SĂ©diment
Un sédiment est un ensemble de particules en suspension dans l'eau, l'atmosphÚre ou la glace et qui a fini par se déposer sous l'effet de la pesanteur, souvent en couches ou strates successives. Un sédiment est caractérisé par sa nature (composition physicochimique), son origine, sa granulométrie[1], les espÚces qu'il contient et son éventuelle toxicité⊠La consolidation des sédiments est à l'origine de la formation des couches sédimentaires rocheuses aux structures variées.
La sédimentation désigne l'ensemble des processus conduisant à la formation de sédiments. Elle se forme à basse température à la surface du globe, soit par déposition des produits d'érosion (par exemple le sable, l'argile), soit par précipitation (par exemple les évaporites), soit par accumulation au fond des océans des débris minéraux des animaux ou plantes mortes (par exemple la craie, la diatomite), soit par d'autres processus froids.
Enjeux
Les sédiments constituent en tant qu'écotone roche-mÚre/eau un habitat colonisé par des espÚces spécifiques (fouisseuses) qui y jouent un rÎle majeur (épuration, aération, fermentation, bioturbation). Cette écotone possÚde un rÎle de puits de carbone. Quand il est fin et riche en matiÚre organique il consomme de l'oxygÚne[2] et devient anoxique.
Il peut nĂ©anmoins ĂȘtre aĂ©rĂ©e par des vers ou animaux fouisseurs.
Le sĂ©diment, autrefois parfois utilisĂ© comme engrais ou amendement (le limon fertile du NilâŠ) abrite parfois des espĂšces pathogĂšnes (souvent anaĂ©robies), et aujourd'hui des polluants plus ou moins toxiques et persistants[3], pas ou peu ou lentement biodĂ©gradables selon les cas, Ă©ventuellement radioactifs ou mutagĂšnes ou gĂ©notoxiques[4]. Il participe nĂ©anmoins aussi Ă la qualitĂ© de l'eau des nappes phrĂ©atiques en jouant un rĂŽle de tampon ou de « filtre »[5] « grĂące auquel une partie des Ă©lĂ©ments polluants des riviĂšres reste fixĂ©e dans les sĂ©diments »[5] (dont une partie peut toutefois ĂȘtre emportĂ©e vers la mer ou d'autres parties du bassin-versant lors des grandes crues).
Des enjeux écoépidémiologiques et de santé environnementale sont posés par la contamination de la faune qui vit dans les sédiments ou par la remise en suspension de sédiments contaminés, y compris par des polluants actifs à trÚs faibles doses comme les perturbateurs endocriniens[6]. Ces polluants compliquent la gestion de certains sédiments qui peuvent accumuler des polluants physiques, organiques ou organométalliques plus ou moins dégradables, des métaux toxiques non dégradables et des radionucléides artificiels et/ou naturels, jusque dans les lacs d'altitude qui recueillent les polluants aéroportés et déposés via les neiges, les pluies et les dépÎts secs[7]. Depuis le début de la période industrielle, l'acidification des eaux météoritique et de certains lacs et cours d'eau a aussi modifié la composition des sédiments [dÚs les lacs de montagne, y augmentant les teneurs en certains éléments tels que le ManganÚse (Mn), le zinc (Zn), le plomb (Pb) et le potassium (K), et en diminuant leur teneur en magnésium (Mg).
La sédimentation dans les ports pose problÚme depuis leur existence[8]. Avec l'aggravation de l'érosion des sols labourés et cultivés ou désertifiés et salinisés, les sédiments encombrent les ports fluviaux et estuariens ou maritimes. Leur gestion coûte de plus en plus cher aux autorités portuaires et aux gestionnaires des canaux, ainsi que pour les collectivités riveraines de cours d'eau. Un des enjeux pour celles-ci est d'améliorer leur gestion par des voies de valorisation[9].
Types de sédimentation
On distingue la sédimentation marine (littorale ou cÎtiÚre, océanique, bathyale, abyssale, etc.), la sédimentation lagunaire (dans des zones séparées de la mer par un cordon littoral), la sédimentation continentale (éolienne, fluviatile, deltaïque, lacustre, glaciaire, etc.)[10].
Origine et types de sédiments
- Des particules physiques, des ĂȘtres vivants et leurs excrĂȘtats sĂ©dimentent en permanence dans les eaux douces, saumĂątres et salĂ©es, ou se dĂ©posent dans les glaciers. Elles peuvent ĂȘtre remobilisĂ©es et transportĂ©es ailleurs.
- La sédimentation d'origine éolienne augmente avec l'aridification et la désertification. Les sédiments transportés par le vent, sont des minéraux issus de l'érosion des sols et des roches, des volcans, des embruns, des incendies.
- Les périodes de crue des riviÚres et des fleuves entraßnent une plus grande quantité de sédiments, car les débits, plus forts, ont une plus importante force érosive et une plus grande énergie de transport. La baisse subséquente des niveaux d'eau crée souvent de vastes étendues de sol nouveau sur les plaines inondables.
La disparition ou la rĂ©gression des embĂącles naturels, des castors et de leurs barrages peuvent modifier les paramĂštres Ă©rosifs d'un bassin versant et la sĂ©dimentation en aval, de mĂȘme que la canalisation d'un fleuve ou d'une riviĂšre, ou la construction de barrages artificiels qui emprisonnent dans leurs rĂ©servoirs d'importantes quantitĂ©s de sĂ©diments et parfois de polluants. - L'Ă©rosion des sols dĂ©gradĂ©s par l'agriculture et le lessivage des sols urbains sont une source croissante de sĂ©diments dans les canaux. Ă titre d'exemple, dans le rĂ©seau Nord/Pas de Calais, l'Ă©tablissement public Voies navigables de France (VNF) estimait[11] en 2007 que l'Ă©rosion des bassins versants Ă©tait responsable de l'apport de 143 000 tonnes de sĂ©diments par an (Ă raison de 100 mg·L-1 dans les eaux de ruissellement urbain[11], de 0,18 t/ha pour les eaux de ruissellement agricole[11], les apports en sĂ©diments Ă©tant nuls ou nĂ©gligeables[11] dans les zones boisĂ©es ou prairiales, qui au contraire captent une grande partie des particules en suspension de l'eau qui rĂ©apparaĂźt limpide en aval dans les sources. Ces sĂ©diments (souvent polluĂ©s) doivent ĂȘtre curĂ©s et stockĂ©s Ă grands frais dans des terrains de dĂ©pĂŽt. Dans cette seule rĂ©gion, et rien que pour les canaux, VNF a identifiĂ© (chiffres 2007) 5 346 ouvrages de rejets directs. Selon la DRIRE, les industriels de cette rĂ©gion suivis par la DRIRE rejetaient dans les cours d'eau environ 4 300 t/an[12]. Le volume des sĂ©diments que VNF prĂ©voit devoir extraire entre 2007 et 2027 est d'environ 8,5 millions de m3, venant Ă 80 % du rĂ©seau magistral (grands et principaux canaux)[13].
- Les dunes et le lĆss sont des rĂ©sultats d'un transport sĂ©dimentaire Ă©olien.
- Les moraines et tills sont des dépÎts de sédiments ayant été transportés par la glace. Les effondrements gravitaires créent aussi des sédiments comme les talus et les glissements ainsi que les éléments de karstologie.
- Les lacs, deltas, mers et ocĂ©ans accumulent des sĂ©diments pendant de longues pĂ©riodes (transgression marine). Le matĂ©riau peut ĂȘtre terrigĂšne (venant des terres) ou marin (dont l'origine est marine). Les sĂ©diments dĂ©posĂ©s sont la source de roches sĂ©dimentaires qui peuvent contenir des fossiles des habitants de ce volume d'eau jadis recouvert par les couches de sĂ©diments. Leur carottage permet de connaĂźtre l'Ă©volution du climat.
Transport de sédiments
Cours d'eau
Lorsqu'un fluide comme l'eau coule, il peut se charger de particules en suspension. En milieu calme, la vitesse verticale de sédimentation est la vitesse maximale, ou limite, de chute d'une particule. Elle est donnée par la loi de Stokes :
oĂč w est la vitesse limite verticale de sĂ©dimentation, Ï est la masse volumique (les indices p et f indiquent respectivement particule et fluide), g est l'accĂ©lĂ©ration due Ă la gravitĂ©, r est le rayon de la particule et ÎŒ est la viscositĂ© dynamique du fluide.
Si la vitesse de l'Ă©coulement est plus grande que celle de dĂ©pĂŽt, le granulat continue vers l'aval. Comme il y a toujours des diamĂštres diffĂ©rents dans le flot, les plus gros se dĂ©posent (dĂ©cantation) tout en pouvant continuer Ă descendre par des mĂ©canismes comme la saltation (collisions particules-paroi, par roulement ou glissement, dont les traces sont souvent conservĂ©es dans les rochers solides) et peuvent ĂȘtre utilisĂ©es pour estimer la vitesse du courant.
Dans les cours d'eau Ă pente plus importante, des sĂ©diments plus grossiers peuvent ĂȘtre transportĂ©s. En montagne, le diamĂštre de plus grosses particules rocheuses transportĂ©es peut atteindre plusieurs dizaines de centimĂštres. Lorsque ce transport de sĂ©diments survient lors d'une crue, on assiste Ă un Ă©vĂ©nement de charriage.
Sédiments pollués
En aval des zones habitĂ©es, cultivĂ©es et/ou industrialisĂ©es, les sĂ©diments des fleuves, des canaux, des gares d'eau, des estuaires et des littoraux ainsi que de certains lacs sont souvent trĂšs polluĂ©s. La pollution peut ĂȘtre ancienne (issue de mines mĂ©diĂ©vales ou antiques de mĂ©taux par exemple) et/ou rĂ©centes. On parle parfois de « pollution de stock », qui peut (re)devenir une « pollution de flux » en pĂ©riode de crue, ou Ă la suite d'une mĂ©andrisation du cours d'eau ou Ă la suite de travaux contribuant directement ou indirectement (modification des courants) Ă leur remise en suspension.
Des sédiments peuvent aussi avoir été pollués directement par le rejet volontaire ou involontaire de déchets, et notamment en mer Baltique et sur le littoral français ou dans certains lacs par l'immersion volontaire de munitions, d'explosifs et de déchets divers. Le long des canaux, des dépÎts de boues de curages peuvent parfois constituer des points de relargage de pollution.
Des valeurs guides ont été établies pour permettre une gestion plus sécurisée des sédiments pollués[14].
Lits fluviaux
N'importe quelle particule dont le diamÚtre est approximativement plus grand que 0,7 mm formera des composants topographiques visibles et sculptés dans le lit du cours d'eau.
Environnements dépositaires principaux
Les principaux environnements dépositaires sont :
- delta ;
- terrasse alluviale ;
- Ă©ventail alluvial ;
- méandres et riviÚre en tresses ;
- lac de bras mort ;
- levée ;
- bassin sédimentaire.
CĂŽtes et mers peu profondes
Le second environnement principal oĂč le sĂ©diment peut ĂȘtre en suspension dans un fluide est dans les mers et ocĂ©ans. Il peut venir des cours d'eau comme prĂ©cĂ©demment. Au milieu de l'ocĂ©an, ce sont les organismes vivants qui sont principalement responsables de l'accumulation de sĂ©diments, car leur coquille coule sur le fond de l'ocĂ©an aprĂšs leur mort et s'y fossilise. Ils forment des couches de calcaires et, par fermentation anaĂ©robie, les hydrates de mĂ©thane. Enfouis durant des millions d'annĂ©es, ces sĂ©diments organiques sont graduellement transformĂ©s en combustibles fossiles tels que le gaz naturel ou le pĂ©trole, selon la durĂ©e d'enfouissement et l'environnement des couches organiques.
Formes du lit marin
La forme du lit marin est influencée par la marée.
Les contre-Ă©coulements
La chute de particules dans un liquide provoque des contre-écoulements opposés à leur descente. Ces contre-écoulements ont pour effet de ralentir la descente des particules situées au-dessus et ralentissent la sédimentation.
Pour mettre en Ă©vidence ce phĂ©nomĂšne, une expĂ©rience de sĂ©dimentation dans un tube peut facilement ĂȘtre rĂ©alisĂ©e (voir l'effet Boycott).
En France
Ce sont environ en moyenne 6 000 000 m3 de sĂ©diments (dont environ 1 600 000 m3 provenant des canaux domaniaux, de gares d'eau ou de riviĂšres domaniales) qui sont extraits, essentiellement directement dans les 525 000 km de cours dâeau (dont un peu plus de 7 000 kilomĂštres domaniaux) lors de leur entretien courant. Ces sĂ©diments sont presque toujours polluĂ©s[15].
Les sédiments portuaires, parmi les plus pollués sont suivis par un réseau dédié[16]. Ces données sont entrées depuis 2009 dans la Base de données Quadrige et depuis 2014 sous l'égide de direction technique eau, mer et fleuves du Cerema.
Le Grenelle de la mer et les sédiments
Le comitĂ© opĂ©rationnel (ComOp) « sĂ©diments de dragage » du Grenelle de la mer[17], dans son rapport rendu en , note que la loi peut limiter lâimmersion de sĂ©diments trĂšs toxiques, mais non l'interdire tout Ă fait « puisque des immersions de sĂ©diments dĂ©passant les teneurs-seuils restent possibles sâil sâagit de la solution la moins pĂ©nalisante pour lâenvironnement » (principe de la Convention sur la prĂ©vention de la pollution des mers rĂ©sultant de l'immersion de dĂ©chets).
Il a conclu que si le dragage n'engendrait pas en soi une contamination des sĂ©diments, il induit nĂ©anmoins « une remobilisation de particules polluĂ©es par des flux provenant du bassin-versant ». Il faut donc « agir en amont pour Ă©viter les flux polluants Ă la source en appliquant le principe « pollueur-payeur» sur lâensemble des activitĂ©s contribuant Ă la pollution des sĂ©diments, et dâinciter aux bonnes pratiques en matiĂšre de dragage et dâimmersion »[17].
Chaire industrielle de recherche sur les sédiments
Acteur dans des projets nationaux de valorisation des sĂ©diments draguĂ©s dans lâactivitĂ© des travaux publics routiers, l'Ă©cole d'ingĂ©nieur Mines Douai a crĂ©Ă© en une chaire industrielle sur la valorisation des sĂ©diments, en partenariat avec des acteurs industriels, portuaires et bureaux d'ingĂ©nierie[18]. L'objectif de cette chaire, baptisĂ©e ECOSED pour ECOnomie circulaire des SEDiments, est de crĂ©er une dynamique scientifique, technologique et partenariale autour de la gestion des sĂ©diments portuaires et fluviaux en vue de les recycler en technique routiĂšre ou en produits en bĂ©ton[19] - [20] - [21].
Notes et références
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- Comité opérationnel n°11, Le Grenelle de la Mer, « Sédiments de dragage » [PDF] (consulté le ).
- « Présentation vidéo de la chaire ECOSED »(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?), chaine vidéo Mines Douai
- Mines Douai crée une chaire industrielle de recherche sur les sédiments
- « LâĂcole des mines de Douai se dote dâune chaire industrielle pour valoriser les sĂ©diments », La Voix du Nord,â (lire en ligne , consultĂ© le ).
- « Chaire industrielle de recherche sur les sédiments : Mines Douai crée une chaire industrielle de recherche sur les sédiments », sur www.capcampus.com, (consulté le ).
Voir aussi
Articles connexes
- Structures sédimentaires
- Interface sédiment-eau
- Roche sédimentaire
- Hyporhéos
- Neige marine, pseudofeces
- Colluvion
- Floculation
- KĂ©rogĂšne
- ĂlĂ©ment-trace mĂ©tallique
- Curage
- Dragage
- Sédimatériau
- ECOPORT
- Ărosion des sols
- Bioturbation
- Turbidité
- Varve
- Rhythmite
- CETMEF (Centre d'Ă©tudes techniques maritimes et fluviales)
Guide de bonnes pratiques, recommandations
- EDR SEDIMENTS (financĂ© par : - lâAgence de lâEau Artois-Picardie, - la Direction RĂ©gionale de lâEnvironnement du Nord Pas de Calais (DIREN) - le Conseil RĂ©gional lâEnvironnement du Nord Pas de Calais), EnlĂšvement des sĂ©diments - Guide mĂ©thodologique : Ăvaluation DĂ©taillĂ©e des Risques liĂ©s Ă la gestion des sĂ©diments et aux opĂ©rations de curage ; santĂ© humaine ; ressources en eau, 148 pages, PDF (lire en ligne).
- Guides techniques sur la valorisation des sédiments de dragage/curage en techniques routiÚre, aménagement paysager et dans le béton, développés dans le cadre de la démarche Sédimatériaux.Les guides méthodologiques de la démarche Sédimatériaux relatifs à la valorisation des sédiments de dragage/curage en techniques routiÚre, aménagement paysager et dans le béton sont disponibles sur le site SEDILAB. [lire en ligne].
Bibliographie
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