Tritium
Le tritium (/tÊi.sjÉm/ ou /tÊi.tjÉm/), notĂ© 3H ou T[alpha 1], est l'isotope de l'hydrogĂšne dont le nombre de masse est Ă©gal Ă 3 : son noyau atomique, appelĂ© triton[2], compte 1 proton et 2 neutrons avec un spin 1/2+ pour une masse atomique de 3,016 049 281 3 g/mol. Il est caractĂ©risĂ© par un excĂšs de masse de 14 949,810 9 keV et une Ă©nergie de liaison nuclĂ©aire par nuclĂ©on de 2 827 keV. Il a Ă©tĂ© mis en Ă©vidence en 1934 par Ernest Rutherford, dans la rĂ©action de fusion nuclĂ©aire D + D ⶠT + H.
Demi-vie | 12,32(2) ans[1] |
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Produit de désintégration | 3He |
Masse atomique | 3,01604928132(8) u |
Spin | 1/2+ |
ExcÚs d'énergie | 14 949,810 90 ± 0,000 08 keV[1] |
Ănergie de liaison par nuclĂ©on | 2 827 ± 0 keV[1] |
Ă la diffĂ©rence du protium 1H et du deutĂ©rium 2H, ce nuclĂ©ide est radioactif et se dĂ©sintĂšgre en hĂ©lium 3 (3He) avec une demi-vie de 12,3 ans. Son activitĂ© spĂ©cifique ou activitĂ© massique est de 356,0 TBq/g[3] (soit 356,0 PBq/kg ou 3,56 ĂâŻ1014 Bq/g) ou encore 9 621 curies par gramme (soit 9,621 MCi/kg). Il Ă©met un rayonnement ÎČâ de faible Ă©nergie, 5,7 keV en moyenne, ainsi qu'un antineutrino Ă©lectronique d'Ă©nergie 12,89 keV, en donnant 3He.
Le tritium est extrĂȘmement rare Ă l'Ă©tat naturel (environ un atome de tritium pour 1018 atomes d'hydrogĂšne[3]), mais est Ă©mis dans l'environnement par l'industrie nuclĂ©aire : dans le fonctionnement normal des rĂ©acteurs nuclĂ©aires et lors du traitement des Ă©lĂ©ments combustibles. Il est Ă©galement produit lors d'explosions nuclĂ©aires. L'AutoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire estime que « le dĂ©veloppement de projets de nouvelles installations (EPR, ITER) et lâĂ©volution des modes de gestion des combustibles nuclĂ©aires [âŠ] conduisent tous deux Ă une augmentation des rejets en tritium de lâindustrie nuclĂ©aire »[4].
Propriétés
Propriétés physiques
Un atome de tritium a une masse atomique de 3,016 049 2. Le tritium existe comme corps pur sous la forme de T2 gazeux dans les conditions normales de température et de pression.
Quand elle comporte des atomes de tritium (3H) plutĂŽt que de protium (1H) voire de deutĂ©rium (2H), la molĂ©cule d'eau est plus lourde. Elle prĂ©sente aussi de subtiles diffĂ©rences (dipĂŽles diffĂ©rents[5], moments d'inertie modifiĂ©s[5], lĂ©gĂšre diffĂ©rence massique) qui pour une molĂ©cule apparemment semblable pourraient peut-ĂȘtre expliquer de lĂ©gĂšres diffĂ©rences de comportements, dont pour lâeau tritiĂ©e lors des processus naturels de changement de phase (Ă©vaporation, condensation, cristallisation, diffusion/sorption, etc.). Ces diffĂ©rences pourraient, par exemple, expliquer un faible enrichissement en tritium de la phase condensĂ©e par rapport Ă lâhydrogĂšne (plus lĂ©ger).
HTO était et reste encore la molécule traceur considérée comme la moins différente de l'eau pure (H2O), HTO a par exemple été utilisée pour calculer la valeur de la perméabilité à l'eau de différents types de membranes biologiques (peau, intestin, muqueuses⊠chez différentes espÚces).
Comme l'hydrogÚne, le tritium gazeux est difficile à stocker à température ambiante. De nombreux matériaux apparemment étanches, dont la plupart des aciers, sont poreux pour le tritium.
Propriétés chimiques
En s'oxydant en prĂ©sence d'oxygĂšne, mĂȘme en milieu sec, il produit de l'eau tritiĂ©e (HTO ou T2O), s'il y a une source de chaleur ou une Ă©tincelle.
Radioactivité
La période radioactive du tritium est de 12,32 ans[6].
Il se transforme en hĂ©lium 3 par une dĂ©sintĂ©gration ÎČâ suivant la rĂ©action nuclĂ©aire :
L'électron émis emporte en moyenne une énergie cinétique de 5,7 keV, le reste est emporté par un antineutrino électronique (pratiquement indétectable). L'énergie particuliÚrement faible de l'électron rend le tritium difficile à détecter autrement que par scintigraphie.
La radioactivitĂ© ÎČ de faible Ă©nergie fait que les Ă©lectrons Ă©mis sont rapidement arrĂȘtĂ©s dans l'eau et dans les tissus biologiques, aprĂšs avoir parcouru seulement 6 ÎŒm tout au plus (et en moyenne environ 0,56 ÎŒm)[7]. Un rayonnement externe est donc rapidement arrĂȘtĂ© par la simple surface « morte » de la peau humaine.
Cependant, contrairement Ă leur rayonnement, la plupart des molĂ©cules tritiĂ©es comme l'eau tritiĂ©e sont facilement absorbĂ©es Ă travers la peau, des membranes ou tissus biologiques de tous les ĂȘtres vivants. Sa radioactivitĂ© ne le rend donc potentiellement dangereux que s'il est inhalĂ© ou ingĂ©rĂ©, et a priori uniquement dans les cellules vivantes qu'il aura pĂ©nĂ©trĂ©es.
Production
RĂ©actions de production
Le tritium naturel est dit « cosmogénique » car provenant de l'interaction du rayonnement cosmique avec divers constituants de l'atmosphÚre. La réaction nucléaire dominante est l'interaction entre un neutron rapide (de plus de 4 MeV) et un atome d'azote[8], par réaction (n,T) :
Environ 70 000 TBq soit (0,2 kg) de tritium seraient ainsi annuellement produits[3] (moyenne qui peut cycliquement varier avec l'activitĂ© solaire ; quand elle est intense, le vent solaire qu'elle produit attĂ©nue le rayonnement cosmique qui frappe la Terre). L'inventaire global du tritium naturel terrestre serait d'environ 1 300 PBq soit 3,5 kg[3] et la dose annuelle de radioactivitĂ© absorbĂ©e par un humain ayant le tritium dâorigine naturelle est dâenviron 0,01 ÎŒSv.
Les 2/3 environ du tritium naturel seraient produits dans la stratosphĂšre et le reste dans l'hydrosphĂšre et la lithosphĂšre[9]. De plus, un peu de tritium provient du milieu extraterrestre (Ă©mis par le Soleil ou d'autres Ă©toiles et poussĂ© par le rayonnement cosmique ou les vents solaires orientĂ©s vers la Terre[9]). Inversement, en mĂȘme temps que de l'hydrogĂšne, l'atmosphĂšre terrestre perd un peu de tritium, arrachĂ© par les vents solaires en pĂ©riphĂ©rie de la haute atmosphĂšre[10]. Il s'en produit plus en pĂ©riode d'Ă©ruption solaire (environ « 0,1 atome de tritium/cm2/s Ă la surface de la Terre pendant la durĂ©e du cycle solaire. »[10])
Du tritium artificiel est cependant produit par l'homme en plus grande quantité depuis les années 1940, via les explosions nucléaires, ou parce que du lithium est exposé à un flux neutronique. C'est le cas dans le réacteur d'une centrale nucléaire. L'isotope léger (6Li), présent dans le lithium naturel à raison de 7,5 %, capture les neutrons et donne des noyaux d'hélium et de tritium suivant la réaction :
Le lithium 7 exposé à des neutrons de haute énergie peut également subir une réaction (n, alpha) endothermique (réaction découverte lors de l'essai Castle Bravo ; dont l'explosion a été d'une énergie 2,5 fois supérieure aux prévisions à cause de l'excÚs de tritium produit de cette maniÚre).
Dans un réacteur à eau pressurisée, de l'acide borique est utilisé comme « poison » consommable. Le bore 10 peut parfois occasionnellement[11] subir une fission ternaire (n, T, 2α), conduisant à deux atomes d'hélium et un de tritium[12]:
Les rĂ©acteurs Ă eau lourde gĂ©nĂšrent du tritium par capture d'un neutron par un atome de deutĂ©rium. Cette rĂ©action n'a qu'une trĂšs faible section efficace (c'est pourquoi l'eau lourde est un bon modĂ©rateur) et ne produit que peu de tritium. La mĂȘme rĂ©action se produit sur la faible proportion de deutĂ©rium (0,015 %) dans les rĂ©acteurs oĂč l'eau est utilisĂ©e comme caloporteur[13].
En milieu nuclĂ©aire, l'hĂ©lium 3 produit par la dĂ©sintĂ©gration du tritium est lui-mĂȘme rĂ©activĂ© en tritium par capture neutronique, facilitĂ© par sa grande section de capture :
Le tritium est également produit dans les réacteurs nucléaires électrogÚnes comme produit de fission pour environ 3 g par an et par réacteur[14]. Le tritium produit par fission n'est normalement pas rejeté au niveau du réacteur, car il reste majoritairement dans le combustible pour se trouver dans la solution de produits de fission à l'usine de retraitement. Malgré tout, un réacteur de 900 MWe rejette de l'ordre de 10 TBq/an (soit 0,03 g/an).
Production industrielle
Toutes les centrales produisent du tritium qui est un rĂ©sidu de l'exploitation des rĂ©acteurs. En France, « il est stockĂ© sur site, dans des rĂ©servoirs prĂ©vus Ă cet effet, avant d'ĂȘtre rejetĂ© conformĂ©ment aux autorisations de rejets, aprĂšs avoir Ă©tĂ© contrĂŽlĂ© ». Des limites de rejets sont imposĂ©es pour chaque installation, par arrĂȘtĂ© (ex : 80 Bq/l Ă ne pas dĂ©passer pour les rejets de la centrale nuclĂ©aire de Chooz B en 2005).
La principale source civile de tritium dans le monde ce sont les rĂ©acteurs modĂ©rĂ©s Ă l'eau lourde, comme les CANDU ou les PHWR argentins de conception Siemens, oĂč le tritium constitue un produit d'activation. Dans certains rĂ©acteurs, le tritium est pĂ©riodiquement extrait du modĂ©rateur, et peut ĂȘtre disponible pour une utilisation industrielle.
Le tritium est extrait de l'eau lourde au « Tritium Removal Facility » (TRF) en deux étapes : extraction catalytique en phase vapeur, puis distillation cryogénique. Le TRF produit annuellement 2,5 kg de tritium[15].
De 1962 à 1976, un laboratoire français du centre CEA de Saclay était équipé pour la production d'importantes quantités de tritium. Deux réacteurs de recherche français dénommés Célestin I et II qui sont entrés en service à Marcoule en 1967 et 1968 étaient particuliÚrement destinés à la production de tritium. En 1967, l'Atelier d'extraction du tritium des cibles situé aussi à Marcoule a commencé à fonctionner[16].
Le tritium à usages militaires est produit en réacteurs d'irradiations, par irradiation de lithium. C'est la méthode choisie par l'autre grand fournisseur de tritium civil, Reviss Services et envisagée pour le fonctionnement continu d'ITER.
C'est la source envisagĂ©e pour le dĂ©marrage d'ITER : la fusion thermonuclĂ©aire destinĂ©e Ă produire de l'Ă©nergie devrait bientĂŽt utiliser le lithium dans une zone pĂ©riphĂ©rique dite de couverture, enveloppant le cĆur du rĂ©acteur, pour intercepter un maximum de neutrons produits par les rĂ©actions de fusion. Le tritium ainsi produit servirait Ă rĂ©gĂ©nĂ©rer le tritium consommĂ© par la rĂ©action, ce qui permettrait de fermer le cycle de la voie fusion.
Usages
Pour la fusion nucléaire
Le tritium est un élément clef de la fusion nucléaire, par la grande section efficace et l'énergie dégagée par sa réaction avec le deutérium :
Tous les noyaux composés de neutrons et de protons sont chargés positivement, et se repoussent du fait de la force électrostatique qui en résulte. Cependant, quand la température et la pression sont suffisamment élevées, ils peuvent se rapprocher au point que l'interaction forte prenne le dessus et provoque la fusion en un noyau plus gros.
Le noyau de tritium, formĂ© d'un proton et de deux neutrons, a une charge Ă©lectrique identique Ă celle du noyau d'un atome d'hydrogĂšne, et subit donc la mĂȘme rĂ©pulsion Ă©lectrostatique. Mais les neutrons augmentent l'effet de l'interaction forte, permettant une fusion plus facile qu'entre atomes d'hydrogĂšne.
Usage militaire
Le principal usage du tritium produit dans le monde est dâ« accroĂźtre le rendement des armes thermonuclĂ©aires ou Ă fusion et dâaccroĂźtre lâefficacitĂ© de lâutilisation des matiĂšres explosives nuclĂ©aires »[17].
Les bombes nuclĂ©aires Ă fusion nuclĂ©aire sont en effet de type tritium-tritium ou tritium-deutĂ©rium. La rĂ©action est dĂ©clenchĂ©e par les tempĂ©ratures et pressions extrĂȘmes d'une rĂ©action explosive de fission nuclĂ©aire d'uranium 235 ou de plutonium 239. Les neutrons dĂ©gagĂ©s par la fusion du tritium favorisent Ă leur tour la fission de l'uranium ou du plutonium rĂ©siduels.
Aucune publication officielle ne le dit, mais on estime que les tĂȘtes nuclĂ©aires contiennent environ 4 g de tritium, et qu'une bombe Ă neutrons en contient de 10 Ă 30 grammes[18].
Le tritium est une matiÚre nucléaire dont la détention est réglementée en France (Article R1333-1 du Code de la défense). Mais au niveau international, il n'est pas retenu parmi les « produits fissiles » du TNP et ne fait pas l'objet de contrÎles pour l'AIEA.
Une trĂšs faible quantitĂ© de tritium est Ă©galement utilisĂ©e sur des modĂšles d'organes de visĂ©e d'armes lĂ©gĂšres, afin de permettre Ă l'usager de pouvoir sortir son arme et immĂ©diatement viser en conditions nocturnes. Ces modifications sont en revanche interdites dans plusieurs pays, dont la France depuis 2002[19]. D'autres personnes utilisent plutĂŽt des inserts photoluminescents qui accumulent la lumiĂšre (du soleil, ou d'une autre source comme une lampe torche) puis la restituent, ou peignent eux-mĂȘmes les points de couleur sur leurs organes de visĂ©e avec de la peinture phosphorescente.
Usages non-nucléaires
Les usages non-nucléaires n'impliquent que des traces de tritium, et ne concernent qu'une fraction trÚs faible des quantités produites.
Des composĂ©s tritiĂ©s gazeux sont utilisĂ©s depuis les annĂ©es 1950[20] pour leur capacitĂ© Ă faire briller dans le noir les matĂ©riaux phosphorescents, avec bien moins de risque (norme ISO 3157:1991) qu'avec le radium (maintenant interdit pour la luminescence des montres et rĂ©veils en raison de sa dangerositĂ© pour les travailleurs, mĂȘme avec de faibles doses reçues[21]).
Des tubes transparents remplis de gaz rendent lumineux des points (montres, chronomĂštres, systĂšmes de visĂ©e d'armes de chasse, guerre, ou tir sportif) ou des dispositifs dâĂ©clairage de panneaux, d'Ă©lĂ©ments autolumineux dans les avions, de feux de pistes dâaĂ©roport, cadrans lumineux, de jauges, etc.[22] - [9], ou de signalĂ©tique de sĂ©curitĂ© (de type « sortie de secours » (jusqu'Ă une vingtaine de curies[23], soit 750 GBq) n'ayant alors plus besoin de piles ou de circuit d'alimentation.
Bien que cela soit interdit ou rĂ©glementĂ© dans certains pays (comme aux Ătats-Unis avec la nĂ©cessitĂ© d'une autorisation de l'US EPA), des capsules de tritium gazeux sont utilisĂ©es dans certaines montres ou gadgets (dits « T-luminising » ou « trasers »)[24], qui font l'objet d'un commerce illĂ©gal.
La plupart de ces objets peuvent perdre leur tritium en cas d'incendie[24], mais les quantitĂ©s impliquĂ©es susceptibles d'ĂȘtre rĂ©ellement inhalĂ©es (de l'ordre de quelques kBq) n'entraĂźnent gĂ©nĂ©ralement pas de danger en matiĂšre de santĂ© publique (mĂȘme si l'on admet qu'il est ingĂ©rĂ© sous forme d'eau tritiĂ©e, dont le facteur de dose est 1,8 ĂâŻ10â11 Sv/Bq ; un kilo-becquerel de tritium inhalĂ© sous cette forme correspond Ă une dose de 0.018 ”Sv, trĂšs infĂ©rieure Ă ce que l'on sait mesurer de l'effet des faibles doses d'irradiation).
En France, cette pratique est soumise Ă autorisation de vente par le code de la santĂ© publique[25] ; le dĂ©cret 2002-450 du dispose ainsi quâest « interdite toute addition intentionnelle de radionuclĂ©ides artificiels et naturels, y compris lorsquâils sont obtenus par activation, dans les biens de consommation et les produits de construction. [âŠ] Sont Ă©galement interdites lâimportation et lâexportation, sâil y a lieu sous tout rĂ©gime douanier, ainsi que le placement en magasin et aire de dĂ©pĂŽt temporaire de tels biens et produits qui auraient subi cette addition[26] ».
Du tritium provenant probablement d'objets de ce type est retrouvĂ© dans les lixiviats de certaines dĂ©charges municipales, et donc probablement prĂ©sent dans les fumĂ©es ou cendres d'incinĂ©rateurs. Mutch et Mahony (2008) avec, par exemple, en moyenne 1 251 Bq/l et jusqu'Ă 7 104 Bq/l Ă©mis par de l'eau tritiĂ©e trouvĂ©e dans les lixiviats de deux dĂ©charges Ă©tudiĂ©es dans les Ătats de New York et du New Jersey. En Californie des taux moyens de 3 663 Bq/l et jusqu'Ă 11 248 Bq/l trouvĂ©s dans de tels lixiviats (Ă comparer Ă la limite de potabilitĂ© de l'ordre de 10 kBq/l, voir eau tritiĂ©e). Ce tritium peut aussi se rediffuser dans l'air, via les condensats de gaz de dĂ©charge oĂč l'on a trouvĂ©, par exemple, du tritium Ă dose de 2 013 Bq/l au Royaume-Uni et 18 981 Bq/l en Californie.
Du tritium gazeux est également utilisé pour les usages suivants :
- comme produits de radiochimie, produits radiopharmaceutiques et biotechnologiques, dont pour l'aide à certains diagnostics médicaux.
Une production commerciale croissante de tritium existe pour cet usage ; - comme traceur utilisé en laboratoires de recherche ou in situ (pour mesurer l'imperméabilité d'une argile ou d'autres matériaux par exemple) ;
- comme traceur dans lâexploration pĂ©troliĂšre ou de gaz naturel, gaz de schistes ;
- comme éléments de détecteurs (de neutrinos, en couche fine) ou antérieurement de spectroscope[27] - [28] ;
- comme source d'Ă©nergie pour des micro-batteries[29] et piles bĂȘta-voltaĂŻques que l'on peut dĂ©jĂ trouver dans certains satellites. Elles ne sont pas utilisĂ©es pour le grand public, mais les chercheurs tentent de les miniaturiser pour les utiliser dans les ordinateurs portables et les tĂ©lĂ©phones. Ce type de piles prĂ©sente l'avantage de fournir en continu du courant pendant environ trente ans, que l'on s'en serve ou non, et ce sans Ă©chauffement de la pile.
Le tritium peut Ă©galement ĂȘtre utilisĂ© pour la datation de masses d'eau.
Impacts biologiques et Ă©cologiques du tritium
Depuis l'arrĂȘt des essais nuclĂ©aires dans l'atmosphĂšre, le tritium artificiel est principalement rejetĂ© dans l'air et l'eau par les installations nuclĂ©aires. Il est, avec le carbone 14, l'un des deux radionuclĂ©ides les plus Ă©mis dans lâenvironnement par les installations nuclĂ©aires en fonctionnement normal, notamment par les rĂ©acteurs CANDU canadiens, ce qui a incitĂ© l'organisme de rĂ©glementation nuclĂ©aire du Canada et la Commission canadienne de sĂ©curitĂ© nuclĂ©aire (CCSN) Ă mieux comprendre la cinĂ©tique du tritium dans l'environnement et notamment dans l'air[30].
La nature et l'étendue de son impact continuent à faire l'objet d'études. Une synthÚse des connaissances disponibles a été publiée en 2010 par l'Autorité de sûreté nucléaire française[31] :
- la pĂ©riode biologique (sensiblement Ă©gale Ă la pĂ©riode effective dans le cas du tritium) varie suivant la forme sous laquelle le tritium est fixĂ©. Quelle que soit la forme de lâapport en tritium, la plus grande partie du tritium est rĂ©putĂ©e Ă©liminĂ©e en un mois et la presque-totalitĂ© est Ă©liminĂ©e en moins dâun an. Sa pĂ©riode biologique est donc trĂšs infĂ©rieure Ă sa pĂ©riode radioactive de douze ans ;
- le facteur de dose pour l'eau tritiĂ©e (la forme la plus courante dans l'environnement) est de 1,8 ĂâŻ10â11 Sv/Bq. Compte tenu de sa trĂšs faible radiotoxicitĂ©, des excĂšs de cancers ne sont attendus que pour des expositions de l'ordre du giga-becquerel, trĂšs au-delĂ des niveaux d'expositions rencontrĂ©s dans les environnements marquĂ©s au tritium ;
- les recommandations de lâOMS sur les critĂšres de potabilitĂ© de lâeau de boisson sont que la dose reçue du fait de la prĂ©sence dâun radionuclĂ©ide dans lâeau de boisson ne dĂ©passe pas 0,1 mSv/an. Cette dose pourrait ĂȘtre atteinte chez lâadulte par la consommation quotidienne de deux litres dâeau tritiĂ©e Ă hauteur de 7,8 kBq/l (valeur guide de lâOMS pour ce radioĂ©lĂ©ment)[32]. La rĂ©glementation française retient que l'eau peut ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme potable sans restriction jusqu'Ă dix mille becquerels par litre (soit 10 MBq/m3).
Sécurité et radioprotection
Mesure, dosage
Il a fallu attendre les années 2000 pour mieux doser le tritium[33]. Les techniques d'analyses sont les suivantes :
- une chambre d'ionisation des gaz permet de mesurer des concentrations importantes, de mĂȘme que la microcalorimĂ©trie pour des solides (sous forme d'hydrures par exemple) ;
- l'eau tritiĂ©e, ou des liquides (extraits par distillation azĂ©otropique de plantes, animaux, champignons, sols) peuvent ĂȘtre analysĂ©s facilement par scintillation liquide ;
- vers 1980 sont apparus des compteurs à trÚs bas bruit de fond détectant le tritium à partir de 5 Bq/l. De nouveaux flacons de comptage ainsi que des « cocktails scintillants » spéciaux ont permis de le détecter à partir de 1 Bq/l[34] ;
- la spectromĂ©trie de masse de cet isotope est encore plus prĂ©cise, mais plus longue (dĂ©lais d'attente pour les analyses). Le tritium de l'air doit ĂȘtre analysĂ© dans l'eau, aprĂšs y avoir Ă©tĂ© solubilisĂ©. Le tritium peut dĂ©gazer d'un Ă©chantillon liquide pour s'enfuir dans l'atmosphĂšre. Les Ă©chantillons sont donc conservĂ©s en flacons Ă©tanches et avec une pellicule d'huile minĂ©rale sur le liquide ;
- une eau faiblement tritiĂ©e peut ĂȘtre « enrichie » pour analyse en profitant du fait que, lors de l'Ă©lectrolyse, le tritium se dĂ©gage Ă la cathode plus lentement que lâhydrogĂšne ordinaire (car ce dernier est plus lĂ©ger). Cette technique permet dâaccroĂźtre les seuils d'analyse de 0,2 jusquâĂ 0,02 Bq/l ;
- les Ă©chantillons de sols ou de tissus vivant sont congelĂ©s et si possible traitĂ©s dans leurs rĂ©cipents d'Ă©chantillonnages qui doivent ĂȘtre Ă©tanches.
Surveillance
Les concentrations en tritium sont surveillées dans l'air et les pluies depuis les années 1950. On sait mieux le doser depuis les années 2000[33], mais sa cinétique et l'impact de ce tritium dans le réseau trophique sont encore discutés et mal compris (notamment pour ses formes organiques).
On s'y est intéressé chez les lichens, réputés bons biointégrateurs et bioindicateurs de certains stress environnementaux, particuliÚrement résistants à la radioactivité, l'algue symbiote du lichen fixant le tritium et le carbone 14 via la photosynthÚse, pour ensuite l'inclure dans des composés organiques, dans l'algue et le champignon-partenaire. Le lichen arboricole permet un suivi des eaux météoritiques (pluie, vapeur, rosée, etc.) sans contamination par le tritium du sol ou par le tritium de l'eau du sol. L'analyse des lichens anciens ou de lichens transférés autour de sites civils ou militaires permet de cartographier, parfois de maniÚre spectaculaire, les retombées provenant de ces installations[35]. L'analyse des cernes du bois d'arbre[36] permet par ailleurs d'estimer les variations annuelles d'absorption par les arbres.
En France Dans les annĂ©es 2000-2010, chaque annĂ©e, plus de 2 000 mesures de tritium Ă©taient faites dans l'eau et l'air autour des centrales[37] et on commence Ă chercher Ă Ă©valuer son impact autour des centrales[38]. Le , l'ACRO a relevĂ© 110 Bq/l de tritium en mer dans la Baie d'Ăcalgrain, prĂšs de l'usine AREVA de La Hague[39], contre habituellement moins de 27 Bq/l Ă cet endroit (et jamais plus de 33,3 Bq/l en dix ans de mesure Ă Goury (1998-2007) selon l'IRSN) pour un fond naturel d'environ 0,1 Bq/l[39]. Les donnĂ©es transmises par l'exploitant au RĂ©seau National de Mesure[40] n'Ă©voquent rien d'anormal pour cette date[39]. L'Acro note Ă titre de comparaison que c'est beaucoup plus que pour le tritium relevĂ© en devant la centrale nuclĂ©aire accidentĂ©e de Fukushima[41] - [42].
Des incidents sont parfois signalés hors des centrales (entreprises gérant, incinérant ou inertant des déchets radioactifs[43]) ou dans les centrales. Par exemple, la centrale nucléaire de Gravelines a déclaré, le , un Dépassement de l'autorisation de rejet en tritium : le rejet dépassait 720 Bq/l, soit 14 fois plus que la valeur attendue (moins de 50 Bq/l). La cause semble avoir été un « transfert d'effluents inappropriés de l'installation vers le circuit des eaux usées »[44].
Gestion des déchets tritiés
En France, depuis 1980, une loi[45] protÚge et contrÎle 6 matiÚres nucléaires utilisables pour faire des armes nucléaires : le plutonium, l'uranium, le thorium, le deutérium, le tritium et le lithium 6[46].
Et depuis 2006, une loi[47] a imposé aux autorités responsable des déchets tritiés « la mise au point pour 2008 de solutions d'entreposage des déchets contenant du tritium permettant la réduction de leur radioactivité avant leur stockage en surface ou à faible profondeur ».
Divers moyens de dĂ©contamination trĂšs relative (c'est un vrai problĂšme pour les eaux contaminĂ©es de Fukushima[48]) existent, allant de la dĂ©sorption au laser de tritium adsorbĂ© sur des surfaces contaminĂ©es, Ă l'usage d'un tamis molĂ©culaire (pour l'eau, l'air ou un autre gaz contaminĂ©s). Dans les deux cas, cela produit un « effet mĂ©moire » du tritium dans les filtres et par consĂ©quent des risques de recontamination[49] (du tritium s'accumule par exemple dans les tamis molĂ©culaire en pĂ©nĂ©trant les zĂ©olites qui les composent, dont une partie pourra ĂȘtre relarguĂ©e lors d'une rĂ©gĂ©nĂ©ration ou utilisation ultĂ©rieure du filtre[50]). Ce type de filtre finit comme dĂ©chet tritiĂ©[50].
Plan d'action de lâASN (France)
Au vu des donnĂ©es rĂ©centes et selon le principe de prĂ©caution, l'ASN a demandĂ© Ă l'IRSN, Ă l'Agence nationale de sĂ©curitĂ© sanitaire, au CEA et Ă la Commission Internationale de Protection Radiologique dâĂ©tudier plus finement les effets du tritium sur lâenvironnement, lâembryon et le fĆtus.
LâASN engage les acteurs concernĂ©s Ă harmoniser les mĂ©thodes d'Ă©valuation des doses selon lâespĂšce physico-chimique du tritium, et selon la voie de contamination (inhalation, ingestion, passage percutanĂ©, etc.), et non plus seulement selon la durĂ©e d'exposition.
L'ASN a demandĂ© des investigations sur d'Ă©ventuels effets cancĂ©rigĂšnes ou hĂ©rĂ©ditaires (Ă©tudes Ă©pidĂ©miologiques chez les travailleursâŠ).
L'ASN doit créer un comité de suivi de ce plan. L'agence invite aussi les exploitants d'installations nucléaires (Areva, EDF) à mieux maßtriser leurs rejets du tritium et mettre en place une veille technologique en matiÚre de « détritiation » des rejets.
Notes et références
Notes
- Quand dans une formule chimique ou tout autre contexte on utilise les symboles D et T, alors H devient le symbole du protium et non plus celui de l'élément chimique hydrogÚne. On note par exemple HTO la formule de l'eau tritiée.
Références
-
(en) « Live Chart of Nuclides: 3
1H
2 », sur https://www-nds.iaea.org/, AIEA, (consulté le ). - Informations lexicographiques et étymologiques de « triton » dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales (consulté le 3 septembre 2016).
- « Livre blanc du tritium », sur Autorité de sûreté nucléaire, (consulté le ).
- Jean-Christophe Niel (directeur gĂ©nĂ©ral de lâASN), Livre blanc du Tritium, AutoritĂ© de sĂ»retĂ© nuclĂ©aire, mis Ă jour en (lire en ligne ou lire en ligne [PDF], consultĂ© le ).
- (en) Wang, J. H., Robinson, C. V., and Edelman, Self-diffusion and structure of liquid water. III. Measurement of the self-diffusion of liquid water with H2, H3 and O18 as tracers, I. S., J. Am. Chem. Soc., 1953, 75, 466.(Résumé et 1re page).
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- « Fiche tritium du CEA »(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?)
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Voir aussi
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Articles connexes
Liens externes
- « Le tritium, une substance radioactive, est-ce dangereux pour la santé ? », sur Mind businesss, (consulté le )
- « Livre blanc du tritium », Autorité de sûreté nucléaire (ASN), .
- « Fiche de synthÚse sur la radiotoxicité du tritium. »(Archive.org ⹠Wikiwix ⹠Archive.is ⹠Google ⹠Que faire ?) [PDF], CEA.
- « Fiche radionucléide: Tritium et environnement », Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), (consulté le )
- « Fiche d'information sur le tritium », Commission Canadienne de Sûreté Nucléaire, CCSN, (consulté le )
- « Guide pratique radioprotection du tritium » [PDF]
- (en) « Graphe de retombées de tritium liées aux essais nucléaires atmosphériques des années 1950-60 » [GIF], et (en) « idem pour le Canada : Tritium in Precipitation », Université d'Ottawa
- (en)[PDF] Review of Risks from Tritium, Rapport du groupe indépendant sur les radiations ionisantes « Independent advisory group on ionising radiation » à l'Agence Health Protection Agency (HPA), .