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RĂ©acteur CANDU

Le rĂ©acteur CANDU, conçu au Canada dans les annĂ©es 1950 et 1960, est un rĂ©acteur nuclĂ©aire Ă  l'uranium naturel (non enrichi) Ă  eau lourde pressurisĂ©e (PHWR) dĂ©veloppĂ© par Énergie atomique du Canada LimitĂ©e. L'acronyme « CANDU » signifie CANada Deuterium Uranium en rĂ©fĂ©rence Ă  l'utilisation de l'oxyde de deutĂ©rium (eau lourde) et du combustible Ă  l'uranium naturel.

Deux réacteurs CANDU 6 du site chinois de la centrale nucléaire de Qinshan, construits en 2003.

Généralités

Architecture d'un réacteur CANDU
Zones chaude et froide du circuit primaire (eau lourde); Zones chaude et froide du circuit secondaire (eau légÚre); Modérateur froid (eau lourde) de la calandre.
1. Combustible 8. Machine Ă  manutention de combustible
2. Calandre 9. Eau lourde (modérateur)
3. Barres de contrĂŽle 10. Canal
4. Pressuriseur 11. Vapeur vive
5. Générateur de vapeur 12. Eau légÚre pressurisée
6. Pompe d'eau du circuit secondaire 13. Enceinte Ă©tanche
7. Pompe du caloporteur

Eau lourde

Les réacteurs CANDU utilisent l'uranium naturel comme combustible. L'uranium naturel est formé de plusieurs isotopes de l'uranium dont les plus abondants sont l'uranium 238 (238U) et l'uranium 235 (235U). Seul l'isotope 235U est fissile, il peut entretenir une réaction en chaßne.

Cependant, la concentration en 235U dans l'uranium naturel (0,72 % de la masse) ne lui permet pas d'entretenir seul cette réaction en chaßne. Pour faire fonctionner un réacteur nucléaire le principe est de ralentir suffisamment les neutrons produits par la fission d'un atome pour que la probabilité qu'ils entraßnent la fission d'un autre atome atteigne un niveau permettant une réaction en chaßne dans l'ensemble du combustible. Ce procédé est appelé : thermalisation des neutrons.

La thermalisation se fait au moyen d'un modérateur pouvant ralentir efficacement les neutrons produits par la fission sans trop les absorber. Pour la concentration en 235U de l'uranium naturel, trois matériaux répondent à ces critÚres : le béryllium, le graphite et l'eau lourde. Le graphite, moins coûteux que l'eau lourde et le béryllium, a été utilisé dans les premiers réacteurs nucléaires de l'histoire (CP-1, X-10).

Tubes de force

Les CANDU sont des réacteurs à tubes de force, c'est-à-dire que le combustible et le modérateur sont séparés. Ils sont en ce sens comparables aux réacteurs à gaz (UNGG, AGR) et aux réacteurs RBMK.

L'eau lourde « froide », qui joue le rÎle de modérateur, est contenue dans un réservoir cylindrique nommé calandre. Cette calandre est traversée par des canaux remplis de gaz (dioxyde de carbone) abritant des tubes de force (380 pour un CANDU 600). Dans ces tubes de force, renfermant chacun des grappes de combustible (12 ou 13), circule de l'eau lourde sous pression « chaude » servant de fluide caloporteur. Ainsi à la différence des réacteurs à eau pressurisée (REP), qui forment la majeure partie du parc nucléaire mondial, les réacteurs CANDU possÚdent deux réseaux de canalisations : l'un transportant le liquide caloporteur « chaud » sous pression et l'autre le liquide modérateur « froid ». Dans les réacteurs de type REP, un seul réseau de canalisation assure ces deux fonctions.

La pression de l'eau lourde dans les tubes de force est maintenue Ă  10 mĂ©gapascals, soit prĂšs de 100 fois la pression atmosphĂ©rique au niveau de la mer. À cette pression, l'eau n'entre pas en Ă©bullition bien que sa tempĂ©rature atteigne 310 °C au contact du combustible[1]. L'eau lourde sous pression transfĂšre l'Ă©nergie thermique acquise Ă  de l'eau lĂ©gĂšre en passant par des gĂ©nĂ©rateurs de vapeur Ă  proximitĂ© du rĂ©acteur. Au sein de ces derniers l'eau lĂ©gĂšre est portĂ©e Ă  Ă©bullition et la vapeur est utilisĂ©e pour faire tourner des turbines reliĂ©s Ă  des alternateurs produisant de l'Ă©lectricitĂ©. Ce procĂ©dĂ©, commun Ă  tous les rĂ©acteurs nuclĂ©aires Ă©lectrogĂšnes, n'est pas sans pertes puisque pour 2 776 mĂ©gawatts de chaleur (MWt) gĂ©nĂ©rĂ©s par un rĂ©acteur CANDU-850, seulement 934 mĂ©gawatts d'Ă©lectricitĂ© (MWe) bruts sont produits (rendement de 30 %).

Si les réacteurs CANDU ont tous en commun l'eau lourde comme modérateur, historiquement d'autres fluides caloporteurs ont été testés, tels l'eau légÚre bouillante (CANDU-BLW) dans le réacteur Gentilly-1 de la centrale nucléaire de Gentilly, ou l'huile (CANDU-OCR) dans le réacteur expérimental WR-1 des laboratoires Whiteshell.

Avantages et inconvénients

Combustible

Le cycle du combustible d'un réacteur CANDU.
  • Aucun coĂ»t relatif Ă  l'enrichissement de l'uranium n'est nĂ©cessaire pour faire fonctionner un rĂ©acteur CANDU. L'eau lourde absorbant moins les neutrons que l'eau lĂ©gĂšre, la faible concentration en matiĂšre fissile de l'uranium naturel (0,7 % 235U) est suffisante pour y entretenir une rĂ©action en chaĂźne.
  • La capacitĂ© des CANDU Ă  entretenir une rĂ©action en chaĂźne malgrĂ© une faible concentration de matiĂšre fissile leur permet de brĂ»ler des combustibles alternatifs. L'uranium de retraitement (0.5-1 % 235U) peut ĂȘtre utilisĂ© pour en extraire 30 Ă  40 % d'Ă©nergie supplĂ©mentaire ou mĂȘme directement le combustible usĂ© des rĂ©acteurs Ă  eau lĂ©gĂšre. Un mĂ©lange d'uranium et de plutonium (le MOX) provenant d'armes nuclĂ©aires dĂ©mantelĂ©es ou de combustible retraitĂ© peut ĂȘtre choisi. L'utilisation des actinides issus du retraitement peut ĂȘtre envisagĂ©e. Enfin, le thorium peut ĂȘtre transmutĂ© en 233U fissile et ce dernier brĂ»lĂ©.
  • Une fois la durĂ©e de vie utile du combustible atteinte, aprĂšs 12 Ă  18 mois dans le rĂ©acteur, les grappes contiennent encore 0,2 % de 235U, ainsi que 4 % de plutonium. Ce combustible usĂ© peut ĂȘtre retraitĂ©. Au Canada, il est stockĂ© en vue d'un entreposage permanent ou d'une utilisation future dans des rĂ©acteurs de prochaine gĂ©nĂ©ration.

Opération

Plus l’énergie d'un neutron libre est faible (plus il est thermalisĂ©) et plus il a de chance d’entraĂźner la fission d'un noyau d'uranium 235.
  • La rĂ©action en chaĂźne est plus stable dans un CANDU du fait de la production de neutrons supplĂ©mentaires. Ces neutrons proviennent des noyaux de deutĂ©rium de l'eau lourde bombardĂ©s par les neutrons issus de la fission et par les rayons gamma, produits Ă  la fois par la fission puis par la dĂ©croissance radioactive des produits de cette fission. La pĂ©riode radioactive des produits de fission variant de quelques secondes Ă  plusieurs annĂ©es, les neutrons gĂ©nĂ©rĂ©s, via le deutĂ©rium, par leur dĂ©croissance, ralentit la rĂ©ponse du rĂ©acteur. Les rayons gamma traversant plusieurs mĂštres d'eau, un accroissement du taux de fission dans une partie du rĂ©acteur entraĂźne une rĂ©ponse lente du reste du rĂ©acteur. D'un autre cĂŽtĂ© les neutrons de fission, fortement ralentis avant d'atteindre une autre barre de combustible, mettent plus de temps Ă  traverser le rĂ©acteur. Si la rĂ©action s'accĂ©lĂšre dans une partie du rĂ©acteur ce changement se propagera lentement au reste du cƓur, laissant plus de temps aux opĂ©rateurs pour rĂ©agir.
  • Dans un CANDU la majeure partie du modĂ©rateur (dans la calandre) est Ă  une tempĂ©rature peu Ă©levĂ©e (moins de 80 °C). Cela implique que la plupart des neutrons vont ĂȘtre modĂ©rĂ©s (thermalisĂ©s) Ă  des Ă©nergies basses et ainsi ĂȘtre plus susceptibles d'engendrer la fission. Presque tous les Ă©vĂ©nements de fissions Ă©tant engendrĂ©s par des neutrons thermalisĂ©s, l'uranium est ainsi plus efficacement "brĂ»lĂ©" que dans un rĂ©acteur Ă  eau lĂ©gĂšre.
  • La petite taille des grappes de combustible et la possibilitĂ© de rechargement en marche du CANDU facilitent l'optimisation du cƓur du rĂ©acteur et Ă©liminent la nĂ©cessitĂ© d'utiliser des poisons Ă  neutrons pour diminuer l’excĂšs de rĂ©activitĂ© d'un cƓur venant d’ĂȘtre rechargĂ© en combustible neuf[2].

Sécurité

  • Deux systĂšmes indĂ©pendants permettent de stopper la fission. Des barres absorbantes en cadmium sont maintenues au-dessus de la calandre par des Ă©lectroaimants et tombent dans le cƓur pour stopper la rĂ©action. Un systĂšme injecte du nitrate de gadolinium sous pression, un poison Ă  neutrons, dans l'eau de la calandre.
  • Les barres de contrĂŽle Ă©tant insĂ©rĂ©es dans la calandre et non dans les tubes de forces sous haute pression elles ne peuvent pas ĂȘtre Ă©jectĂ©es par la vapeur comme elles pourraient l'ĂȘtre de la cuve d'un REP.
  • Le modĂ©rateur de la calandre dissipe 4,5 % de la chaleur (induite principalement par rayonnement gamma) en opĂ©ration normale. Ce ratio est semblable Ă  la puissance rĂ©siduelle du rĂ©acteur aprĂšs l'arrĂȘt. La calandre peut ainsi agir comme un dissipateur thermique en cas d'accident (perte du caloporteur).
  • Les tubes de force ne peuvent maintenir le cƓur du rĂ©acteur critique que si leur gĂ©omĂ©trie est maintenue. Si la tempĂ©rature du combustible augmente au point de les rendre mĂ©caniquement instables leur orientation horizontale implique qu'ils se courberaient sous l'effet de la gravitĂ©, changeant l'arrangement des assemblages. L'uranium naturel ayant peu de rĂ©activitĂ© en excĂšs, toute dĂ©formation significative de l'arrangement du cƓur du rĂ©acteur ou des assemblages eux-mĂȘmes rĂ©duit l'efficacitĂ© de la rĂ©action en chaĂźne. Dans l'Ă©ventualitĂ© oĂč un tube de force serait dĂ©formĂ© par la chaleur au point de toucher le canal l'entourant, la capacitĂ© thermique de la calandre permettrait Ă  cette chaleur d'ĂȘtre efficacement dissipĂ©e par le volume de modĂ©rateur.
  • La calandre Ă©tant entourĂ©e d'un rĂ©servoir d'eau elle fait office de rĂ©cupĂ©rateur de corium en cas de fusion de cƓur[3].
  • En cas de fusion du cƓur, le combustible n'Ă©tant pas critique dans l'eau lĂ©gĂšre, il peut ĂȘtre refroidi avec de l'eau provenant de sources proches sans risque d'augmenter sa rĂ©activitĂ©.
  • Pour la mĂȘme raison, le stockage et la manutention du combustible usĂ© sont simplifiĂ©s car il n'y a pas de risque d'accident de criticitĂ© en piscine.

Économie

Grappes de combustible.
  • Le combustible n'ayant pas besoin d'ĂȘtre enrichi, les rĂ©acteurs CANDU consomment au total 30 % moins d'uranium naturel que leurs homologues Ă  eau lĂ©gĂšre.
  • L’accessibilitĂ©, via leurs calandres, du flux de neutrons des rĂ©acteurs CANDU permet la production d'isotopes Ă  usages mĂ©dicaux ou techniques. En plus de l'Ă©lectricitĂ©, ils produisent ainsi la quasi-totalitĂ© du cobalt-60 utilisĂ© dans le monde[4].
  • Parce qu'ils utilisent des tubes de force les rĂ©acteurs CANDU peuvent ĂȘtre rechargĂ©s en fonctionnement. Deux robots se connectent Ă  chaque extrĂ©mitĂ© d'un tube de force et tandis qu'un y introduit des grappes de combustible neuf, l'autre rĂ©cupĂšre les grappes usagĂ©es. Pour cette raison, les rĂ©acteurs CANDU offraient les facteurs de charge les plus importants de tous les rĂ©acteurs occidentaux de deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration. Depuis les annĂ©es 2000, des progrĂšs dans la gestion des rechargements ont rĂ©duit l'Ă©cart au point que les REP les dĂ©passent aujourd'hui[5].

Sécurité

  • Les rĂ©acteurs CANDU ont un coefficient de vide positif entraĂźnant un coefficient de puissance positif. Cela implique que l'augmentation de la tempĂ©rature du fluide caloporteur accroĂźt la rĂ©activitĂ© du combustible qui en retour augmente la tempĂ©rature du caloporteur et ainsi de suite. PrĂ©venir ce phĂ©nomĂšne, impliquĂ© dans la catastrophe nuclĂ©aire de Tchernobyl, est l'une des raisons d'ĂȘtre de la calandre car une production importante de vapeur dans les tubes de force n'aurait qu'une incidence limitĂ©e sur la modĂ©ration. Si l'eau dans la calandre se mettait Ă  bouillir cela aurait cependant un effet significatif mais son volume important et sa basse tempĂ©rature assurent que cela n'arrive que lentement.

DĂ©chets

  • Les rĂ©acteurs CANDU produisent plus de dĂ©chets pour une mĂȘme quantitĂ© d’énergie produite que les rĂ©acteurs Ă  eau lĂ©gĂšre (140 t.GWe/an contre 20 t.GWe/an pour un REP)[6] car leur combustible est moins riche en 235U (0,7 % contre 3 Ă  5 %).
  • Les rĂ©acteurs CANDU sont ceux qui produisent, dans le cadre de leur fonctionnement normal le plus de tritium[7] car l'eau lourde peut se transformer en tritium par capture neutronique. Isotope radioactif de l'hydrogĂšne difficile Ă  confiner, ce tritium est susceptible de contaminer l'air et l'eau, puis de se diffuser dans les Ă©cosystĂšmes. Ses effets sur l'environnement ou la santĂ© humaine sont discutĂ©s depuis plusieurs dĂ©cennies ; les risques sanitaires initialement jugĂ©s trĂšs faibles, pourraient ĂȘtre rĂ©Ă©valuĂ©s Ă  la hausse Ă  la suite de plusieurs rapports produits dans les annĂ©es 2000[8].

Prolifération nucléaire

  • Les rĂ©acteurs CANDU, comme les autres rĂ©acteurs, produisent du plutonium. Du fait de leur capacitĂ© de rechargement en marche, facilitant la production de plutonium militaire, ils sont parfois montrĂ©s du doigt comme les plus susceptibles de participer au risque de prolifĂ©ration nuclĂ©aire. Cela parait au contraire erronĂ© dans la mesure oĂč il faut au contraire dĂ©velopper une filiĂšre d'enrichissement pour disposer d'une arme nuclĂ©aire[9]. Ainsi un pays possĂ©dant seulement des rĂ©acteurs CANDU, mais pas d'usines de retraitement, ne pourrait pas se doter si simplement de l'arme nuclĂ©aire, d'autant que la concentration en plutonium du combustible usĂ© est plus faible que pour des rĂ©acteurs Ă  eau lĂ©gĂšre[10].
  • Le tritium produit par les CANDU peut ĂȘtre utilisĂ© pour booster une bombe A ou rĂ©aliser une bombe H. Il peut cependant aussi ĂȘtre utile pour rĂ©aliser la fusion dans des rĂ©acteurs tel qu'ITER.


Économie

  • La fabrication d'eau lourde Ă©tant coĂ»teuse, son emploi nĂ©cessite un investissement initial important. 11 % du coĂ»t de construction de la centrale Darlington par exemple.
  • Bien qu'un rĂ©acteur utilisant une calandre soit moins onĂ©reux Ă  construire, ses dimensions et son orientation horizontale accroissent son volume total et donc le coĂ»t de construction de l'enceinte de confinement qui doit ĂȘtre plus vaste que pour un REP.

Histoire

Le dĂ©veloppement du CANDU a connu quatre Ă©tapes majeures. Les premiers rĂ©acteurs Ă©taient des systĂšmes expĂ©rimentaux et de puissance limitĂ©e. Ils furent remplacĂ©s par une seconde gĂ©nĂ©ration de rĂ©acteurs de 600 MWe, puis une sĂ©rie de 800-900 MWe. Une troisiĂšme gĂ©nĂ©ration a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ©e mais n'est pas Ă  ce jour dĂ©ployĂ©e.

Pourquoi l'eau lourde ?

Les scientifiques du laboratoire de Montréal, 1944.

AprÚs l'invasion de la France au début de la Seconde Guerre mondiale, une équipe de scientifiques français étudiant comment un mélange d'uranium et d'eau lourde pouvait maintenir une réaction en chaßne fuit au Royaume-Uni avec son stock d'eau lourde. Quand Londres comprit qu'un réacteur à eau lourde pourrait fabriquer du plutonium pour le projet de bombe atomique britannique Tube Alloys, il établit le laboratoire de Montréal pour relocaliser les scientifiques étrangers au plus prÚs des matiÚres premiÚres nécessaires à l'entreprise et des chercheurs Américains. Le Canada était en effet producteur d'eau lourde et d'uranium, bien que ces ressources soient alors sous contrÎle américain. En 1943, Tube Alloys est fusionné au projet Manhattan et les Américains investissent dans le réacteur à eau lourde canadien.

Le bùtiment du réacteur ZEEP à Chalk River, 1945.

Un laboratoire destinĂ© Ă  la recherche nuclĂ©aire est Ă©tabli Ă  Chalk River en 1944. LĂ , le 5 septembre 1945 le premier rĂ©acteur en dehors des États-Unis entre en service. Le ZEEP, un petit rĂ©acteur construit pour tester la vĂ©racitĂ© des calculs des chercheurs canadiens, est bientĂŽt rejoint par d'autres rĂ©acteurs expĂ©rimentaux plus puissants tel le NRX en 1947 et le NRU en 1957.

Fort de cette expérience, quand vint le temps de dessiner un réacteur commercial canadien, l'emploi de l'eau lourde apparut évident. D'autant que le pays ne disposant pas d'usine d'enrichissement d'uranium et la technologie américaine étant alors gardée secrÚte, la perspective d'utiliser directement l'uranium naturel était la plus économique.

Génération I

Dans les années 1950 le développement de réacteurs nucléaires de puissance amÚne plusieurs pays à tester différentes conceptions.

En 1955, le projet de construction d'un rĂ©acteur prototype modĂ©rĂ© et refroidi Ă  l'eau lourde est lancĂ© conjointement par Ontario Hydro (OH), Canadian General Electric (CGE) et Énergie Atomique du Canada Ltd (EACL). La conception initiale emploie une cuve sous pression, mais le Canada ne disposant pas de forges capables de rĂ©aliser une telle piĂšce, les concepteurs du CANDU s'orientent vers l'utilisation de tubes de force : une technologie bien maĂźtrisĂ©e puisqu'elle remonte aux premiers rĂ©acteurs militaires, avec pour avantage de permettre un rechargement en marche du rĂ©acteur.

Ces travaux amĂšnent en 1962 au premier rĂ©acteur de type CANDU, le Nuclear Power Demonstration (NPD), construit Ă  Rolphton (Ontario), non loin de Chalk River. DestinĂ© Ă  n'ĂȘtre qu'une preuve de concept, il ne produisait que 22 MW d'Ă©lectricitĂ© mais il est restĂ© en fonction jusqu'en 1987. Le second CANDU fut le rĂ©acteur de Douglas Point, une version de 200 MWe construite prĂšs de Kincardine (Ontario) face au Lac Huron. En service en 1968, il fut arrĂȘtĂ© dĂšs 1984 car ses performances Ă©taient dĂ©cevantes.

Un autre rĂ©acteur expĂ©rimental, Gentilly-1, fut construit au QuĂ©bec Ă  BĂ©cancour sur le fleuve Saint-Laurent. ConnectĂ© au rĂ©seau en avril 1971, il ne produisit de l'Ă©lectricitĂ© que quelques mois avant d'ĂȘtre le premier Ă©teint en 1977.

Classe 600 MWe

NPD et Douglas Point ayant prouvés la viabilité du concept, la premiÚre centrale de plusieurs unités entra en service en 1971 à Pickering en Ontario. Contrairement aux réacteurs précédents, construits loin des populations, le site de Pickering fut choisis délibérément proche de Toronto pour réduire les coûts de transport de l'électricité et parce qu'une structure de confinement unique y a été ajoutée.

CANDU 6

Centrale nucléaire de Wolsong en Corée du Sud.

Le Canada entra sur le marchĂ© international en 1972 avec la construction en Inde par EACL d'un rĂ©acteur de 200 MWe du type de Douglas Point (Rajasthan 1). AprĂšs la construction de la deuxiĂšme unitĂ© (Rajasthan 2) l'Inde continua seule son programme nuclĂ©aire.

De son cĂŽtĂ© CGE fournit la mĂȘme annĂ©e au Pakistan un rĂ©acteur de 137 MWe basĂ© sur le NPD. CGE abandonna ensuite la construction de rĂ©acteurs et EACL hĂ©rita de son concept de rĂ©acteur unitaire basĂ© sur ceux de Pickering. Ce nouveau rĂ©acteur, Ă  la puissance accrue de 100 MWe par rapport Ă  Pickering, le CANDU 6, sera exportĂ© en dehors de l'Ontario Ă  Gentilly (1983) au QuĂ©bec et Point Lepreau (1983) au Nouveau Brunswick et en dehors du Canada, en CorĂ©e du Sud (1983), en Argentine (1984), en Roumanie (1996) et en Chine (2002). Face au succĂšs du CANDU 6, EACL dĂ©veloppera le petit CANDU 3 (450 MWe) et le grand CANDU 9 (900 MWe) mais ces deux designs seront ensuite abandonnĂ©s par manque de clients.

Classe 900 MWe

Site des centrales nucléaires de Bruce et de Douglas Point, à Tiverton en Ontario. Neuf réacteurs CANDU y ont été aménagés entre 1968 et 1987.

Pickering A fut rapidement suivie par la centrale de Bruce, construite entre 1971 et 1987. Avec huit rĂ©acteurs d'environ 800 MWe chacun elle est la plus puissante installation nuclĂ©aire au monde avant d'ĂȘtre dĂ©trĂŽnĂ©e en 1997 par la centrale japonaise de Kashiwazari-Kariwa. Un autre agrandissement d’échelle engendra la centrale de Darlington en 1990, similaire Ă  Bruce mais gĂ©nĂ©rant 880 MWe par rĂ©acteurs. Comme dans le cas de Pickering, le design de Bruce donna naissance Ă  une version repackagĂ©, le CANDU 9.

ACR-700/1000

Énergie atomique du Canada Limited dĂ©veloppa d'abord un design de 700 MWe basĂ© sur les CANDU 6 et CANDU 9 nommĂ© Advanced CANDU Reactor (ACR). L'annonce de la renaissance du nuclĂ©aire dans les annĂ©es 2000 rĂ©amorça la tendance Ă  l'augmentation de la puissance et le ACR-700 devint le ACR-1000 de 1 200 MWe.

Le ACR-1000 abandonnait l'uranium naturel comme combustible pour se tourner vers l'uranium lĂ©gĂšrement enrichi (1-2 % 235U). Ce choix permettrait un coefficient de vide nĂ©gatif et l'utilisation d'eau lĂ©gĂšre comme caloporteur, rĂ©duisant les coĂ»ts. Dans le mĂȘme but le volume de la calandre serait rĂ©duit, la production de tritium en est d'autant diminuĂ©. Toujours dans l'optique de rĂ©duire les coĂ»ts ce lĂ©ger enrichissement augmenterait le taux de combustion, rĂ©duisant la frĂ©quence des rechargements et donc la quantitĂ© de dĂ©chets produits[11]. Ces caractĂ©ristiques servirent de base Ă  un design, abandonnĂ© depuis, se voulant plus novateur encore en employant l'eau supercritique comme caloporteur : le CANDU-X.

ConsidĂ©rĂ© en Alberta[12], au Nouveau-Brunswick, au Royaume-Uni et en Ontario[13], aucun ACR-1000 n'a Ă©tĂ© construit et son dĂ©veloppement fut arrĂȘtĂ© aprĂšs la vente de la division rĂ©acteur d'EACL Ă  Candu Energy (filiale de SNC-Lavalin) en 2011[4].

Enhanced CANDU 6

Basé sur les innovations introduites avec le CANDU 9 et sur l'expérience acquise avec la construction des derniers CANDU 6 (Qinshan), le CANDU 6 amélioré (EC6) augmente la sécurité et pousse la durée de vie des réacteurs à 60 ans et leurs facteur de charge à plus de 90%[11]. Aucun n'a été construit à ce jour mais Candu Energy poursuit le développement du réacteur.

Advanced Fuel CANDU Reactor (AFCR)

PlutÎt de que d'entrer en compétition avec les réacteurs à eau légÚre (REL) pressurisée ou bouillante, le réacteur CANDU à cycles de combustible avancé (AFCR) se positionne comme un complément de ces filiÚres. L'AFCR est un EC6 optimisé pour l'utilisation du combustible recyclé des REL (0,95 % 235U)[2]. En 2016 la Compagnie nucléaire nationale chinoise et Shanghai Electric signent des accords avec Candu Energy pour développer et construire ce nouveau réacteur[14].

Génération IV

EACL Ă©tudie un rĂ©acteur de quatriĂšme gĂ©nĂ©ration, hĂ©ritier du programme CANDU: le SCWR Canadien. Ce nouveau design conceptuel utilise toujours des tubes de force et l'eau lourde comme modĂ©rateur mais, comme le CANDU-X, l'eau lĂ©gĂšre supercritique comme caloporteur. PressurisĂ©e Ă  25 MPa, contre 10,5 MPa dans un CANDU-6, l'eau lĂ©gĂšre est amenĂ©e Ă  625 °C au contact du combustible ce qui augmenterait l’efficacitĂ© thermodynamique Ă  plus de 40%[1], contre 30 % aujourd'hui. Le combustible envisagĂ© est un composĂ© d'oxides de Thorium, Plutonium et Gadolinium[15]. Le Gadolinium est un poison absorbant (FIBA : Fuel-Integrated Burnable Absorber).

RĂ©partition dans le monde

Le Groupe de propriétaires de CANDU regroupe les pays actuellement propriétaires de réacteurs de ce type.

Canada

Tous les réacteurs nucléaires de puissance civils construits au Canada (au nombre de 25) sont de type CANDU. 22 de ces réacteurs se trouvent en Ontario (Quatre hors service et 18 aux centrales nucléaires de Pickering, de Bruce et de Darlington), deux au Québec (à la centrale nucléaire de Gentilly, hors service) et un au Nouveau-Brunswick (à la centrale nucléaire de Point Lepreau).

Ailleurs

RĂ©acteurs CANDU vendus par le Canada[2]
Pays Centrale Nombre

de réacteurs

Type 1re mise

en service

Commentaires
Drapeau de l'Inde Inde Rajasthan 2 Douglas Point 1972 16 CANDU-dérivés en service et 4 en construction.
Drapeau du Pakistan Pakistan Karachi 1 NPD 1972 RĂ©acteur KANUPP-I.
Drapeau de la Corée du Sud Corée du Sud Wolsong 4 CANDU-6 1983
Drapeau de l'Argentine Argentine Embasle 1 1984 Un rĂ©acteur supplĂ©mentaire Ă  l’étude[16].
Drapeau de la Roumanie Roumanie Cernavoda 4 1996 Deux réacteurs en service, deux inachevés.
Drapeau de la RĂ©publique populaire de Chine Chine Qinshan 2 2002

Beaucoup de ces transactions eurent lieu Ă  l'Ă©poque avec des rĂ©gimes dictatoriaux ou des pays Ă  la dĂ©mocratie chancelante. La construction de la centrale argentine d'Embalse par exemple, commence lors du troisiĂšme terme du gĂ©nĂ©ral Juan PerĂłn en 1974, se poursuit tout au long des annĂ©es noires de la dictature militaire argentine, et se termine en 1984 alors que RaĂșl AlfonsĂ­n vient d'ĂȘtre dĂ©mocratiquement Ă©lu. De plus, on soupçonne l'Inde et le Pakistan de s'ĂȘtre dotĂ©s du combustible nĂ©cessaire Ă  l'arme atomique grĂące aux rĂ©acteurs CANDU[17].

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. (en) Chunk K. Chow et Hussam F. Khartabil, « Conceptual fuel channel designs for CANDU-SCWR », Nuclear Engineering and Technology, vol. 40, no 2,‎ , p. 139-146 (lire en ligne)
  2. (en) SNC-Lavalin, Advanced Fuel CANDU Reactor : Technical Summary, , 60 p. (lire en ligne)
  3. (en) Greg Rzentkowski, PHWR Group of Countries (presentation) : Implementation of Lessons Learned from Fukushima Accident in CANDU Technology, Vienne, , 27 p. (lire en ligne), p. 9-12
  4. « Nuclear Power in Canada », sur www.world-nuclear.org, (consulté le )
  5. (en) EACL, Nuclear sector Focus, , p. 131
  6. (en) Harold Feiveson, « Spent Fuel from Nuclear Power Reactors », The International Panel on Fissile Materials,‎ (lire en ligne)
  7. Osborne, R. V. (Atomic Energy of Canada Limited), Central Tritium Monitor for Candu Nuclear Power Stations ; février 1975 ; Volume: 22 Issue:1 ; p. 676-680; (ISSN 0018-9499) ; DOI:10.1109/TNS.1975.4327727, version du 12 novembre 2007 (Résumé)
  8. (en) Ian Fairlie, Tritium Hazard Report: Pollution and Radiation Risk from Canadian Nuclear Facilities, Greenpeace, , 92 p. (lire en ligne)
  9. « Que signifie un uranium enrichi Ă  20%, procĂ©dĂ© enclenchĂ© par l’Iran ? », sur LCI (consultĂ© le )
  10. (en) Jeremy Whitlock, AECL, CANDU Non-Proliferation and Safeguards: “A Good Story Seldom Told”, , 16 p. (lire en ligne), p. 8
  11. (en) J.G. Marques, « Review of Generation III/III+ fission reactors », Nuclear Energy Encyclopedia: Science, Technology and Applications,‎ , p. 231-254 (lire en ligne)
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