Paléosismologie
La palĂ©osismologie est l'Ă©tude des traces laissĂ©es dans les dĂ©pĂŽts gĂ©ologiques rĂ©cents par dâanciens forts sĂ©ismes[1]. Elle a pour objectif d'identifier et de caractĂ©riser ces sĂ©ismes et permet de complĂ©ter notre connaissance de la sismicitĂ© au-delĂ de la pĂ©riode "instrumentale" (dernier siĂšcle) et "historique" (au mieux le dernier millĂ©naire en France). Cette discipline contribue ainsi aux Ă©valuations dâalĂ©a sismique (voir Sismologie qui prennent en compte la frĂ©quence et la taille des tremblements de terre sur des pĂ©riodes de plusieurs dizaines de milliers dâannĂ©es. Ces sĂ©ismes anciens sont appelĂ©s palĂ©osĂ©ismes en complĂ©ment des sĂ©ismes historiques (connus par l'analyse des archives dĂ©crivant leurs effets) et des sĂ©ismes instrumentaux (enregistrĂ©s par les rĂ©seaux de stations sismologiques depuis environ un siĂšcle).
Ă la surface du globe, lâexpression des sĂ©ismes est double :
- le mouvement vibratoire du sol, dĂ» Ă la propagation des ondes sismiques gĂ©nĂ©rĂ©es par la rupture le long de la faille, qui provoque lâessentiel des dommages et victimes ;
- lâĂ©mergence de la rupture jusqu'en surface, si le sĂ©isme est suffisamment important, ce qui peut modifier notablement le paysage.
ĂlĂ©ments historiques
La palĂ©osismologie s'est dĂ©veloppĂ©e Ă la fin du XIXe siĂšcle dans les pays Ă forte sismicitĂ© et possĂ©dant des infrastructures scientifiques importantes, grĂące Ă des scientifiques qui commencent Ă comprendre la relation entre faille et sĂ©isme (Ă©tudes en 1886 d'Alexander McKay (en) sur les sĂ©ismes en Nouvelle-ZĂ©lande, en 1893 de Bunjiro Koto sur les sĂ©ismes au Japon, recherches en 1890 de Grove Karl Gilbert et en 1908 d'Andrew Lawson aux Ătats-UnisâŠ). Cette relation est modĂ©lisĂ©e en 1910 avec la thĂ©orie du rebond Ă©lastique du gĂ©odĂ©sien Harry Fielding Reid (en)[2].
La paléosismologie émerge en tant que discipline scientifique dans les années 1960 et 1970 (les Russes N. A. Florensov et V. P. Solonenko sont parmi les premiers à proposer une méthode paléosismologique). Le terme de paléosismologie apparaßt pour la premiÚre fois dans un article de J.T. Engelder[3] en 1974[4].
Le sismologue Kerry Sieh) (en) influence profondĂ©ment le dĂ©veloppement de la palĂ©osismologie moderne aux Ătats-Unis Ă la fin des annĂ©es 1970[5].
Technique
La mĂ©thode consiste principalement Ă identifier, le long dâune faille connue ou prĂ©sumĂ©e active, une zone oĂč la sĂ©dimentation est suffisamment continue et rĂ©cente pour avoir pu enregistrer les dĂ©formations de surface associĂ©es Ă un, voire plusieurs, sĂ©ismes. En pratique on rĂ©alise une tranchĂ©e pour accĂ©der aux dĂ©formations (dĂ©calages, fissures, plissements,âŠ) affectant les formations gĂ©ologiques rĂ©centes. Les levĂ©s faits sur les parois de la tranchĂ©e sont effectuĂ©s avec une prĂ©cision qui sâapparente Ă celle des mĂ©thodes archĂ©ologiques. Les dĂ©calages des sĂ©diments observĂ©s dans les tranchĂ©es permettent dâestimer la magnitude des sĂ©ismes. La datation des dĂ©pĂŽts successifs permet dâestimer les dates dâoccurrence de ces sĂ©ismes et de contribuer Ă la reconstitution de lâhistoire sismique de la faille. Le choix du site est basĂ© sur une approche gĂ©ologique et gĂ©omorphologique, parfois complĂ©tĂ©e par des Ă©tudes gĂ©ophysiques de surface (profils sismiques, imagerie radar, imagerie Ă©lectrique, etc.).
De nombreuses Ă©tudes palĂ©osismologiques ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es dans le monde sur des failles particuliĂšrement actives : dĂ©crochement de San Andreas aux Ătats-Unis [6], dĂ©crochement Nord-Anatolien en Turquie[7], dĂ©crochements japonais[8], chevauchements himalayens[9], failles normales de la pĂ©ninsule italienne[10]. Cette approche a aussi Ă©tĂ© utilisĂ©e sur des failles dâactivitĂ© plus modĂ©rĂ©e : faille inverse de la TrĂ©varesse en France (responsable du sĂ©isme de 1909 en Provence) [11] ou faille de Bree en Belgique[12].
AprĂšs certains tremblements de terre, on peut observer dâautres types dâeffets en surface que lâĂ©mergence de la faille. Certaines conditions particuliĂšres font que les sĂ©diments superficiels sont dĂ©sorganisĂ©s par la propagation des ondes sismiques, notamment lorsquâils sont gorgĂ©s dâeau. Ces dĂ©sordres sont pour lâessentiel des liquĂ©factions et ils ont Ă©tĂ© dĂ©crits dans des milieux sĂ©dimentaires variĂ©s (lacustre, fluviatile, littoral ou estuarien). Dans le Centre-Est des Ătats-Unis, de grands tremblements de terre en 1811-1812 ont causĂ© ce type de perturbations sur des surfaces supĂ©rieures Ă 5 000 km2 (https://earthquake.usgs.gov/ ). Le passage des ondes sismiques peut aussi causer des instabilitĂ©s sur des versants et engendrer des glissements de terrain. En 2002, le grand sĂ©isme de Denali (Alaska) a provoquĂ© de remarquables glissements de terrain depuis la montagne sur le Black Rapids Glacier (http://gallery.usgs.gov/sets/2002_Denali_Fault_Earthquake). On peut Ă©galement ranger dans la catĂ©gorie des Ă©tudes palĂ©osismologiques celles dont les cibles sont les dĂ©pĂŽts littoraux apportĂ©s par les tsunamis dâorigine sismique.
Bases de données
Il existe de nombreuses bases de données en accÚs libre dans le monde, rassemblant les indices de paléoséismes et les informations sur les failles actives les ayant générées, avec par exemple :
- Ătats-Unis : Quaternary Fault and Fold Database of the United States (« Base de donnĂ©es des failles quaternaires et des plissements des Ătats-Unis »)[13] ;
- France : Néopal, une base de données des déformations récentes et des paléoséismes[14] ;
- Italie : Database of Individual Seismogenic Sources (« Base de données des sources sismogéniques »)[15] ;
- Japon : Active fault database of Japan (« Base de données des failles actives du Japon »)[16] ;
- Nouvelle-Zélande : New Zealand Active Faults Database (« Base de données des failles actives en Nouvelle-Zélande »)[17].
Notes et références
- James P. McCalpin (Ed) (1996). Paleoseismology. Academic Press, International Geophysics Series, volume 62, 588 pages.
- (en) James P. McCalpin, Paleoseismology, Elsevier, , p. 25.
- (en) J.T. Engelder, « Microscopic Wear Grooves on Slickensides: Indicators of Paleoseismicity », Journal of Geophysical Research, vol. 79, no 29,â , p. 4387-4392.
- (en) James P. McCalpin, Paleoseismology, Elsevier, , p. 26.
- (en) James P. McCalpin, Paleoseismology, Elsevier, , p. 27.
- Sieh K.E. (1978). Prehistoric large earthquakes produced by slip on San Andreas fault at Pallett Creek, California. JOURNAL OF GEOPHYSICAL RESEARCH, 83 (NB8), pp 3907-3939.
- Rockwell T., Barka A., Dawson T., Akyuz S. & Thorup K. (2001). Paleoseismology of the Gazikoy-Saros segment of the North Anatolia fault, northwestern Turkey: Comparison of the historical and paleoseismic records, implications of regional seismic hazard, and models of earthquake recurrence. JOURNAL OF SEISMOLOGY, 5 (3), pp 433-448.
- Tsutsumi H., Okada A., Nakata T., Ando M. & Tsukuda T. (1991). Timing and displacement of Holocene faulting on the Median Tectonic Line in Central Shikoku, Southwest Japan. JOURNAL OF STRUCTURAL GEOLOGY, 13 (2), pp 227-233.
- Lavé J., Yule D., Sapkota S., Basant K., Madden C., Attal M. & Pandey R. (2005). Evidence for a great medieval earthquake (approximate to 1100 AD) in the Central Himalayas, Nepal. SCIENCE, 307 (5713), pp 1302-1305.
- Pantosti D., Schwartz D.P. & Valensise G. (1993). Paleoseismology alont the 1980 surface rupture of the Irpinia fault â implications for earthquake recurrence in the southern Apennines, Italy. JOURNAL OF GEOPHYSICAL RESEARCH-SOLID EARTH, 98 (B4).
- Chardon D., Hermitte D., Nguyen F. & Bellier O. (2005). First paleoseismological constraints on the strongest earthquake in France (Provence) in the twentieth century. GEOLOGY, 33 (11), pp 901-904.
- Camelbeeck T. & Meghraoui M. (1998). Geological and geophysical evidence for large palaeo-earthquakes with surface faulting in the Roer Graben (northwest Europe). GEOPHYSICAL JOURNAL INTERNATIONAL, 132 (2), pp 347-362.
- « earthquake.usgs.gov/hazards/qf⊠»(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?).
- (ja) « ăMçć„łăăă », sur ăMçć„łăăă (consultĂ© le ).
- « diss.rm.ingv.it/diss/ »(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?).
- « riodb02.ibase.aist.go.jp/activ⊠»(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?).
- « GNS Science - Active Faults Database », sur gns.cri.nz (consulté le ).
Voir aussi
Bibliographie
(en) James P. McCalpin, Paleoseismology, Elsevier, , 629 p.