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Barrage Hoover

Le barrage Hoover (en anglais Hoover Dam et anciennement Boulder Dam) est un barrage poids-voĂ»te sur le fleuve Colorado aux États-Unis, près de Boulder City, Ă  la frontière entre l'Arizona (cĂ´tĂ© est de la voĂ»te) et le Nevada (cĂ´tĂ© ouest de la voĂ»te). Il fut construit entre 1931 et 1936, durant la Grande DĂ©pression, et fut inaugurĂ© le par le prĂ©sident Franklin Delano Roosevelt. Sa construction fut le rĂ©sultat d'un effort gigantesque impliquant des milliers d'ouvriers dans des conditions difficiles qui causèrent la mort de 112 d'entre eux. Sa construction a nĂ©cessitĂ© près de 7 millions de tonnes de bĂ©ton.

Barrage Hoover
GĂ©ographie
Pays
États
Comtés
Nom (en langue locale)
Hoover Dam
Coordonnées
36° 00′ 58″ N, 114° 44′ 15″ O
Cours d'eau
Objectifs et impacts
Vocation
Propriétaire
Opérateur
Conception
Harold Westergaard, John L. Savage
Date du début des travaux
1931
Date de mise en service
1er mars 1936
Barrage
Type
Hauteur
(lit de rivière)
221,4 m
Longueur
379 m
Épaisseur en crête
14 m
Épaisseur à la base
200 m
Volume du barrage
2,48 millions de mÂł
RĂ©servoir
Nom
Altitude
372 m
Volume
19,554 kmÂł
Superficie
640 km²
Longueur
180 km
Centrale(s) hydroélectrique(s)
Nombre de turbines
19
Type de turbines
Puissance installée
2 080 MW
Production annuelle
25,66 GWh ()
Facteur de charge
0 %
Irrigation
Surface irriguée
425 000 ha

Localisation sur la carte de Nevada
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Localisation sur la carte de l’Arizona
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Localisation sur la carte des États-Unis
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Dès le début du XXe siècle, le Black Canyon et le Boulder Canyon avaient été étudiés pour leur capacité à accueillir un barrage capable de réguler le débit du Colorado, de permettre l'irrigation et de fournir de l'électricité. En 1928, le Congrès des États-Unis approuva un tel projet. Le contrat pour la construction fut accordé à un consortium appelé Six Companies, Inc. (en) qui entama la construction au début de l'année 1931. Une si grande structure en béton n'avait jamais été construite jusqu'alors et certaines techniques étaient encore balbutiantes. Les étés torrides et le manque d'infrastructures à proximité du site furent un problème. Néanmoins, Six Companies, Inc. acheva la construction le , plus de deux ans avant la date prévue.

La mise en eau du barrage Hoover entraĂ®na la crĂ©ation du lac Mead. La ville de Boulder City, initialement construite pour hĂ©berger les ouvriers travaillant Ă  la construction, se trouve Ă  environ 40 km au sud-est de Las Vegas. Les centrales Ă©lectriques du barrage fournissent de l'Ă©nergie pour les installations du Nevada, de l'Arizona et de la Californie. Le barrage Hoover est un important site touristique et accueille près d'un million de touristes par an.

Contexte

Des ressources encore inexploitées

Comme les États-Unis développaient le Sud-Ouest, le fleuve Colorado était vu comme une potentielle source pour l'irrigation. Une première tentative pour détourner la rivière eut lieu à la fin des années 1890, lorsqu'un investisseur foncier, William Beatty, construisit le canal Alamo (en), immédiatement au nord de la frontière avec le Mexique ; le canal se prolongeait ensuite au Mexique avant de se diriger dans une zone désolée que Beatty appela l'Imperial Valley[1]. Bien que l'eau du canal ait permis le rapide développement de la vallée, le canal se révéla coûteux à entretenir. Après une crue catastrophique du Colorado qui entraîna la création de la Salton Sea[2], la Southern Pacific Transportation Company dépensa 3 millions de dollars entre 1906 et 1907 pour stabiliser la voie d'eau, mais cette dépense ne fut pas remboursée par le gouvernement fédéral. Même après la stabilisation, les disputes constantes avec les propriétaires terriens au Mexique rendaient l'utilisation du canal difficile[3].

Le futur emplacement du barrage Hoover, vers 1904.

Avec l'amĂ©lioration des technologies de transport de l'Ă©lectricitĂ©, le potentiel hydroĂ©lectrique du Bas-Colorado commença Ă  devenir intĂ©ressant. En 1902, la Southern California Edison sonda la rivière dans l'espoir de pouvoir y construire un barrage en roche de 12 m capable de gĂ©nĂ©rer 7 500 kW. Cependant, les technologies de l'Ă©poque ne permettaient pas de transporter l'Ă©lectricitĂ© au-delĂ  de 130 km et il y avait peu de clients potentiels, principalement des mines, dans cette limite. NĂ©anmoins, Edison autorisa l'achat de terrains aux meilleurs emplacements, dont celui du futur barrage Hoover[4].

Dans les annĂ©es qui suivirent, le Bureau of Reclamation, connu sous le nom de Reclamation Service (en français, SociĂ©tĂ© de mise en valeur) Ă  cette Ă©poque, Ă©tudiait lui aussi les possibilitĂ©s de construction sur le Bas-Colorado. Son directeur, Arthur Powell Davis, proposa de faire sauter les parois du Boulder Canyon, Ă  35 km au nord du futur site du barrage, Ă  l'aide de dynamite[5] - [6]. Les dĂ©bris auraient ensuite Ă©tĂ© charriĂ©s par le courant et un barrage aurait pu ĂŞtre construit avec ces gravats. En 1922, après plusieurs annĂ©es d'Ă©tudes, le Reclamation Service rejeta le concept, exprimant des doutes sur le procĂ©dĂ© utilisĂ© et sur le fait qu'il permettrait de rĂ©aliser des Ă©conomies[5].

Planification et accords

En 1922, le Reclamation Service lança un appel d'offres pour la construction d'un barrage sur le Colorado permettant un contrôle des crues et la production hydroélectrique. Le rapport avait été rédigé par Davis et fut par la suite appelé contrat Fall-Davis, d'après le nom du Secrétaire à l'Intérieur Albert Bacon Fall. Selon ce texte, la mise en valeur du Colorado était un problème fédéral, car le bassin du fleuve couvrait plusieurs États et le fleuve se prolongeait jusqu'au Mexique[7]. Même si le rapport Fall-Davis prévoyait un barrage « sur ou à proximité du Boulder Canyon », le Reclamation Service (qui fut renommé Bureau of Reclamation l'année suivante) considérait que le canyon ne pouvait pas accueillir un barrage[8]. Un des sites potentiels du Boulder Canyon était coupé en deux par une faille et deux autres étaient si étroits qu'il n'y avait pas assez de place pour construire un camp de construction à la base du canyon[8] ou un déversoir. Le Service étudia le Black Canyon et trouva le site idéal : une voie de chemin de fer pouvait être construite depuis le nœud ferroviaire de Las Vegas jusqu'au site du barrage[9]. Malgré ce changement de site, le projet de barrage fut nommé Boulder Canyon Project[10].

Concernant la question de la répartition de l'eau, les partisans du barrage craignaient des débats interminables. Un avocat du Colorado proposa que les sept États du bassin du Colorado (Californie, Nevada, Arizona, Utah, Nouveau Mexique, Colorado et Wyoming) forment un Interstate compact (accord entre États permettant de coordonner les actions publiques). Un tel accord était autorisé par l'Article Ier de la Constitution des États-Unis, mais n'avait jamais été conclu entre plus de deux États. En 1922, les représentants de sept États rencontrèrent le Secrétaire du Commerce Herbert Hoover[11]. Les discussions s'enlisèrent jusqu'à ce que la décision Wyoming v. Colorado de la Cour suprême des États-Unis ne sape les revendications des États en amont du barrage. L'accord Colorado River Compact entre les sept États prévoyant la répartition de l'eau entre les États fut signé le 24 novembre 1922[12].

Les sénateurs californiens Phil Swing (en) et Hiram Johnson firent pression pour que le projet soit approuvé, mais les représentants d'autres États considéraient ce barrage comme excessivement cher et bénéficiant à la seule Californie. La crue du Mississippi de 1927 rendit les représentants du Midwest et du Sud plus favorables au projet. Le 13 mars 1928, le barrage de St. Francis près de Los Angeles s'effondra lors de sa mise en eau, causant une inondation qui tua plusieurs centaines de personnes. Comme il s'agissait d'un barrage voûte-poids, le type proposé pour le barrage du Black Canyon, les opposants au barrage s'inquiétaient pour la sécurité des riverains du Colorado. Le Congrès chargea une équipe d'ingénieurs de réétudier les plans du futur barrage. Celle-ci annonça que le projet était réalisable, mais avertissait qu'en cas de défaillance du barrage, chaque localité située en aval de l'ouvrage d'art serait détruite et que le fleuve pourrait changer de direction pour inonder la Salton Sea. L'équipe annonça que « pour éviter une telle possibilité, le futur barrage devrait être construit sur des bases conservatrices, voire ultra-conservatrices »[13].

Le 21 décembre 1928, le président Calvin Coolidge signa un décret autorisant la construction de l'édifice[14]. Le Boulder Canyon Project accordait 165 millions de dollars pour le Hoover dam, l'Imperial Dam et le All-American Canal, un canal destiné à remplacer le canal de Beatty et situé entièrement sur le territoire américain[15]. Ce décret permettait également au projet d'être mis en place lorsque six des sept États de l'Interstate Compact l'auraient approuvé. Cela fut fait avec la ratification de l'Utah, le 6 mars 1929 ; l'Arizona ne l'approuva qu'en 1944[16].

Conception et appel d'offres

Plan du Hoover Dam.

MĂŞme avant que le Congrès n'ait approuvĂ© le Boulder Canyon Project, le Bureau of Reclamation Ă©tudiait le type de barrage Ă  rĂ©aliser. Les ingĂ©nieurs choisirent finalement un barrage massif de type voĂ»te-poids imaginĂ© par l'ingĂ©nieur en chef John L. Savage (en). Ce barrage monolithique a Ă©tĂ© conçu avec une base large (200 m) et un sommet fin (14 m) prĂ©sentant une surface convexe face Ă  l'eau derrière lui. La courbe du barrage permettant ainsi de transmettre le poids de l'eau vers les bords du barrage, ici les parois du canyon. Il Ă©tait prĂ©vu de construire une autoroute reliant le Nevada Ă  l'Arizona sur le sommet du barrage[17]. Le Bureau livra les plans le 10 janvier 1931. Le barrage Ă©tait dĂ©crit en dĂ©tail Ă  travers 100 pages de texte et 76 dessins. Une caution de 2 millions de dollars devait accompagner chaque enchère, le vainqueur devant ajouter 5 millions et achever le barrage en sept ans sous peine de pĂ©nalitĂ©s de retard[18].

L'Utah Construction Company (en) se dĂ©clara intĂ©ressĂ© par le projet mais ne disposait pas de suffisamment d'argent pour payer la caution. MĂŞme en s'alliant avec ses associĂ©s de longue date, Washington Group International (en) qui employaient Frank Crowe, une rĂ©fĂ©rence dans la construction de barrages, les fonds Ă©taient insuffisants. Ils formèrent alors une coentreprise avec la Pacific Bridge Company de Portland dans l'Oregon, la Bechtel Corporation d'Henry John Kaiser basĂ©e Ă  San Francisco en Californie, la MacDonald & Kahn Ltd. de Los Angeles et la J.F. Shea Company de Portland dans l'Oregon[19]. L'association fut alors appelĂ©e Six Companies, Inc. (en) Il y eut trois offres pour la construction, et l'apport de Six Companies Inc. de 48 890 955 $ Ă©tait le plus faible[20]. La ville de Las Vegas avait fait pression pour ĂŞtre le quartier gĂ©nĂ©ral de la construction du barrage, fermant les speakeasies (bars clandestins) lors de la visite du secrĂ©taire Ă  l'IntĂ©rieur Ray Lyman Wilbur. Cependant, Wilbur annonça au dĂ©but de 1930 qu'une ville modèle serait construite dans le dĂ©sert près du site du barrage, Boulder City. La construction de la voie ferrĂ©e entre Las Vegas et le site du barrage commença en septembre 1930[21].

Construction

Main-d'Ĺ“uvre

Peu après l'autorisation du projet, de nombreux chĂ´meurs convergèrent vers le sud du Nevada. Las Vegas, alors une ville de 5 000 habitants, vit arriver entre 10 000 et 20 000 chĂ´meurs[22]. Un camp gouvernemental avait Ă©tĂ© Ă©tabli près du barrage pour les ingĂ©nieurs et les autres cadres, mais il fut rapidement entourĂ© par un camp informel d'ouvriers. Connu sous le nom de McKeeversville, le camp servait d'abri pour les hommes cherchant du travail sur le chantier et leurs familles[23]. Un autre camp Ă©tabli sur les berges du Colorado fut officiellement nommĂ© Williamsville, mais ses habitants l'appelaient Ragtown (ville en loques)[24]. Une fois la construction commencĂ©e, Six Companies, Inc. engagea un grand nombre d'ouvriers, 3 000 sur la liste du personnel en 1932[25] et jusqu'Ă  5 251 en juillet 1934[26]. Une clause du contrat interdisait l'emploi de Chinois sur le chantier[26], et le nombre d'Afro-AmĂ©ricains employĂ©s par Six Companies, Inc. n'a jamais excĂ©dĂ© la trentaine, souvent mal payĂ©s et victimes de sĂ©grĂ©gation[27].

Le chef de travaux Frank Crowe (à droite) avec l'ingénieur du Bureau of Reclamation Walter Young en 1935.

D'après le contrat, Six Companies, Inc. devait construire la ville de Boulder City pour y loger ses ouvriers. Le calendrier initial prĂ©voyait que Boulder City serait Ă©difiĂ©e avant que le chantier du barrage ne commence, mais le prĂ©sident Hoover imposa que la construction du barrage dĂ©marre dès mars 1931 au lieu d'octobre[28]. La compagnie construisit des dortoirs dans le canyon pour loger 480 ouvriers dans ce qui fut connu sous le nom de « River Camp ». Le logement des ouvriers avec familles ne fut pas pris en charge avant la construction de Boulder City[29] et beaucoup d'entre eux s'implantèrent Ă  Ragtown[30]. Le site du barrage est situĂ© dans une zone très aride, mais l'Ă©tĂ© 1931 fut particulièrement torride avec des tempĂ©ratures moyennes en journĂ©e atteignant jusqu'Ă  48,8 °C[31]. Seize ouvriers moururent d'hyperthermie entre le 25 juin et le 26 juillet[32].

Le syndicat IWW, bien qu'ayant perdu une part de sa puissance du début du siècle, espéra syndiquer les ouvriers de Six Companies, Inc. en jouant sur leur mécontentement. Il envoya onze représentants[33], dont plusieurs furent arrêtés par la police de Las Vegas[34]. Le 7 août, la compagnie réduisit les salaires des ouvriers travaillant dans les tunnels. Bien que ceux-ci aient renvoyé les représentants de l'IWW, ils avaient formé un comité pour les représenter auprès de la direction. Ce comité réalisa une liste de demandes concernant les conditions de travail et les présenta à Crowe. Au matin du 9 août, Crowe leur signifia que les demandes avaient été rejetées et que tous les ouvriers des tunnels étaient licenciés. Les personnels avaient jusqu'à 17 h pour quitter les lieux. Inquiets d'une possible confrontation violente, la plupart des ouvriers prirent leur paye et partirent pour Las Vegas pour y attendre la résolution du conflit[35]. Deux jours plus tard, la police ordonna aux ouvriers de quitter les lieux. Cependant, le 13 août, la compagnie commença à réembaucher les ouvriers licenciés et la grève s'arrêta progressivement[36]. Aucune des demandes ne fut acceptée, mais la compagnie offrit la garantie qu'aucune autre réduction de salaire n'aurait lieu. Les conditions de vie s'améliorèrent progressivement avec le déplacement des ouvriers vers Boulder City à la fin de l'année 1931[37].

Une seconde grève eut lieu en juillet 1935, lorsqu'un responsable modifia les temps de travail pour forcer les ouvriers à prendre leur repas sur leur temps de pause. Lorsque Crowe annula la modification, les ouvriers firent de nouvelles demandes dont une hausse de $ du salaire journalier. La compagnie accepta de demander une aide auprès du gouvernement fédéral, mais aucun fonds n'était disponible et la grève s'arrêta[38].

DĂ©viation du fleuve

Schéma des systèmes internes du barrage dont les tunnels de déviation.

Avant de commencer la construction du barrage, il fallait dĂ©vier le Colorado Ă  l'Ă©cart du site de construction. Pour cela, quatre tunnels de dĂ©viation furent creusĂ©s Ă  travers les parois du canyon : deux du cĂ´tĂ© du Nevada et deux du cĂ´tĂ© de l'Arizona. Ceux-ci mesuraient 17 m (56 pieds) de diamètre et leur longueur combinĂ©e atteignait km[39]. Le contrat spĂ©cifiait que ces tunnels devaient ĂŞtre rĂ©alisĂ©s avant le 1er octobre 1933, avec des pĂ©nalitĂ©s de 3 000 $ par jour de retard. Pour satisfaire cette exigence, Six Companies, Inc. devait creuser ces tunnels au dĂ©but de l'annĂ©e 1933, alors que le niveau de l'eau Ă©tait suffisamment bas pour permettre un percement en sĂ©curitĂ©[40].

Les travaux commencèrent en mai 1931 du cĂ´tĂ© du Nevada et, peu après, du cĂ´tĂ© de l'Arizona. En mars 1932, l'intĂ©rieur des tunnels fut recouvert de bĂ©ton. La base des tunnels fut recouverte Ă  l'aide d'un pont roulant progressant sur des rails. Des canons pneumatiques furent ensuite utilisĂ©s pour les flancs et le sommet des tunnels. La couche de bĂ©ton mesurait 91,4 cm d'Ă©paisseur (3 pieds), ce qui rĂ©duisit le diamètre du tunnel aux 50 pieds (15,2 m) prĂ©vus sur les plans dès 1922 [39]. La rivière fut dĂ©viĂ©e dans les deux tunnels de l'Arizona (les tunnels du Nevada Ă©taient gardĂ©s en rĂ©serve en cas de crue) le 13 novembre 1932. Cette dĂ©viation fut rĂ©alisĂ©e en faisant exploser un batardeau protĂ©geant les tunnels de l'Arizona tout en prĂ©cipitant les dĂ©bris dans le cours d'eau naturel du Colorado[41].

Après la mise en service du barrage, les entrées et le centre des deux tunnels de dérivation extérieurs furent scellées avec d'énormes blocs de béton. La moitié en aval des tunnels à la suite des blocs de béton sont maintenant les deux tunnels principaux du déversoir[39].

Fondations

Pour protĂ©ger le site de construction de la rivière Colorado et pour faciliter la dĂ©rivation de la rivière, deux batardeaux furent construits. Les travaux sur le batardeau supĂ©rieur commencèrent en septembre 1932, mĂŞme si la rivière n'avait pas encore Ă©tĂ© dĂ©viĂ©e[42]. Ces Ă©lĂ©ments furent conçus pour protĂ©ger le site oĂą travaillaient 2 000 ouvriers d'un risque d'inondation et leur conception Ă©tait au moins aussi prĂ©cise que celle du barrage. Le batardeau supĂ©rieur mesurait 29 m de haut et 230 m Ă  sa base (30 mètres de plus que la barrage lui-mĂŞme Ă  sa base) et reprĂ©sentait un volume de 500 000 m3 de matĂ©riaux[43].

Réception d'un chargement de béton sur le barrage, le 27 septembre 1933.

Une fois les batardeaux construits et le site de construction assĂ©chĂ©, les travaux d'excavation commencèrent. Pour faire reposer le barrage sur de la roche solide, il Ă©tait nĂ©cessaire de retirer les sĂ©diments et les autres matĂ©riaux rocailleux du lit de la rivière jusqu'au soubassement rocheux. Les travaux sur les fondations furent terminĂ©s en juin 1933. Au cours de cette excavation, approximativement 1 150 000 m3 de gravats furent retirĂ©s. Le barrage Ă©tant de type voĂ»te-poids, les parois du canyon devaient supporter la pression de l'eau sur le barrage. Par consĂ©quent, les parois furent creusĂ©es pour retirer la roche Ă©rodĂ©e qui pourrait laisser passer l'eau[42].

Les ouvriers devant retirer ces roches furent surnommés high-scalers. Tout en étant suspendus depuis le sommet du canyon avec des cordes, les high-scalers creusaient la roche avec des marteaux-piqueurs et de la dynamite. Les chutes d'objets ou de gravats étaient les causes principales d'accidents mortels sur les sites de barrages. Le travail des high-scalers permit de protéger la vie des travailleurs[44]. L'un d'entre eux fut même capable de sauver une vie d'une manière directe : alors qu'un inspecteur gouvernemental avait perdu sa prise sur une ligne de vie, il fut rattrapé par un high-scaler qui put lui éviter une mort certaine. Le site de construction était donc devenu une attraction pour les touristes et les ouvriers n'hésitaient pas à se mettre en scène. Ces ouvriers reçurent une forte exposition médiatique et l'un d'entre eux fut surnommé le pendule humain lorsqu'il se balançait avec ses collègues (et parfois avec des caisses de dynamite) en travers du canyon[45]. Pour se protéger des chutes d'objets, certains high-scalers portaient des casques faits en vêtements trempés dans du bitume pour les durcir. Lorsque les ouvriers portaient de telles coiffes, les chocs pouvaient casser une mâchoire, mais ne causaient pas de traumatismes crâniens. Par la suite, Six Companies, Inc. commanda des milliers de casques et recommanda leur utilisation[46].

Le lit rocheux fut renforcĂ© avec du coulis de maçonnerie. Des trous d'une longueur de 46 m (150 pieds) furent percĂ©s dans les flancs Ă  la base du canyon et toutes les cavitĂ©s rencontrĂ©es furent remplies de coulis. Cela permettait de stabiliser la roche, d'empĂŞcher d'Ă©ventuelles infiltrations sous le barrage et de limiter le gonflement de la roche dĂ» aux infiltrations d'eau. Les ouvriers Ă©taient soumis Ă  de fortes contraintes de temps, car la construction du barrage ne pouvait pas commencer avant la fin de leur travail. Lorsque des sources chaudes ou des cavitĂ©s trop importantes pour ĂŞtre comblĂ©es Ă©taient dĂ©couvertes, les ouvriers passaient aux cavitĂ©s suivantes sans rĂ©soudre le problème. 58 des 393 forages furent incomplètement remplis[47]. Après la construction du barrage, le lac de retenue commença Ă  se former, ce qui entraĂ®na l'apparition de nombreuses fuites dans le barrage. Le Bureau fut saisi et mena une enquĂŞte qui dĂ©montra que la mauvaise connaissance de la gĂ©ologie du canyon avait entraĂ®nĂ© une mauvaise rĂ©alisation des travaux. De nouveaux forages furent rĂ©alisĂ©s dans le sol rocheux sous le barrage Ă  partir des galeries d'inspection[48]. Il fallut neuf ans de travaux (1938-1947) relativement secrets pour terminer la consolidation optimale des fondations de l'ouvrage avec du coulis[49].

BĂ©ton

Le barrage en février 1934. On remarque les différentes sections qui s'élèvent indépendamment les unes des autres.

La première coulĂ©e de bĂ©ton eut lieu le 6 juin 1933, 18 mois en avance par rapport au calendrier initial[50]. Comme le bĂ©ton chauffe et se contracte lors de sa prise, le risque de refroidissement irrĂ©gulier posait un sĂ©rieux problème. Les ingĂ©nieurs du Bureau of Reclamation calculèrent que, si le barrage Ă©tait construit en une seule fois, il faudrait 125 ans pour que tout le bĂ©ton se solidifie et les contraintes entraĂ®neraient la dĂ©sintĂ©gration de l'ouvrage. Pour Ă©viter une telle catastrophe, les fondations du barrage furent divisĂ©es en sections rectangulaires oĂą le bĂ©ton Ă©tait versĂ© parfois par coulĂ©es de 25 m3[51]. Tous les 1,50 m, on installait une sĂ©rie de tubes en acier de 25 mm de diamètre oĂą circulait l'eau fraĂ®che de la rivière, puis de l'eau refroidie par une usine de rĂ©frigĂ©ration. Une fois que les sections avaient pris et cessĂ© de se contracter, les canalisations Ă©taient remplies de coulis. Le coulis Ă©tait Ă©galement utilisĂ© pour combler les espaces entre les sections de bĂ©ton, lesquelles Ă©taient rainurĂ©es pour accroĂ®tre la rĂ©sistance des jonctions[52].

Le bĂ©ton Ă©tait livrĂ© dans d'Ă©normes seaux de 2,3 m de hauteur et de diamètre, pour lesquels Crowe avait dĂ©posĂ© deux brevets pour leur conception. La production de bĂ©ton s'effectuait dans deux usines du cĂ´tĂ© du Nevada et les seaux qui pesaient 18 t une fois remplis Ă©taient acheminĂ©s sur le site dans des wagons spĂ©ciaux. Un système de câbles permettait d'amener les seaux Ă  l'endroit voulu. Comme le taux de granulats variait suivant l'emplacement sur le barrage (depuis du gravier jusqu'Ă  des blocs de 230 mm), il Ă©tait indispensable de positionner les seaux au-dessus de la bonne section. Une fois que les 6,1 m3 de bĂ©ton Ă©taient coulĂ©s, une Ă©quipe d'ouvriers le rĂ©partissait. Il existe des lĂ©gendes urbaines selon lesquelles des ouvriers ont Ă©tĂ© pris dans la coulĂ©e et sont toujours enterrĂ©s dans le barrage. NĂ©anmoins, chaque coulĂ©e n'augmentait le niveau que de quelques centimètres et les ingĂ©nieurs n'auraient jamais tolĂ©rĂ© une faiblesse dans la structure liĂ©e Ă  la prĂ©sence d'un corps humain[53].

Un total de 2 480 000 m3 de bĂ©ton furent utilisĂ©s dans la construction du barrage, jusqu'Ă  la dernière coulĂ©e, en mai 1935. De plus, 850 000 m3 ont Ă©tĂ© nĂ©cessaires Ă  la construction des centrales Ă©lectriques et des autres ouvrages. Plus de 937 km de tuyaux furent posĂ©s dans le bĂ©ton. Tout compris, le volume de bĂ©ton utilisĂ© pour le projet permettrait de rĂ©aliser une autoroute Ă  deux voies de San Francisco Ă  New York[54]. Des Ă©chantillons du cĹ“ur du barrage furent retirĂ©s et testĂ©s en 1995 : ils montrèrent que le « bĂ©ton du Hoover Dam a continuĂ© Ă  lentement gagner en rĂ©sistance » et que le barrage Ă©tait constituĂ© d'un « bĂ©ton durable dont la rĂ©sistance en compression dĂ©passe la valeur communĂ©ment obtenue dans une masse de bĂ©ton »[55]. Le bĂ©ton du Hoover Dam n'est pas sujet Ă  la rĂ©action sulfatique interne liĂ©e Ă  une rĂ©action chimique entre ses diffĂ©rents composants qui a fragilisĂ© le bĂ©ton d'autres barrages[55].

Inauguration

La face amont du barrage en mai 1935. La prise de l'eau destinée aux turbines sera faite dans les quatre tours.

L'essentiel des travaux sur le barrage proprement dit Ă©tant terminĂ©s (la centrale Ă©lectrique n'Ă©tant pas encore achevĂ©e), une cĂ©rĂ©monie officielle fut rĂ©alisĂ©e le 30 septembre 1935 pour coĂŻncider avec une visite du prĂ©sident Franklin D. Roosevelt dans l'Ouest du pays. Le matin mĂŞme, la cĂ©rĂ©monie fut avancĂ©e de 14 h 00, heure des Rocheuses, Ă  11 h 00, car le SecrĂ©taire Ă  l'IntĂ©rieur Harold L. Ickes avait rĂ©servĂ© un crĂ©neau radio pour le prĂ©sident pour 14 h 00 ; mais les officiels ne rĂ©alisèrent que le jour de la cĂ©rĂ©monie que le crĂ©neau Ă©tait Ă  14 h 00, heure de la cĂ´te est[56]. MalgrĂ© ce changement de dernière minute et la tempĂ©rature de 39 °C, 10 000 personnes assistèrent au discours du prĂ©sident, dans lequel il Ă©vita de prononcer le nom de son prĂ©dĂ©cesseur, Herbert Hoover[57] qui n'Ă©tait d'ailleurs pas invitĂ© Ă  la cĂ©rĂ©monie[58]. Pour commĂ©morer l'Ă©vĂ©nement, le DĂ©partement des Postes des États-Unis Ă©mit un timbre de trois cents portant le nom de Boulder Dam, nom officiel du barrage de 1933 Ă  1947[59]. Après la cĂ©rĂ©monie, Roosevelt rĂ©alisa la première visite prĂ©sidentielle de la ville de Las Vegas[57].

La plus grande partie des travaux avait été réalisés pour la cérémonie et Six Companies, Inc. négocia avec le gouvernement jusqu'au début de l'année 1936 pour régler les derniers litiges et préparer le transfert officiel du barrage au Gouvernement fédéral. L'accord final fut signé le 1er mars 1936. Six Companies, Inc. fut dispensé d'achever les travaux sur un bloc de béton dans l'un des tunnels de dérivation, car ce dernier servait pour l'irrigation jusqu'à la mise en service de la centrale électrique[60].

Morts sur le chantier

Le mémorial d'Oskar Hansen portant l'inscription « Ils sont morts pour faire fleurir le désert »[61].

On compte 112 morts liés à la construction du barrage[62]. Ce chiffre inclut la mort de J. G. Tierney, un inspecteur qui se noya le 20 décembre 1921 en cherchant le meilleur emplacement pour construire le barrage. Il est généralement considéré comme le premier homme à mourir durant la construction de l'ouvrage. Son fils, Patrick W. Tierney, un aide-électricien, fut le dernier homme à mourir, 13 ans jour pour jour après son père en chutant d'une des tours de captation d'eau du côté du Colorado[62]. Sur les 112 victimes, 91 étaient employés de Six Companies, Inc., trois étaient membres du Bureau of Reclamation, l'un d'entre eux était un visiteur et les autres étaient employés par des sous-traitants de Six Companies, Inc. On déplora également trois suicides d'ouvriers (un en 1932 et deux en 1933)[63]

Les morts liées à des pneumonies n'ont pas été pris en compte. Les ouvriers ont avancé que ce diagnostic servait à masquer la mortalité liée aux intoxications au monoxyde de carbone produites par les équipements thermiques utilisés dans les tunnels de dérivation. Les proches de ces victimes ne percevaient aucune indemnisation de la part de Six Companies, Inc.[64] Ces tunnels dont la température pouvait atteindre les 60 °C étaient fréquemment remplis d'épaisses volutes de gaz d'échappement[65]. On recense 42 cas de pneumonie mortelle ; aucune d'entre elles ne fut listée comme étant liée à une intoxication. Dans le même temps, aucune mort liée à une pneumonie ne fut recensée lors de la construction de Boulder City[64].

Style architectural

L'un des motifs créés par Allen Tupper True.

Les plans initiaux pour la façade du barrage, la centrale électrique, les canalisations de sortie et les ornements contrastaient avec l'apparence moderne d'un barrage voûte. Le Bureau of Reclamation, plus soucieux de sa fonctionnalité, l'orna d'un balustre inspiré du style gothique et de statues d'aigles. Ce design initial fut critiqué, car trop simple et banal pour un projet d'une telle envergure. Un architecte de Los Angeles, Gordon Kaufmann (en), alors responsable de l'architecture au Bureau, fut chargé de redessiner les extérieurs[66]. Kaufmann donna une forme beaucoup plus carénée au design et choisit le style art déco pour l'ensemble du projet. Les tours sculptées d'entrée d'eau furent conçues pour s'élever sans heurts au-dessus du réservoir et une horloge affiche l'heure sur l'une des tours du Nevada et une autre sur une des tours du Colorado (les deux États ne sont pas sur le même fuseau horaire, mais comme le Colorado n'applique pas l'heure d'hiver et l'heure d'été, les deux horloges indiquent la même heure la moitié de l'année).

À la demande de Kaufmann, l'artiste de Denver Allen Tupper True (en)[66] fut chargé de concevoir le design et la décoration des murs et des sols du nouveau barrage. Ce dernier incorpora des motifs des tribus Navajos et Pueblos vivant dans la région[67]. Malgré une opposition initiale, True, assisté du National Laboratory of Anthropology, rechercha des motifs décoratifs dans les peintures, les textiles, les panières et les céramiques amérindiennes[68]. Les images et les couleurs sont basées sur les visions amérindiennes de la pluie, des éclairs, de l'eau, des nuages et des animaux locaux comme les lézards, les serpents, les oiseaux et sur les paysages du Sud-Ouest des États-Unis[67]. Dans ces travaux qui sont placés dans les allées et les halls intérieurs du barrage, l'intégration de la machinerie permet également de rendre ces symboles à la fois anciens et modernes[69].

L'une des statues en bronze réalisées par Hansen.

Avec l'accord de Kaufmann et des ingénieurs, True mit en place un système innovant de couleurs pour les canalisations et les machines qui furent utilisées dans tous les projets du Bureau[70]. Le travail de conseiller artistique de True continua jusqu'en 1942 et il participa au design des barrages Parker, Shasta et Grand Coulee.

En complĂ©ment des travaux de Kaufmann et de True, le sculpteur norvĂ©gien naturalisĂ© amĂ©ricain Oskar J. W. Hansen (en) dessina de nombreuses sculptures sur et autour du barrage. Son travail inclut le monument situĂ© sur la place du DĂ©vouement, une plaque rappelant les morts liĂ©es Ă  la construction et des bas-reliefs sur les tours. Selon ses propres mots, Hansen voulait que son travail exprime « le calme immuable de la rĂ©solution intellectuelle et l'Ă©norme pouvoir de la force physique trĂ´nant paisiblement en parts Ă©gales sur le triomphe de l'accomplissement scientifique », car « l'ouvrage du Hoover Dam appartient Ă  l'Ă©popĂ©e des audacieux »[61]. La place du DĂ©vouement de Hansen, sur le contrefort du Nevada, contient deux sculptures d'une figure ailĂ©e flanquĂ©e d'un drapeau. Sur la terrasse Ă  la base du monument, on trouve une carte astronomique qui reprĂ©sente le ciel de l'hĂ©misphère nord tel qu'il Ă©tait lors du discours inaugural du prĂ©sident Roosevelt. Celle-ci est conçue pour permettre Ă  de futurs astronomes de calculer, si nĂ©cessaire, la date de l'inauguration[61] - [71]. Les statues en bronze de 3 mètres de haut, surnommĂ©es Symboles ailĂ©s de la RĂ©publique, ont Ă©tĂ© crĂ©Ă©es Ă  partir de la mĂŞme coulĂ©e. Pour positionner de tels Ă©lĂ©ments en bronze sans abĂ®mer leur surface dĂ©licatement polie, les statues furent placĂ©es sur des blocs de glace avant d'ĂŞtre mises en place lors de leur fonte[72]. Le bas-relief de Hansen sur l'ascenseur du Nevada reprĂ©sente les bĂ©nĂ©fices du barrage : le contrĂ´le des crues, la navigation, l'irrigation, le stockage de l'eau et la production d'Ă©nergie. Sur celui de l'Arizona, il a reprĂ©sentĂ© selon ses propres mots « les visages de ces tribus indiennes qui ont habitĂ© ces montagnes et ces plaines depuis des temps immĂ©moriaux »[61].

Fonctionnement

Énergie et demande en eau

La centrale Ă©lectrique vue depuis le sommet du barrage.

Les excavations pour la centrale Ă©lectrique furent menĂ©es simultanĂ©ment Ă  celles des fondations du barrage. Une structure en forme de U fut crĂ©Ă©e au pied du barrage et l'excavation fut terminĂ©e Ă  la fin de l'annĂ©e 1933. Le remplissage du lac Mead commença en fĂ©vrier 1935 avant mĂŞme la fin de la pose du bĂ©ton qui s'acheva en mai[73]. La centrale Ă©tait l'un des Ă©lĂ©ments inachevĂ© au moment de l'inauguration le 30 septembre 1935 et une Ă©quipe de 500 ouvriers continua la construction des autres structures après la cĂ©rĂ©monie[74]. Pour rendre le toit de la centrale rĂ©sistant aux bombes, celui-ci est constituĂ© de plusieurs Ă©paisseurs de bĂ©ton, de roche et d'acier sur une Ă©paisseur de 1,1 mètre et d'autres couches de sable et de bitume[75].

Les générateurs côté Nevada.

Dans la seconde moitiĂ© de l'annĂ©e 1936, le niveau d'eau dans le lac Mead atteignit un niveau suffisant pour permettre la production d'Ă©nergie et les trois premiers gĂ©nĂ©rateurs Ă©lectriques, tous du cĂ´tĂ© du Nevada, commencèrent Ă  fonctionner. En mars 1937, un autre gĂ©nĂ©rateur fut installĂ© du cĂ´tĂ© du Nevada et le premier gĂ©nĂ©rateur en Arizona le fut en aoĂ»t. En septembre 1939, quatre autres turbines furent mises en place et le barrage devint la plus puissante installation hydroĂ©lectrique au monde. Le dernier gĂ©nĂ©rateur, installĂ© en 1961, porta la capacitĂ© totale Ă  1 345 MW[73] - [76]. Les plans initiaux prĂ©voyaient l'installation de 16 gĂ©nĂ©rateurs, huit de chaque cĂ´tĂ© de la rivière, mais deux petits gĂ©nĂ©rateurs furent implantĂ©s en remplacement d'un plus gros du cĂ´tĂ© de l'Arizona. Ces plus petits gĂ©nĂ©rateurs Ă©taient utilisĂ©s pour alimenter de petites municipalitĂ©s Ă  une Ă©poque oĂą la puissance de sortie de chaque turbine Ă©tait destinĂ©e Ă  une seule municipalitĂ©. Ă€ prĂ©sent, la puissance du barrage est placĂ©e sur le rĂ©seau et arbitrairement distribuĂ©e[77]. Le contrat actuel pour la vente de l'Ă©lectricitĂ© est en vigueur depuis le premier octobre 2017[78].

Avant que l'eau du lac Mead n'atteigne les turbines, elle entre dans les tours d'adduction et emprunte quatre conduites forcĂ©es qui acheminent l'eau jusqu'Ă  la centrale Ă©lectrique. Le dĂ©nivelĂ© maximal est de 180 m, ce qui amène l'eau Ă  une vitesse de 140 km/h. La totalitĂ© du Colorado passe Ă  travers les turbines Francis, car les dĂ©versoirs ou les vannes de secours sont rarement utilisĂ©s[77]. Les vannes de secours, situĂ©es dans des structures bĂ©tonnĂ©es de 55 m au-dessus du niveau de la rivière peuvent ĂŞtre utilisĂ©es pour dĂ©vier l'eau autour du barrage en cas d'urgence ou de crue, mais n'ont encore jamais Ă©tĂ© utilisĂ©es dans ces conditions. En pratique, elles servent Ă  collecter l'eau des conduites forcĂ©es pour la maintenance de celles-ci[79]. Ă€ la suite d'une modernisation dans les annĂ©es 1980-90, la puissance du barrage est portĂ©e de 1 335 Ă  2 080 MW, soit environ GW[80]. La production maximale annuelle d'Ă©nergie a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©e en 1984 avec 10 348 GWh (ou 10,3 TWh[n 1]) et la production minimale depuis 1940 eut lieu en 1956 avec 2 648 GWh[77] - [80]. NĂ©anmoins, la production moyenne est de 4 200 GWh par an sur la pĂ©riode 1947-2008[77].

Caractéristiques des turbines de l'ouvrage[80]
TypePuissance [MW]NombreCommentaires
Turbine Francis13013Puissance à la suite des rénovations effectuées entre 1986 et 1993.
1272
68,51
61,51
Turbine Pelton2,42Utilisées pour les besoins propres du barrage.
Total2 078,8 MW (19 turbines)

Le contrĂ´le de l'eau Ă©tait le principal argument pour la construction du barrage. La production d'Ă©nergie a permis au barrage de s'autofinancer : les recettes issues de la vente de l'Ă©lectricitĂ© remboursèrent le prĂŞt de 50 ans et financent les nombreuses dĂ©penses de maintenance du barrage. L'Ă©lectricitĂ© n'est gĂ©nĂ©rĂ©e qu'en relâchant de l'eau en rĂ©ponse Ă  des demandes en eau issues de l'aval. Le lac Mead et les largages en aval du barrage fournissent de l'eau pour l'irrigation et l'usage domestique de près de 8 millions de personnes en Arizona, au Nevada et en Californie. Une partie de l'eau termine dans le All-American Canal (en) et permet l'irrigation de plus de 400 000 ha de terres cultivables[78].

DĂ©versoirs

L'eau pénètre dans le déversoir de l'Arizona durant la crue de 1983.

Le barrage est protĂ©gĂ© contre le dĂ©bordement par deux dĂ©versoirs. Leurs entrĂ©es, situĂ©es derrière le barrage, sont constituĂ©es de quatre portes rotatives en acier de 30 m de long et 4,9 m de haut. Chacun de ces seuils pèse 2 300 t et peut ĂŞtre contrĂ´lĂ© manuellement ou automatiquement. Les portes sont levĂ©es ou abaissĂ©es suivant le niveau d'eau dans le rĂ©servoir et les risques de crues. Les portes ne peuvent pas empĂŞcher l'eau d'entrer dans les dĂ©versoirs, mais aident Ă  maintenir une hauteur supplĂ©mentaire de 4,9 m du niveau du rĂ©servoir[81].

Lorsque l'eau pĂ©nètre dans le dĂ©versoir, elle emprunte un tunnel de 180 m de long et 15 de large, qui rejoint les autres tunnels de dĂ©viation avant de se dĂ©verser la rivière, en aval du barrage. Cette entrĂ©e complexe du dĂ©versoir et la chute de 210 m jusqu'Ă  la rivière ont posĂ© de nombreux problèmes aux ingĂ©nieurs. La capacitĂ© de 5 700 m3/s fut expĂ©rimentalement vĂ©rifiĂ©e lors de tests en 1941[81].

Les tunnels des déversoirs n'ont été utilisés que deux fois : lors des tests de 1941 et des crues de 1983. À chaque fois, les inspections des tunnels révélèrent d'importants dégâts dans le revêtement de béton et sur la roche en dessous[82]. Les dégâts de 1941 furent attribués à un léger désalignement de la base du tunnel qui causa de la cavitation, un phénomène se produisant dans des liquides soumis à un rapide écoulement dans lesquels des bulles de gaz implosent de manière explosive. En réponse à cette découverte, les tunnels furent renforcés avec un béton à haute résistance et la surface du béton fut minutieusement polie[83]. Les déversoirs furent modifiés en 1947 pour essayer d'éliminer le risque de cavitation. Les dégâts de 1983, eux aussi liés à la cavitation, menèrent à l'installation d'aérateurs[82]. Des tests au barrage de Grand Coulee montrèrent que cette technique fonctionnait en théorie[83].

Tourisme

Vue du Hoover Dam Bypass avec le barrage au second plan.

Il existe deux voies destinĂ©es au trafic routier au sommet du barrage qui permettaient Ă  l'autoroute 93 de franchir le Colorado[84]. Ă€ la suite des attaques du 11 septembre 2001, les autoritĂ©s s'inquiĂ©tèrent du risque terroriste inhĂ©rent Ă  cette configuration et le projet du Hoover Dam Bypass fut lancĂ©. En attendant l'achèvement de ce pont, le trafic fut rĂ©duit sur le barrage. Certains types de vĂ©hicules, semi-remorques et bus, Ă©taient inspectĂ©s avant la traversĂ©e. Les camions de plus de 12 m n'Ă©taient pas autorisĂ©s Ă  franchir le barrage[85]. Les quatre voies du Mike O'Callaghan-Pat Tillman Memorial Bridge ouvrirent le 19 octobre 2010[86]. Son nom est une rĂ©fĂ©rence double Ă  un ancien gouverneur du Nevada et Ă  un joueur de football amĂ©ricain mort en Afghanistan après avoir rejoint l'armĂ©e et renoncĂ© Ă  une brillante carrière sportive. Construite 460 m en aval du barrage, son arche unique de 323 m en fait l'un des plus hauts ponts du monde, surplombant le Colorado Ă  une hauteur de 280 m. Avec l'ouverture du pont, le trafic sur le barrage a Ă©tĂ© interdit, mais les touristes peuvent utiliser la chaussĂ©e existante[87].

Le Hoover Dam fut ouvert aux voyages touristiques après son achèvement en 1937, mais, après l'entrĂ©e en guerre des États-Unis, les visites furent suspendues et les vĂ©hicules autorisĂ©s ne pouvaient franchir le barrage qu'en convoi. Sa rĂ©ouverture eut lieu avec la fin de la guerre, le 2 septembre 1945 et, en 1953, le nombre de visiteurs atteignait 448 081 personnes. Le barrage fut fermĂ© le 25 novembre 1963 et le 31 mars 1969, jours de deuil en souvenir des prĂ©sidents Kennedy et Eisenhower. En 1995, un nouveau centre pour les visiteurs fut inaugurĂ© et, l'annĂ©e suivante, le nombre de visiteurs dĂ©passa le million. Le barrage fut Ă  nouveau fermĂ© après le 11 septembre 2001 et les visites ne reprirent qu'en dĂ©cembre[88]. Aujourd'hui, près d'un million de visiteurs par an assistent aux visites organisĂ©es par le Bureau of Reclamation[89]. Cependant, l'accroissement des mesures de sĂ©curitĂ© interdit la visite de l'intĂ©rieur de l'ouvrage et les ornements de True ne sont donc plus visibles par le public[90].

Impact environnemental

Une vue en amont du barrage, en août 2010, montrant le faible niveau du réservoir.

Les changements hydrologiques induits par le barrage Hoover ont eu un fort impact sur le delta du Colorado. On incrimine sa construction comme la cause de l'appauvrissement de l'Ă©cosystème du delta[91]. Pendant six ans après la construction du barrage, alors que le lac Mead se remplissait, le Colorado Ă©tait Ă  sec avant d'atteindre son estuaire[92]. Le delta, qui Ă©tait une zone de contact entre l'eau douce du Colorado et l'eau salĂ©e de la mer de Cortez, s'Ă©tendant sur 64 km, connut une forte hausse de sa salinitĂ©[93].

Le Colorado était sujet à de nombreuses crues naturelles avant la construction du barrage. Ce dernier élimina ces inondations naturelles, ce qui mit en péril de nombreuses espèces animales et végétales dépendantes de ce cycle[94]. De même, les populations de poissons endémiques vivant en aval du barrage furent décimées[95]. Quatre d'entre elles sont placées sur la liste des espèces menacées[96] - [97]. De plus, la hausse de la consommation d'eau, ajoutée au changement climatique, fait craindre l'assèchement vers 2021 du lac Mead qui ne pourrait plus alimenter les turbines du barrage[98].

Controverse sur le nom

Durant les années de lobbyisme ayant mené au passage de la loi autorisant le barrage en 1928, ce dernier était généralement appelé par la presse Boulder Dam ou Boulder Canyon Dam, bien que le site proposé eût été déplacé vers le Black Canyon[10]. Le Boulder Canyon Act de 1928 (BCPA) ne fait jamais mention d'un quelconque nom ou titre pour le barrage. Le BCPA autorise simplement le gouvernement à « construire, opérer et maintenir un barrage et les installations secondaires sur le cours principal du Colorado au Black Canyon ou au Boulder Canyon »[99].

Lorsque le Secrétaire à l'Intérieur Wilbur présida la cérémonie, commençant la construction de la voie ferrée entre le site et Las Vegas le 17 septembre 1930, il nomma le barrage Hoover Dam, citant la tradition de nommer les barrages d'après les présidents, bien qu'aucun n'ait été honoré alors qu'il était encore en poste. Wilbur justifia son choix en déclarant que Hoover était « le grand ingénieur dont la vision et la persévérance… ont tant fait pour rendre [ce barrage] possible »[100]. Cependant, la désastreuse gestion du krach de 1929 et de la Grande Dépression qui s'ensuivit rendit le président Hoover très impopulaire.

Après la dure défaite de Hoover en 1932 et l'accession au pouvoir de l'administration Roosevelt, le secrétaire Ickes ordonna que le barrage soit mentionné sous le nom de Boulder Dam. Ickes déclara que Wilbur avait été imprudent en nommant l'ouvrage d'après un président en exercice avant que le Congrès n'ait ratifié son choix[100]. Lorsqu'il prit la parole à la cérémonie d'inauguration, le 30 septembre 1935, il était déterminé, comme le rapportent les journaux, à « essayer d'implanter une bonne fois pour toutes le nom de Boulder Dam »[59]. À un moment du discours, il parla de Boulder Dam à cinq reprises en moins de trente secondes[101]. De plus, il suggéra que si le barrage devait être nommé en hommage à une personne, cela devrait être en hommage au sénateur de Californie Hiram Johnson, fervent partisan du barrage[59]. Roosevelt faisait également référence au Boulder Dam[74].

Dans les années qui suivirent, le terme de Boulder Dam ne parvint pas à s'imposer. Le souvenir de la Grande Dépression tendit à s'effacer et Hoover obtint une certaine réhabilitation de par ses actions durant et après la Seconde Guerre mondiale. En 1947, une loi est approuvée et restaure le nom de Hoover Dam.

Une vue panoramique du barrage depuis l'Arizona montrant les tours d'entrée d'eau et l'entrée du déversoir du côté du Nevada.

Distribution de l'électricité

Touristes rassemblés autour de l'un des générateurs dans la partie située au Nevada de la centrale électrique, septembre 1940.
Un ouvrier se tient Ă  cĂ´tĂ© d'une conduite forcĂ©e de 10 m de diamètre avant sa jonction avec une autre conduite qui amène l'eau dans la turbine.

L'énergie produite par le barrage était initialement vendue selon un contrat de 50 ans qui s'est terminé en 1987. Après l'expiration du contrat, le Bureau of Reclamation reprit le contrôle de la centrale électrique au Los Angeles Department of Water and Power et à la Southern California Edison Co. Les contrats furent renégociés pour une période de 30 ans qui s'achèvera en 2017[88].

Le Bureau of Reclamation rapporte que l'énergie est distribuée comme indiqué ci-dessous[77] :

Notes et références

Notes

  1. TWh = 1 000 GWh = 1 million de MWh = 1 milliard (« billion » en amĂ©ricain) de kWh.

Références

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