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Chloration (désinfection)

Dans le domaine de l'hygiène et de la santĂ© publique, la chloration est l'action de dĂ©sinfecter un produit, un substrat et parfois des aliments (dans le domaine de l'industrie agroalimentaire et de la cuisine industrielle), avec des produits chlorĂ©s (eau de Javel, dichlore…). Il s'agit le plus souvent d'ajout de chlore Ă  l'eau pour limiter le risque de « maladies hydriques Â» diffusĂ©es par le rĂ©seau d'eau potable, le chlore Ă©tant ici utilisĂ© pour ses propriĂ©tĂ©s superoxydantes et rĂ©manentes qui en font un biocide bien adaptĂ© Ă  la dĂ©sinfection d'un rĂ©seau de distribution d'eau ou d'une rĂ©serve d'eau (si elle est confinĂ©e dans une enceinte Ă©tanche). D'autres usages, mĂ©dicaux, hospitaliers, vĂ©tĂ©rinaires, agroalimentaires, domestiques et industriels existent aussi, ci-dessous dĂ©crits.

Histoire

Illustration d'un manual de contrôle de la chloration par chlore liquéfié d'un système de purification de l'eau (début du XXe siècle), tiré de Chlorination of Water publié par Joseph Race en 1918

Les premiers scientifiques ou hygiénistes à avoir suggéré la désinfection de l'eau avec du chlore semblent avoir été Louis-Bernard Guyton de Morveau (en France) et William Cumberland Cruikshank (en Angleterre), tous deux vers 1800[1].

John Snow a été le premier réussir à efficacement utiliser du chlore pour désinfecter l'eau de Soho, à Londres afin de stopper l'épidémie de choléra de 1854.
De son côté, William Soper a utilisé du citron chloré pour traiter les déchets corporels de patients atteints de typhoide en 1879 [2].

La chloration dĂ©sinfectante de rĂ©seau de distribution d'eau s'est dĂ©veloppĂ©e Ă  grande Ă©chelle au XXe siècle ; une technique de purification de l'eau potable par utilisation de chlore gazeux, comprimĂ© et liquĂ©fiĂ© a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e dès 1910 par un major de l'U.S. Army (qui deviendra plus tard gĂ©nĂ©ral de brigade) Carl Rogers Darnall (1867-1941), professeur de chimie Ă  l'Army Medical School[3]. Peu de temps après, un major du dĂ©partement mĂ©dical de l'armĂ©e (qui deviendra colonel), William JL Lyster (1869-1947) a utilisĂ© une solution d'hypochlorite de calcium dans un sac de toile pour traiter l'eau. La mĂ©thode de Lyster est restĂ©e la norme durant des annĂ©es pour l'armĂ©e de terre aux États-Unis, mise en Ĺ“uvre sous la forme du familier Lyster Sac (Ă©galement orthographiĂ© « Lister sac Â»).

Elle a autrefois en France été nommée verdunisation car d'abord développée à Verdun durant la Première Guerre mondiale pour lutter contre des maladies hydriques telles que la dysenterie, la typhoïde et le choléra dont les risques épidémiologiques étaient fortement aggravés par la situation de guerre[4]. Elle sera ensuite aussi utilisée dans les centrales nucléaires afin de tuer les larves de moules, huitres ou autres organismes qui pourraient se fixer et croître dans les tuyaux du système de refroidissement des réacteurs ou pour lutter contre le risque de légionellose dans les tours de refroidissement[5]. Les effets de la pollution thermique et biocide de ce chlore sur le plancton qui a transité par la centrale, sur les poissons démersaux et le benthos par le « panache thermique et chloré » émis par les émissaires des centrales situées en bord de mer a fait l'objet de quelques études[6].

Le travail de Darnall a ensuite servi de base aux systèmes actuels de chloration de l'eau municipale, perfectionnés dans les années 1930 et largement mis en œuvre aux États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale[7].

Dans les années 1950, on l'utilise à grande échelle, dont pour le traitement de boues, effluent sou déchets industriels. La consommation croissante de chlore par les collectivités, les industriels et le grand-public fera la fortune de grands groupes industriels, dont Solvay.

Méthodes et procédés

Désinfecter avec des produits chlorés (eau de Javel, dioxyde de chlore très oxydant et présentant l'avantage de ne pas produire de chlorophénols quand il laisse traces de dérivés phénoliques dans l'eau…).

Dans les piscines ; l'apport en chlore doit être constamment renouvelé, par exemple sous forme de chloro-isocyanurates (dichloroisocyanurate de sodium ou dihydrate pour le « chlore choc ») ou d'acide trichloroisocyanurique (par exemple pour le « chlore lent ») qui ont l'avantage de se présenter sous une forme solide moins dangereux à stocker[8].

La chloration de choc ; ce procédé est souvent utilisés pour réduire dans les piscines, certains puits, sources, réservoir d'eau, etc. les populations bactériennes, de microalgues ou autres microorganismes pour la rendre transparente si elle était turbide à cause de plancton. Le choc chloré résulte de la dissolution d'une grande quantité d'hypochlorite de sodium (poudre ou liquide).
L'eau ne doit pas être utilisée avant que le taux d'hypochlorite de sodium dans l'eau soit redescendu à trois ppm ou moins.
Sans filtration immédiate et performante de l'eau, cette méthode laisse in situ une nécromasse microbienne, qui peut rapidement "nourrir" une nouvelle génération de microbes, parfois susceptibles de développer une résistance au chlore (chlororésistance).

Usages combinés : Depuis plus d'un siècle, l'hypochlorite est aussi conjointement utilisée comme désinfectant, désodorisant et agent de blanchiment (pour le tissu, la pâte à papier, bien que le chlore puisse aussi dégrader et fragiliser de nombreux types de fibres textiles s'il est utilisé en excès).

Usages domestiques et individuels A la maison, la chloration a surtout été utilisée avec les désinfectants ménager, certains désinfectants chlorés de l'eau potable, la désinfection des piscines individuelles, et d'objets

Usages médicaux L'hyperchloration de l'eau potable est utilisée dans de nombreux établissements de soin (cliniques, hôpitaux) ou laboratoires, notamment pour prévenir la colonisation du réseau d'eau potable par les légionelles, protéger les matériels d'hémodialyse, désinfecter les surfaces de l'environnement (fomites) après un nettoyage au détergent, désinfecter du linge, décontaminer les déversements de sang, désinfecter du matériel, décontaminer certains déchets médicaux avant leur élimination, en dentisterie, etc.

Désodorisation : Dans l'industrie, le chlore peut être utilisé (en présence d'un catalyseur le cas échéant) pour détruire des gaz toxiques et/ou à l'odeur très désagréable tel que le sulfure d'hydrogène[9], mais on lui préfère souvent l'ozone[10], ou le peroxyde d'hydrogène[11] moins dangereux ;

Alternatives

Malgré une offre croissante en désinfectants alternatifs, l'hypochlorite, très peu coûteux, a encore une large utilisation dans le milieu médical[12] et il n'existe aucun produit présentant autant d'avantages à coût égal.

La chloration de l'eau est plus de trois fois plus efficace contre les Escherichia coli qu'un taux Ă©quivalent de brome, et plus de six fois plus efficace qu'une concentration Ă©quivalent d'iode[13].

Néanmoins, plusieurs solutions alternatives à la chloration existent, mises en pratique à des degrés divers :

  • l'ozonation est utilisĂ©e par de nombreux pays europĂ©ens et Ă©galement dans quelques villes des États-Unis ;
  • l'ultrafiltration sur membrane (beaucoup plus coĂ»teux)
  • l'irradiation (par une source puissante d'UV ou radioactive, mais c'est une solution non rĂ©manente)
  • le rĂ©chauffement de l'eau ou de la matière Ă  dĂ©sinfecter au-delĂ  d'une certaine tempĂ©rature

En situation de crise, le filtre domestique à sable[14] permet de pré-traiter l'eau ou de fortement limiter le risque de pollution microbienne, mais il faut quelques semaines pour qu'il soit efficace et il finit par s'encrasser.

Avantages, limites et inconvénients

Pour les experts en santé publique[12] et la FAO[15], le chlore présente comme désinfectant des avantages et inconvénients, qui sont :

Avantages

  • Très faible coĂ»t du chlore, et manipulation aisĂ©e des formulations industrielles.
  • Relativement faible toxicitĂ© Ă  moyen et long terme (stabilitĂ© relative) ;
  • Persistance jugĂ©e raisonnable dans l'eau potable traitĂ©e[12], avec une faible rĂ©manence environnementale (par rapport Ă  d'autres dĂ©sinfectants, surtout ceux Ă  base de mĂ©taux toxiques tels que le mercure ou le chrome autrefois utilisĂ©s) ;
  • Large spectre antimicrobien (bactĂ©ricide, fongicide, virucide , etc.), Ă  dosage et temps de traitement suffisant.
  • ActivitĂ© favorablement influencĂ©e par la tempĂ©rature (augmentation 30 % de 50 Ă  60 °C selon FAO[15]) ;
  • Utilisation possible en milieu alcalin (favorable au nettoyage, mais ne remplace en aucun cas un dĂ©tergent) ;
  • Peu moussant Ă  non moussant (plus efficace pour dĂ©sinfecter) ;
  • Facile Ă  utiliser, solubiliser dans l'eau et Ă  rincer Ă  l'eau ;
  • Utilisable facilement (en nettoyage comme pour la dĂ©sinfection) ;
  • Ne colore pas[12].

Inconvénients

  • Si certains microorganismes comme les Campylobacter sont très facilement Ă©liminĂ©s par le chlore ou l'ozone[16], des phĂ©nomènes de chlororĂ©sistance peuvent apparaitre chez certaines bactĂ©ries (notamment en cas d'usage gĂ©nĂ©ralisĂ©, inadĂ©quat ou constant de la chloration). De mĂŞme certaines amibes et les formes enkystĂ©es de certains parasites entĂ©riques rĂ©sistent facilement aux doses de chlore qu'il est recommandĂ© de ne pas dĂ©passer pour la santĂ© humaine (c'est le cas par exemple de Giardia et plus encore Cryptosporidium[17]), ce qui peut notamment poser problème dans les piscines[18]. L'eau doit alors ĂŞtre filtrĂ©e de manière poussĂ©e puis Ă©ventuellement dĂ©sinfectĂ©e par prĂ©caution.
  • instabilitĂ© des dĂ©sinfectants chlorĂ©s Ă  la chaleur ;
  • Perte d'efficacitĂ© au stockage en quelques mois ;
  • Faible durĂ©e de protection (en raison de la volatilitĂ© et de la rĂ©activitĂ© du chlore) ;
  • Le pouvoir dĂ©sinfectant du chlore diminue en prĂ©sence de matières organiques (peu pratique pour dĂ©sinfecter des milieux ou eaux turbides ou des eaux transparentes mais nĂ©anmoins riches en certains composĂ©s organiques) ;
  • Le chlore en rĂ©agissant avec certains composĂ©s organiques naturels crĂ©e des sous-produits toxiques ou Ă©cotosiques (dont les trihalogĂ©nomĂ©thanes (THM) et de l'acide haloacĂ©tique (AHA) qui sont cancĂ©rogènes et doivent donc ĂŞtre surveillĂ©s dans les rĂ©seaux d'eau potable). L'OMS estime nĂ©anmoins que les risques pour la santĂ© de ces sous-produits, restent faibles au regard de ceux induits par une dĂ©sinfection inadĂ©quate de l'eau ;
  • Corrosion ou fragilisation de certains plastiques et corrosion de nombreux mĂ©taux (dont l'inox) si le pH du milieu est infĂ©rieur Ă  huit. La corrosion est aggravĂ©e si l'eau de prĂ©paration contient dĂ©jĂ  des chlorures ;
  • Risques de crĂ©ation de nouvelles molĂ©cules toxiques, de produits de dĂ©gradation indĂ©sirables ou de synergies toxiques du chlore avec des molĂ©cules toxiques ou « prĂ©curseurs Â» dĂ©jĂ  prĂ©sente dans l'eau[19] ;
  • Risques d'accident grave en cas de mĂ©lange avec un acide ;
  • Un rejet important de chlore Ă  l'Ă©gout peut inhiber l'efficacitĂ© d'une station d'Ă©puration, d'un lagunage naturel ou autre système d'Ă©puration biologique ;
  • dĂ©clenchement de rĂ©actions allergiques (chlorosensibilitĂ©) ;
  • Peut tacher, ronger ou dĂ©colorer certains tissus ou d'autres matières ;
  • sĂ©lection de souches chlororĂ©sistantes de bactĂ©ries ou d'autres microorganismes, Ă©ventuellement pathogènes ;
    À la différence des virus et bactéries végétatives, certaines bactéries (formant des endospores ou biofilms plus ou moins chlororésistants), certains champignons et de protozoaires sont plus résistants au chlore, naturellement, et/ou par mutations sélectionnées par un contact répété ou chronique avec l'hypochlorite ;
  • ActivitĂ© du chlore inhibĂ©e par la prĂ©sence d'ions de mĂ©taux lourds, d'un biofilm, ou sur les parois, Ă  basse tempĂ©rature, Ă  pH faible, ou en prĂ©sence d'un rayonnement UV[12] ;
  • Problèmes d'odeur dans et autour des installations[20], (avec possible dĂ©gradation de la qualitĂ© de l'air intĂ©rieur dans le cas des piscines ou d'un lieu de travail oĂą le chlore peut parfois contribuer Ă  une vĂ©ritable pollution de l'air intĂ©rieur)
  • problèmes de mauvais goĂ»t (chlorĂ©) confĂ©rĂ© Ă  l'eau ;
  • problèmes liĂ©s Ă  l'ingestion involontaire d'eaux fortement chlorĂ©s et contenant des sous produits chlorĂ©s. Les chloroisocyanurates se dĂ©composent lentement en chlore et en acide cyanurique et ils ne sont pas mĂ©tabolisĂ©s, traversant l'organisme en Ă©tant Ă©liminĂ© par l'urine, ce qui en fait un traceur de l'eau ingĂ©rĂ©e. Une Ă©tude indirecte (par mesure du taux de chloroisocyanurates dans l'urine) a conclu que les enfants et adolescents jouant ou nageant en piscine ingèrent en nageant environ deux fois plus d'eau que les adultes (en moyenne 37 ml pour les enfants et 16 ml par les adultes (en 45 min de natation), selon cette mĂ©thode indirecte)[21]). Plus de 1 % des personnes interrogĂ©es avouent nĂ©anmoins avaler plus de l'Ă©quivalent d'une petite cuillère d'eau lors d'activitĂ©s rĂ©crĂ©atives dans l'eau[22]. Les plongeurs sous-marins en absorbent plus. Selon une Ă©tude nĂ©erlandaise de 2006, les plongeurs professionnels avalent en moyenne 9,8 mL d'eau marine et 5,7 mL d'eau douce de surface par plongĂ©e, et les plongeurs amateurs avalent 9,0 ml d'eau de mer et 13 ml d'eau douce lors de leurs activitĂ©s rĂ©crĂ©ationnelles ; ils se montrent plus prudent en rivière ou canal (3,2 ml ingĂ©rĂ©) contre 20 ml d'eau en plongĂ©e en piscine)[23].

Impacts sanitaires et environnementaux

Il y a un consensus pour conclure qu'en termes de bilan gĂ©nĂ©ral, la chloration (au sens (1) : « action de dĂ©sinfecter avec des produits chlorĂ©s Â») est un progrès en santĂ© publique, par sa facilitĂ©, son coĂ»t et son efficacitĂ© contre la plupart des agents pathogènes, mais une controverse persiste quant aux impacts secondaires et aux effets diffĂ©rĂ©s, possibles ou avĂ©rĂ©s des sous-produits de chloration prĂ©sents dans l'eau du robinet ou Ă©vacuĂ©s dans l'air (dans l'air intĂ©rieur des piscines couvertes notamment).

Dans la nature, le chlore peut interagir avec la biomasse (effet biocide), mais également avec la nécromasse, la matière organique en suspension ou des sédiments et divers sels et minéraux, selon des réactions chimiques différentes en eau douce et en eau de mer (dans l'océan, le chlore peut interagir avec les bromures naturels ; à partir de l'acide hypobromeux et de l'hypobromite par exemple, qu'on ne trouve pas ou peu en eau douce)[24]. Les conditions de photochimie (la lumière, même à une intensité assez faible dégrade par exemple l'hypobromite produite par le chlore[25]), la température et d'autres facteurs physicochimiques influent aussi sur la durée de demi-vie du chlore dans les eaux de surface[26].

La question d'éventuels effets écotoxiques du chlore résiduel diffusé dans l'environnement avec les eaux usées domestiques, ou avec des eaux de systèmes de refroidissement (condenseurs de centrales thermiques ou échangeurs thermiques (de centrales nucléaires notamment) semble avoir été peu étudiée. Mais il est bien démontré depuis les années 1960-1970 que faibles doses de chlore libre peuvent par exemple inhiber la photosynthèse chez de nombreux microorganismes aquatiques (phytoplancton), et donc inhiber leur productivité primaire, durant plusieurs jours à semaines après la disparition du chlore libre détectable dans l'eau, avec une inhibition « parfois irréversible »[24].

Concernant l'eau du robinet

À la suite d'un premier rapport sur les effets sanitaires et les valeurs toxicologiques de référence, l'Institut de veille sanitaire (InVS) a en France évalué les risques sanitaires liés aux sous-produits de la chloration de l’eau potable, concluant en juin 2007[27] que les pathologies induites par la surchloration seraient en nombre trop faible pour être observables par un système de surveillance épidémiologique normal.
Ă€ partir de l’étude de onze sites desservant 900 000 personnes, des scĂ©narios d’exposition (moyens et Ă©levĂ©s) ont Ă©tĂ© calculĂ©s pour la population gĂ©nĂ©rale (vie entière) et les femmes enceintes (exposition le temps d’une grossesse), en prenant en compte l’absorption orale, respiratoire et cutanĂ©e, c'est-Ă -dire l’exposition par la boisson, la douche et le bain. Mais l’InVS n’a pu conclure, faute de donnĂ©es toxicologiques suffisantes.
Seuls les effets cancérigènes et reprotoxiques du chloroforme (trichlorométhane) contenu dans l’eau de distribution ont été caractérisés, concluant à un excès de risque individuel de 3,3 10-6 à 3,1 10-4, c’est-à-dire très minime pour le risque cancérigène. Le ratio d’exposition critique serait de 0,1 à 5,36 pour le risque reprotoxique, selon les scénarios d’exposition.
La « surchloration » ne s’est pas traduite par un taux plus important de sous-produits sur les sites étudiés.
L’excès de risque dĂ©passe le seuil d’acceptabilitĂ© de l’OMS (un cas supplĂ©mentaire de cancer par an pour 100 000 personnes), mais l’impact sanitaire du trichloromĂ©thane dans la population Ă©tudiĂ©e (+ 0,25 Ă  + 1,7 cas/an pour le cancer colorectal ou le cancer de la vessie) est trop faible pour ĂŞtre observable par l’épidĂ©miologie existante.

L’InVS considère que, faute de connaissances toxicologiques suffisantes, on ne peut évaluer une éventuelle surincidence des cancers liés à l’ensemble des SPC, et qu’il faudrait notamment mesurer les taux de trihalométhane dans les réseaux d’eau potable, et le transfert de ces molécules chlorées à l’air ou via la peau et les muqueuses. Il faudrait aussi mieux connaître les habitudes des Français en termes d’usage de l’eau du robinet (douche, bain, fréquence, durée, etc.) ainsi que disposer de données sur les dimensions des salles de bain, ce qui permettrait de mieux évaluer l’exposition des populations aux polluants hydriques.
En novembre 2003, le plan français vigipirate, a prĂ©conisĂ©[28] de maintenir ou augmenter la chloration pour un taux d'au moins 0,3 milligramme de chlore libre par litre (mg/l) « en sortie des rĂ©servoirs » et rester au moins Ă  0,1 mg/l « en tout point du rĂ©seau de distribution ».
Seul le trihalométhane (THM), dont une étude espagnole a montré qu’il était associé à une augmentation du risque de cancer de la vessie, est en France surveillé en continu.

L’InVS recommande de limiter au maximum la formation des sous-produits de chloration, notamment en filtrant la matière organique avant l’étape de désinfection, et en optimisant les méthodes de désinfection.

En 2020, lors de l'épisode du Covid-19 certaines municipalités ont augmenté les taux de chlore passant de 0.3 mg/l à 0.5 mg/l. Cette décision n'a pas été évaluée scientifiquement quant aux impacts positifs ou négatifs sur la santé[29].

Le cas des centrales nucléaires

Les rejets de centrales nucléaires comptent parmi les plus gros rejets de chlore ou de sous-produits de la désinfection par chloration dans l'environnement fluvial[30] ou marin. L'eau de leurs rejets y a en outre été à la fois chlorés et réchauffés, ce qui cause un double choc pour les organismes aquatiques, dans le circuit de refroidissement lui-même (c'est l'objectif de la chloration), mais aussi en aval de l'émissaire de rejet, dans le panache chloré et réchauffé où des relevés faits par le CNEXO, l'ISTPM puis Ifremer en France durant plusieurs années ont mis en évidence d'importantes modifications en aval des rejets de ces centrales :

  • « prolifĂ©ration de bactĂ©ries thermophiles » ;
  • « diminution de la production primaire (photosynthèse) en pĂ©riode de chloration par dĂ©coloration des algues planctoniques microscopiques (phytoplancton) » ;
  • « mortalitĂ© d'environ 30 % des Ĺ“ufs de sole au cours du transit (pouvant ĂŞtre estimĂ©e Ă  100 % pour d'autres espèces comme le sprat) » ;
  • « mortalitĂ© de larves et juvĂ©niles de poissons (surtout clupĂ©iformes: sprat, hareng et anchois) sur les grilles de filtration » ;
  • « action sur le taux de fertilitĂ© d'algues benthiques » ;
  • « attraction de certaines espèces de poissons (notamment le bar) ».
  • La combinaison du choc thermique et chlorĂ© affecte diffĂ©remment les espèces marines qui le subissent, certaines en meurent et d'autres y sont plus rĂ©silientes et alors d'autant plus susceptibles de blooms planctoniques ou bactĂ©riens que leur niche Ă©cologique a Ă©tĂ© libĂ©rĂ©e d'espèces concurrentes par l'effet biocide du chlore.
    Des expériences en laboratoire sur des eaux brutalement réchauffées de 10, 12, 15 et 17 °C puis refroidies, avec différents taux de chlore libre dans de l'eau de mer filtrée, mais contenant encore du phytoplancton cellulaire ont confirmé que la reprise de croissance du phytoplancton après la chloration et le choc thermique est fortement retardée[31] ; avec une synergie aggravante entre le choc thermique et le choc biocide du chlore (qui est le principal facteur déterminant la durée de l'inhibition du plancton[31]) ; Avec 1 mg/L de chlore dans l'eau, le retard de reprise de croissance des microalgues est supérieur à 12 jours, et le choc thermique est encore moins supporté par les cellules dont les parois ont été dégradées par le chlore, alors que l'effet thermique serait même sans conséquences (ou parfois aurait même un effet dopant[31]) sur les populations de microorganismes adaptées aux eaux chaudes, au détriment toutefois des espèces d'eaux froides[31]. La durée du palier thermique allonge la durée d'inhibition de la reprise de croissance du phytoplancton survivant. De même la durée d'exposition au chlore accroit le taux de mortalité du phytoplancton (dans un dispositif expérimental « le chlore injecté à 0,5 mg/L en l'absence de choc thermique, cause une mortalité (du phytoplancton) dont le taux augmente, avec la durée d'exposition au biocide. L'association du choc thermique à l'injection de 0,5 mg/ L provoque une destruction quasi totale des cultures à l'exception de celles exposées seulement 5 minutes à partir de 12 et 16 °C de températures initiales. Le chlore injecté à 1 mg/L détruit presque totalement les cultures en moins de 10 jours, avec ou sans variations thermiques »[31]).
    Ces expériences ont conclu à « la toxicité d'une injection de chlore même à la concentration la plus faible (0,5 mg/L) ; cette toxicité est accrue par l'addition de chocs thermiques ». Une expérience précédente (en 1972) a montré que la production primaire chute entre l'entrée et la sortie du circuit de refroidissement à eau de la centrale nucléaire de Long Island où une chloration moyenne de 1 ppm à la prise (soit 0,4 ppm au rejet) provoquait une chute de 83 % de la production primaire, pour un réchauffement moyen de l'ordre de 12 °C[32], ce type d'effets ayant aussi été confirmé en 1975 par Brian[33].

D'autres effets négatifs peuvent être dus aux sous-produits de la chloration. Ainsi en France une étude des rejets chlorés d'une centrale nucléaire dans un cours d'eau (la Meuse, en l’occurrence) a conclu en 1986 qu’« une chloration excessive de l'eau pourrait conduire à d'importantes concentrations en organohalogénés non volatils. L'absorption UV pourrait être un des paramètres qui permettrait de définir les périodes défavorables à la chloration des circuits de refroidissement »[30].

RĂ©glementation

En France, des normes et consignes d’aménagement de la chloration concernant les eaux destinée à la consommation humaine (y compris eaux conditionnées) sont précisées par plusieurs textes, dont

  • une circulaire de 2003 [34].

En cas de risque inhabituel (Cf défaillance du réseau ou application du plan vigipirate...) l'autorité compétente peut décider un renforcement provisoire du taux minimal de chloration à hauteur de 0,3 mg/L en chlore libre en sortie des réservoirs et de 0,1 mg/L en tout point du réseau de distribution (sans distinction de taille de population desservie par l’unité de distribution).

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

Notes et références

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