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Bactériophage

Les bactériophages, ou phages (mot formé des éléments bactério-, « bactérie », et -phage, « qui mange »), ou, plus rarement, virus bactériens, sont des virus qui n'infectent que des bactéries. Ils sont présents dans toute la biosphère. Ils sont particulièrement abondants dans les milieux riches en bactéries, et donc notamment dans les excréments, le sol et les eaux d'égout. Dans un millilitre d'eau de mer, on compte près de 50 millions de bactériophages[2]. Le support de l'information génétique (génome) des bactériophages peut être un ADN ou un ARN[3]. Parce que leur génome est entouré d’une capside, les phages font partie des virus dits complexes.

Modèle structural du bactériophage T4 à résolution atomique[1]

L'activité des bactériophages est découverte en 1897 par le franco-canadien Félix d'Hérelle lorsqu'il remarque des trous dans les cultures de bactéries qu’il développe pour lutter contre les essaims de sauterelles en Amérique centrale. Il n’en comprend le sens qu'en 1917, lorsqu'il fait la même observation dans des selles de malades atteints de dysenterie bacillaire (maladie du côlon). Il isole alors les premiers phages, puis développe les premières applications phagothérapeutiques[2].

En 1915, Frederick W. Twort, à Londres, remarque aussi que des colonies de microcoques prennent parfois un aspect vitreux, dû à la destruction des cellules bactériennes, et que cette caractéristique est transmissible à des colonies normales par simple contact.

Les phages sont des outils fondamentaux de recherche et d'étude en génétique moléculaire[2]. Ils servent notamment de vecteurs de clonage et de transfert de gènes (on parle aussi de transduction). Dans les années 1940-1960, les travaux effectués sur les bactériophages ont permis de nombreuses avancées dans le domaine de la biologie moléculaire (avancées portées par Max Delbrück, dans le cadre du « groupe phage ») et ont permis de découvrir que les acides nucléiques constituent le support de l'information génétique (expérience de Hershey-Chase, en 1952[4] - [2]).

Les bactériophages ont été utilisés en France à des fins thérapeutiques de 1920 à 1990 environ et le sont toujours dans l'ex-bloc de l'Est, où l'on peut acheter des bactériophagiques en pharmacie sans ordonnance[5]. En France, devant l'incapacité des autorités de santé à accélérer la réintroduction de la phagothérapie pour des raisons réglementaires et administratives, des associations et groupements de patients et de médecins font valoir les bénéfices importants qu'elle peut apporter aux patients infectés par des germes résistants en situation d'impasse thérapeutique ou d'infection chronique récidivante ainsi que l'absence de risque constatée durant les 70 ans d'utilisation en France au XXe siècle[6] - [7] - [8] - [9].

Caractéristiques

Structure d'un bactériophage :
1. tĂŞte ;
2. queue ;
3. acide nucléique ;
4. capside ;
5. col ;
6. gaine contractile ;
7. fibres caudales ;
8. spicules ;
9. plaque terminale.

Comme les virus qui infectent les eucaryotes, un phage possède du matériel génétique encapsidé dans une structure protéique complexe constituée le plus souvent d'une tête et d'une queue. Pour plus de 95 % des phages connus, ce matériel est une molécule d'ADN double-brin d'une longueur de 5 à 650 kpb (kilobases) et leur dimension varie de 24 à 200 nm. Les bactériophages ayant un génome de plus de 200 kpb sont appelés « phages jumbo »[10].

On caractérise les phages par la présence de « plages de lyse ». L'infection d'une cellule bactérienne par un seul phage peut provoquer sa lyse au bout d'une vingtaine de minutes avec libération de quelques dizaines voire centaines de particules phagiques. En laboratoire, chaque particule ainsi libérée va infecter une nouvelle bactérie et recommencer le cycle lytique. Conséquence de ces lyses microscopiques en cascade, des « plages de lyse » se forment dans le tapis bactérien à la surface des géloses, permettant la lecture à l'œil nu des résultats de test. La taille et l'aspect de ces plages de lyse constituent un phénotype contribuant à caractériser les phages.

Reproduction : cycles lytique et lysogénique

Les bactériophages, incapables de se reproduire par leurs propres moyens, injectent leur matériel génétique dans des bactéries hôtes. Grâce aux enzymes et aux ribosomes de l'hôte (et à certaines protéines virales selon les cas), le génome viral peut être répliqué et traduit pour former de nombreuses copies du virus qui sont libérés avec la lyse de la bactérie-hôte : on parle de cycle lytique ou cycle de production.

Certains bactériophages se comportent autrement, leur matériel génétique est répliqué et s'intègre au chromosome de la bactérie (ou existe sous forme de plasmide), mais n'est pas exprimé pour former des virions. Le virus est alors désigné sous le terme de prophage, lequel est transmis à la descendance de la bactérie infectée (lignée lysogénique) et on parle de lysogénie ou de cycle lysogénique. En réponse à une induction (ex. : stress de la bactérie), l'infection lysogénique bascule vers un cycle lytique.

D'une espèce à l'autre, le cycle de réplication des phages dans la cellule peut suivre plusieurs schémas :

  • certains phages sont dits « virulents », ils sont strictement lytiques. Le microbiologiste Mark MĂĽller a dit : « Les bactĂ©ries ne meurent pas, elles explosent en multiples phages » ;
  • certains bactĂ©riophages appelĂ©s « phages tempĂ©rĂ©s » peuvent gĂ©nĂ©rer des infections lytiques ou lysogĂ©niques. Parfois, les prophages apportent quelque chose Ă  la relation bactĂ©rie-phage quand la cellule est en dormance, en ajoutant de nouvelles fonctions au gĂ©nome de la bactĂ©rie, un phĂ©nomène appelĂ© « conversion lysogène ». Un exemple connu est l'inoffensive bactĂ©rie Vibrio qui, quand elle est lysogĂ©nisĂ©e par le phage CTX[11], cause le cholĂ©ra ;
  • certains phages ne provoquent pas la lyse de la cellule infectĂ©e (infections chroniques), mais bourgeonnent Ă  la membrane bactĂ©rienne, sans la rompre (infection chronique).C'est le cas des phages filamenteux comme M13 ou f1 d'Escherichia coli. La cellule infectĂ©e devient alors une usine Ă  produire du phage de manière continue.

Durée et conditions de persistance des phages dans l'eau

Les phages, comme d'autres virus, sont vulnérables aux UV solaires, connus pour contribuer à détruire les virus, au moins dans le haut de la colonne d'eau, et plus ou moins profondément selon la turbidité de l'eau[12].

Dans les eaux plus eutrophes voire dystrophes, une autre cause de destruction virale (encore mal comprise) semble être la présence de molécules antivirales dissoutes, thermolabiles et de haut poids moléculaire (plus de 30 kDa), de type protéases ou autres enzymes bactériennes probablement[12] qui, lors d'expériences conduites par Noble & al. en 1997, semblaient responsables d'environ 1/5 de la désintégration maximale des virus ; en complément du rayonnement solaire qui en élimine au maximum de 1/3 à 2/3 (quand il s'agit de virus non-natifs) et de 1/4 à 1/3 quand il s'agit de virus natifs) suggérant des phénomènes de co-évolution adaptation évolutive entre bactéries et virus, et en fonction du taux d'UV solaires pénétrant la colonne d'eau[12].

Classification

L’organisme responsable de la nomenclature et de la taxonomie des virus s’appelle l’International Committee on Taxonomy of Viruses (ICTV). On dĂ©nombre une vingtaine de morphologies diffĂ©rentes chez les virus bactĂ©riens actuellement reconnus par l'ICTV[2]. En 2000, plus de 5 000 bactĂ©riophages diffĂ©rents avaient Ă©tĂ© observĂ©s et dĂ©crits. Plus de 95 % d'entre eux possĂ©daient une queue impliquĂ©e dans l'entrĂ©e de l'ADN du phage dans la cellule bactĂ©rienne (famille des Caudovirales). La morphologie de la queue permet de subdiviser cette large famille en 3 groupes :

  • les Siphoviridae, caractĂ©risĂ©s par une longue queue non contractile, forment la plus grande famille (60 % des virus caudĂ©s). Exemple : T5 ;
  • les Myoviridae ont de longues queues contractiles, composĂ©es d'un tube extĂ©rieur qui se contracte autour du tube central rigide lorsque le virus se trouve Ă  la surface de sa bactĂ©rie hĂ´te. Le tube rigide perfore alors la paroi bactĂ©rienne et crĂ©e un passage pour l'ADN phagique. Exemple : T4 ;
  • les Podoviridae ont de petites queues non contractiles, ils intègrent dans leur capside des protĂ©ines qui servent Ă  empaqueter l'ADN dans la capside lors de la formation du virion et qui sont Ă©jectĂ©es dans la paroi de l'hĂ´te avant l'Ă©jection de l'ADN. Exemples : T7, P22.

Liste des principaux modèles d'étude

Rôles dans l'évolution des bactéries

Comme les phages peuvent porter dans leur génome des gènes accessoires à leur cycle de vie, ils participent aux transferts horizontaux de gènes entre populations bactériennes. C'est la transduction. Lorsque ces gènes accessoires codent des facteurs de virulence, la bactérie infectée voit son pouvoir pathogène augmenté – c’est le phénomène de « conversion lysogénique ».

Un exemple bien connu est celui des gènes des toxines Stx des Escherichia coli entérohémorragiques (EHEC). Ces gènes stx sont localisés dans des séquences de bactériophages lambdoïdes intégrés dans le chromosome. Les EHEC auraient donc émergé par conversion lysogénique. On connaît de nombreux autres exemples de ce type, comme la toxine cholérique de Vibrio cholerae qui est portée par le phage CTX.

Les bactériophages lysogènes sont souvent intégrés dans le chromosome au niveau de locus codant des ARN de transfert (ARNt). Par exemple, le phage PhiR73 de Escherichia coli est inséré au niveau du locus selC. L'acquisition de gènes étrangers par transfert horizontal, grâce à des bactériophages s’intégrant au niveau de tels « points chauds » est plausible, puisque les séquences codant les ARNt sont hautement conservées entre les différentes espèces bactériennes. Enfin, la persistance des gènes de virulence dans les génomes phagiques suggère qu’ils confèrent un avantage sélectif, peut-être dû à la plus grande multiplication et diffusion de la bactérie hôte.

Biotechnologies

Biologie moléculaire au XXe siècle

Le phage S-PM2.

Dans les années 1960, les recherches menées sur les interactions hôte/phage par les biologistes américains Max Delbrück, Alfred Hershey et Salvador Luria valurent à ces chercheurs le prix Nobel de médecine-physiologie en 1969.

Les phages ont permis différentes découvertes :

  • en 1961, Francis Crick, Sydney Brenner, Leslie Barnett et R.J. Watts-Tobin utilisent diffĂ©rentes souches d'E. coli et du phage T4 pour dĂ©montrer que l'ADN porte l'information gĂ©nĂ©tique sous forme de codons de trois nuclĂ©otides non-chevauchant (expĂ©rience de Crick, Brenner et al.)[13] ;
  • l'expĂ©rience de Hershey et Chase a permis de confirmer la fonction de l'ADN en tant que support de l'information gĂ©nĂ©tique. Hershey et Chase incorporèrent du phosphore 32 (P32) dans l'ADN d'une culture de phage et du soufre 35 (S35) dans les protĂ©ines d'une autre culture de ce mĂŞme phage[2]. Ces deux isotopes sont radioactifs, ce qui permet de les utiliser comme traceurs. Puis, ils utilisèrent chacune de ces cultures de phage indĂ©pendamment pour infecter E. Coli Ă  raison d'un nombre Ă©levĂ© de particules virales par cellule bactĂ©rienne. Après un temps suffisant pour que l'infection ait eu lieu, ils dĂ©tachèrent les enveloppes vides des phages des cellules bactĂ©riennes par agitation mĂ©canique. Par centrifugation, ils sĂ©parèrent les cellules bactĂ©riennes des enveloppes vides et mesurèrent la radioactivitĂ© des deux fractions obtenues. En utilisant les phages marquĂ©s au P32, la majeure partie de la radioactivitĂ© aboutissait dans les cellules bactĂ©riennes, indiquant que l'ADN de phage entre dans les cellules. Au contraire, le S35 est retrouvĂ© dans les enveloppes montrant que les protĂ©ines du phage n'avaient pas pĂ©nĂ©trĂ© dans la cellule bactĂ©rienne. Conclusion: l'ADN est le matĂ©riel hĂ©rĂ©ditaire tandis que les protĂ©ines de phages ne sont qu'un emballage qui est Ă©cartĂ© une fois que l'ADN a Ă©tĂ© injectĂ© dans la cellule bactĂ©rienne ;
  • en 1980, le biochimiste britannique Frederick Sanger reçut le prix Nobel pour avoir rĂ©ussi Ă  sĂ©quencer l'ADN en utilisant un phage. Le premier organisme biologique dont le gĂ©nome a Ă©tĂ© sĂ©quencĂ© est un phage (utilisĂ© parce que son matĂ©riel gĂ©nĂ©tique est encapsidĂ© sous forme d'ADN simple brin). Le protocole de la mĂ©thode de sĂ©quençage est le suivant : incubation de l'ADN Ă  sĂ©quencer avec une amorce, le fragment de Klenow (ADN pol I dĂ©pourvue d'activitĂ© exonuclĂ©asique 5'→3'), les 4 dĂ©soxyribonuclĂ©otides (dNTP) et 1 didĂ©soxyribonuclĂ©otide (ddNTP) en faible concentration. Le ddNTP induit l'arrĂŞt de l'Ă©longation: tous les fragments obtenus se termineront par ce nuclĂ©otide. Puisqu'il est utilisĂ© en faible concentration, on va obtenir des fragments de tailles diffĂ©rentes. On refait l'expĂ©rience avec les 4 ddNTP. Les fragments sont sĂ©parĂ©s par Ă©lectrophorèse sur gel de polyacrylamide. Un nuclĂ©otide radioactif est incorporĂ© afin de permettre la visualisation des fragments par autoradiographie sur film ;
  • les premières expĂ©riences suggĂ©rant un ARN intermĂ©diaire dans la synthèse protĂ©ique. Il s'agit de l'expĂ©rience de E. Volkin et L. Astrachan en 1957. Il s'agit d'une expĂ©rience de pulse chase dans laquelle l'ARNm est marquĂ© de façon spĂ©cifique avec de l'uracile radioactif. L'infection par un bactĂ©riophage T2 induit une augmentation de la quantitĂ© d'ARNm dans la cellule hĂ´te et cet ARNm a un temps de vie très court (car il est très vite dĂ©gradĂ© après le marquage). Conclusion: l'ARN joue un rĂ´le intermĂ©diaire entre l'ADN et les protĂ©ines ;
  • la dĂ©couverte des enzymes de restriction en 1962 par W. Arber. Protocole de l'expĂ©rience : 2 souches bactĂ©riennes A et B sont infectĂ©es chacune par un phage X puis le lysat de phage est rĂ©cupĂ©rĂ© pour effectuer une nouvelle infection dans les deux souches bactĂ©riennes utilisĂ©es prĂ©cĂ©demment. Observation : le lysat de phage X produit sur A peut infecter les 2 souches bactĂ©riennes alors que le lysat de phage X issu de B ne peut pas infecter la souche A. InterprĂ©tation et conclusion : les phages ont acquis une spĂ©cificitĂ© d'hĂ´te qui dĂ©pend de la souche dans laquelle ils se sont dĂ©veloppĂ©s et non de leur gĂ©notype. Cette restriction d'hĂ´te est due Ă  la mĂ©thylation de l'ADN par des enzymes spĂ©cifiques permettant de protĂ©ger l'ADN viral de la dĂ©gradation par des nuclĂ©ases de la bactĂ©rie. Ces nuclĂ©ases sont des enzymes de restriction qui ne reconnaissent que la forme non mĂ©thylĂ©e de leur site de coupure. Si l'enzyme nĂ©cessaire Ă  cette mĂ©thylation n'est prĂ©sente que dans la souche A, seuls les phages X-A seront mĂ©thylĂ©s et non dĂ©gradĂ©s par les nuclĂ©ases. Ce mĂ©canisme permet Ă  la bactĂ©rie de diffĂ©rencier son propre ADN de l'ADN Ă©tranger ;
  • la recherche en gĂ©nĂ©tique sur la structure des gĂ©nomes par Benzer. Celui-ci a dĂ©terminĂ© la structure fine des gènes grâce Ă  l'Ă©tude de recombinaisons entre mutants de bactĂ©riophage T4. Les bactĂ©riophages prĂ©sentent deux avantages Ă©normes : la frĂ©quence de recombinaison est Ă©levĂ©e, la descendance est quasi illimitĂ©e ce qui permettra d'avoir accès Ă  des Ă©vĂ©nements très rares.

L'étude des phages a des implications importantes en médecine et en génétique, en particulier pour la compréhension des infections virales, des anomalies génétiques, de l'embryologie humaine, des causes du cancer et de la résistance des bactéries aux antibiotiques.

Génie génétique

Les phages sont utilisés de multiples manières en biologie moléculaire. Ils sont utilisés comme vecteurs de clonage pour insérer de l'ADN dans les bactéries. La méthode du phage display est une méthode qui permet la sélection d'un peptide grâce à sa présentation sur la surface de phages. Le phage display est une technique permettant la construction de banques d'ADN ou d'ADN complémentaire. Les 2 principaux phages utilisés dans cette technique sont les phages M13 (phage filamenteux) et lambda qui infectent tous les deux E. Coli. Prenons l'exemple du phage M13 qui est un phage filamenteux capable d'infecter uniquement les bactéries gram (-) ayant incorporé le facteur F et dont l'infection conduit à la lysogénie. Sa capside contient, entre autres, les protéines P8 et P3 nécessaires pour la liaison du bactériophage à la bactérie via les pilus sexuels. Ces 2 protéines vont être utilisées pour présenter à la surface des phages des molécules d'intérêt (peptide, fragment d'anticorps ou protéine entière): la molécule d'intérêt est fusionnée avec les protéines P8 et P3, par l'insertion du gène codant la molécule d'intérêt à proximité de l'extrémité 5' des gènes P3 et P8 en respectant le cadre de lecture. On utilise l'une ou l'autre des protéines selon le type de molécule et la quantité de molécules à exposer à la surface du phage. On distingue les phages polyvalents/homogènes, où toutes les protéines P3 et P8 sont fusionnées, des phages monovalents/hétérogènes où seulement une partie des protéines le sont. La technique permet d'obtenir des banques d'ADN que l'on peut facilement conserver et les clones sélectionnés sont multipliés à faible coût. Cette technique va permettre de produire des anticorps sans devoir passer par l'immunisation d'un animal. Limite de la technique: certaines molécules ne peuvent pas être exprimées comme les molécules toxiques pour la cellule hôte. Il y a donc une capacité limitée à transformer E. Coli.

Séquençage de génomes

Le séquençage d'un génome ne se fait pas d'un seul coup, mais petit à petit sur des fragments de génomes. Pour cela ces fragments d'ADN peuvent être stockés et multipliés dans des organismes servant de banque d'ADN. Les phages en tant que vecteurs de clonage le permettent.

Agent antibactérien

Principalement utilisés dans l'agroalimentaire puis en médecine vétérinaire, les phages sont aussi étudiés en médecine comme alternative à la résistance aux antibiotiques[2]. En Hollande est également commercialisé un cocktail de phages pour lutter contre les contaminations de Listeria dans les produits alimentaires[14].

Conservateur alimentaire

En 2006, aux États-Unis, une préparation bactériophagique à base de six virus bactériophages a été autorisée comme conservateur alimentaire, notamment pour lutter contre la listériose[15] - [2].

Médecine vétérinaire

Plus de la moitié des antibiotiques produits sont utilisés dans les élevages[16]. Les préparations à base de phages offrent une intéressante alternative de contrôle et de prévention des infections. En Norvège, des essais cliniques sont menés en aquaculture[17].

MĂ©decine humaine

Les phages lytiques peuvent être utilisés pour combattre des infection bactériennes, ces phagothérapies ont été imaginées et utilisées dès la découverte de ces virus. On parle alors de traitement bactériophagique. Ils ont été utilisés d'abord en France, en Allemagne, puis en Géorgie indépendante, en URSS, en Pologne, aux Etats-Unis, et finalement partout dans le monde[18] - [19], avec ou sans adjonction de traitement antibiotique.

En France, leur utilisation et commercialisation disparaît au début des années 1980 (on les trouve dans le Vidal jusqu'en 1978 et on les utilise encore pendant des années dans certains centres hospitaliers comme à Montpellier[8]), leur efficacité n'étant pas remise en question mais leur utilisation étant moins pratique que celle des antibiotiques et demeurant assez empirique (pas d'évaluation de la spécificité des phages, pas de titration des solutions...)[20]. De la même façon Eli Lilly cesse la commercialisation des phagiques aux Etats-Unis avec le développement des antibiotiques[21].

Par contre l'emploi des médicaments bactériophagiques s'est maintenu dans les pays du bloc soviétique et on les utilise toujours couramment en Géorgie et en Russie. Les médicaments bactériophagiques sont systématiquement employés en première approche en Russie pour traiter certaines infections telles que la shigellose[22]. La consommation en Russie s'élève à plus de 1 000 000 000 (un milliard) de boîtes de phagiques par an[23].

La phagothérapie fait actuellement l'objet d'un regain d'intérêt car elle présente une solution pour traiter les infections par des souches bactériennes résistantes aux antibiotiques. Les bactériophages constituent une piste sérieuse dans la découverte de traitements durables contre les infections bactériennes[18].

Plusieurs entreprises dans le monde travaillent au développement de solutions bactériophagiques selon des standards occidentaux. En France l'entreprise Pherecydes Pharma développe des « cocktails de phages » pour traiter/prévenir les infections de grandes plaies exposées (brûlure notamment) et les infections pulmonaires[24].

La phagothérapie est désormais possible en France dans le cadre d'une Autorisation Temporaire d'Utilisation nominative, c'est-à-dire au cas par cas, et dans les limites prévues par l'ANSM[25] :

  • un pronostic vital engagĂ© ou pronostic fonctionnel menacĂ© ;
  • l’impasse thĂ©rapeutique ;
  • une infection mono-microbienne.

S'y ajoutent les restrictions suivantes :

  • la nĂ©cessitĂ© d’un groupe de validation issu du ComitĂ© Scientifique SpĂ©cialisĂ© Temporaire PhagothĂ©rapie de l'ANSM pour toute demande d’ATUn de bactĂ©riophages afin d’obtenir un avis collĂ©gial ;
  • la nĂ©cessitĂ© de disposer des rĂ©sultats d’un phagogramme avant la dĂ©cision d’une mise sous traitement.

Devant les difficultés à se soigner avec les bactériophages dans le cadre légal, des organisations de patients se sont montées en France pour faciliter l'accès à la phagothérapie tant en France qu'à l'étranger[26] - [6] - [27].

Associations

Plusieurs associations françaises ont pour objet les bactériophages.

Recherche

Phages.fr : Réseau scientifique français d'envergure nationale dont le but est de promouvoir, coordonner et intégrer les études des interactions bactériophages-bactéries à travers différentes disciplines scientifiques, tout en favorisant l’établissement de collaborations et synergies entre laboratoires[28].

Utilisation thérapeutique

AVIBEP : L'Association des Victimes de l’Interdiction des Bactériophagiques Etrangers et de leurs Proches, a pour but d’aider les malades à avoir accès aux phagiques français et étrangers afin que plus un malade ne se voie condamné à mourir ou à être amputé sans avoir été traité auparavant par phagothérapie lorsque cela est possible, y compris avec des bactériophagiques étrangers si nécessaire. L'association demande que d'une part les médicaments agréés à l'étranger soient autorisés automatiquement en France dans le cadre de la réglementation compassionnelle existante, et que d'autre part soit de nouveau mis en place un centre de fabrication de bactériophages à la demande, analogue à ce qu'ont fait les Instituts Pasteur de Paris, Lyon et Strasbourg durant une cinquantaine d'années pour les médecins de ville et les hôpitaux. Elle s'appuie sur l'Etude Burden BMR[29] pour affirmer que chaque année environ 10 000 vies sont perdues qui pourraient être sauvées par les bactériophagiques étrangers[6].

Le Lien : Association de défense des patients et des usagers de la santé. Son cœur de mission est de défendre les victimes d’infections nosocomiales et d'accidents médicaux, qu’il s’agisse d’erreurs, de fautes ou d’aléas. Elle milite pour la réintroduction des bactériophagiques en France[30].

Phag Espoirs : Vise à promouvoir d’une part la recherche et l’utilisation des bactériophages dans le domaine diagnostique et thérapeutique, et d’autre part à soutenir les patients désirant en savoir plus sur les bactériophages. L'association est principalement composée de médecins[31].

Phages sans frontières : Récolte de fonds et conseils pour aider les patients à aller se faire soigner en Géorgie[27].

PHELIX France : en lien avec l'UniversitĂ© de Leicester au Royaume Uni, porte un projet de dĂ©tection des infections chroniques par Borrelia (maladie de Lyme) en utilisant des virus bactĂ©riophages[32] - [33].


Notes et références

  1. Victor Padilla-Sanchez, « Structural Model of Bacteriophage T4 », WikiJournal of Science, vol. 4, no 1,‎ , p. 5 (DOI 10.15347/WJS/2021.005, lire en ligne)
  2. Stéphane Biacchesi, Christophe Chevalier, Marie Galloux, Christelle Langevin, Ronan Le Goffic et Michel Brémont, Les virus : Ennemis ou alliés ?, Versailles, Quæ, coll. « Enjeux Sciences », , 112 p. (ISBN 978-2-7592-2627-6, lire en ligne), I. Les virus dominent-ils le monde ?, chap. 5 (« Les mangeurs de bactéries »), p. 14-17, accès libre.
  3. Prescott, Lansing M., Microbiologie, Bruxelles/Paris, De Boeck, , 1200 p. (ISBN 978-2-8041-8039-3 et 2804180395, OCLC 862980250, lire en ligne), p.115
  4. A. D. Hershey et M. Chase, « Independent functions of viral protein and nucleic acid in growth of bacteriophage », The Journal of General Physiology, vol. 36,‎ , p. 39-56 (ISSN 0022-1295, PMID 12981234, PMCID 2147348, lire en ligne, consulté le ).
  5. (en) Stephen T. Abedon, Sarah J. Kuhl, Bob G. Blasdel et Elizabeth Martin Kutter, « Phage treatment of human infections », Landes Bioscience,‎ mars avril 2011, p. 66-85 (lire en ligne)
  6. « Association des Victimes de l'Interdiction des Bactériophagiques Etrangers et de leurs Proches », sur AVIBEP (consulté le )
  7. Dr. A. Raiga-Clémenceau, « Pétition en faveur de la renaissance de la bactériophagie thérapeutique », Panorama du Médecin,‎ (lire en ligne)
  8. Garrigues, Philippe, 1955- ..., Manuel de phagothérapie pratique : à l'usage des médecins du XXIe siècle, Nîmes, P. Garrigues, , 281 p. (ISBN 978-2-9544885-0-9 et 2954488506, OCLC 858177547, lire en ligne)
  9. Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, « CSST Phagothérapie - Retour d'expérience et perspectives » [PDF], sur ansm.sante.fr, (consulté le )
  10. (en) Meiying Gao et Yihui Yuan, « Jumbo Bacteriophages: An Overview », Frontiers in Microbiology, vol. 8,‎ (ISSN 1664-302X, PMID 28352259, PMCID PMC5348500, DOI 10.3389/fmicb.2017.00403, lire en ligne, consulté le )
  11. (en) Brigid M Davis, « CTX Prophages in Classical Biotype Vibrio cholerae: Functional Phage Genes but Dysfunctional Phage Genomes », Journal of Bacteriology,‎ (lire en ligne).
  12. (en) R. T. Noble et J. A. Fuhrman, « Virus decay and its causes in coastal waters. », Applied and Environmental Microbiology, vol. 63, no 1,‎ , p. 77–83 (ISSN 0099-2240 et 1098-5336, PMID 16535501, résumé)
  13. (en) Christiaan van Ooij, « Nature of the genetic code finally revealed! », Nature Reviews Microbiology, no 9,‎ .
  14. « Listex ».
  15. Préparation vendue sous la référence LMP 102. Voir Des virus utilisés comme additif alimentaire, 20 Minutes, 29 août 2006.
  16. (en) « site OMS » (consulté le ).
  17. (en) « site ACDPharma » (consulté le ).
  18. « Les bactériophages, les virus mangeurs de bactéries, sont peut-être l'avenir de l'antibiotique », RTS Info, Radio télévision suisse « 19:30 le journal »,‎ (lire en ligne [vidéo])
    « Les résultats sont prometteurs, que ce soit dans la lutte contre les pneumonies, les infections urinaires ou touchant la peau ou les os. »
    .
  19. Deux instituts sont connus pour cette thérapie dans ces pays, voir et . Des articles scientifiques rédigés en langue russe ou géorgienne présentant le suivi de patients sur plusieurs années sont disponibles à la bibliothèque de l’Eliava Institute , ainsi que dans quelques bibliothèques universitaires des pays de l'Est ou de l'ex-URSS.
  20. (en) Nina Chanishvili, Advances in Virus Research, Volume 83, (ISSN 0065-3527), chap. 1 (« Phage Therapy—History from Twort and d’Herelle Through Soviet Experience to Current Approaches »).
  21. Alexander Sulakvelidze, Zemphira Alavidze et J. Glenn Morris, « Bacteriophage Therapy », Antimicrobial Agents and Chemotherapy, vol. 45, no 3,‎ , p. 649–659 (ISSN 0066-4804, PMID 11181338, DOI 10.1128/AAC.45.3.649-659.2001, lire en ligne, consulté le )
  22. (ru) « Bactériophage dysenterie »
  23. (en) SCIENCE First Hand journal, « Phages Attack », SCIENCE First Hand,‎ (lire en ligne, consulté le )
  24. « http://www.pherecydes-pharma.com/ » (consulté le ).
  25. Compte rendu de séance du CSST Phagothérapie en date du 24 mars 2016
  26. « EuroPhages », sur europhages.com (consulté le )
  27. « Phages sans Frontières », sur phages-sans-frontieres.com (consulté le )
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  29. Colomb-Cotinat M, Lacoste J, Coignard B, Vaux S, Brun-Buisson C et Jarlier V, « Morbidité et mortalité des infections à bactéries multi-résistantes aux antibiotiques en France en 2012 : Etude Burden BMR, rapport - juin 2015 », sur avibep.org, (consulté le ).
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Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Alain Dublanchet, Des virus pour combattre les infections, Ă©ditions Favre, 2009.
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