Risque sismique
Le risque sismique désigne la combinaison entre l'aléa sismique, les biens et les populations qui y sont soumises, et leur vulnérabilité face à cet aléa. En fonction des situations géodynamiques, politiques, sociales et économiques, le risque sismique dans le monde est trÚs variable, selon les régions considérées. Dans les régions les plus exposées à l'aléa sismique, la réduction du risque passe notamment par l'information des populations et la construction de bùtiments aux normes parasismiques. Afin de définir le risque sismique, les sismologues doivent caractériser : l'aléa, par l'étude des paléo-séismes enregistrés dans les archives géologiques et/ou humaines ; les enjeux, qui désignent les populations et/ou les infrastructures soumises à l'aléa ; la vulnérabilité, qui dépend des caractéristiques géologiques de la région, de la préparation des populations et de la qualité des infrastructures.
Prévention
Ce qui intĂ©resse les spĂ©cialistes de la prĂ©vention sismique ou de prospective, ce sont les dĂ©gĂąts dans les bĂątiments et infrastructures pĂ©riphĂ©riques (routes, canaux, barrages, Ă©cluses, ports, aĂ©roports, centrales nuclĂ©aires, rĂ©seaux d'eau, Ă©lectrique, gazier, antennes et rĂ©seaux de tĂ©lĂ©communications...), ainsi que les pertes de fonctions (dans un hĂŽpital par exemple) que peuvent causer les sĂ©ismes. Il faut donc Ă©valuer dans chaque rĂ©gion les dĂ©gĂąts les plus importants qui peuvent ĂȘtre causĂ©s par un sĂ©isme. Ceci revient Ă dĂ©terminer l'intensitĂ© macrosismique maximale que l'on peut ressentir dans la rĂ©gion en question.
Les sismologues préfÚrent en fait étudier l'accélération du sol (dont le paramÚtre "accélération maximale du sol") qui est liée à l'intensité mais qui est une grandeur physique alors que l'intensité est une grandeur plus globale et subjective. Déterminer le risque sismique en un lieu est donc déterminer l'accélération maximale que le sol est susceptible de subir lors d'un tremblement de terre. Cette accélération est en général exprimée en fonction de l'accélération de la pesanteur qui vaut environ 9,8 m/s2.
On ne peut toutefois anticiper avec précision les mouvements du sol dus à de possibles futurs séismes avec les méthodes de prédictions disponibles. Les seuls éléments dont les sismologues disposent sont des données géologiques et des statistiques sur l'occurrence et la magnitude des séismes dans une région. Ils doivent donc raisonner en termes de probabilité : une évaluation de risque sismique revient à donner une accélération maximale que le sol peut subir et un pourcentage de "chance" pour que cette valeur soit atteinte au cours d'une période de référence. Par exemple, « il y a 5 % de « chance » que le sol subisse une accélération de 0,5 g (soit 5 m/s2 ou une intensité IX) dans les cinquante prochaines années mais il y a 40 % de "chance" pour qu'il subisse une accélération de 0,1 g (soit 1 m/s2 ou une intensité VI) avant 50 ans. » Ensuite, en fonction de ces valeurs, on classe la zone comme étant plus ou moins « à risques » et on trace des cartes plus globales de zonage sismique recensant le risque déterminé pour chaque zone.
La bonne prévention[1] s'appuie sur :
- une bonne évaluation de l'aléa sismique (qui implique par une bonne connaissance des séismes) ;
- une conception adéquate des constructions et ouvrages nouveaux ;
- un contrÎle efficace de la bonne exécution de ces ouvrages ;
- le confortement du bĂąti ancien lorsqu'il pose problĂšme ;
- des documents d'urbanisme qui Ă©vitent de trop grandes concentrations (de population et/ou industrielles) dans les zones Ă plus haut risque.
La prĂ©vention sert Ă se protĂ©ger soi-mĂȘme et ses proches.
Comment Ă©valuer un risque sismique ?
La chaßne de risque sismique R est la combinaison de l'aléa sismique[2] A en un point donné et la vulnérabilité[3] V des enjeux.
Les effets d'un tremblement de terre dépendent de plusieurs paramÚtres :
- la vulnérabilité du sol (ex : risque de liquéfaction, coulées de boues, glissement de terrain) ;
- la vulnérabilité des installations et infrastructures ;
- la fréquence et l'intensité du séisme ;
- la plus ou moins grande proximitĂ© et profondeur de l'Ă©picentre (le temps de donner l'alerte ou d'enclencher des dispositifs automatiques de sĂ©curitĂ© (tel que l'arrĂȘt de rĂ©acteurs nuclĂ©aires), la prĂ©paration des secours, etc. dĂ©pend du dĂ©lai entre l'annonce du sĂ©isme et de la manifestation de ses effets. Certains sĂ©ismes resteront brutaux et sans signes prĂ©curseurs certains) ;
- l'« effet de site » qui amplifie localement les secousses sismiques (couches superficielles meubles, discontinuités géologiques, bord de vallée, colline, vallée glaciaire)[4] ;
- une éventuelle aggravation des dégùts par la répétition de secousses (répliques sismiques) ;
- des évÚnements secondaires tels que éruption ou sans coulée de lave ou retombées de matériaux (blocs, cendres volcaniques), émissions de vapeurs ou fumées nocives, ou encore production d'un ou plusieurs tsunami(s) ;
- la conjonction et intrication de plusieurs catastrophes sur un mĂȘme lieu et au mĂȘme moment, dont Ă©ventuellement sĂ©isme + accident nuclĂ©aire. Cette situation est dite "Genpatsu-shinsai" au Japon. Cette expression accole les expressions Genpatsu (ćçș), abrĂ©viation du mot "centrale nuclĂ©aire" et shinsai (éçœ) "tremblement de terreĂ©"[5] - [6] - [7]. C'est une situation synergique de risque et danger, oĂč les consĂ©quences de deux situations (sismique et radiologiques) peuvent s'aggraver l'une l'autre, et fortement compliquer la gestion de crise et la rĂ©solution des problĂšmes. Cela a Ă©tĂ© le cas plusieurs fois au Japon, avec la plus grande gravitĂ© en mars 2011 lors de l'accident nuclĂ©aire de Fukushima.
Une premiÚre étape est l'évaluation de la vulnérabilité géologique de la zone considérée. Elle s'appuie sur :
- l'exploitation d'un réseau de sismomÚtres (à créer le cas échéant) dans la région à étudier.
Pour cela, des observations sur une trĂšs longue durĂ©e sont nĂ©cessaires, d'autant plus longue que la sismicitĂ© de la zone est modĂ©rĂ©e. Enregistrer l'activitĂ© sismique durant dix ans sans que rien se produise ne signifie pas qu'aucun sĂ©isme important ne se produira Ă plus long terme dans 600 ou 700 ans. L'Ă©tude des enregistrements sismiques (de tous les sĂ©ismes locaux et proches, mĂȘme minimes) permet de mieux Ă©valuer la sismicitĂ© de moyen et long terme, ainsi que la magnitude maximale possible, la rĂ©currence des sĂ©ismes, le risque de tsunami, etc. - des Ă©tudes gĂ©ologiques (Ă©tude des failles, situation par rapport Ă la tectoniques des plaques, etc.)
- des études historiques ; Les scientifiques et historiens travaillant en collaboration étroite peuvent retrouver la trace de séismes passés. C'est la sismologie « historique », qui n'est possible que dans des régions de peuplement ancien et de civilisation écrite. Ainsi on dispose en Chine de 2 700 années d'archives et en France on peut retrouver la trace de séismes jusqu'au XIe siÚcle, mais en Californie par exemple, il n'y a pas de trace historique de séisme plus ancien que 1800 environ, date du peuplement de la région. On peut alors faire appel à l'archéologie (archéosismologie) et en amont de la période historique à la paléosismologie.
- D'autres disciplines interviennent en complément :
- néotectonique[1] ;
- mesure des mouvements du sol (de modérés à forts), évalués via un réseau adéquat d'accéléromÚtre, afin de disposer d'un niveau absolu, et tant que possible de données sur les variations locales liées aux "effets de site"[1] ;
- Ă©tudes de "microzonage sismique" (au Japon, des Ă©tudes et cartes peuvent ainsi ĂȘtre faites Ă l'Ă©chelle d'un quartier)[1].
La seconde étape est celle de l'évaluation prospective : Quand on connaßt bien l'histoire sismologique récente et ancienne d'une région, on peut se faire une idée de la taille et l'occurrence des séismes destructeurs susceptibles de toucher la région mais aussi. Ceci permet, dans une certaine mesure, et de maniÚre couplée avec les observations actuelles, de déterminer le risque statistique d'occurrence d'un séisme à un endroit donné. On détermine ainsi l'"aléa sismique".
Une troisiÚme étape est celle de la préparation (renforcements ou reconstruction de bùtiments ou infrastructures vulnérables, application normes antisismiques) et de la gestion du risque (cindyniques, exercices et plans de secours, etc).
Cartes sismiques
Les cartes sismiques sont des documents portés à connaissance, qui visent donc à rendre cartographiquement visible le risque. Elles se basent sur les données géologiques et géotechniques disponibles, et sur l'analyse des évÚnements récents et de l'histoire sismique quand elle existe. Il en existe trois principaux types :
- carte de risque relatif. Les zonages y sont indiquées avec un numéro ou une lettre arbitraires en allant généralement de l'absence supposée de risque (ex : zone 0) à la zone de haut-risque (ex : zone 3) ;
- carte de probabilité du risque, décrivant l'incertitudes statistiques sous-jacente (comme pour un risque en assurance). La carte indique la probabilité qu'il y a de dépasser une intensité donnée dans un laps de temps fixé (en général 50 ou 100 ans) ;
- des cartes d'accélération des sols, utiles aux spécialistes, aux études prospectives et d'aménagement du territoire ou pour le choix des sites et des types de construction futures. Les ingénieurs peuvent déterminer les accélérations futures probables par interpolation directe sur la carte.
La rĂ©sistance sismique des structures et infrastructures bĂąties peuvent alors ĂȘtre renforcĂ©es en consĂ©quence, en fonction des zones de risque sismiques et de paramĂštres sismiques tels que les accĂ©lĂ©rations, comme l'imposent habituellement et thĂ©oriquement les codes de construction. Ces donnĂ©es peuvent ĂȘtre prises en compte dans la rĂ©habilitation des bĂątiments, quartiers, infrastructures, etc. pour renforcer certaines structures ou infrastructures ou les reconstruire aux normes sismiques.
Le cas du risque nucléaire associé
La prise en compte de l'alĂ©a sismique et du risque liĂ© aux tsunamis sera sans doute revue Ă la suite de l'accident nuclĂ©aire de Fukushima induit par le sĂ©isme de 2011 de la cĂŽte Pacifique du TĆhoku, mĂȘme au Japon oĂč des plans d'exposition au risque concernaient dĂ©jĂ les sites de production nuclĂ©aire[8].
L'accident japonais de associe les consĂ©quences d'un sĂ©isme Ă celles d'un accident nuclĂ©aire grave. Cette situation oĂč deux risques croisent leurs effets est depuis 2007 dite au Japon de type "Genpatsu-shinsai". Ce mot japonais associe les expressions Genpatsu (ćçș), abrĂ©viation du mot "centrale nuclĂ©aire" et shinsai (éçœ) "tremblement de terre"[5] - [6] - [7] pour mieux dĂ©crire une situation oĂč, en termes de risque et danger, les consĂ©quences de deux situations (sismique et radiologiques) s'aggravent l'une l'autre, en compliquant la gestion de crise et la rĂ©solution des problĂšmes.
Financements
En France, ils relĂšvent de l'Ătat et des collectivitĂ©s.
Aux Ătats-Unis, en Californie, une taxe spĂ©ciale finance le rĂ©seau public de mesure et prĂ©vention, y compris les salaires et l'Ă©quipement du personnel, via par une taxe de 0,014 % sur les constructions nouvelles (Ă la suite du sĂ©isme de San Fernando de 1971)[1].
En Europe
En Europe, les plaques tectoniques eurasienne et africaine sont en contact. Les pays les plus confrontés à ce danger sont la Turquie, la GrÚce, les pays de la péninsule des Balkans, l'Italie et la Roumanie[9].
Le programme Share a regroupé treize pays (Turquie, Algérie, et états européens). La France en fait partie. Ce programme dont le coût est d'environ 4,1 millions d'euros a été financé à hauteur de 80 % par l'Union européenne[9].
Ces études européennes cherchent à qualifier les risques sur les cinquante prochaines années avec une probabilité de 10 % [9].
Il existe également un programme planétaire, le Global Earthquake Model[9].
En France
Ce risque est suivi en métropole et territoires d'outre-mer par plusieurs organismes coordonnés par le Bureau de recherches géologiques et miniÚres (BRGM) :
- ĂlectricitĂ© de France (EDF) ;
- Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) (ancien Institut de Protection et de Sûreté Nucléaire (IPSN)) qui notamment analysent les anciens témoignages écrits sur les tremblements de terre.
Un site internet, Sisfrance.net, est consacré à l'information sur le risque sismique[10].
Depuis octobre 2010, la France dispose dâun nouveau zonage sismique divisant le territoire national en cinq zones de sismicitĂ© croissante en fonction de la probabilitĂ© dâoccurrence des sĂ©ismes[11]. Une nouvelle terminologie, plus simple, est entrĂ©e en vigueur le .
Ancienne terminologie | Nouvelle terminologie | Aléa sismique |
---|---|---|
Zone de sismicité 0 | Zone de sismicité 1 | trÚs faible |
Zone de sismicité Ia | Zone de sismicité 2 | faible |
Zone de sismicité Ib | Zone de sismicité 3 | modéré |
Zone de sismicité II | Zone de sismicité 4 | moyen |
Zone de sismicité III | Zone de sismicité 5 | fort |
En Italie
La classification sismique en Italie est la subdivision du territoire de la république italienne en zones spécifiques, caractérisées par un risque sismique commun.
Le territoire italien est actuellement divisĂ© en 174 districts sismiques, inclus ceux de la mer, zone sismique dĂ©finie par une dĂ©nomination spĂ©cifique utile pour localiser la zone oĂč se trouve l'Ă©picentre dâun tremblement de terre.
Notes et références
- Rapport (no 2721) : La France est-elle préparée à un tremblement de terre ? - Compte rendu de l'audition publique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de à l'assemblée nationale, du 7 juillet 2010, MM. Jean-Claude Etienne et Roland Courteau
- Probabilité qu'un séisme d'une certaine magnitude puisse affecter une région durant une période donnée.
- CapacitĂ© dâun enjeu (personnes, biens, activitĂ©s, moyens, etc.) Ă rĂ©sister Ă un alĂ©a donnĂ©.
- Pierino Lestuzzi, SĂ©ismes et construction. ĂlĂ©ments pour non-spĂ©cialistes, PPUR presses polytechniques, , p. 17-20
- (en) David Cyranoski, Quake shuts world's largest nuclear plant ; Nature 448, 392-393, 26 juillet 2007 (Résumé)
- (en) Genpatsu-shinsai: the language of disaster that is stalking Japan - The Times, 21 juillet 2007
- (en) The word for today....... - Blog Far East Cynic, 22 juillet 2007
- (en) Current State of the Development of Seismic PSA Methodology in JNES - Masaharu Sakagami, Japan Nuclear Energy Safety Organization, May 11, 2005 Workshop on Utilization of RIR [PDF]
- www.lemonde.fr/planete/article/2013/08/16/des-seismes-sans-precedent-historique-sont-possibles-en-europe_3462489_3244.html
- Sisfrance - Base de données sur la sismicité de la France
- Zonage sismique de la France - Le Plan SĂ©isme
- ArrĂȘtĂ© du 22 octobre 2010 relatif Ă la classification et aux rĂšgles de construction parasismique applicables aux bĂątiments de la classe dite « Ă risque normal » - LĂ©gifrance
- Nouvelle réglementation sismique : une course contre la montre pour le BTP () :
- Diagnose the impact of global earthquakes from direct and indirect eyewitnesses contributions
Bibliographie
- Observations sismologiques : Sismicité de la France entre 1971 et 1977 [PDF], Institut de physique du globe, Université Louis Pasteur de Strasbourg, 209 pages, Ed. Bureau central sismologique français, 1983
- Edmond Rothé (Pr à la Faculté des sciences de Strasbourg et ancien directeur de l'institut de physique du globe), Annuaire de l'institut de physique du globe, dont la seconde partie est consacrée aux données sismologiques de 1919. Cette publication se poursuit jusqu'en 1936, remplacée par les annales de l'institut de physique du globe.
- Christian LefĂšvre et Jean-Luc Schneider, Les risques naturels majeurs, Ăditions SGF, collection GĂ©osciences, 2002 (ISBN 2-8470-3020-4)
- DâAyala D., Spence R., Oliveira C., Pomonis A. (1997), Earthquake loss estimation forEuropeâs historic town centres. Earthquake spectra, vol. 13, No. 4, Nov 1997, pp 773-793