Irradiation
L'irradiation désigne l'exposition, volontaire ou accidentelle, d'un organisme, d'une substance, d'un corps, à des rayonnements. Ce terme est en particulier utilisé lorsque l'on considÚre l'exposition à des rayonnements ionisants.
Unités d'irradiation et d'activité
L'irradiation et la radioactivité s'expriment dans des unités spécifiques (sievert (symbole : Sv), becquerel (Bq), etc.) :
Gray
L'unité SI utilisée pour mesurer une irradiation physique est le gray (Gy). Le gray mesure une énergie fournie par unité de masse, indépendamment de ses effets biologiques.
La température augmente pour des puissances de l'ordre du kilogray[1], et le mégagray est l'ordre de grandeur de ce qu'il faut pour cuire un rÎti dans un four à micro-ondes[2].
Les irradiations rencontrées en radiobiologie correspondent à des énergies par unité de masse beaucoup plus faibles, insuffisantes pour chauffer la matiÚre exposée. On utilise généralement le gray pour exprimer des irradiations assez fortes (par exemple en radiothérapie) : pour des faibles doses, on utilise plus fréquemment le milligray, voire le microgray.
Rad
L'ancienne unité du rad, que l'on retrouve encore dans de nombreuses publications, correspond au centigray (ce qui explique que ce sous-multiple soit fréquemment utilisé). On a donc 1 cGy = 1 rd, ou 100 rd = 1 Gy.
En termes de radioprotection, le rad est une unité d'un bon ordre de grandeur :
- en dessous du rad, les effets radio-biologiques sont trop faibles pour ĂȘtre statistiquement significatifs ;
- un opérateur peut évoluer à titre exceptionnel dans des environnements de quelques rads par heure, mais sous surveillance et pas trop longtemps ;
- des débits de quelques centaines ou milliers de rads par heure imposent en pratique de travailler par télé-opération.
Sievert
L'unitĂ© utilisĂ©e pour mesurer les effets stochastiques d'une irradiation sur un organisme est le sievert, qui inclut des termes correctifs permettant de prendre en compte la dangerositĂ© relative des diffĂ©rents rayonnements et la sensibilitĂ© relative des diffĂ©rents tissus. Le risque de cancer Ă terme est beaucoup plus Ă©levĂ© pour un gray de neutrons reçu en tout point de l'organisme que pour un gray de rayons ÎČ limitĂ©s Ă une petite surface de peau : la mesure en sieverts (la dose efficace) permet de prendre en compte ces diffĂ©rences de risques.
Les faibles doses sont typiquement exprimĂ©es en milli-, voire en microsieverts. Si l'on nĂ©glige ces termes correcteurs, les irradiations corps-entier exprimĂ©es en sievert ou en gray sont du mĂȘme ordre de grandeur pour les rayonnements habituellement rencontrĂ©s en radio-protection.
Becquerel
L'unité utilisée pour mesurer l'activité d'une source radioactive est le becquerel, qui mesure le nombre de désintégrations radioactives par seconde. Il permet de représenter indirectement la quantité de matiÚre radioactive présente, si l'on connait par ailleurs l'activité massique du radionucléide concerné.
Le becquerel est une unitĂ© trĂšs petite, parce que le moindre atome qui se dĂ©sintĂšgre est comptabilisĂ©, et il y a beaucoup d'atomes dans une quantitĂ© pondĂ©rale de matiĂšre (voir nombre d'Avogadro). Un corps humain moyen a ainsi une activitĂ© naturelle de dix mille becquerels. La conversion entre l'activitĂ© (exprimĂ©e en becquerels) et l'effet biologique (exprimĂ© en sieverts) dĂ©pend de la nature et de l'Ă©nergie des rayonnements impliquĂ©s, mais correspond toujours Ă un facteur extrĂȘmement faible. Ainsi, l'auto-irradiation du fait de la radioactivitĂ© naturelle du corps humain (10 000 Bq) induit une exposition de 0,2 mSv/an, avec un facteur de conversion de vingt microsieverts par kilobecquerel (”Sv/kBq) et par an.
Sources d'irradiation
La principale source d'irradiation est naturelle. Le niveau de lâexposition naturelle varie selon le lieu, gĂ©nĂ©ralement dans le rapport de un Ă trois. Dans de nombreux endroits il peut ĂȘtre beaucoup plus Ă©levĂ©[3].
L'irradiation naturelle provient principalement du radon, un gaz radioactif produit par les traces d'uranium prĂ©sentes dans certaines roches comme le granite. Ce gaz Ă©mane du sol (dans des proportions trĂšs variables suivant la nature du terrain) et peut se concentrer dans les habitations mal ventilĂ©es. Le radon conduit Ă une exposition qui peut ĂȘtre trĂšs variable, de 1 Ă 100 mSv/an[4]. En dehors du radon, l'irradiation due aux substances minĂ©rales radioactives peut Ă©galement ĂȘtre importante localement, Ă proximitĂ© de gisements Ă haute teneur en uranium ou en thorium, ou encore plus rarement, dans des maisons accidentellement construites avec de telles roches ; mais une faible activitĂ© naturelle peut ĂȘtre mesurĂ©e dans tout matĂ©riau de construction : plĂątre, brique, bĂ©ton, etc. L'exposition correspondante est Ă©galement trĂšs variable, de 0,1 Ă 1 000 mSv/an[4].
Les rayons cosmiques sont Ă©galement une source notable d'irradiation naturelle, d'autant plus forte que l'on est en altitude. Au niveau de la mer et sous des latitudes moyennes, la dose est voisine de 0,3 mSv/an[4]. C'est Ă cause des rayons cosmiques que l'irradiation augmente lors des voyages en avion. Ces irradiations ne sont pas nĂ©cessairement dangereuses Ă ces faibles niveaux ; une analyse statistique montre au contraire que le risque de cancer diminue significativement avec l'altitude aux Ătats-Unis[5].
Les substances radioactives présentes dans la nature sont également une source d'irradiation : 10 % de l'irradiation moyenne reçue par une personne provient de son propre corps, principalement du fait de la désintégration du carbone 14 et du potassium 40 (principalement présent dans les os). Cette irradiation est pratiquement constante[4].
L'homme est Ă©galement soumis Ă des rayonnements provenant de sources artificielles. La radioexposition peut rĂ©sulter de lâactivitĂ© professionnelle (radiologue, travailleur de l'industrie nuclĂ©aire, etc.), et dans ce cas, dĂ©pend trĂšs largement de cette activitĂ©. Le niveau moyen de radioexposition professionnelle est gĂ©nĂ©ralement comparable Ă celui de lâexposition au rayonnement naturel, mais un faible pourcentage de travailleurs reçoivent des doses plusieurs fois supĂ©rieures Ă cette derniĂšre. Lâexposition des travailleurs est soumise Ă des limites internationalement dĂ©finies, qui sont environ dix fois supĂ©rieures Ă lâexposition moyenne au rayonnement naturel[3].
La principale cause d'irradiation est mĂ©dicale, reçue lors d'examens radiologiques (radiographies, fluoroscopies et surtout scanners). Cette irradiation varie avec les pratiques mĂ©dicales. Le niveau moyen dâexposition dĂ» aux utilisations mĂ©dicales des rayonnements dans les pays dĂ©veloppĂ©s est Ă©quivalent Ă environ 50 % de lâexposition moyenne au rayonnement naturel dans le monde[3].
Certaines activitĂ©s humaines contribuent Ă accroĂźtre l'irradiation naturelle : câest le cas par exemple de lâextraction et de lâutilisation de minerais contenant des substances radioactives, ainsi que de la production d'Ă©nergie lorsque lâon brĂ»le du charbon contenant de telles substances[3]. En effet, le charbon contient du potassium 40, de l'uranium et du thorium, et sa combustion les concentre d'un facteur dix dans les cendres. Une partie de cette radioactivitĂ© naturelle est Ă©galement rejetĂ©e dans les fumĂ©es et contribue Ă augmenter lĂ©gĂšrement l'exposition des riverains autour des centrales Ă charbon (autant voire plus que les rejets des centrales nuclĂ©aires, c'est-Ă -dire de l'ordre du microsievert par an)[6] - [4].
D'autres sources sont une forme de pollution résultant de l'utilisation du nucléaire civil ou militaire, parfois à trÚs grande distance : retombées radioactives des essais aériens d'armes nucléaires, des accidents nucléaires tels que Tchernobyl ou Fukushima, rejets industriels, etc. Leur contribution à la dose annuelle moyenne à la population mondiale a atteint un pic de 150 ”Sv en 1963 (en raison des essais nucléaires atmosphériques), puis a diminué et est de 5 ”Sv en 2000. Ces doses annuelles sont restées relativement faibles, atteignant au maximum environ 7 % du rayonnement naturel[3].
En France, l'impact moyen des rejets industriels (rĂ©acteurs, industrie du combustible, traitement des dĂ©chets) est infĂ©rieur Ă quelques milliĂšmes de la radioactivitĂ© naturelle[7]. Ces activitĂ©s nâentraĂźnent gĂ©nĂ©ralement des expositions qui ne correspondent quâĂ une faible fraction de la dose moyenne dâirradiation naturelle dans le monde. Toutefois, les riverains habitant Ă proximitĂ© d'installations rejetant des matiĂšres radioactives dans lâenvironnement peuvent recevoir des doses plus Ă©levĂ©es[3].
Les tĂ©lĂ©phones portables ou les lignes Ă haute tension gĂ©nĂšrent des rayonnements Ă©lectromagnĂ©tiques de frĂ©quence plus faible que la lumiĂšre visible, et sont beaucoup trop faibles pour ĂȘtre des rayonnements ionisants. MĂȘme si ce sont des rayonnements non-ionisants, ils constituent des sources d'irradiation[8].
Effets des irradiations
Niveau de l'irradiation reçue
Ces radiations, que nos sens ne peuvent pas détecter, perturbent le fonctionnement des cellules vivantes. Les molécules comme l'ADN et les protéines constituant les cellules subissent des dégùts (rupture de liaisons chimiques, modifications de la structure, etc.). Face à cette agression, les systÚmes de défense dont disposent toutes les cellules vont tenter de réparer les dommages. Dans la plupart des cas, cette réparation sera efficace. Si les dégùts sont trop importants, l'élimination de la cellule est opérée par des processus de mort cellulaire (par apoptose par exemple). Le danger provient des réparations imparfaites qui peuvent aboutir à des cellules déclenchant un cancer des années aprÚs l'irradiation. à trÚs forte dose d'irradiation, les systÚmes de défense ne peuvent plus faire face à cette importante mortalité des cellules perturbant les fonctions vitales pouvant aller jusqu'au décÚs.
Suivant l'intensité de l'irradiation subie (en une seule fois sur l'ensemble du corps), on peut distinguer trois zones d'effets :
- le syndrome d'irradiation aiguë (ou « maladie des radiations ») est déterministe et à effet de seuil : il est systématiquement observé au-delà d'une certaine dose (plus de 2 Gy reçus) et ne se manifeste pas en deçà d'un certain seuil (moins de 0,5 Gy) ;
- les effets stochastiques sont statistiquement mesurables pour des doses supĂ©rieures Ă 0,1 Gy. On sâaccorde gĂ©nĂ©ralement pour dire que le surcroĂźt de risque relatif Ă 100 mSv est de 1,06, ce qui correspond (pour un risque naturel de cancer de l'ordre de 20 %) Ă un taux de cancer provoquĂ© de 1 % pour 100 mSv ;
- il n'y a pas d'effet statistiquement dĂ©tectable en dessous d'une dose de l'ordre de 100 mSv, ou pour un dĂ©bit de dose infĂ©rieur Ă 0,1 mGy/min, ce qui est la limite pratique des faibles doses d'irradiation. En revanche, sur le plan biologique, de nombreuses Ă©tudes montrent que des expositions Ă des doses de 1 Ă 100 mGy stimulent les mĂ©canismes cellulaires de rĂ©paration d'ADN, conduisant Ă un effet non linĂ©aire et globalement bĂ©nĂ©fique de ces expositions[9]. Le fait dâirradier prĂ©alablement des cellules humaines dans la gamme de dose de 10 mGy aboutissait, Ă des doses de lâordre de 1 Gy, Ă une augmentation de la rĂ©sistance des cellules prĂ©-irradiĂ©es par rapport aux cellules naĂŻves, en particulier pour ce qui concerne les mutations induites[10] - [11] ;
- aucun effet biologique n'est plus détectable en dessous de doses de l'ordre du milligray ou du millisievert. à de telles doses, en effet, le nombre moyen de cassures double brins provoqué par l'irradiation (0,04 par noyau et par mGy) représente le désordre moyen que subit naturellement une cellule en sept minutes (huit cassures double brin par vingt-quatre heures).
Ces trois zones d'effets (dont les frontiÚres sont floues et assez mal connues) correspondent à une irradiation occasionnelle reçue en une seule fois et sur l'ensemble du corps, donc pour un débit de dose trÚs élevé.
Effets stochastiques
Deux risques d'effets radio-induits ont surtout été étudiés : principalement celui de cancers, et de maniÚre secondaire, celui sur la fertilité et /ou tératogénicité.
D'autres effets ont été signalés pour des doses d'irradiation comprise entre 0,1 et 2 Gy c'est-à -dire entre les faibles doses d'irradiation aujourd'hui sans effet connu et la dose déclenchant le syndrome d'irradiation aiguë ayant systématiquement des effets immédiats et lourds: cataracte radio-induite[12] - [13] - [14] - [15] - [16], maladies cardio-vasculaires[17] - [18] - [19] - [16] - [20] ou sur-mortalité parmi la cohorte des liquidateurs de Tchernobyl.
On peut remarquer que l'effet stochastique est avant tout une prĂ©occupation de santĂ© publique. Sachant que le taux de cancer « naturel » est de l'ordre de 20 %, une personne accidentellement exposĂ©e Ă 100 mSv (donc trĂšs largement au-delĂ des doses admises en radioprotection) verra sa probabilitĂ© d'ĂȘtre atteinte d'un cancer passer de 20 % Ă 21 % ; c'est-Ă -dire que mĂȘme Ă ce niveau d'exposition, un cancer Ă©ventuel n'aura que 5 % de chance d'ĂȘtre dĂ» Ă une exposition aux rayonnements - et 95 % de chances d'ĂȘtre dĂ» Ă autre chose. Ce n'est que pour des personnes exposĂ©es par ailleurs au syndrome d'irradiation aigĂŒe que la probabilitĂ© d'un cancer radio-induit devient significative sur le plan individuel.
Anomalie de développement
Le risque d'anomalie du dĂ©veloppement du fĆtus en cas d'irradiation importante est bien rĂ©el. Les effets secondaires chez le fĆtus peuvent a priori ĂȘtre subdivisĂ©s en quatre groupes : mort in utero, malformations ou retard de croissance et du dĂ©veloppement, et effets mutagĂšnes[21].
- La mort in utero concerne l'embryon pendant les dix premiers jours aprĂšs fĂ©condation, et fonctionne en « tout ou rien » ; pendant lâimplantation, une irradiation supĂ©rieure Ă 10 rd (100 mGy) entraĂźne la mort cellulaire[21]. Ces consĂ©quences ne se distinguent pratiquement pas d'un avortement spontanĂ©.
- Pendant lâorganogenĂšse (semaine 3 Ă la semaine 10), lâirradiation peut perturber la prolifĂ©ration et la migration cellulaire, voire entraĂźner localement la mort cellulaire sur tout ou partie d'un organe. Les consĂ©quences Ă ce stade sont le retard de croissance et les malformations congĂ©nitales (surtout au niveau du systĂšme nerveux central)[21], ce qui a pu ĂȘtre constatĂ© sur certaines grossesses de survivantes d'Hiroshima. Une irradiation infĂ©rieure Ă 5 rd (50 mGy ou 50 mSv) nâaugmente pas le risque de malformation ou de perte fĆtale. De plus, en irradiation mĂ©dicale, la plupart des patientes sont irradiĂ©es de maniĂšre fractionnĂ©e ce qui est beaucoup moins dangereux quâune irradiation aiguĂ«[21].
Anomalie génétique
On ne recense pas dâaugmentation du risque de maladies gĂ©nĂ©tiques secondaires Ă l'irradiation[21]. Les doses pour lesquelles un effet a Ă©tĂ© identifiĂ© (de l'ordre de 10 rd, soit plus de 100 mSv) sont largement supĂ©rieures aux doses utilisĂ©es lors dâexamens radiologiques[21] - [22].
Le risque de mutation génétique a été évoqué et trÚs médiatisé dans les années 1950, à la suite des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki, et à la suite de l'accident provoqué par les retombées nucléaires de l'essai Castle Bravo en 1954, qui fit un mort. « Dans les années qui suivirent, et surtout à la suite des observations faites sur les descendants des survivants de Hiroshima et Nagasaki, il devint clair que cette préoccupation était une sur-réaction, dues à des passions fortes suscitées par la menace d'une guerre nucléaire. »[23] Aucun effet génétique transmissible imputable à un excÚs d'irradiation n'a jamais été mis en évidence chez l'homme, y compris à la suite de l'accident de Tchernobyl[24] - [25], bien que ce thÚme soit trÚs récurrent et réguliÚrement exploité par des publications non scientifiques[26].
RĂšglementations
Les principes et les normes de radioprotection sont relativement uniformes dans le monde et en particulier dans l'Union européenne[27].
Les normes internationales se basent sur le principe que le risque pour la santé est proportionnel à la dose reçue et que toute dose de rayonnement comporte un risque cancÚrigÚne et génétique (CIPR 1990). Bien qu'aucune dose ne soit inoffensive, des seuils sont admis par les normes internationales. Ces principes de radioprotection portent évidemment sur la protection contre le syndrome d'irradiation aiguë, et s'étendent jusqu'à la zone des risques stochastiques, pour des doses de l'ordre de 10 mSv/an.
Il est admis que l'effet cumulĂ© de faibles dĂ©bits de doses est largement infĂ©rieur Ă celui d'une dose Ă©quivalente reçue en une seule fois : en dessous de dĂ©bits de doses de quelques dizaines de ”Sv/h, ce qui est l'ordre de grandeur des expositions aux rayonnements dans les environnements naturels fortement radioactifs, on constate une absence d'effet des populations exposĂ©es, alors mĂȘme que le cumul des doses reçues peut atteindre la centaine de mSv par an.
Selon le rapport 2003 du CERI (European Commitee on Radiation Risks) « les expositions internes sont plus dangereuses que les expositions externes en raison de lâincorporation des produits radioactifs au sein mĂȘme des cellules et des constituants cellulaires. ConsidĂ©rant que les Ă©valuations actuelles du risque aprĂšs contamination sont sous-estimĂ©es il propose de nouveaux coefficients de risque et des limites de doses trĂšs infĂ©rieures Ă celles adoptĂ©es dans le cadre des dispositions lĂ©gislatives et des recommandations internationales de la CIPR[28] ».
En France, il est admis au titre du principe de précaution que la relation dose-effet est linéaire sans seuil jusqu'à la dose zéro, c'est-à -dire que l'on considÚre rÚglementairement qu'une dose, aussi petite soi-telle, entraßne une augmentation de la probabilité d'effets délétÚres (maximalisation du risque dans un principe d'équité)[27].
Toute exposition humaine Ă des radiations ionisantes doit rĂ©pondre Ă un principe de justification et de limitation. D'oĂč des limites rĂšglementaires diffĂ©rentes selon les populations (professionnels ou grand public) et les diffĂ©rentes parties du corps. Il n'existe pas de limite rĂšglementaire pour l'exposition mĂ©dicale des patients, car cette exposition vise Ă produire un bĂ©nĂ©fice direct, trĂšs largement supĂ©rieur aux risques encourus[27], ainsi un organe particulier peut recevoir une dose d'irradiation plus Ă©levĂ©e, par exemple en radiothĂ©rapie.
Modes d'irradiation
L'exposition humaine à des rayonnements peut prendre trois formes d'effets assez différents : exposition ponctuelle, chronique, ou par contamination.
Exposition environnementale
L'exposition aiguë, répétée ou chronique à un environnement irradiant, y compris à des rayonnements faibles (travail sur écran cathodique, examens radiographiques, etc.), gamma ou X, est une préoccupation pour la protection des personnes ou populations alors exposées à un débit de dose plus ou moins élevé. Ce débit est mesuré en microsieverts par heure (Les doses annuelles cumulées sont alors généralement de l'ordre du millisievert). Il peut s'agir d'un environnement de travail (cabinet médical de radiologie, travailleur de l'industrie nucléaire) ou d'habitation (vie en altitude, ou dans une région riche en uranium, thorium, radon...).
L'exposition environnementale naturelle laisse généralement aux cellules le temps de se régénérer ; les effets adverses ne sont démontrés chez la souris que pour des débits de doses supérieurs au millisivert par heure. Des souris exposées à 0,000 2 cGy/min (0,12 mGy/h) pendant cinq semaines ne montrent pas d'effet détectable sur l'ADN[29], bien que la dose totale (0,1 Gy) entraßne des dommages détectables si reçue en une seule fois.
Exemples de niveaux d'irradiation externe (par personne et par an) donnés par Areva[30] :
Irradiation moyenne due aux centrales nucléaires en France | 0,01 mSv/an |
Irradiation due à la radioactivité naturelle en France | 1 à 2 mSv/an |
Irradiation globale (naturelle plus artificielle) de la population française | 2 à 3 mSv/an |
Irradiation naturelle globale de la population mondiale | 2,4 mSv/an |
Les personnels rĂ©putĂ©s les plus exposĂ©s font en France l'objet d'une surveillance. Un cas particulier est celui du mĂ©tier d'Ă©goutier (notamment exposĂ© aux rejets hospitaliers) ; il est depuis 2022 pris en compte par le systĂšme Ciddre (intĂ©grant maintenant tous les radionuclĂ©ides mĂ©dicaux, mis Ă jour pour des calculs plus prĂ©cis concernant le lutĂ©tium 177 utilisĂ© en oncologie, et permettant le calcul dâimpact des dĂ©versements radioactifs dans les rĂ©seaux)[31].
Cas particulier du radon
Le radon est spontanĂ©ment prĂ©sent presque partout, surtout en contexte granitiques, volcaniques ou minier, mais sa prĂ©sence n'est pas nĂ©gligeable mĂȘme dans les terrains calcaires. En France, les rĂ©gions riches en radon sont la Bretagne, le Massif central, les Vosges et la Corse.
L'exposition au radon peut ĂȘtre vue comme un cas intermĂ©diaire entre environnement irradiant et contamination. Ce n'est pas le radon lui-mĂȘme qui pose un problĂšme radiologique, mais ses descendants fixĂ©s dans les poumons et l'organisme sous forme de nanoparticules ; il en rĂ©sulte une dose Ă un niveau estimĂ© Ă 2,46 ĂâŻ10â9 sievert par heure de sĂ©jour et par becquerel et par mĂštre cube[32] Pour cette raison, une atmosphĂšre chargĂ©e en radon est surtout considĂ©rĂ©e comme un environnement contaminant, diffusant un « terme source ». La teneur en radon est mesurĂ©e en becquerels par mĂštre cube.
Exposition occasionnelle
Il est possible de subir une exposition massive à des rayonnements de l'ordre du gray, volontairement (radiothérapie), accidentellement (accident nucléaire), ou à la suite d'une explosion nucléaire.
Les doses importantes conduisent typiquement Ă un syndrome d'irradiation aiguĂ«, quand elles sont de l'ordre du gray. Elles sont essentiellement le fait de rayonnements gammas durs ou de neutrons (les rayons α et ÎČ n'ont qu'une portĂ©e limitĂ©e).
Lors de l'accident nucléaire de Forbach en 1991, trois ouvriers ont été irradiés par un accélérateur de particules et ont reçu des doses entre 50 et 100 grays.
Les expositions ponctuelles aux faibles doses d'irradiation, reçues en une seule fois, sont mesurĂ©es en millisieverts. Elles correspondent la plupart du temps, pour le public, Ă des examens radiologiques (radiographies, gammagraphies, scanners, etc.). Plus rarement, en cas d'accident radiologique, des personnes peuvent Ă©galement ĂȘtre exposĂ©es Ă de faibles doses d'irradiation : personnes mises en prĂ©sence d'une source radioactive Ă grande distance et/ou pendant un temps suffisamment bref. C'est Ă©galement la dose globale considĂ©rĂ©e pour Ă©valuer le risque de cancer Ă terme lors d'expositions exceptionnelles : accident de criticitĂ©, accident nuclĂ©aire ou explosion atomique.
Exemples de niveaux d'irradiation (par personne et par an)[30] :
Irradiation entraßnée par un vol Paris-New York | 0,02 mSv |
Irradiation entraßnée par une radiographie simple des poumons | 0,02 mSv |
Irradiation moyenne consécutive à une tomodensitométrie thoracique ou abdominale | 2,5 à 10 mSv |
Contamination interne
Lors d'une contamination par des produits radioactifs, l'effet de la radioactivité est accentué par la fixation du produit dans le corps. La contamination (généralement accidentelle, mais parfois volontaire en curiethérapie) se fait le plus fréquemment par inhalation (par exemple, risque de cancer du poumon induit par le radon), éventuellement par ingestion de produits contaminés (pollutions d'eau ou retombées de matiÚres radioactives), ou par contamination de la peau conduisant à une inhalation ou une ingestion ultérieure (voire une pénétration directe).
Une contamination interne par des substances radioactives (que ce soit par inhalation, ingestion, ou à travers une blessure) expose l'organisme à des rayonnements faibles, mais directement en contact avec les tissus, et sur une durée potentiellement longue (fonction de la période biologique du radioisotope, de son mode d'ingestion, de son état chimique, etc.). Ces contaminations se mesurent en becquerels ; la plus ou moins grande radiotoxicité de la substance (et s'il y en a, de ses descendants radioactifs le long de la chaßne de désintégration) est évaluée en sieverts par becquerel (l'unité typique étant le ”Sv/kBq).
La radiotoxicitĂ© dĂ©pend alors essentiellement du produit et de sa forme chimique, qui gouvernent son mĂ©tabolisme et son sĂ©jour dans le corps. Cette radiotoxicitĂ© est principalement due aux rayonnements α et ÎČ, qui sont alors produits directement dans le corps, et induisent le plus souvent un risque de cancer.
Applications
Irradiations de matériaux
Les matériaux inertes subissent également des irradiations dans différents environnements, particuliÚrement dans les réacteurs nucléaires et en environnement spatial. Ces environnements sont en effet trÚs radiatifs et on y retrouve de nombreuses particules chargées et de haute énergie (électrons, protons, particules α...) interagissant de maniÚre coulombienne et nucléaire avec les atomes du matériau irradié[33] - [34]. Apparaissent alors dans leur structure des défauts simples (lacune et site interstitiel) ou plus complexes (dislocation) qui modifient leurs propriétés physico-chimiques et mécaniques. La prévision de ces évolutions a fait et fait toujours l'objet d'une recherche fondamentale et appliquée. Par ailleurs, l'irradiation est un moyen utilisé pour modifier volontairement les matériaux : durcissement des polymÚres, modifications des propriétés électroniques des semi-conducteurs, etc. L'irradiation a également été utilisée pour quantifier la teneur en radicaux induits par des actions mécaniques (broyage) sur des composés organiques (lactose)[35].
On utilise l'irradiation (parfois appelée « ionisation ») pour stériliser divers objets, la plupart dans le secteur médical. Elle est également utilisée dans le secteur agroalimentaire afin de stériliser les aliments et de les conserver plus longtemps. Ceci est sujet à controverse, car il pourrait y avoir des risques pour la santé. Enfin, elle est employée pour l'amélioration des propriétés de polymÚres[36].
La plateforme expérimentale Aérial Feerix, inaugurée dans la région Grand Est en , est un outil d'étude de ces applications multisectorielles. Destinée à la recherche, au développement et à la formation, la plateforme d'irradiation est issue d'une technologie développée par le CEA et construite sur des technologies pointues d'accélération d'électrons et de génération de rayons X de forte énergie[36].
Analogies dans d'autres domaines
Par analogie, le terme d'irradiation est également rencontré dans les domaines suivants :
- l'irradiation, dans le domaine de la physique, est une Ă©mission de rayons (notamment lumineux) d'une particule; ou une propagation par rayonnement ;
- en anatomie, l'irradiation est une disposition rayonnée des fibres, des vaisseaux ;
- en physiologie, l'irradiation est la propagation d'une sensation douloureuse à partir de son point d'origine vers les régions voisines ;
- en linguistique, l'irradiation est l'influence exercée par le radical d'un mot sur le sens d'un préfixe ou d'un suffixe ;
- l'irradiation désigne un déploiement en rayons à partir d'un centre, ou de façon figurée, la propagation, ou la diffusion par exemple d'un fait ou d'un sentiment, dans toutes les directions.
Notes et références
- Un gray correspond Ă un joule par kilogramme, donc 0,239 ĂâŻ10â3 calorie par gramme : un kilogray augmentera donc d'un quart de degrĂ© la tempĂ©rature d'un milieu liquide.
- Voir : vingt minutes de cuisson dans un four de huit cents watts transfÚrent un mégajoule à un rÎti d'environ un kilogramme.
- Rapport UNSCEAR 2000, Comité scientifique des Nations Unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants, Rapport à l'Assemblée générale, avec annexes scientifiques, 2000 A/55/46, ISSN 0255-1381 (2000)
- Jacques Pradel, « Radioactivité et repÚres naturels », Société française d'énergie nucléaire.
- John Hart, Seunggeun Hyun, Cancer mortality, state mean elevation, and other selected predictors, Dose-Response, 10:58â65, 2012
- D.K. Myers, Cancers and genetic defects resulting from the use of various energy sources, Atomic Energy of Canada Limited, rapport AECL-6084 (1978)
- « Quelques repÚres sur la radioactivité », CEA.
- DĂ©finition du mot irradiation, Dictionnaire Larousse
- Voir par exemple Low Doses of Radiation Reduce Risk In Vivo et son abondante bibliographie.
- Roland Masse (président honoraire de l'OPRI), « Effets des faibles doses de rayonnements ionisants ».
- Richard Blankenbecler, Low-Dose Pretreatment for Radiation Therapy, Dose-Response, vol. 8, no 4, 2010.
- A.N. Arinchin et L.A. Ospennikova, Lens Opacities in Children of Belarus Affected by the Chernobyl Accident, KURRI KR 21:168-173 (1998)
- « EU Scientific Seminar 2006 New Insights in Radiation Risk and Basic Safety Standards », Radiation Protection 145, Commission européenne (2006)
- Radiation-Induced Cataracts, Recommendation of the German Commission on Radiological Protection with Scientific Reasoning, 14 mai 2009
- Roy E. Shore et al., Epidemiological Studies of Cataract Risk at Low to Moderate Radiation Doses: (Not) Seeing is Believing, Radiation Research 174:889â894 (2010)
- Draft report: Early and late effects of radiation in normal tissues and organs: threshold doses for tissue reactions and other non-cancer effects of radiation in a radiation protection context, ICRP, 20 janvier 2011
- UNSCEAR 2006 Report Vol. I: Effects of Ionizing Radiation, Annex B: Epidemiological evaluation of cardiovascular disease and other non-cancer diseases following radiation exposure, UNSCEAR (2006)
- « EU Scientific Seminar 2008, Emerging evidence for radiation induced circulatory diseases », Commission européenne (2008)
- M.P. Little et al., Review and meta-analysis of epidemiological associations between low/moderate doses of ionizing radiation and circulatory disease risks, and their possible mechanisms, Radiation and Environmental Biophysics 49(2):139â153 (2010)
- Takahashi et al., A prospective follow-up study of the association of radiation exposure with fatal and non-fatal stroke among atomic bomb survivors in Hiroshima and Nagasaki (1980-2003), BMJ Open 2012
- « Cancer et grossesse ».
- Pour l'article Genetic effects of the atomic bombs: a reappraisal, un doublement du taux de mutation chez les survivants de Hiroshima et Nagasaki serait obtenu pour une dose de 1,5 Sv.
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- Voir par exemple les résultats d'une recherche sur le net sur mutation+tchernobyl Google.
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- Inauguration de Feerix (communiqué de presse) (présentation en ligne, lire en ligne [PDF]).
Voir aussi
Bibliographie
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Liens externes
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- Roland Masse (membre de l'Académie des technologies et membre correspondant de l'Académie de médecine), Effets des radiations.