Castle Bravo
Castle Bravo est le nom de la bombe H la plus puissante testée par les États-Unis, libérant une énergie de 15 mégatonnes, soit mille fois celle de chacune des bombes larguées sur le Japon mais moins que les 57 mégatonnes de la Tsar Bomba russe, plus grosse bombe H de l'histoire.
Castle Bravo | |
Le champignon atomique de Castle Bravo. | |
Puissance nucléaire | États-Unis |
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Série d'essais | Opération Castle |
Localisation | Bikini |
Coordonnées | 11° 41′ 50″ N, 165° 16′ 19″ E |
Date | |
Type d'arme nucléaire | Bombe H |
Puissance | 15 Mt |
Type d'essais | Atmosphérique |
Parmi les nombreux essais nucléaires réalisés au cours de la guerre froide, Castle Bravo est l'un des plus connus en raison de la contamination radiologique qu'elle cause aux populations locales ainsi qu'aux militaires présents sur le terrain[1].
Histoire
L'explosion eut lieu sur l'atoll de Bikini, le lors de l'opération Castle. Elle était destinée à tester un nouveau prototype de bombe H, basée sur une configuration de Teller-Ulam.
Description
La bombe, surnommée « crevette » (en anglais : Shrimp) en raison de sa forme[1], était un cylindre de 4,56 mètres de long pour un diamètre de 1,37 mètre. Sa masse était de 10,66 tonnes. Son combustible était du deutérure de lithium, contrairement au mélange deutérium-tritium d'Ivy Mike[2].
Composée à 40 % de lithium 6 enrichi et d'uranium, elle a de manière spectaculaire dépassé les prévisions en termes de puissance. Cet effet inattendu fut causé par la présence du lithium 7, un isotope normalement stable, mais qui, selon sa « section efficace », se divise en hélium et en tritium lorsqu'il est bombardé avec des neutrons énergétiques. Le tritium contribua sensiblement à la fusion.
Sa puissance avait été prévue à 5 mégatonnes. Le dispositif de ce tir (en surface) a toutefois explosé en fait à 15 mégatonnes[3], dans des conditions météorologiques mal appréciées, en raison notamment d'un changement d'orientation des vents en altitude ; la pulvérisation du corail a entraîné la formation d'un aérosol (cendres blanches) dont l'activité était très élevée[4].
Retombées
L'explosion, à sept mètres de la surface de l'atoll, provoqua un cratère d'environ deux kilomètres de diamètre et de 70 mètres de profondeur. Le champignon atomique atteignit une altitude de plus de 50 kilomètres en quelques minutes. La boule de feu elle-même avait un diamètre de 7,2 kilomètres[1].
Une forte proportion des retombées radioactives ne se sont pas évacuées vers le nord-nord-ouest comme anticipé, mais vers l'est, et ont rapidement atteint plusieurs atolls habités à une distance de 150 à 250 km : Ailinginae et Rongelap (une centaine d'habitants) dans un délai de trois à six heures, puis Rongerik (une trentaine de militaires) et enfin Utirik à 570 km où les 167 habitants subirent des retombées moindres mais peu repérables, contrairement aux îles plus proches où les retombées ont « concrétisé » le phénomène sous forme de cendres (aspect de neige)[4]. Selon les archives déclassifiées de cette opération, cet effet inattendu est dû au fait que, si les vents de surface étaient bien orientés vers l'ouest comme prévu par les prévisions météorologiques, les vents de haute altitude soufflaient vers l'est, entraînant la majorité des particules radioactives produites en altitude dans cette direction[1] - [2].
Avec son diamètre de plus de 100 kilomètres, le nuage contamina une grande partie des atolls environnants (Rongelap et Rongerik), de même que les îles Marshall. Un bateau de pêcheurs japonais, le Daigo Fukuryū Maru, fut contaminé par les retombées et un des membres d'équipage mourut des suites de l'irradiation. Ce test fut un drame écologique et humain[1], puisque des membres de l'armée, des ingénieurs et les populations locales furent également touchés. Après cet essai, une zone interdite fut délimitée autour du point d'explosion avec un rayon de 1 200 kilomètres.
Les habitants à Utirik se sont réinstallés dès le mois de dans leur atoll. Le retour n'a été jugé possible pour ceux de Rongelap qu'en , accompagné de restrictions quant aux îles de l'atoll et quant aux productions agricoles qui pourraient être obtenues[4].
Après l'essai, le ministère de l'Énergie des États-Unis communique sur l’estimation selon laquelle seulement 253 habitants des îles Marshall auraient été touchés par les retombées radioactives. Les niveaux de retombées radioactives attribués à l'essai de Castle Bravo sont considérés comme les plus élevés de l'histoire[5]. Les populations voisines du site d'essai ont été exposées à des niveaux élevés de radiation, qui ont entraîné des malaises immédiats chez de nombreuses personnes (nausées, vomissements, diarrhée). Plusieurs semaines plus tard, de nombreuses personnes ont commencé à souffrir d'alopécie (perte de cheveux) et de lésions cutanées[6].
On a établi un lien entre l'exposition aux retombées et l'augmentation de la probabilité de plusieurs types de cancer, comme la leucémie et le cancer de la thyroïde[7].
Notes et références
- (en) « Operation Castle: 1954 - Pacific Proving Ground », sur nuclearweaponarchive.org, (consulté le ).
- 1954-1961 : Les bombes H de la guerre froide (The World's Biggest Bomb), documentaire d'Andy Webb, 2011, 53 min.
- (en-US) « The untold story of the world’s biggest nuclear bomb », sur Bulletin of the Atomic Scientists, (consulté le ).
- Rapport sur les incidences environnementales et sanitaires des essais nucléaires effectués par la France entre 1960 et 1996 et éléments de comparaison avec les essais des autres puissances nucléaires [PDF], Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, Assemblée nationale et Sénat français, 2001.
- (en) British Medical Journal Publishing Group, « Fallout Radiation and Growth », Br Med J, vol. 1, no 5496,‎ , p. 1132–1132 (ISSN 0007-1447 et 1468-5833, DOI 10.1136/bmj.1.5496.1132-a, lire en ligne, consulté le )
- (en) « News of Science. Radioactive Fallout in the Marshall Islands. », Science (New York, N.Y.), vol. 122, no 3181,‎ , p. 1178–1183 (ISSN 0036-8075, PMID 17807268, DOI 10.1126/science.122.3181.1178, lire en ligne, consulté le ).
- (en) Steven Simon, André Bouville et Charles Land, « Fallout from Nuclear Weapons Tests and Cancer Risks », American Scientist, vol. 94, no 1,‎ , p. 48 (ISSN 0003-0996 et 1545-2786, DOI 10.1511/2006.57.982, lire en ligne, consulté le ).