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Barrage

Un barrage est un ouvrage d'art hydraulique construit en travers d'un cours d'eau et destiné à en réguler le débit et/ou à stocker de l'eau[1], notamment pour le contrÎle des crues, l'irrigation, l'industrie, l'hydroélectricité, la pisciculture et la retenue d'eau potable[2].

Barrage Hoover, États-Unis.
Barrage de Limmern (canton de Glaris, Suisse).
Évacuateur de crues du barrage de Matsumoto (prĂ©fecture de Nagano, Japon).
L'Ă©cologie des berges des plans d'eau artificiels peut ĂȘtre perturbĂ©e par des variations brutales de niveau.

Types

Barrage submersible
Généralement nommé chaussée, seuil, levée ou digue ; ce dernier terme est préféré au mot barrage quand il s'agit de canaliser un flot.
Barrage fluvial
Il permet de rĂ©guler le dĂ©bit de l'eau, au profit du trafic fluvial, de l'irrigation, d'une prĂ©vention relative des catastrophes naturelles (crues, inondations), par la crĂ©ation de lacs artificiels ou de rĂ©servoirs. Il permet souvent la production de force motrice (moulin Ă  eau) et d'Ă©lectricitĂ© — on parle alors de barrage hydroĂ©lectrique —, Ă  un coĂ»t Ă©conomique acceptable, le coĂ»t environnemental Ă©tant plus discutĂ© pour les grands projets (source de fragmentation Ă©copaysagĂšre, d'envasements Ă  l'amont du barrage, de dĂ©gradation Ă©copaysagĂšres et de l'eau. Les « grands barrages »[N 1] sont tous recensĂ©s par la Commission internationale des grands barrages (CIGB).

Les conséquences environnementales et sociales d'un barrage varient selon le volume et la hauteur d'eau retenue et selon le contexte biogéographique[3] : en noyant des vallées entiÚres, un barrage artificiel peut forcer des populations à se déplacer et bouleverser les écosystÚmes locaux. Certains s'intÚgrent dans un plan d'aménagement de bassin et font l'objet de mesures conservatoires et compensatoires. Souvent la loi ou le droit coutumier imposent un débit réservé (débit minimal réservé aux usagers de l'aval et pour le maintien de l'écosystÚme aquatique et des espÚces en dépendant).

Par extension, on appelle « barrage » tout obstacle placé sur un axe de déplacement, par exemple pour contrÎler des personnes et/ou des biens qui circulent (barrage routier, barrage militaire)[1].

Aspects sémantiques

En 1821, dans son PrĂ©cis historique et statistique sur les canaux et riviĂšres navigables de Belgique et d'une partie de la France, B.L. De Rive dĂ©finit le barrage comme une « digue au moyen de laquelle on soutient une hauteur d'eau constante dans toutes les parties d'une riviĂšre, et qui suffit pour l'espĂšce de bateaux qui doivent y naviguer, et dont l'effet est de modĂ©rer la vitesse et de la ramener au rĂ©gime uniforme de 1 mĂštre de pente sur 6 000 mĂštres de longueur »[4].

L'usage courant ne distingue pas toujours le barrage de la digue quand ils sont constitués d'un remblai. On peut ainsi parler de la « digue de l'étang », voire de la « digue du barrage », le mot digue renvoyant alors au seul ouvrage et le mot barrage à l'ensemble de l'aménagement, y compris le plan d'eau. Le barrage construit en maçonnerie (et notamment les barrages-voûtes en béton) est en revanche bien distingué d'une digue.

Depuis 2007 et la publication d'un décret[5] définissant les rÚgles de sûreté applicables aux ouvrages hydrauliques, le droit français distingue clairement les digues des barrages :

  • les barrages sont les ouvrages pour lesquels il est possible de dĂ©terminer deux critĂšres, la hauteur de l'ouvrage, et le volume de l'eau stockĂ©e Ă  l'amont de l'ouvrage ;
  • les digues sont les ouvrages pour lesquels il est possible de dĂ©terminer deux critĂšres, la hauteur de l'ouvrage, et en l'absence de volume d'eau stockĂ©e Ă  l'amont de l'ouvrage, la population protĂ©gĂ©e Ă  l'aval.

En droit français, les barrages sont donc tous les ouvrages permettant de former un plan d'eau, permanent ou non, tandis que les digues sont tous les ouvrages permettant de protéger une population, ou des biens, de l'effet des crues des cours d'eau ou les submersions marines.

À ce titre, lorsque le bief d'un canal est Ă©tabli sur des remblais et domine ainsi une plaine ou une vallĂ©e, il entre dans la dĂ©finition des barrages : la hauteur est celle du remblai par rapport au sol naturel, le volume d'eau est celui prĂ©sent dans le bief, c'est-Ă -dire entre les deux Ă©cluses qui le dĂ©terminent.

Les retenues collinaires sont des ouvrages de stockage de l'eau remplis par les eaux de surface, les eaux de ruissellement, voire les eaux de pompage. Elles sont considérées, au niveau réglementaire, comme des barrages.

Les barrages de castors sont construits par ces animaux en travers des ruisseaux. Ils leur permettent de conserver un niveau d'eau suffisant en été, de protéger leur gßte contre les prédateurs et de garantir un accÚs facile aux provisions de branches stockées sous la surface comme réserve hivernale de nourriture.

Histoire

Le barrage romain de Cornalvo, en Espagne, est toujours utilisé aprÚs deux millénaires.

Les barrages existent probablement depuis la prĂ©histoire, notamment en Égypte[6] (rĂ©serve d'eau potable, d'irrigation, viviers, piscicultures). Le barrage de Sadd el-Kafara d'une longueur de 115 mĂštres fut construit dans la vallĂ©e de Garawi en Égypte vers 3000 av. J.-C. Et, selon N. Schnitter-Reinhardt, le plus ancien barrage poids connu est situĂ© prĂšs de Jawa, en Jordanie, vers la fin du IVe millĂ©naire av. J.-C.[7]. HĂ©rodote cite un barrage construit par le pharaon MĂ©nĂšs, fondateur de la premiĂšre dynastie, Ă  Koseish, pour alimenter la ville de Memphis.

La premiĂšre rupture de barrage connue est celle de Sadd el-Kafara, sur le Wadi Garawi, Ă  30 km au sud du Caire, entre 2650 et 2465 av. J.-C. Elle en a probablement arrĂȘtĂ© la construction pendant un millĂ©naire[8].

En l'an 560, l'historien byzantin Procope de Césarée mentionne un barrage-voûte en amont, en maçonnerie (barrage de Daras).

Les Romains en construisirent, notamment en Espagne, dans la rĂ©gion de MĂ©rida, avec les barrages d'Almonacid (hauteur 34 m), de Proserpine (hauteur 22 m) et de Cornalvo (hauteur 28 m), ou encore, au Portugal, avec le barrage de Belas.

Chapelets d'Ă©tangs crĂ©Ă©s par des barrages sur petits cours d'eau, du Moyen Âge au XVIIIe siĂšcle (France, d'aprĂšs la carte de Cassini).
Barrages de correction torrentielle sur le torrent de Bragousse.

Au Moyen Âge, ils se sont fortement dĂ©veloppĂ©s en Europe, notamment pour alimenter les moulins Ă  eau. Il semble qu'ils aient parfois pu s'appuyer sur des sĂ©diments accumulĂ©s en amont d'embĂącles naturels, ou sur les lieux de barrages de castors dont la toponymie conserve des traces (par exemple, en France, les mots bief et biĂšvre, ancien nom de castor, qui pourraient ĂȘtre liĂ©s, ou des noms de communes tels que Beuvry, un des anciens noms de castor, ou LabeuvriĂšre, la « castoriĂšre »). Les cartes anciennes, de Cassini par exemple, portent tĂ©moignage des nombreux barrages de petites riviĂšres faits par les paysans ou les moines locaux, pour conserver l'eau et y Ă©lever du poisson ou pour le rouissage du lin ou du chanvre.

En conservant des volumes d'eau et une hauteur d'eau plus importante en saison sĂšche, ces barrages ont Ă©galement pu tamponner les fluctuations estivales des nappes (car toutes choses Ă©gales par ailleurs, c'est la hauteur d'eau qui contrĂŽle la vitesse de percolation, selon la loi de Darcy).

Au XVIe siĂšcle, les Espagnols rĂ©alisent de grands barrages en maçonnerie. Le plus remarquable est celui de Tibi, Ă  18 km au nord d'Alicante, construit en 1594. Haut de 45 m, il est encore utilisĂ©.

Au cours du XIXe siÚcle, les travaux de restauration des terrains en montagne sont progressivement complétés par des barrages de correction torrentielle[9], plus efficaces que les endiguements, d'aprÚs les études hydrographiques d'Alexandre Surell[10]. Ces ouvrages de génie civil retiennent essentiellement les blocs et graviers transportés par le torrent[11].

Le premier barrage-voĂ»te moderne est construit par François Zola, pĂšre d'Émile Zola, entre 1843 et 1859 prĂšs d'Aix-en-Provence.

Effectifs dans le monde

Au cours du XXe siĂšcle, 800 000 barrages ont Ă©tĂ© construits, dont 52 000 considĂ©rĂ©s comme de grands barrages[N 2], la Chine (46 %), les États-Unis (14 %) et l'Inde (9 %) totalisant prĂšs des trois quarts de ces grands barrages[12].

Quelques exemples de grands barrages dans le monde

Barrage sur la Toutle River (comtĂ© de Cowlitz, État de Washington (États-Unis), Ă©difiĂ© en 1986-1989 par le gĂ©nie militaire amĂ©ricain non pas pour retenir de l'eau mais pour stocker une partie des sĂ©diments provenant de l'Ă©ruption volcanique majeure du mont Saint Helens en 1980.

Techniques de construction

Généralités

Un barrage est soumis Ă  plusieurs forces. Les plus significatives sont :

Pour résister à ces forces, deux stratégies sont utilisées :

  • construire un ouvrage suffisamment massif pour rĂ©sister par son simple poids, qu'il soit rigide (barrage-poids en bĂ©ton) ou souple (barrage en remblai) ;
  • construire un barrage capable de reporter ces efforts vers des rives ou une fondation rocheuse rĂ©sistantes (barrage voĂ»te, barrage Ă  voĂ»tes multiples
).

ÉlĂ©ments de calcul

Un barrage est soumis à une force horizontale liée à la pression exercée par l'eau sur sa surface immergée. La pression hydrostatique en chaque point est fonction de la hauteur d'eau au-dessus de ce point.

oĂč

  • est la masse volumique de l'eau, 1 000 kg/m3 ;
  • est la pesanteur, environ 9,81 m/s2 ;
  • est la hauteur d'eau au-dessus du point considĂ©rĂ©.

La force résultante est l'intégrale des pressions hydrostatiques s'exerçant sur la surface immergée du barrage.

Cette formule ne s'intĂšgre pas facilement pour les barrages Ă  gĂ©omĂ©trie complexe. En revanche, une expression analytique peut ĂȘtre obtenue pour un Ă©lĂ©ment de barrage poids (un « plot », de largeur et de hauteur immergĂ©e constante ) :

d'oĂč :

La poussée exercée par l'eau sur un barrage augmente avec le carré de la hauteur de la retenue (ce qui est vrai pour tout type de barrage). Elle ne dépend pas du volume d'eau stocké dans la retenue. Le point d'application de cette force se situe au barycentre du diagramme des pressions, soit généralement au tiers de la hauteur de retenue.

Les calculs ci-dessus ne concernent que les barrages en matĂ©riaux rigides (bĂ©ton, maçonnerie
), quel que soit leur type (poids, voĂ»te, contreforts
). En revanche l'intĂ©gration par plots n'intĂ©resse que les barrages de type poids ou contreforts, qui sont rĂ©gis par la statique du solide. Pour les voĂ»tes, les efforts Ă©tant reportĂ©s latĂ©ralement par des mĂ©canismes de flexion et de compression, un calcul par plots ne prenant en compte que les forces verticales n'est pas suffisant et il est nĂ©cessaire de recourir Ă  la rĂ©sistance des matĂ©riaux (dĂ©formation Ă©lastique) et, souvent, Ă  des mĂ©thodes numĂ©riques avancĂ©es (mĂ©thode des Ă©lĂ©ments finis linĂ©aires voire non-linĂ©aires).

En revanche, en ce qui concerne les barrages en matériaux meubles (sol, terre, enrochements, remblais
), les calculs sont apparentés à des calculs de stabilité de pente des talus qui doivent prendre en compte l'état saturé ou non de ces remblais.

Études hydrauliques

En hydraulique, le modÚle réduit est trÚs utilisé pour les études de mécanique des fluides des ouvrages tels que ports, digues, barrages, etc. On utilise dans ces cas-là la similitude du nombre de Froude. Des modÚles numériques bi- ou tridimensionnels sont également souvent utilisés.

Barrage poids

Un barrage-poids évidé : le barrage amont d'Aussois en Savoie.
Barrage poids.

Un barrage poids est un barrage dont la propre masse suffit à s'opposer à la pression exercée par l'eau. Ce sont des barrages souvent relativement épais, dont la forme est généralement simple (leur section s'apparente dans la plupart des cas à un triangle rectangle). On compte deux grandes familles de barrages-poids, les barrages poids-béton, et les barrages en remblai (ces derniers n'étant d'ailleurs généralement pas qualifiés de barrage-poids, mais de barrage en remblai).

MĂȘme si les barrages voĂ»tes ou Ă  contrefort requiĂšrent moins de matĂ©riaux que les barrages poids, ces derniers sont encore trĂšs utilisĂ©s de nos jours. Le barrage-poids en bĂ©ton est choisi lorsque le rocher du site (vallĂ©e, rives) est suffisamment rĂ©sistant pour supporter un tel ouvrage (sinon, on recourt aux barrages en remblai), et lorsque les conditions pour construire un barrage voĂ»te ne sont pas rĂ©unies (cf. ci-dessous). Le choix de la technique est donc d'abord gĂ©ologique : une assez bonne fondation rocheuse est nĂ©cessaire. Il faut Ă©galement disposer des matĂ©riaux de construction (granulats, ciment) Ă  proximitĂ©.

La technologie des barrages-poids a évolué. Jusqu'au début du XXe siÚcle (1920-1930), les barrages-poids étaient construits en maçonnerie (il existe beaucoup de barrages de ce type en France, notamment pour l'alimentation en eau des voies navigables). Plus tard, c'est le béton conventionnel qui s'est imposé.

Depuis 1978, une nouvelle technique s'est substituĂ©e au bĂ©ton conventionnel. Il s'agit du bĂ©ton compactĂ© au rouleau. C'est un bĂ©ton (granulats, sable, ciment) avec peu d'eau, qui a une consistance granulaire et non semi-liquide. Il se met en place comme un remblai, avec des engins de terrassement. Il prĂ©sente le principal avantage d'ĂȘtre beaucoup moins cher que le bĂ©ton classique.

Le barrage de la Grande-Dixence en Suisse, exploitĂ© par Alpiq, est le plus haut barrage-poids du monde (285 m).

Barrage en remblai

Long de 2 123 m, le barrage KA-5 est un ouvrage en enrochement de 47 m de hauteur qui ferme le bras Ouest de la riviĂšre Caniapiscau, pour former le rĂ©servoir de Caniapiscau dans le nord du QuĂ©bec. Le barrage est formĂ© d'un noyau de moraine, de plusieurs filtres en pierre tamisĂ©e, le tout Ă©tant recouvert d'une couche de blocs d'un mĂštre. Son volume est de 5 620 000 m3[13].

On appelle barrages en remblai tous les barrages constitués d'un matériau meuble, qu'il soit fin ou grossier (enrochements).

Cette famille regroupe plusieurs catégories, trÚs différentes. Les différences proviennent des types de matériaux utilisés et de la méthode employée pour assurer l'étanchéité.

Le barrage homogÚne est un barrage en remblai construit avec un matériau suffisamment étanche (argile, limon). C'est la technique la plus ancienne pour les barrages en remblai.

Le barrage à noyau argileux comporte un noyau central en argile (qui assure l'étanchéité), épaulé par des recharges constituées de matériaux plus perméables. Cette technique possÚde au moins deux avantages sur le barrage homogÚne :

  • les matĂ©riaux de recharge sont plus rĂ©sistants que les matĂ©riaux argileux, on peut donc construire des talus plus raides ;
  • on contrĂŽle mieux les Ă©coulements qui percolent dans le corps du barrage.

Le barrage à noyau en moraine est souvent utilisé dans les régions marquées par le retrait des glaciers. Ces ouvrages sont généralement constitués d'un noyau imperméable de moraine, récupérée à proximité du site, qui est protégé par des filtres en matériau granulaire. La coupe type d'un barrage en enrochement comprend également une zone de transition située entre le filtre et la recharge[14].

Quelques cousins des barrages à noyau : les barrages en remblai à paroi centrale étanche (paroi moulée en béton, paroi en béton bitumineux).

La technique des barrages Ă  masque amont est plus rĂ©cente. L'Ă©tanchĂ©itĂ© est assurĂ©e par un « masque », construit sur le parement amont du barrage. Ce masque peut ĂȘtre en bĂ©ton armĂ© (on construit actuellement de nombreux et trĂšs grands barrages en enrochements Ă  masque en bĂ©ton armĂ©), en bĂ©ton bitumineux, ou constituĂ© d'une membrane mince (les plus frĂ©quentes : membrane PVC, membrane bitumineuse).

Le barrage de Mattmark en Suisse, celui de Ơance en République tchÚque sont de ce type ; en France, le barrage de Serre-Ponçon (deuxiÚme plus grande retenue d'Europe). Les barrages en enrochement sont les plus fréquents dans le parc de barrages d'Hydro-Québec. Ils représentent 72 % des 600 barrages exploités par l'entreprise en 2002[15].

Barrage voûte

Barrage voûte.
Un barrage-voûte : le barrage de Monteynard-Avignonet.

La poussĂ©e de l’eau est reportĂ©e sur les flancs de la vallĂ©e au moyen d'un mur de bĂ©ton arquĂ© horizontalement, et parfois verticalement (on la qualifie alors de voĂ»te Ă  double courbure).

La technique de barrage-voĂ»te nĂ©cessite une vallĂ©e plutĂŽt Ă©troite (mĂȘme si des barrages-voĂ»tes ont Ă©tĂ© parfois construits dans des vallĂ©es assez larges, poussant cette technologie Ă  ses limites) et un bon rocher de fondation. MĂȘme lorsque ces conditions sont rĂ©unies, le barrage-voĂ»te est aujourd'hui souvent concurrencĂ© par les barrages-poids en bĂ©ton ou le barrage en enrochements, dont la mise en Ɠuvre peut ĂȘtre davantage mĂ©canisĂ©e.

En raison du relativement faible volume de matériaux nécessaires, c'est une technique trÚs satisfaisante économiquement.

Cependant, la plus grande catastrophe hydraulique survenue en France (Malpasset, au-dessus de FrĂ©jus, le ) concernait un barrage-voĂ»te en cours de mise en eau ; l'un des appuis latĂ©raux de la voĂ»te (et non le barrage lui-mĂȘme) n'a pas supportĂ© les efforts appliquĂ©s par la retenue, ce qui a provoquĂ© la rupture presque totale et trĂšs brutale de l'ouvrage, et le dĂ©clenchement d'une onde de rupture extrĂȘmement violente, capable d'entraĂźner des morceaux de la voĂ»te pesant des centaines de tonnes. Cette catastrophe a fait des centaines de victimes, dĂ©truit de nombreux immeubles et un pont autoroutier, et ravagĂ© de grandes surfaces agricoles.

Malpasset est le seul cas connu de rupture d'un barrage-voĂ»te. Ce barrage est toujours aujourd'hui dans l'Ă©tat oĂč il a Ă©tĂ© laissĂ© aprĂšs l'accident, et les Ă©normes morceaux du barrage sont toujours abandonnĂ©s dans la vallĂ©e Ă  l'aval.

Avant cet accident (et, pour certains, aujourd'hui encore), la voûte est considérée comme le plus sûr des barrages. La catastrophe du Vajont en Italie le démontre d'ailleurs : alors qu'une double vague de grande hauteur est passée par-dessus la voûte, à la suite de l'effondrement d'une montagne dans le plan d'eau, le barrage est demeuré intact. L'onde de submersion provoquée par la vague a cependant fait des milliers de victimes.

On rencontre aussi des barrages avec plusieurs voûtes comme le barrage de l'Hongrin en Suisse.

Barrage à contreforts ou multivoûtes

Les voûtes multiples et contreforts du barrage Daniel-Johnson.
Barrage contreforts.

Lorsque les appuis sont trop distants, ou lorsque le matériau local est tellement compact qu'une extraction s'avÚre presque impossible, la technique du barrage à contreforts permet de réaliser un barrage à grande économie de matériaux.

Le mur plat ou multivoĂ»tes (Vezins, MigoĂ«lou ou Bissorte) en bĂ©ton s’appuie sur des contreforts en bĂ©ton armĂ© encastrĂ©s dans la fondation, qui reportent la poussĂ©e de l’eau sur les fondations infĂ©rieures et sur les rives.

Un des exemples les plus importants de ce type est le barrage Daniel-Johnson au QuĂ©bec, achevĂ© en 1968 dans le cadre du projet Manic-Outardes. Haut de 214 m et large de 1 312 m, le barrage, conçu par AndrĂ© Coyne[16], est soutenu par deux contreforts centraux Ă©cartĂ©s par 160 m Ă  leur base. Les 13 voĂ»tes latĂ©rales forment des demi-cylindres inclinĂ©s qui ont 76 m d'entraxe. Au-delĂ  des considĂ©rations esthĂ©tiques, Hydro-QuĂ©bec a choisi de construire un barrage en voĂ»tes et contreforts pour des raisons Ă©conomiques. Selon les Ă©tudes de conception, la construction de l'ouvrage a requis un peu plus de 2,2 millions de mĂštres cubes de bĂ©ton, soit cinq fois moins qu'un barrage poids[17].

Barrages mobiles Ă  aiguilles

Barrage Ă  aiguilles de Givet - DĂ©pose d'une aiguille
Barrage Ă  aiguilles, Fumay, Ardennes.

Le barrage mobile ou Ă  niveau constant, a une hauteur limitĂ©e ; il est gĂ©nĂ©ralement Ă©difiĂ© en aval du cours des riviĂšres, de prĂ©fĂ©rence Ă  l’endroit oĂč la pente est la plus faible. On utilise gĂ©nĂ©ralement ce type de barrage dans l’amĂ©nagement des estuaires et des deltas.

Selon le type de construction le barrage mobile peut ĂȘtre :

  • Ă  aiguilles, crĂ©Ă© par l’ingĂ©nieur Charles Antoine François PoirĂ©e en 1834, qui, s’inspirant des anciens pertuis, Ă©tendit le systĂšme Ă  toute la largeur du lit, amĂ©liorant considĂ©rablement la navigation fluviale dĂšs la moitiĂ© du XIXe siĂšcle. Le premier fut Ă©tabli par Charles Antoine François PoirĂ©e sur l'Yonne, Ă  Basseville, prĂšs de Clamecy (NiĂšvre). Le systĂšme PoirĂ©e consiste en un rideau de madriers mis verticalement cĂŽte Ă  cĂŽte et barrant le lit du fleuve. Ces madriers ou aiguilles d’une section de 8 Ă  10 cm et longs de 2 Ă  4 m, selon les barrages, viennent s’appuyer contre un butoir (ou heurtoir) du radier (sur le fond) et sur une passerelle mĂ©tallique constituĂ©e de fermettes. Ces fermettes peuvent pivoter pour s’effacer sur le fond en cas de crue et laisser le libre passage aux eaux. Les fermettes sont reliĂ©es par une barre d’appui qui retient les aiguilles et une barre de rĂ©union, de plus elles constituent la passerelle de manƓuvre. Les aiguilles Ă  leur sommet prĂ©sentent une forme qui permet une saisie aisĂ©e. NĂ©anmoins c’est un travail fastidieux, long et dangereux (il faut plusieurs heures et plusieurs hommes pour mener Ă  bien la tĂąche). Ce type de barrage est dĂ©sormais remplacĂ© par des techniques plus modernes et automatiques ; sur certains barrages encore existants, les aiguilles de bois sont remplacĂ©es par des aiguilles en aluminium remplies de polystyrĂšne (pour la flottabilitĂ© en cas de chute dans la riviĂšre), d’un poids bien moindre et plus facilement manƓuvrables ;
  • Ă  effacement sur le fond de la riviĂšre (seuil) pour permettre l’écoulement total ou en position intermĂ©diaire pour crĂ©er un dĂ©versoir.

Barrages mobiles Ă  battant

  • À battant ou porte Ă  axe vertical, comme le barrage moderne hollandais (Maeslantkering), ou les portes Ă  la LĂ©onard de Vinci fermant le port-canal de Cesenatico pour empĂȘcher les fortes marĂ©es d’envahir les terres.
  • À battant Ă  axe horizontal avec possibilitĂ© d’échapper en aĂ©rien lorsque le dĂ©bit devient critique, ce qui Ă©vite de constituer un obstacle Ă  l'Ă©coulement des eaux en temps de crue. Ce type de barrage est gĂ©nĂ©ralement employĂ© pour empĂȘcher l'eau salĂ©e de remonter l'estuaire, comme Ă  Volta Scirocco en Italie.
    • La partie fixe correspond Ă  une plate-forme (ou radier) Ă©tanche.
    • Une grande vanne Ă  secteur, qui en position de fermeture totale dĂ©termine un battant qui s’appuie sur la plate-forme, pendant qu'en position de soulĂšvement complet, il laisse l'Ă©coulement complĂštement libre.
    • Une vanne Ă  volet, montĂ©e sur la gĂ©nĂ©ratrice supĂ©rieure de la vanne Ă  secteur, qui permet de rĂ©gler l’écoulement dans le dĂ©versoir et le niveau d’eau dĂ©sirĂ© en amont du barrage. L'Ă©coulement de l'eau peut se produire par le dessous du battant lorsque la vanne Ă  secteur infĂ©rieure est soulevĂ©e (ce qui permet aussi de nettoyer la surface de la plate-forme), ou bien par le dessus en dĂ©versoir, lorsque la vanne supĂ©rieure Ă  volet est abaissĂ©e.
  • Barrage mobile Ă  gravitĂ©, d’un fonctionnement thĂ©oriquement trĂšs simple, la vanne Ă  gravitĂ© ne comporte que peu d’élĂ©ments mĂ©caniques. Il s’agit d’un battant, sorte d’enveloppe creuse articulĂ©e autour d’une charniĂšre fixĂ©e sur un socle de bĂ©ton.
    • En position repos l’enveloppe se remplit d’eau et descend de son propre poids sur le radier.
    • En position active, de l’air injectĂ© chasse l’eau et permet au battant de remonter par gravitĂ©. La hauteur dĂ©pend de la quantitĂ© d’air insufflĂ©e.
    • Un tel procĂ©dĂ© est en application dans le Projet MOSE qui doit protĂ©ger la lagune de Venise des hautes eaux de l’Adriatique (Acqua alta).
Nouveau barrage Ă  vannes-clapets en construction Ă  Givet.
  • Barrage mobile Ă  clapets, d’un fonctionnement comparable au barrage Ă  mobile Ă  gravitĂ© ci-avant Ă  la diffĂ©rence prĂšs qu'il est mĂ» par deux vĂ©rins hydrauliques[N 3] situĂ©s de part et d'autre du clapet. Il respecte parfaitement sa fonction : rĂ©guler l'Ă©coulement de la riviĂšre pour maintenir un niveau sensiblement constant dans le bief amont. Son principal inconvĂ©nient est d'ĂȘtre excessivement dangereux pour le touriste nautique. Les poissons ne peuvent le remonter que lorsque la riviĂšre est en hautes eaux et le clapet complĂštement baissĂ©[18].

D'autres types de barrages

Un barrage fait Ă  la main sur un ruisseau.

Il existe d'autres catégories de barrages, en général de taille plus réduite.

Les barrages de stériles miniers sont des barrages construits avec des résidus d'exploitation miniÚre pour créer une zone de stockage de ces stériles. Les barrages sont montés au fur et à mesure de l'exploitation de la mine. Ils s'apparentent aux barrages en remblai.

Les barrages de montagne sont des ouvrages destinés à lutter contre les effets de l'érosion torrentielle[9]. Ce sont des ouvrages construits en travers des torrents. Ils peuvent interrompre (partiellement ou complÚtement) le transport solide ; ils peuvent également fixer le profil en long d'un thalweg en diminuant l'agressivité des écoulements.

Les digues filtrantes sont des ouvrages construits en pierres libres Ă  travers un talweg ou bas-fond dans lequel des eaux de ruissellement se concentrent lors des grandes pluies. La digue sert Ă  freiner la vitesse de l'eau des crues, et elle Ă©pand ces eaux sur une superficie au cĂŽtĂ© amont, action par laquelle l'infiltration est augmentĂ©e et des sĂ©diments sont dĂ©posĂ©s. La superficie inondable constitue un champ cultivable sur laquelle sont obtenus de bons rendements grĂące Ă  une meilleure disponibilitĂ© en eau et en Ă©lĂ©ments nutritifs pour les cultures comme le sorgho. En mĂȘme temps, l'Ă©rosion de ravine dans le talweg est arrĂȘtĂ©e ou Ă©vitĂ©e[19].

Catégories de barrages

Outre les barrages-rĂ©servoirs, divers types de barrages spĂ©cialisĂ©s sont bĂątis : le barrage Ă©crĂȘteur de crues, le barrage simple, le barrage alluvial, le barrage capteur de dĂ©pĂŽts d'alluvions, le barrage filtrant, le barrage souterrain, le barrage de stĂ©riles, le barrage rĂ©gulateur[20]...

Barrages Ă©crĂȘteurs de crues

Certains barrages sont construits dans le but exclusif de stocker une partie du volume des crues, pour limiter le risque d'inondation[21]. Ces barrages peuvent ĂȘtre construits Ă  distance du lit mineur et le prĂ©lĂšvement est assurĂ© au moyen d'un ouvrage de prise d'eau sur la riviĂšre. Alternativement, ils sont implantĂ©s en travers du cours d'eau comme des barrages classiques. Ils sont secs la plupart du temps et ne se remplissent que lors des crues les plus significatives. Un tel dispositif Ă©quipe l'agglomĂ©ration de Belfort-MontbĂ©liard en France.

Barrage simple

Le barrage simple, peu élevé, est construit sur une riviÚre ou à l'entrée/la sortie d'un lac pour réguler le niveau de l'eau en amont.

Barrage alluvial

Le barrage alluvial est une retenue créée par l'accumulation de sédiments et d'alluvions, qui bloquent le canal d'un ruisseau.

Barrage capteur de dépÎts d'alluvions

Le barrage capteur de dépÎts d'alluvions est un mur d'un barrage souterrain qui est périodiquement surélevé, afin d'augmenter la capacité de stockage de l'alluvion, au fur et à mesure que celles-ci, transportées de l'amont, s'accumulent.

Barrage filtrant

Structure construite sur un canal d'alimentation, généralement à son extrémité en amont. Le matériau de filtration est composé de pierres et de graviers.

Barrage souterrain

Le barrage souterrain est une barriÚre verticale et imperméable visant à collecter l'eau souterraine d'un cours d'eau éphémÚre en l'interceptant. Il est construit en travers du lit d'une riviÚre à sec et comblée de sable, sur une digue rocheuse en saillie.

Barrage régulateur

Le barrage régulateur est un petit ouvrage construit en travers d'une ravine ou d'un petit cours d'eau à des endroits permettant de contrÎler le niveau de l'eau en amont et de régulariser l'écoulement vers l'aval.

Barrage de stériles

Le barrage de stériles, est une structure visant à contenir les résidus miniers et les eaux usées lorsque les métaux lourds forment un dépÎt, avant le rejet de l'eau dans le milieu naturel.

Barrage perméable

Le barrage perméable est construit en travers du fond d'une vallée, pour réduire les débits de crue en étalant l'eau sur une plus grande superficie. C'est un long ouvrage fait d'accumulation de pierres.

Pompage-turbinage

Le pompage-turbinage est une technique de stockage de l'Ă©nergie Ă©lectrique qui consiste Ă  remonter de l'eau d'un cours d'eau ou d'un bassin, pour la stocker dans des bassins d'accumulation, lorsque la production d'Ă©lectricitĂ© est supĂ©rieure Ă  la demande — phase de pompage —, puis de turbiner l'eau ainsi mise en rĂ©serve pour produire de l'Ă©nergie Ă©lectrique lorsque la demande est forte — phase de turbinage. Elle participe Ă  l'ajustement entre l'offre d'Ă©lectricitĂ© et la demande.

ÉlĂ©ments constitutifs

Selon le type d'utilisation auquel il est destiné, le barrage pourra comprendre plusieurs éléments constitutifs parmi les suivants.

Surveillance métrologique

Un vaste systÚme de mesure est utilisé pour enregistrer la façon dont le barrage réagit à la pression de l'eau et à d'autres influences externes.

  • Stations mĂ©tĂ©o : les stations mĂ©tĂ©orologiques fournissent des valeurs de tempĂ©rature et de prĂ©cipitations. Elles sont nĂ©cessaires pour Ă©valuer le comportement de l'ouvrage[22]. Cependant, les valeurs mĂ©tĂ©orologiques sont Ă©galement nĂ©cessaires pour utiliser le contenu de la mĂ©moire de maniĂšre optimale.
  • Mesures gĂ©odĂ©siques : des mesures gĂ©odĂ©siques sont effectuĂ©es au moins une fois par an. Ce sont des mesures absolues de position et de hauteur[23] - [24].
  • Mesures d'eau : la mesure de l'eau d'infiltration est particuliĂšrement importante pour les barrages. En effet, le sous-sol des barrages n'est jamais totalement Ă©tanche. Les infiltrations souterraines font partie du fonctionnement normal des barrages. La surveillance de l'eau d'infiltration permet de tirer des conclusions sur l'Ă©volution du corps du barrage et du sous-sol du barrage. La pression de l'eau dans la fondation des barrages est d'une importance particuliĂšre. Elle agit sur le corps de l’ouvrage Ă  partir du socle rocheux. Un drainage suffisant des eaux d'infiltration assure la stabilitĂ© de la barriĂšre. La pression au bas du barrage est constamment mesurĂ©e avec des piĂ©zomĂštres et/ou des manomĂštres[25].
  • Mesures de dĂ©formation : les mesures de dĂ©formation reposent sur le principe physique selon lequel toute structure se dĂ©forme lorsqu'elle est soumise Ă  une charge. Les murs des barrages sont soumis Ă  des contraintes liĂ©es Ă  la pression de l'eau et aux fluctuations de tempĂ©rature[26]. Cependant, les dĂ©formations rĂ©sultantes dans les barrages sont si petites qu'elles ne peuvent pas ĂȘtre vues Ă  l'Ɠil nu. Tous les mouvements sont enregistrĂ©s Ă  l'aide de divers instruments spĂ©ciaux.
  • Mesure d’allongement : le changement de longueur du mur du barrage est enregistrĂ© dans diffĂ©rentes directions Ă  l'aide d'instruments tels que les extensomĂštres Ă  corde vibrante.
  • Mesure d'aplomb : un fil Ă  plomb Ă  l'intĂ©rieur du mur du barrage est utilisĂ© pour mesurer si la crĂȘte du barrage se dĂ©place horizontalement[25] - [27].
  • Mesure de l'inclinaison : l'inclinomĂštre mesure les variations possibles de l'angle d'inclinaison d'un barrage.
  • Surveillance des fissures : si une fissure apparaĂźt, l'installation d'un fissuromĂštre permet d'en quantifier l'Ă©volution ou la stagnation[27].

DĂ©versoirs de crue

Le déversoir du réservoir de Kangaroo Creek en Australie-Méridionale, lors de la crue de .

Le déversoir est une partie du barrage destinée à évacuer un débit depuis le réservoir amont vers un canal de décharge. Il sera notamment utilisé en cas de crue qui pourrait mettre en péril le barrage en faisant augmenter le niveau amont de maniÚre excessive et en déversant les écoulements sur le corps du barrage. Certains déversoirs de crue sont équipés de systÚme de vannes permettant de contrÎler le débit restitué ; les autres déversoirs, dits « à seuil libre », sont plus fiables en regard des ruptures ou des pannes mécaniques.

Le dĂ©versoir est l'un des principaux systĂšmes assurant la sĂ©curitĂ© des ouvrages[21]. Il existe plusieurs types de dĂ©versoirs parmi lesquels : le dĂ©versoir principal qui permet d'Ă©vacuer les crues les plus courantes, les dĂ©versoirs auxiliaires qui permettent d'Ă©vacuer les excĂ©dents de dĂ©bit du dĂ©versoir principal, le dĂ©versoir d'urgence qui est dĂ©fini pour Ă©vacuer les crues exceptionnelles (pouvant aller jusqu'Ă  des crues d'occurrence trĂšs faible, avec des pĂ©riodes de retour de plus de 10 000 ans pour certains ouvrages).

La conception d'un dĂ©versoir doit rĂ©pondre Ă  arbitrage entre : les dimensions du dĂ©versoir, la quantitĂ© d'eau stockĂ©e et la quantitĂ© d'eau Ă©vacuĂ©e. Plus cette derniĂšre est grande, plus le dĂ©versoir doit ĂȘtre large ou profond. Le dĂ©versoir peut ĂȘtre exposĂ© Ă  des problĂšmes d'Ă©rosion, parfois liĂ©s Ă  la cavitation ou Ă  la turbulence, qui peuvent entraĂźner sa destruction.

La gestion de la crue est un arbitrage entre le débit envoyé en aval, et le risque de noyer l'amont de la retenue par la montée des eaux retenues. La réglementation française impose de ne pas aggraver le débit maximum (pic) de la crue.

Bassins dissipateur d'Ă©nergie

Sert à dissiper l'énergie présente dans l'eau circulant dans le canal de décharge. Le bassin dissipateur d'énergie permet de prévenir l'érosion à l'aval.

Vie des barrages

Entretien et sûreté des barrages

Accumulation de débris naturels et anthropiques contre le mur d'un barrage.

Un barrage n'est pas un simple mur plus ou moins solide. Il n'est pas inerte et fait l'objet de surveillance sismologique et technique sous plusieurs critĂšres. L'ouvrage vit, travaille et se fatigue en fonction des efforts auxquels il est soumis.

Tout barrage peut ĂȘtre exposĂ© Ă  quatre types de risque, dont il convient d'Ă©valuer, en fonction des circonstances locales, la frĂ©quence et l'importance :

  • les dĂ©fauts de maintenance et de contrĂŽle, eu Ă©gard notamment Ă  l'obsolescence des matĂ©riaux ;
  • les crues ;
  • les accidents de terrain, mouvements ou glissements ;
  • les sĂ©ismes.

L'obsolescence des matĂ©riaux est principalement liĂ©e Ă  la dĂ©gradation du bĂ©ton, qui peut ĂȘtre sujet Ă  deux maladies : l'alcali-rĂ©action (dont souffre le barrage du Chambon, en France) et la rĂ©action sulfatique interne (dont est victime le barrage de Bimont, en France)[28].

Généralement, on estime qu'au cours du XXe siÚcle, 1 % des barrages à travers le monde se sont rompus[28].

Pour des raisons de maintenance des ouvrages, les barrages sont rĂ©guliĂšrement inspectĂ©s. Chaque annĂ©e, l'aspect extĂ©rieur du barrage est examinĂ©, et pĂ©riodiquement (tous les dix ans en France) la retenue d'eau peut ĂȘtre vidĂ©e afin de permettre l'accĂšs Ă  la fois Ă  la partie infĂ©rieure de l'ouvrage et aux Ă©quipements (conduites d'eau, grilles, vannes, etc.). Cette vidange dĂ©cennale est aujourd'hui de plus en plus remplacĂ©e par des inspections subaquatiques qui permettent de s'affranchir des contraintes environnementales et Ă©conomiques imposĂ©es par une vidange.

Les ouvrages intéressant la sécurité publique sont également auscultés, par des capteurs permettant de mesurer leur comportement (mesures de déplacement, de débit de fuite
). De leur état dépend la sécurité des populations installées en aval.

Pour autant la probabilitĂ© de rupture est extrĂȘmement faible : statistiquement, une rupture par an sur un parc mondial de 16 000 barrages, Chine exclue. En Europe, la probabilitĂ© est encore plus basse. En fait, le danger est le plus Ă©levĂ© au moment du premier remplissage, le risque Ă©tant cependant bien moindre pour les ouvrages en bĂ©ton que pour ceux en remblai.

En France, les barrages sont classés en catégories, A, B, C selon leur taille et niveau de risque pour la population[29] (la catégorie D a été supprimée en 2017[30])[31]. Les dispositions réglementaires relatives à la sécurité et à la sûreté des ouvrages hydrauliques sont notamment définies à l'article R214-112 (et suivants) du Code de l'environnement[32] avec notamment un classement des digues et barrages et une clarification des mesures devant assurer leur contrÎle, leur sécurité et leur maintenance.

Les barrages construits dans les Alpes, dans les années 1950 et 1960, au plus fort de l'ùge d'or de la houille blanche, sont aujourd'hui dans une phase de vieillissement qui nécessite des frais de maintenance de plus en plus élevés. EDF estime que la plupart des ouvrages hydrauliques atteignent seulement la moitié de leur espérance de vie mais a annoncé un important programme d'investissements pour la maintenance et la réhabilitation. Selon le rapport de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques français du , les principales inquiétudes résident moins dans les grands ouvrages que dans la multitude de petits barrages en France pour lesquels les niveaux d'entretien et de contrÎle sont insuffisants.

Risques de rupture

Ruines du barrage de Malpasset (Var), qui s'est rompu le .

Catastrophes

Un défaut de conception ou d'entretien peut conduire à une catastrophe : si le barrage cÚde alors que la retenue d'eau est relativement importante, une onde de rupture peut déferler sur les populations en aval, plus ou moins canalisée par la topographie du thalweg dans lequel le barrage était implanté (voir l'article Catastrophe). En France, une telle catastrophe a eu lieu en 1959 prÚs de Fréjus, au barrage de Malpasset.

Le film La Folie des hommes (2001) relate la catastrophe du barrage de Vajont, en Italie, le . Le film montre les causes et l'enchaĂźnement des Ă©vĂšnements qui conduisirent Ă  un glissement de terrain de 270 millions de mĂštres cubes dans les eaux du lac de retenue du barrage. La vague gigantesque qui s'ensuivit et qui passa sur le barrage sans le rompre fit 2 000 victimes.

La plus meurtriĂšre des catastrophes provoquĂ©es par un barrage survint sur celui de Banqiao en Chine en 1975 : l'onde de rupture causa la mort de 26 000 personnes.

SĂ©ismes

Les sĂ©ismes font partie des Ă©vĂ©nements susceptibles de nuire Ă  la stabilitĂ© des barrages, surtout dans les rĂ©gions oĂč le risque sismique est plus Ă©levĂ©. Historiquement, les ruptures causĂ©es par des sĂ©ismes sont trĂšs peu nombreuses comparĂ©es Ă  celles dues Ă  des dĂ©fauts de conception. Dans certains contextes gĂ©ologiques, la mise en eau et la vidange rapide d'un barrage sont des phĂ©nomĂšnes qui peuvent eux-mĂȘmes ĂȘtre source de sĂ©ismes induits.

En France, les grands barrages font l'objet d'une simulation informatique de comportement dans le cas du plus fort séisme historique connu dans la région (souvent estimé d'aprÚs des documents anciens, mais n'allant pas au-delà de 500 ans environ). Ainsi le séisme de référence dans les Pyrénées est celui du , de magnitude estimée autour de 6 et dont l'intensité a été de IX à BagnÚres-de-Bigorre). Un tel séisme causerait aujourd'hui des dégùts importants dans les Hautes-Pyrénées, mais serait néanmoins supporté par tous les grands barrages.

Les ruptures les plus fréquentes ont concerné des ouvrages en remblai de taille modérée, construits avec des matériaux sableux ou silteux, ou fondés sur des sols de cette nature ; il peut en effet se développer dans ce cas un phénomÚne appelé thixotropie, qui fait perdre toute résistance au sable ou au silt saturé.

Modélisations

Les progrÚs de l'informatique et de la modélisation mathématique, ainsi que l'étude de retours d'expérience[33]) permettent des modélisations de plus en plus réalistes des risques de rupture (instantanée ou phasée) et de leurs effets (écoulement turbulent ou laminaire[34]), à condition que le modÚle soit alimenté par des données géologique et hydrologiques de qualité, de l'« onde de rupture » par exemple, sur la base des équations de Saint-Venant[35] appliquées à des radiers ou canaux horizontaux ou inclinés[36] - [37] - [38].

Ces progrÚs de la modélisation permettent aussi de mieux prévoir les effets :

  • de la dĂ©molition d'un barrage (modifications des modes d'Ă©coulements)[39] ;
  • d'une vidange brutale de barrage[40] ;
  • de diffĂ©rents types de tsunamis[41] ;
  • de l'introduction d'un dĂ©bit constant dans un canal vide[42] ;
  • d'Ă©coulements incompressibles dans les circuits, canaux et riviĂšres, et autour des structures dans l'environnement[43].

Sécurité des barrages en Suisse

Les nombreux accidents survenus par le passé ont mené la Suisse à veiller à leur stricte sécurité de ces infrastructures. Des normes ont été établies concernant, par exemple, le poids des matériaux utilisés, la pression de l'eau, les variations de températures, les crues, le gel, l'accumulation des sédiments ainsi que d'éventuels séismes. Des théodolites calculateurs et des signaux de satellites permettent de mesurer au millimÚtre prÚs les déplacements et déformations de la structure du barrage. « Les comptes rendus et relevés de mesures sont analysés et interprétés par les spécialistes et par l'Office fédéral de l'énergie[26]. »

Une alarme permet Ă  la population de se mettre Ă  l'abri si la rupture du barrage est imminente[26].

ContrĂŽle des barrages en France

La sĂ»retĂ© de fonctionnement des barrages est de la responsabilitĂ© civile et pĂ©nale de ses exploitants. NĂ©anmoins, compte tenu du risque et de l'ampleur des consĂ©quences potentielles, le domaine est contrĂŽlĂ© par des services d'État. Les barrages situĂ©s dans les concessions hydroĂ©lectriques font partie du Domaine Public HydroĂ©lectrique. Les DREAL (ex-DRIRE, division Énergie) sont chargĂ©s de la tutelle de ces ouvrages appartenant Ă  l'État et confiĂ©s par concession Ă  un amĂ©nageur / exploitant. Les MISE (Mission Inter Services sur l'Eau, au sein des DDEA) sont chargĂ©es des ouvrages rĂ©alisĂ©s et exploitĂ©s sous le rĂ©gime de l'autorisation (petite hydroĂ©lectricitĂ©, et ouvrages sans utilisation Ă©nergĂ©tique).

AprĂšs la catastrophe de Malpasset (), le MinistĂšre des Travaux Publics a rĂ©digĂ© la circulaire no 70-15 du , encadrant les missions des services de contrĂŽles et les obligations des exploitants. Le ministĂšre de l'Industrie a complĂ©tĂ© la circulaire 70-15 par une circulaire BMI (barrages de moyenne importance) le , applicable aux seuls ouvrages concĂ©dĂ©s. ParallĂšlement, a Ă©tĂ© crĂ©Ă© le CTPB en 1963 (ComitĂ© technique permanent des barrages) devenu en 2007 le ComitĂ© technique permanent des barrages et des ouvrages hydrauliques (CTPBOH) rĂ©unissant les plus grands experts français, et depuis 1992 les plus grands barrages sont soumis Ă  un PPI (plan particulier d'intervention) oĂč sont analysĂ©s les risques (dont les sĂ©ismes et les glissements de terrain de type barrage de Vajont).

Avec l'ouverture du marché de l'électricité et le changement de statut des principaux exploitants (EDF, CNR, SHEM) les circulaires devenaient inefficaces, et aprÚs réflexion commune, une réglementation nouvelle en 2007[44], reprenant en les accentuant les dispositions mises en place pour ausculter les barrages et analyser leur comportement.

Tous les barrages de plus de deux mÚtres de hauteur, hydroélectriques ou non, sont juridiquement classés selon deux de leurs caractéristiques géométriques[45] :

  • H hauteur de l'ouvrage, en mĂštres (plus grande hauteur mesurĂ©e verticalement entre le sommet de l'ouvrage et le terrain naturel Ă  l'aplomb de ce sommet) ;
  • H2 . V1/2, avec H hauteur de l'ouvrage en mĂštres et V volume exprimĂ© en millions de mĂštres cubes retenu par le barrage Ă  la cote de retenue normale ; ce paramĂštre conjugue le risque (hauteur) et les consĂ©quences d'une rupture Ă©ventuelle (volume)[N 4].

Les trois classes sont :

  • A : barrages avec H supĂ©rieure ou Ă©gale Ă  20 m et H2 × V1/2 supĂ©rieur ou Ă©gal Ă  1 500 ;
  • B : barrages non classĂ©s en A avec H supĂ©rieure ou Ă©gale Ă  10 m et H2 × V1/2 supĂ©rieur ou Ă©gal Ă  200 ;
  • C : barrages non classĂ©s en A ou en B, avec H supĂ©rieure ou Ă©gale Ă  m et H2 × V1/2 supĂ©rieur ou Ă©gal Ă  20, ou H supĂ©rieur Ă  m et V supĂ©rieur Ă  0,05 et il existe une ou plusieurs habitations Ă  l'aval du barrage, jusqu'Ă  une distance par rapport Ă  celui-ci de 400 mĂštres.

Une quatriÚme classe, D, concernant les barrages non classés en A, en B ou en C et de hauteur supérieure à m, existait entre le décret de 2007[44] et celui du [46].

Les barrages de classe A font l'objet tous les dix ans d'une étude de dangers (EDD), un examen technique complet, etc. (remplaçant l'ancienne visite décennale) et une revue de sûreté (RPS). Les barrages de classe B font l'objet d'une étude de dangers tous les dix ans.

Tous les barrages classés (A, B, C) doivent disposer :

  • d'une consigne de crue ;
  • d'une consigne d'auscultation et de surveillance (CSA) ;
  • d'un dispositif d'auscultation adaptĂ©.

Ils font l'objet :

  • d'un rapport annuel de l'exploitant, incluant tous les faits notables pour la sĂ»retĂ© ;
  • d'une analyse biennale des mesures d'auscultation ;
  • d'une dĂ©claration systĂ©matique de tout Ă©vĂ©nement significatif pour la sĂ»retĂ© hydraulique (EISH).

Les préfets peuvent durcir les conditions de surveillance des ouvrages, notamment en les surclassant.

DĂ©mantĂšlement des barrages

Le démantÚlement des barrages est motivé pour des considérations de sécurité, de coûts et, de plus en plus souvent, environnementales.

Cas des seuils et petits barrages

La moitiĂ© des seuils et petits barrages en France n'aurait pas (ou plus) d'usage industriel ni agricole connu[47]. Le premier barrage hydroĂ©lectrique Ă  avoir Ă©tĂ© dĂ©mantelĂ© est celui de Kernansquillec Ă  PlounĂ©vez-MoĂ«dec, dans les CĂŽtes-d'Armor. « En 1996, la dĂ©molition du barrage hydro-Ă©lectrique, une premiĂšre en France sur une riviĂšre Ă  saumons, a permis au paysage englouti de refaire surface[48]. » De mĂȘme, parce que ne satisfaisant plus aux obligations de sĂ©curitĂ© publique, le barrage du Piney (eau potable, maĂźtrise d'ouvrage communale) Ă  Saint-Chamond a Ă©tĂ© mis en sĂ©curitĂ© en 2000 par percement d'un pertuis au pied du barrage. Le dĂ©mantĂšlement de petits barrage et seuils est de plus en plus souvent justifiĂ© pour des raisons d'Ă©conomies de frais d'entretien et pour rĂ©tablir une libre circulation des poissons, alors que dans une partie des bassins versant le retour des castors permet de retrouver des barrages de castors, qui freinent le flux de l'eau, et amĂ©liore l'hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© les cours d'eau comme l'alimentation des nappes.

Cas des grands barrages

Le dĂ©mantĂšlement des grands barrages est presque toujours justifiĂ© par la sĂ©curitĂ© (atteinte de la limite de vie du barrage), mĂȘme si cela permet ensuite, aux Ă©cosystĂšmes fluviaux de fonctionner de maniĂšre plus naturelle, en partie car souvent le cours d'eau a Ă©tĂ© amĂ©nagĂ© en aval et en amont. L'investissement initial rĂ©alisĂ© par le constructeur, justifiĂ© par une utilitĂ© publique (eau potable, irrigation et/ou Ă©lectricitĂ©) avec un moyen gĂ©nĂ©ralement classĂ© comme participant au dĂ©veloppement durable, n'a gĂ©nĂ©ralement pas vocation Ă  ĂȘtre abandonnĂ© ou dĂ©truit tant que le barrage se montre utile. Le financement de dĂ©mantĂšlements pour des objectifs piscicoles (essentiellement de loisir) et la planification de moyens durables de remplacement de la production d'Ă©nergie ainsi perdue sont gĂ©nĂ©ralement inexistants[49] - [50].

Conséquences et impacts des barrages

Impacts environnementaux

Les grands barrages sont de puissants facteurs de fragmentation Ă©cologique pour les poissons migrateurs.

Impacts négatifs

Un barrage est facteur de fragmentation Ă©cologique quand il freine ou bloque la migration d'espĂšces aquatiques. Certains pays obligent depuis quelques annĂ©es les ouvrages neufs (en France, sur les riviĂšres classĂ©es « migrateurs » depuis la Loi « PĂȘche » no 84-512 du ) Ă  inclure des Ă©chelles Ă  poissons. Celles-ci restent rares sur les grands ouvrages anciens ou sur les riviĂšres oĂč la prĂ©sence d'espĂšces migratrices n'est pas identifiĂ©e. Certains ouvrages sont Ă©quipĂ©s sans obligation, par la volontĂ© de l'exploitant. Certaines Ă©chelles Ă  poissons mal conçues ou mal construites peuvent se rĂ©vĂ©ler peu efficaces. Le transport des poissons en camion est parfois l'alternative retenue, par exemple sur la Garonne entre Carbonne et Camon, oĂč une suite de cinq barrages importants aurait nĂ©cessitĂ© des Ă©quipements onĂ©reux, et un trajet restant Ă©prouvant pour le migrateur. Les poissons sont donc « piĂ©gĂ©s » Ă  une extrĂ©mitĂ© de la chaĂźne, identifiĂ©s et transportĂ©s par camion-citerne Ă  l'autre extrĂ©mitĂ©.

Si la gestion du barrage n'est pas adĂ©quate, il peut bouleverser le dĂ©bit naturel et saisonnier du cours d'eau, affecter le niveau des nappes et le transfert des matiĂšres en suspension et sĂ©diments. Il peut avoir des effets diffĂ©rĂ©s sur les Ă©cosystĂšmes d'une vaste zone en raison de l'inondation de la zone amont, et de la forte modification du rĂ©gime d'Ă©coulement des eaux de la zone aval, ainsi que de la modification de la qualitĂ© des eaux provoquĂ©e par la retenue. Le fleuve recueille en aval des eaux ayant dans certains cas servi Ă  l’irrigation des villes et industries, polluĂ©es. De nombreuses maladies, provoquĂ©es ou favorisĂ©es par la pollution de l’eau, ont par exemple fait leur apparition en Égypte[51].

Un barrage peut gĂ©nĂ©rer une modification des structures Ă©cologiques et faciliter des « invasions biologiques ». Un Ă©cosystĂšme sub-naturel et plus ou moins Ă©quilibrĂ© se reconstitue dans ces zones plus ou moins rapidement (en l'espace d'environ 30 ans, un Ă©cosystĂšme serait recrĂ©Ă© Ă  99 %, notamment en aval dans les anciennes zones assĂ©chĂ©es. NĂ©anmoins, cet Ă©cosystĂšme n'est jamais identique Ă  celui d'origine : la disparition des courants en amont, et la trĂšs forte diminution du dĂ©bit en aval, ainsi que la disparition ou le lissage des dĂ©bits saisonniers provoque gĂ©nĂ©ralement la disparition de certaines espĂšces autochtones. De plus, une Ă©tude[52] publiĂ©e en a confirmĂ© aux États-Unis que dans les bassins versants, les milieux artificiels, que sont les lacs de retenues, Ă©taient beaucoup plus propices au dĂ©veloppement d’espĂšces aquatiques dites « invasives » que les lacs naturels. Cette Ă©tude a cherchĂ© Ă  corrĂ©ler dans la rĂ©gion des grands lacs l’importance des invasions biologiques avec la physico-chimie de la masse d’eau, l’intensitĂ© et la nature des activitĂ©s nautiques avec la distribution gĂ©ographique de cinq espĂšces non indigĂšnes[N 5]. L’étude a montrĂ© que le risque d’invasion biologique est (pour la rĂ©gion des grands lacs) de 2,4 Ă  3 fois plus Ă©levĂ© dans les lacs de retenue que dans les lacs naturels (vers 2005/2008). Ce risque a augmentĂ© avec le temps, et la menace augmente pour les lacs naturels car l’augmentation du nombre de retenues touchĂ©es a presque partout diminuĂ© la distance entre eaux « contaminĂ©es » et eaux naturelles. C’est dans ce cas l’homme qui joue le rĂŽle principal de colporteur et en particulier selon Pieter TJ Johnson l'un des auteurs de l'Ă©tude, les activitĂ©s de pĂȘche et de nautisme qui favorisent la dissĂ©mination de nombreux organismes, dont la moule zĂ©brĂ©e (accrochĂ©e sous les bateaux), les myriophylles invasifs accrochĂ©s aux remorques porte-bateaux, les Ă©perlans arc-en-ciel et une Ă©crevisse invasive qui a Ă©tĂ© utilisĂ©e comme appĂąt (aujourd’hui interdit).

Alors que l’hydroĂ©lectricitĂ© est traditionnellement considĂ©rĂ©e comme une Ă©nergie propre, les retenues de barrages peuvent Ă©mettre des gaz Ă  effet de serre par la dĂ©forestation, la submersion de la vĂ©gĂ©tation dans le rĂ©servoir ou l'activitĂ© bactĂ©riologique dans le rĂ©servoir et dans la zone pĂ©riodiquement exondĂ©e qui relĂąchent d'importantes quantitĂ©s de dioxyde de carbone et/ou de mĂ©thane[54] - [55].

En Égypte, un nouveau risque est apparu Ă  la suite du remplissage du lac Nasser : le risque sismique. Le haut barrage peut rĂ©sister Ă  une magnitude de 7 sur l'Ă©chelle de Richter, mais la ville d'Assouan n’est pas protĂ©gĂ©e pour des sĂ©ismes de magnitude supĂ©rieure Ă  5[51]. Le , un tremblement de terre de magnitude 5,4 a secouĂ© la rĂ©gion. À partir de mesures de sismicitĂ© et de rĂ©sistivitĂ© Ă©lectrique du sous-sol, Kebeasy[56] a pu montrer que cette imposante masse d’eau retenue par le lac artificiel est bien responsable d’un regain d’activitĂ© sismique[57].

Impacts positifs

Un lac de barrage peut ĂȘtre un lieu d'accueil d'oiseaux migrateurs, un lieu de reproduction de certaines espĂšces aquatiques,

Un lac de barrage peut amĂ©liorer les conditions d'Ă©coulement en Ă©tiage. De plus en plus, les barrages hydroĂ©lectriques participent Ă  un soutien d'Ă©tiage, permettant une vie estivale de riviĂšres par ailleurs affectĂ©es par de nombreux prĂ©lĂšvements (autorisĂ©s ou non), d'amĂ©liorer le refroidissement des eaux, et la dilution des pollutions en aval. En France, depuis la mĂȘme Loi PĂȘche de 1984, tous les obstacles sur les riviĂšres françaises doivent obligatoirement laisser dans le cours d'eau 1/40 du module (moyenne de dĂ©bit), et 1/10 pour tous les ouvrages neufs ou dont le titre est renouvelĂ©. Afin de mettre fin Ă  cette situation inĂ©galitaire (posant de nombreux problĂšmes de variation des dĂ©bits sur un mĂȘme cours d'eau), la nouvelle loi sur l'eau et les milieux aquatiques[58] a fixĂ© au la date limite de dĂ©livrance de 1/10 pour tous les ouvrages. Cette LEMA introduit cependant l'exception des barrages de haute chute, assurant le soutien du rĂ©seau Ă©lectrique, auxquels le dĂ©bit rĂ©servĂ© pourra ĂȘtre limitĂ© Ă  1/20 (une liste devant ĂȘtre fixĂ©e par dĂ©cret). De mĂȘme, sur justification par une Ă©tude adaptĂ©e, le dĂ©bit pourra ĂȘtre modulĂ© sur l'annĂ©e (rĂ©gime rĂ©servĂ©).

Un lac de barrage peut ĂȘtre une source de production d'Ă©nergie renouvelable, lorsqu'il s'agit d'un barrage hydroĂ©lectrique.

Par exemple, dans le cas de la Chine et du barrage des Trois-Gorges, devenu la plus grande centrale hydroélectrique du monde par sa production annuelle de 84,7 milliards de kilowatts-heures, on a constaté une amélioration de la qualité de l'air dans la région, grùce à l'économie de 50 millions de tonnes de charbon chaque année[59].

La conception d’un barrage, comme le haut barrage d'Assouan, permet de gĂ©rer ainsi que de rationaliser l’utilisation de la crue du fleuve. Sans cette innovation technologique, dans l’exemple du cas d’Assouan, les pĂ©riodes de sĂ©cheresses et de crues exceptionnelles n’auraient cessĂ© de conditionner la population Ă©gyptienne en forte augmentation ; celle-ci doublant tous les 20 ans : 20 millions en 1950, Ă  40 millions en 1970 ; en continuant ainsi, elle aurait pu atteindre les 80 millions d’Égyptiens en 1990[60], alors que ce chiffre n’est atteint qu’en 2012. En effet, la rĂ©serve d’eau du lac Nasser (157 milliards de mĂštres cubes), crĂ©Ă©e grĂące Ă  la construction du haut barrage d’Assouan, permit la bonification de plusieurs centaines de milliers d’hectares de terres dĂ©sertiques[61]. Le fonctionnement, rendu possible tout au long de l’annĂ©e, du systĂšme d’irrigation a permis un accroissement de la production agricole. Le nombre de rĂ©coltes a doublĂ©, mĂȘme triplĂ© grĂące Ă  la gestion des crues, ainsi qu’à la modernisation de l’irrigation et du drainage. La superficie cultivĂ©e s’est vue multipliĂ©e par deux entre 1970 (avant la crĂ©ation du lac Nasser) et le dĂ©but des annĂ©es 2000[60].

Les barrages d'irrigation ou d'eau potable sont aussi construits pour apporter des bienfaits pour l'agriculture et l'alimentation en eau. Ces impacts doivent donc ĂȘtre pesĂ©s au mĂȘme titre que les inconvĂ©nients portĂ©s au milieu aquatique ou Ă  la pĂȘche de loisir.

Impacts Ă©conomiques

La construction d'un barrage a gĂ©nĂ©ralement de nombreux impacts Ă©conomiques. Le barrage Hoover, situĂ© sur le fleuve Colorado aux États-Unis, permit par exemple un dĂ©veloppement considĂ©rable du Sud-Ouest amĂ©ricain, grĂące Ă  la production hydroĂ©lectrique et l'irrigation des terres. Ainsi, des villes comme Los Angeles ou Las Vegas n'auraient probablement jamais connu une telle importance sans l'apport en eau permis par le barrage[62].

L'Ă©rection du barrage des Trois-Gorges a eu de nombreux impacts positifs sur l'Ă©conomie de la Chine. D'abord, la production d'Ă©lectricitĂ© qu'elle a engendrĂ©e profite grandement Ă  ce pays en plein dĂ©veloppement Ă©conomique. Ensuite, la gestion nouvelle de l'eau entraĂźnĂ©e par sa construction a eu deux grands effets positifs. D'une part, ce qui Ă©tait l’un des enjeux principaux du projet, les transferts entre le Sud de la Chine, rĂ©gion des moussons riche en eau, et le Nord clairement dĂ©favorisĂ© en matiĂšre hydrographique, permet un dĂ©veloppement Ă©conomique et social durable de ces rĂ©gions du Nord[63]. D'autre part, la gestion des crues, qui ont autrefois Ă©tĂ© meurtriĂšres Ă  plusieurs reprises, permet un meilleur dĂ©veloppement des rĂ©gions traversĂ©es par le fleuve Bleu, sur lequel est construit le barrage[64]. Enfin, la navigation des bateaux de plus de 10 000 tonnes s'en est trouvĂ©e permise sur le fleuve Bleu, favorisant le commerce, le dĂ©senclavement Ă©conomique de certaines mĂ©tropoles chinoises, et l’essor du Nord[64].

Par ailleurs, en Égypte, le barrage d'Assouan, d’une capacitĂ© Ă©lectrique de 2 100 MW, est Ă©galement un grand contributeur Ă  l’économie Ă©gyptienne[60]. Cependant, en agriculture, malgrĂ© la maĂźtrise de l’approvisionnement en eau en toutes saisons, dix ans aprĂšs l’achĂšvement du barrage, les rĂ©sultats Ă©taient nĂ©gatifs : une production agricole insuffisante, une baisse de la fertilitĂ© des sols, ainsi que des dĂ©sĂ©quilibres Ă©conomiques et sociaux (car la croissance de la population dĂ©passe celle de la production)[65]. De plus, l’autonomie alimentaire n’est pas atteinte car, par exemple en 2002, l’Égypte ne produisait plus que 25 % du blĂ© qu’elle consommait alors qu’elle en produisait encore 65 % en 1960[57].

Dans certains cas, les barrages font partie d'un plan d'intĂ©gration Ă©conomique plus large : il en est ainsi pour les barrages de Jirau et de Santo AntĂŽnio, sur le fleuve Madeira dans l'État de Rondonia au BrĂ©sil. En effet, le plan initial de la construction des barrages en impliquait un autre : un immense programme de dĂ©veloppement pour l'AmĂ©rique du Sud appelĂ© IIRSA (Initiative for the integration of the regional Infrastructure of South America)[66].

Cependant, ce plan d'intégration régional est massivement controversée par de nombreuses organisations non-gouvernementales[67].

Impacts socio-culturels

Si de nombreux barrages impliquent des dĂ©placements de population, ce ne fut pas le cas du barrage Hoover, construit dans une zone particuliĂšrement aride de l'Ouest amĂ©ricain. Cependant, celui-ci eut tout de mĂȘme d'importantes rĂ©percussions sur le mode de vie des Indiens Navajos vivant Ă  proximitĂ©. En effet, l'Ă©conomie Navajo, Ă  cette pĂ©riode basĂ©e sur l'Ă©levage de moutons et de chĂšvres, fut menacĂ©e lorsque le gouvernement la considĂ©ra responsable d'un accroissement de l'apport de limon dans le rĂ©servoir du barrage liĂ© Ă  l'Ă©rosion des terres causĂ©e par l'Ă©levage[68]. Ainsi, le rachat massif des cheptels par le gouvernement eut d'importantes consĂ©quences sur la structure socio-culturelle des Indiens, modifiant leur mode de vie.

De dĂ©placements de populations, il en est en revanche question dans le cas du barrage des Trois-Gorges. En effet, la construction du barrage a impliquĂ© l'ennoiement de treize villes et 1 500 villages, provoquant de ce fait le dĂ©placement de plus de 1,2 million de personnes. Si l’un des objectifs dĂ©clarĂ©s par les autoritĂ©s chinoises Ă©tait l’amĂ©lioration des conditions de vie de ces gens vivant de la petite agriculture et leur emmĂ©nagement dans des logements flambant neufs, force est de constater que l'entreprise fut un Ă©chec[69] - [70].

Mais l'ennoiement ne concerne pas que les villes et villages : de nombreux sites archĂ©ologiques ont aussi Ă©tĂ© engloutis Ă  la suite de la construction du barrage. Dans l’ensemble, c’est prĂšs de 230 sites historiques majeurs de la civilisation chinoise qui ont Ă©tĂ© dĂ©truits ou dĂ©placĂ©s Ă  cause de la montĂ©e des eaux[71].

Le mĂȘme scĂ©nario se produisit en Égypte, lors de la construction du barrage d'Assouan, un appel a Ă©tĂ© lancĂ© par l’UNESCO : d’ici la fin de la construction, la vallĂ©e du Nil sera transformĂ©e en un immense lac et les temples de Nubie sont menacĂ©s d’ĂȘtre submergĂ©s par les eaux. Cet appel Ă  la solidaritĂ© se traduisit en une prise de conscience universelle et une mobilisation mondiale : en trois ans, les deux temples d’Abou Simbel furent dĂ©placĂ©s. D’un point de vue archĂ©ologique, un dĂ©sastre culturel intĂ©gral fut Ă©vitĂ©. Cependant, une grande partie des habitants de la Nubie furent obligĂ©s de quitter leurs terres, dĂ©racinĂ©s, ils furent relocalisĂ©s dans des citĂ©s nouvelles Ă  KĂŽm Ombo en Haute-Égypte et Ă  Khashm El Girba en Éthiopie[61]. Par ailleurs, la population, qui est venue depuis la basse vallĂ©e s’installer sur les rives, est maintenant menacĂ©e par les inondations autour du lac Nasser. En effet, si le niveau du fleuve ne varie plus que de quelques dizaines de centimĂštres Ă  Assouan Ă  l’aval du barrage, Ă  l’amont, en revanche, c’est le lac Nasser qui est sujet Ă  des inondations. MalgrĂ© son Ă©norme volume, ce lac ne peut absorber les crues les plus fortes du Nil ; en 1998 eut lieu l’inondation la plus grave depuis la construction du barrage, d’un point de vue de destruction de biens et du nombre de victimes. Une autre consĂ©quence nĂ©gative du haut barrage est liĂ©e aux dĂ©placements Ă©oliens de sable qui affectent les populations nubiennes transfĂ©rĂ©es de la vallĂ©e amont vers Gharb Assouan, en rive gauche, exposĂ©e au risque d’ensablement. Cet alĂ©a Ă©tait connu avant la construction mais a Ă©tĂ© nĂ©gligĂ©[51].

Une autre consĂ©quence, contraire aux prĂ©cĂ©dentes, est l'arrivĂ©e de nouvelles populations : en effet, la construction d'un barrage nĂ©cessite de la main d'Ɠuvre en grande quantitĂ©. Dans le cas de nombreux barrages, cette main d'Ɠuvre n'est pas disponible sur place et doit ĂȘtre engagĂ©e ailleurs. C'est ainsi que des milliers de travailleurs vinrent habiter Ă  proximitĂ© des barrages de Jirau et de Santo Antonio au BrĂ©sil. Une fois la construction du barrage achevĂ©e, cette importante masse de personne constitue un problĂšme social complexe, car il n'y a souvent pas assez d'emplois dans la zone concernĂ©e[72].

Notes et références

Notes

  1. Définis par la CIGB par une hauteur de plus de 15 mÚtres à partir de la fondation, et un réservoir de plus de trois millions de mÚtres cubes.
  2. Ils Ă©taient moins d'une centaine avant 1900.
  3. MĂ» par des vĂ©rins hydrauliques ou Ă©ventuellement par deux treuils Ă©tant donnĂ© que les efforts sur le clapet sont toujours dans le mĂȘme sens.
  4. Cette valeur H2.V1/2 a été introduite par André Goubet, ancien président du CTPB, dÚs 1995 pour un élargissement du classement de l'époque, dont le décret du était alors le dernier développement.
  5. EspĂšces choisies parce que considĂ©rĂ©es comme trĂšs invasives en AmĂ©rique du Nord et reprĂ©sentatives de quatre groupes d'organismes aquatiques (plante, crustacĂ©, poisson, mollusque) ; ce sont un myriophylle eurasiatique, la moule zĂ©brĂ©e, un crustacĂ© spiny water fleas (Bythotrephes longimanus (en)) qui est source d'une rĂ©duction de la diversitĂ© planctonique[53], l'Ă©perlan arc-en-ciel et une espĂšce introduite d'Ă©crevisse. Cette Ă©tude a portĂ© sur 4 200 lacs naturels et plus de 1 000 lacs de retenue (dans le Wisconsin et le Michigan)

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Annexes

Bibliographie

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Articles connexes

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