquiĂšme Ă©tape est la phase de dispersion[52] : induits par le vieillissement du biofilm, certains stress ou carences, les micro-organismes peuvent activement se sĂ©parer du biofilm, parfois consommant la matrice qui reprĂ©sente une source d'Ă©nergie. Ces micro-organismes retournent Ă l'Ă©tat dit « planctonique » de libre circulation et peuvent aller coloniser de nouvelles surfaces, la planctonisation complĂ©tant ainsi le cycle. Dans le mode de vie du biofilm et selon ce modĂšle en cinq Ă©tapes, la phase « planctonique » peut alors ĂȘtre vue comme une phase de dispersion, tout comme le dĂ©tachement « autogĂšne » de plaques ou morceaux de biofilms, qui semble fortement influencĂ© par la tempĂ©rature, en eaux douces tempĂ©rĂ©es[48].
Communication inter-cellules
Au sein de certains biofilms les bactéries échangent des signaux qui permettent l'intégrité et une synchronication métabolique de la communauté.
On a rĂ©cemment (2017) montrĂ© en laboratoire que deux biofilms diffĂ©rents d'une mĂȘme bactĂ©rie peuvent aussi Ă©changer des signaux[53]. Ainsi GĂŒrol SĂŒel (universitĂ© de Californie, San Diego) et son Ă©quipe ont placĂ© deux biofilms de Bacillus subtilis proches l'un de l'autre, mais sĂ©parĂ©s par environ 1 000 longueurs de cellules. Les auteurs ont surveillĂ© les flux de signalisation Ă©lectrique et ont montrĂ© que ces deux communautĂ©s ont synchronisĂ© leurs oscillations mĂ©taboliques, ce qui a favorisĂ© une concurrence pour les nutriments et induit un ralentissement de la croissance de chaque biofilm. De maniĂšre plus inattendue, quand le taux de nutriments disponible a Ă©tĂ© diminuĂ© par les chercheurs, les colonies ont modifiĂ© leurs oscillations mĂ©taboliques en les rendant complĂ©mentaires ce qui a paradoxalement augmentĂ© le taux moyen de croissance de chaque colonie bactĂ©rienne (par rapport Ă deux biofilms en croissance dans un environnement plus riche en nutriments[54]. Selon les auteurs, il peut s'agir d'une forme de rĂ©solution d'un conflit face Ă une alimentation rare : Les biofilms rĂ©solvent le conflit en passant d'oscillations en phase Ă des oscillations antiphasiques (un biofilm se nourrit pendant que l'autre est en pause et inversement).
Chez l'animal dont l'humain
Tous les organes internes creux communiquant avec l'environnement extĂ©rieur (bouche, tube digestif, vaginâŠ) sont une niche Ă©cologique abritant un film d'organismes vivants plus ou moins riche. Ces organismes, bactĂ©riens notamment, coĂ©voluent avec leur hĂŽte et son systĂšme immunitaire. Ils jouent un rĂŽle fonctionnel important pour l'organisme, dans la digestion par exemple (et tout particuliĂšrement chez les ruminants). Ce sont parfois des symbiotes (mutualistes), ce sont parfois des pathogĂšnes (sources de plus de 60 % des foyers infectieux[55]) ou parasites, ou ils le deviennent lorsque des conditions de dĂ©sĂ©quilibre leur permettent de pulluler (ex. : mycose survenant aprĂšs traitement antibiotique).
Chez l'animal on parle alors de « flore » (flore intestinale, flore vaginaleâŠ) ou de microbiote.
Certains animaux sont également extérieurement couverts d'un biofilm (le paresseux a les poils qui verdissent en raison d'une algue qui y vit).
Chez les plantes
Surtout en zone tropicale, mais aussi en climat tempĂ©rĂ©, un biofilm algal et bactĂ©rien, fongique et/ou lichĂ©nique existe sur les feuilles des arbres, les Ă©corces et les racines. Certaines des bactĂ©ries qui le forment deviennent dans certaines circonstances (stress, gel, piqure d'insectes, etc) pathogĂšnes, c'est le cas par exemple d'un pseudomonas commun (Pseudomonas syringae) dont certaines souches provoquent une maladie mortelle chez le marronnier (maladie Ă©mergente). Le biofilm bactĂ©rien et fongique se dĂ©veloppe en Ă©tĂ© « en Ă©piphyte » et prĂ©pare la bonne dĂ©composition des feuilles avant mĂȘme qu'elles ne tombent (Ă l'automne en climat tempĂ©rĂ©, toute l'annĂ©e en zone Ă©quatoriale).
Ressource alimentaire pour les animaux
Les Ă©cotones des biofilms croissant sur des plantes ou sur les roches et le sĂ©diment sont une des sources importantes de nourriture pour de nombreux organismes racleurs (invertĂ©brĂ©s dont limaces, escargots, parfois aquatiques, escargots, poissons, crustacĂ©sâŠ) ainsi que pour les organismes brouteurs de la mĂ©iofaune[56] - [57], dont jeunes larves de chironomes, nĂ©matodes[58] qui y trouvent une source importante de carbone organique[59].
Un exemple particulier de « recyclage » rapide de nĂ©cromasse faisant aussi intervenir des biofilms naturels est celui des millions de saumons qui mourraient autrefois aprĂšs le frai en amont des cours d'eau, prĂšs des sources. Leurs cadavres se dĂ©composaient assez rapidement en libĂ©rant des oligoĂ©lĂ©ments rapportĂ©s de la mer (dont iode, Ă©lĂ©ment souvent absent ou trĂšs rare dans le haut des bassins versants) et en donnant source Ă des bactĂ©ries et microinvertĂ©brĂ©s qui seront la nourriture des alevins. Ces saumons Ă©taient si nombreux que les vertĂ©brĂ©s nĂ©crophages ne pouvaient en consommer qu'une petite partie[60]. Une Ă©tude a comparĂ© en Alaska (en 1996) le biofilm naturel et la biomasse de macroinvertĂ©brĂ©s d'un cours d'eau oĂč Ă©taient venus pondre environ 75 000 saumons adultes et une partie du cours d'eau situĂ© en amont de la frayĂšre[60]. En aval de cette derniĂšre et aprĂšs la mort des reproducteurs, la masse sĂšche de biofilm Ă©tait 15 fois plus Ă©levĂ©e qu'en amont de la frayĂšre, et la densitĂ© totale en macroinvertĂ©vrĂ©s Ă©tait jusqu'Ă 25 fois supĂ©rieure dans les zones enrichie par les cadavres de saumons[60]. Dans ce cas, (saumons morts Ă demi-immergĂ©s dans une eau peu profonde et bien oxygĂ©nĂ©e), ces macroinvertĂ©brĂ©s benthiques d'eau douce Ă©taient principalement des moucherons chironomidĂ©s, des Ă©phĂ©mĂšres (Baetis et Cinygmula) ainsi que des perles[60].
Le biofilm microbien des vasiĂšres est aussi une source de nourriture directe : on a rĂ©cemment montrĂ©[1] qu'ils pouvaient aussi l'ĂȘtre pour quelques vertĂ©brĂ©s supĂ©rieur. L'Ă©tude conjointe d'enregistrements vidĂ©o et du contenu stomacal et d'isotopes stables comme marqueurs a rĂ©cemment (2008) montrĂ© qu'un bĂ©casseau (Calidris mauri) peut abondamment brouter le biofilm superficiel intertidal et s'en nourrir (auparavant, ce type de biofilm Ă©tait uniquement considĂ©rĂ© comme une source de nourriture pour les invertĂ©brĂ©s rĂąpeurs et quelques poissons spĂ©cialisĂ©e).
Dans ce cas, le biofilms constituait de 45 à 59 % de la ration alimentaire totale de l'oiseau. Et il fournissait environ la moitié (50 %) de son budget énergétique quotidien[1].
Il est possible que cette espÚce puisse profiter d'une augmentation de l'épaisseur du biofilm due à l'eutrophisation générale de l'environnement.
Ce constat implique aussi une concurrence entre cet oiseau de rivage et les invertĂ©brĂ©s herbivores consommateurs primaires qui exploitent aussi cette ressource, mais il est possible qu'en remuant la couche superficielle du sĂ©diment, l'oiseau favorise la rĂ©gĂ©nĂ©ration naturelle du biofilm qui Ă marĂ©e haute peut alors ĂȘtre consommĂ© par les invertĂ©brĂ©s aquatiques[1].
En outre, Ă©tant donnĂ© les taux de "pĂąturage" individuels estimĂ©e Ă sept fois la masse corporelle par jour, et l'importance des groupes d'oiseaux en cause (dizaines de milliers d'individus), les oiseaux de rivage se nourrissant de biofilm pourrait avoir des impacts non nĂ©gligeables à « majeurs » sur la dynamique sĂ©dimentaire[1]. Le dragage et le chalutage, l'apport de polluants piĂ©gĂ©s par le biofilm ou susceptible de l'altĂ©rer (pesticides, antifoulings, cuivreâŠ) peut interfĂ©rer avec la productivitĂ© de cette ressource. Les auteurs de cette Ă©tude soulignent « l'importance des processus physiques et biologiques de maintien du biofilm pour la conservation de certains oiseaux de rivage et des Ă©cosystĂšmes interditaux »[1].
Utilisation
Si les biofilms sont une source de contamination dans des secteurs tels que l'agro-alimentaire ou le mĂ©dical, ils peuvent Ă©galement ĂȘtre utilisĂ©s positivement
- dans les procĂ©dĂ©s de traitement d'eaux usĂ©es. Ces procĂ©dĂ©s utilisent des supports fixes (lit fixe, biofiltre) ou mobiles (moving bed, lit fluidisĂ©) sur lesquels peuvent se dĂ©velopper des biofilms qui participent au traitement de la pollution. Dans le traitement des eaux rĂ©siduaires urbaines, ce type de procĂ©dĂ© peut remplacer le procĂ©dĂ© Ă boues activĂ©es en rĂ©duisant la taille des bassins d'aĂ©ration et en supprimant l'Ă©tape de dĂ©cantation. Les biofiltres aĂ©rĂ©s sont cependant des procĂ©dĂ©s intensifs et les coĂ»ts Ă©nergĂ©tiques associĂ©s peuvent ĂȘtre plus Ă©levĂ©s pour la mĂȘme quantitĂ© de pollution traitĂ©e. On peut Ă©galement utiliser les procĂ©dĂ©s Ă biofilm en digestion anaĂ©robie (mĂ©thanisation), pour le traitement des eaux usĂ©es industrielles riches en matiĂšre organique (agro-alimentaire, papeterie, pharmacie, etc.).
- D'autres usages sont envisageables dans le domaine de la lubrification sous l'eau ou des piles microbiennes (ex. : Projet BAGAM: Biofilms Amazonien issus de la biodiversité Guyanaise pour Applications en pile Microbiennes[61].
- Dans la nature, ils peuvent servir de bioindicateurs et de marqueurs du degré de pollution chronique de leur habitat (Wanner, 2006).
Et en tant que biointĂ©grateurs, leur analyse physicochimique peut apporter d'intĂ©ressantes informations sur les contaminants prĂ©sents dans l'environnement, par exemple pour les mĂ©taux, mĂ©talloĂŻdes toxiques ou les pesticides[22], par exemple en zone de vignobles[62] (pesticides qui peuvent eux-mĂȘmes modifier la composition du biofilm[63]).
Biofilms, pathogÚnes et santé publique
La contamination des surfaces, des installations et des dispositifs, par des microorganismes dans les secteurs alimentaires et hospitaliers, constitue un vĂ©ritable problĂšme de santĂ© publique. Ces contaminations sont Ă lâorigine de deux types dâinfections :
les intoxications alimentaires et les infections nosocomiales. Selon lâenquĂȘte rĂ©alisĂ©e par le RĂ©seau dâAlerte, dâInvestigations et de Surveillance des infections nosocomiales (RAISIN, 2003), 6,9 % des patients hospitalisĂ©s sont victimes dâune infection nosocomiale (800 000 personnes chaque annĂ©e). Ces infections sont Ă lâorigine de 4 200 dĂ©cĂšs par an en France.
Dans les Ă©cosystĂšmes naturels ou artificiels, si les conditions environnementales sont appropriĂ©es, les biofilms peuvent se former sur tout type de surfaces abiotiques, comme le verre, le plastique, le caoutchouc et l'acier inoxydable[64] - [65]. Le dĂ©veloppement non dĂ©sirĂ© de biofilms engendre de nombreux problĂšmes Ă©conomiques et sanitaires. En milieu hospitalier, les biofilms suscitent un intĂ©rĂȘt particulier car ils sont impliquĂ©s dans un large Ă©ventail dâinfections chez lâhomme. Environ 60 % des infections nosocomiales, dans les pays dits dĂ©veloppĂ©s, sont dues Ă des biofilms[66]. Par ailleurs, lâindustrie agro-alimentaire nâest pas Ă lâabri de cette problĂ©matique. En effet, ces biofilms sont prĂ©sents dans les laiteries, brasseries, sucreries, salaisonneries, etc. La prĂ©sence du biofilm dans ces industries constitue un problĂšme relatif Ă la qualitĂ© et la sĂ©curitĂ© des produits alimentaires.
L'alginate permet à certaines bactéries de produire des biofilms souples qui les rendent jusqu'à 1000 fois plus résistantes aux antibiotiques que lorsqu'elles vivent à l'état libre[67] - [68] - [69]
Sur ou dans les organismes
- Sur la peau ou à l'intérieur des organismes vivants les biofilms bactériens ont un rÎle la plupart du temps protecteur (ex : pour la digestion dans l'intestin, pour la protection de la peau) et accidentellement destructeurs ; Des biofilms pathogÚnes sont impliqués dans une large gamme de maladies infectieuses : 65 % des infections recensées chez l'Homme dans les pays développés sont causées ou entretenues par des biofilms, et plus de 80 % des infections bactériennes chroniques le sont[70]. Certaines maladies (ex : mucoviscidose) ou de mauvaises conditions environnementales favorisent la formation de biofilms source d'infections et surinfections.
- Des biofilms peuvent aussi se dĂ©velopper sur des surfaces « inertes » du corps humains : les dents oĂč ils forment la plaque dentaire chez tous ; mais aussi sur des prothĂšses (ce qui justifie les trĂšs strictes conditions des opĂ©rations d'implantation de celles-ci), ou des sĂ©questres osseux. Toute bactĂ©rie (mĂȘme considĂ©rĂ©e comme n'Ă©tant pas pathogĂšne en gĂ©nĂ©ral) peut y former un biofilm et causer des fiĂšvres (avec bactĂ©riĂ©mie) pĂ©riodiques lors des phases de dispersion.
- Ils semblent une cause importante de la formation des tumeurs de l'appareil digestif :
- tumeur de l'estomac : biofilm d'Helicobacter pylori[71] qui en attaquant la muqueuse crée l'ulcÚre ou le cancer[72] - [73] - [74] - [75] ;
- polype du colon[76] - [77] : associé à plus de 90 % des cancers[78] ;
- adénocarcinome du pancréas : des études[79] ont montré la présence d'un biofilm, bactérien (Bacteroides, Gammaproteobacteria, Firmicutes et Clostridium lituseburense) ;
- tumeur du foie : biofilm[80] - [81] d'Aspergillus, lui permettant d'Ă©chapper au systĂšme immunitaire[82], dans une infection de type aspergillose non invasive.
Exemples de maladies impliquant des biofilms
- Carie dentaire
- Gingivite
- PĂ©ritonite
- infection pulmonaire chronique chez les patients atteints de Mucoviscidose[83] - [84] - [85] - [86] - [87]
- Otite (notamment chez l'enfant)
- Ostéomyélite
- Parodontite
- Prostatite
- Endocardite bactérienne
- Nombreuses maladies de peau
Les maladies liées à des biofilms bactériens pathogÚnes sont souvent chroniques.
Destruction ou traitement thérapeutique
Etant donnĂ© la forte rĂ©sistance des biofilms aux diffĂ©rents agents qui peuvent l'agresser, la destruction du biofilm est souvent malaisĂ©e, notamment en matiĂšre mĂ©dicale. Ainsi les antibiotiques sont-ils moins efficaces sur une bactĂ©rie formant biofilm que sur la mĂȘme bactĂ©rie Ă l'Ă©tat de flottaison planctonique. La phagothĂ©rapie, qui utilise des virus bactĂ©riophage pour attaquer les bactĂ©ries, a dĂ©montrĂ© une certaine efficacitĂ©, surtout lorsqu'elle est utilisĂ©e en conjonction avec un antibiotique. Il y a alors synergie. Pour que le phage ait une efficacitĂ©, il faut qu'une sĂ©quence de son matĂ©riel gĂ©nĂ©tique code une enzyme dĂ©gradant la matrice extracellulaire.
Dans l'environnement
- Presque tous les biofilms peuvent abriter (ou piĂ©ger) des organismes pathogĂšnes pour d'autres espĂšces, y compris dans les tuyaux d'eau chaude oĂč l'on trouve des Legionella d'origine hydro-telluriques qui survivent au chlore dans les biofilms[88] - [89] qui la protĂšgent de la chloration et semble jouer un rĂŽle important pour sa survie dans les installations[90]. On en trouve y compris dans les biofilms de rĂ©seaux d'eau domestiques, parfois associĂ©e Ă Pseudomonas aeruginosa[91]. Outre la nature de l'eau (aciditĂ©, minĂ©ralisation, teneur en matiĂšres organiques et nutriments), la tempĂ©rature et le type de matĂ©riaux utilisĂ©s en plomberie jouent aussi un rĂŽle important dans la formation des biofilms[92] - [93]. En conditions difficiles (chaleur Ă©levĂ©e, biocide, etc.), les Legionelles croissent mieux et plus vite quand elles sont cocultivĂ©es avec des amibes et en prĂ©sence de cyanobactĂ©ries (qui modifient la teneur en nutriments du milieu)[88].
- Dans l'eau, les biofilms Ă©pilithiques bioaccumulent aussi des mĂ©taux et mĂ©talloĂŻdes toxiques, et peuvent dans une certaine mesure s'en « dĂ©toxiquer »[94] ou les sĂ©questrer. Ils contribuent donc Ă Ă©purer la colonne d'eau de plusieurs types de polluants xĂ©nobiotiques[95] - [96] - [97]. Ils contribuent aussi Ă recycler les nutriments notamment lĂ oĂč les plantes ne peuvent s'installer en raison du courant ou de la turbiditĂ©[98] - [99] - [100].
Dans la nature, leur analyse peut révéler un stress métallique environnemental.
Ainsi, aprÚs les crues ou pluies d'orages qui apportent des eaux de ruissellement polluées et/ou qui remanient les sédiments en remettant des métaux en suspension dans l'eau, les biofilms algaux d'étangs ou cours d'eau peuvent réagir rapidement[94] ; on y constate une augmentation rapide des taux de certains polluants aprÚs leur arrivée dans le milieu. Des polypeptides dits « phytochélatines » neutralisant au moins provisoirement les métaux en les chélatant[101], ce qui épure la masse d'eau, mais concentre ces polluants dans l'alimentation des racleurs tels que les escargots aquatiques ou certains poissons.
Biofilms et recherche
Les biofilms se formant sur les roches, sols et sédiments sont étudiés par une discipline scientifique, la géomicrobiologie. Des chercheurs se sont spécialisés dans les biofilms se formant sous l'eau, telle l'écologue Jennifer Tank, dont le travail de maitrise et de thÚse de doctorat ont respectivement porté sur la respiration microbienne mesurée sur les feuilles et le bois mort en décomposition dans un ruisseau de la région des Appalaches[102] et sur l'activité microbienne des biofilms se formant sur les bois immergés des cours d'eau [103].
En France existe un Réseau national Biofilm (RNB) de laboratoires et organismes de recherche (CNRS INRA, Ifremer...) étudiant les biofilms en milieux alimentaire, médical et naturel marin[104] - [105].
Biofilms et industrie
Les biofilms sont utilisés pour leur capacité de filtration (biofiltres), mais posent problÚme dans certains processus en étant à la fois source d'entartrement et de corrosion (notamment pour l'industrie de l'extraction gaziÚre et pétroliÚre, dans les conduites d'eau de process (parfois riches en nutriments, dans le domaine de l'agroalimentaire ou de la papeterie par exemple), sur les échangeurs thermiques[106] etc.)
Les biofilms posent aussi problĂšme dans les canalisations des rĂ©seaux dâalimentation en eau potable. dans les canalisations d'eau sanitaire chauffĂ©e (ex. : lĂ©gionellose...).
Ils sont aussi impliqués dans la détérioration de dispositifs médicaux par bio-corrosion.
La bio-corrosion rĂ©sulte des biofilms composĂ©s de bactĂ©ries rĂ©ductrices de sulfate (SRB[107]) qui interagissent avec de l'hydrogĂšne molĂ©culaire prĂ©sente sur les surfaces des tubes et produisent du sulfure d'hydrogĂšne, comme produit secondaire de mĂ©tabolisme bactĂ©rien. Ce processus dĂ©compose le fer et l'acier de tuyaux, mĂȘme Ă paroi Ă©paisse, ce qui entraĂźne des fuites et des graves dĂ©faillance des pipelines et des canalisations mĂ©talliques non protĂ©gĂ©es.
La surveillance et le contrÎle de biofilms dans les industries pourraient prévenir les pannes d'équipements, de réduire les dégradations des installations et par conséquent, les pertes économiques.
DĂ©tection et analyse de biofilms
Une technique de choix pour l'analyse des biofilms est la microscopie à fluorescence avec ou sans marqueurs génétiquement fusionnés. Une difficulté pour l'analyse quantitative de biofilms à l'aide de protéines fluorescentes comme la GFP ou ses dérivés est l'appauvrissement du milieu en oxygÚne au fur et à mesure de la croissance du biofilm. On a montré que la technique Fluorescence-Activating and absorption-Shifting Tag, qui ne nécessite pas d'oxygÚne pour la maturation du fluorophore, permettait de suivre la dynamique de croissance des biofilms bien au-delà des techniques d'imagerie conventionnelles[108].
Il est aussi possible de mesurer via des analyses potentiométriques des biofilms d'une épaisseur de l'ordre du micromÚtre. Cette analyse détermine d'élasticité du biofilm donnant un indice sur la proportion des phases minérales et organiques. Il est possible d'en déduire des stratégies de traitement et d'évaluer leur efficacité au cours du temps. L'appareil industriel permettant de faire ces mesures s'intitule le BioFilm Monitor. Il est développé par OrigaLys ElectroChem SAS en collaboration avec BIOmétriZ.
Notes et références
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- Cette photosynthÚse se caractérise par la présence de pigments verts photosynthétiques masqués par des pigments gris noirùtre qui ont un rÎle de photoprotection analogue à celui des mélanines épidermiques. En rayant le biofilm avec un couteau, il est parfois possible de démasquer les pigments verts de chlorophylle en les solubilisant, et d'observer cette coloration.
- « Avec le temps, le biofilm sâĂ©paissit : si le support est vertical, il finit par se dĂ©coller, et un nouveau cycle de colonisation recommence. Si la pente est moindre, des lichens et des mousses peuvent sâancrer ; le biofilm Ă©paissit, puis bientĂŽt les premiĂšres plantes arrivent ! Le biofilm devient alors un sol : dâailleurs, les cyanobactĂ©ries lĂšguent Ă ce sol lâazote quâil contiendra ensuite ! Le biofilm des façades et des falaises est le dĂ©but dâun sol, condamnĂ© Ă lâĂ©chec par la verticalitĂ©. Mais ailleurs, sur le plat, les biofilms ont laissĂ© place aux sols qui nous entourent ». Cf Marc-AndrĂ© Selosse, Petites histoires naturelles: Chroniques du vivant, Actes Sud Nature, , p. 32.
- S'il s'agissait de dépÎts atmosphériques dus à la pollution, la localisation de ces croûtes serait plus continue et ces dépÎts seraient partiellement lessivés par les eaux de ruissellement. Cf Philippe Bromblet, Mémento sur les altérations de la pierre, CICRP, (lire en ligne), p. 10
- On peut dire que ces micro-organismes vivent dâair et dâeau fraiche.
- Le rĂŽle des biofilms dans l'altĂ©ration joue sur plusieurs niveaux : mĂ©canique (dĂ©sagrĂ©gation rendant la surface rocheuse poudreuse), chimique (catalyse acide). De plus, cette matiĂšre organique favorise la rĂ©tention d'eau (hydrolyse, dissolution). Cf. (en) A. A. Gorbushina & W. J. Broughton, « Microbiology of the atmosphere-rock interface: how biological interactions and physical stresses modulate a sophisticated microbial ecosystem », Annual Review of Microbiology, vol. 63, no 1,â , p. 431-450 (DOI 10.1146/annurev.micro.091208.073349).
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Voir aussi
Bibliographie
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Articles connexes
Liens externes
- Ressources relatives à la santé :
- (en) Medical Subject Headings
- (cs + sk) WikiSkripta
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Analyse de l'épaisseur, de la proportion minérale et organique du biofilm via une analyse potentiométrique
- Laboratoire de Biotechnologie de l'Environnement de l'INRA
- MICALIS, UMR 1319 INRA Agroparistech, Ă©quipe B2HM
- RĂ©seau National Biofilm
- Biofilms 5, 10-12 décembre 2012, Paris
- à propos des biofilms bactériens (docs pdf divers)
- Les sixiÚmes journées thématiques du RNB : remue-ménage aux interfaces