AccueilđŸ‡«đŸ‡·Chercher

Poison Ă  neutrons

Un poison neutronique (également appelé « absorbeur de neutrons » ou « poison nucléaire ») est une substance ayant une grande section d'absorption de neutrons, et qui a de ce fait un impact significatif dans le bilan neutronique d'un réacteur nucléaire.

Dans les réacteurs nucléaires, l'absorption des neutrons a notamment un effet d'empoisonnement du réacteur. Cet empoisonnement est principalement dû à la capture de neutrons par des produits de fission de demi-vie courte dont le principal est le xénon 135 ou par des produits de fission de demi-vie plus longue ou stable comme le samarium 149 et le gadolinium 157[1].

Plus spĂ©cifiquement, on dĂ©signe Ă©galement par absorbant neutronique des Ă©lĂ©ments qui ne font qu'absorber des neutrons, sans autre transmutation ni radioactivitĂ© induite. Ceci exclut les isotopes fissiles et fertiles, ainsi que ceux qui se transmutent en isotopes radioactifs. Ces matĂ©riaux absorbant les neutrons, Ă©galement appelĂ©s poisons, sont intentionnellement introduits dans certains types de rĂ©acteurs afin de rĂ©duire la forte rĂ©activitĂ© du combustible frais. De tels Ă©lĂ©ments peuvent typiquement ĂȘtre employĂ©s comme constituants dans les barres de contrĂŽle des rĂ©acteurs, ou comme poison consommable, pour en contrĂŽler la rĂ©activitĂ©. Ils peuvent Ă©galement ĂȘtre employĂ©s comme barriĂšre de radioprotection.

Certains de ces poisons, dits « poisons consommables », s'épuisent lorsqu'ils absorbent les neutrons pendant le fonctionnement du réacteur, ce qui permet de compenser la variation de réactivité du réacteur avec son taux de combustion. D'autres restent relativement constants, et servent à uniformiser le flux neutronique du réacteur.

Empoisonnement du réacteur

Principaux produits de fission transitoires poisons

Perte de rĂ©activitĂ© due Ă  l'augmentation transitoire de la concentration en xĂ©non Ă  l'arrĂȘt d'un rĂ©acteur.

Les atomes formĂ©s lors de la fission sont tous en excĂšs de neutrons par rapport Ă  la vallĂ©e de la stabilitĂ©, ils capturent donc peu de neutrons. Toutefois certains des produits de fission gĂ©nĂ©rĂ©s au cours des rĂ©actions nuclĂ©aires ont une forte capacitĂ© d'absorption de neutrons, comme le xĂ©non 135 (section efficace σ = 2 650 000 b (barns) et le samarium-149 (σ = 40 140 b). Parce que ces deux produits de fission poisons privent de neutrons le rĂ©acteur, ils auront un impact sur la rĂ©activitĂ©.

L'empoisonnement par ces produits peut devenir tel que la rĂ©action en chaĂźne ne puisse ĂȘtre maintenue en restant dans le domaine autorisĂ© d'exploitation du rĂ©acteur. L'empoisonnement xĂ©non est notamment l'un des facteurs ayant conduit Ă  l'accident de Tchernobyl.

Empoisonnement xénon

Le xĂ©non 135 en particulier, a un impact Ă©norme sur le fonctionnement d'un rĂ©acteur nuclĂ©aire. La dynamique de l'empoisonnement au xĂ©non constitue une variation importante de la rĂ©activitĂ© du cƓur qui a une importance majeure pour la stabilitĂ© du flux et la distribution gĂ©omĂ©trique de la puissance, en particulier dans les rĂ©acteurs de grandes dimensions.

ou

Pendant la période initiale de 4 à 6 heures suivant le changement de régime, l'ampleur et la vitesse des variations de concentration dépendent du niveau de puissance initiale et du changement de niveau de puissance. Plus le changement du niveau de puissance est important plus la variation de concentration du xénon-135 est grande. AprÚs quelques heures, la concentration de xénon atteint un minimum, puis quand la quantité d'iode a suffisamment augmenté, le xénon augmente ensuite à son tour. Pendant les périodes de fonctionnement en régime permanent, à un niveau constant de flux de neutrons, la concentration de xénon-135 atteint sa valeur d'équilibre en 40 à 50 heures environ.

Au dĂ©marrage du rĂ©acteur, il n'y a initialement pas de xĂ©non-135, qui n'apparaĂźt qu'aprĂšs quelques heures. Avec l'augmentation de la concentration en xĂ©non, le rĂ©acteur perd de sa rĂ©activitĂ©, ce qui peut le conduire Ă  l'arrĂȘt s'il ne dispose pas d'une rĂ©serve de rĂ©activitĂ© suffisante.

AprĂšs un temps de fonctionnement, si la puissance du rĂ©acteur est augmentĂ©e, la production de xĂ©non-135 reste initialement constante, parce que 95 % du xĂ©non-135 provient de la dĂ©sintĂ©gration de l'iode 135, qui a une demi-vie de 6,58 heures. En revanche, la concentration de xĂ©non-135 diminue d'abord, parce que sa vitesse de dĂ©gradation augmente avec la puissance du rĂ©acteur. Comme le xĂ©non-135 est un poison Ă  neutrons, sa baisse de concentration augmente la rĂ©activitĂ© du cƓur, et donc la puissance : l'Ă©cart de rĂ©gime tend Ă  ĂȘtre instable, et doit ĂȘtre compensĂ© par les barres de contrĂŽle.

Lorsque la puissance du rĂ©acteur est diminuĂ©e, le processus est inversĂ©[2]. De mĂȘme que prĂ©cĂ©demment, la baisse de puissance provoque une accumulation du xĂ©non 135 neutrophage, qui tend Ă  diminuer encore plus la puissance. Cette perte de rĂ©activitĂ© (qui atteint un maximum aprĂšs environ 10 heures aprĂšs l'arrĂȘt du rĂ©acteur) est nommĂ© "empoisonnement au xĂ©non" et peut provoquer l'incapacitĂ© d'un rĂ©acteur Ă  ĂȘtre redĂ©marrĂ©, ou Ă  ĂȘtre maintenu en fonctionnement Ă  faible puissance. C'est en particulier le cas Ă  l'arrĂȘt du rĂ©acteur. La pĂ©riode de temps pendant laquelle le rĂ©acteur n'est pas en mesure de passer outre les effets du xĂ©non 135 est appelĂ©e le dĂ©lai xĂ©non morts ou panne due au poison.

Empoisonnement samarium

Le samarium 149 est un produit de fission relativement important qui apparaßt dans la chaßne de désintégration du néodyme 149 et qui présente une grande section efficace de capture pour les neutrons lents et donc un effet d'empoisonnement. Il présente cependant une problématique un peu différente de celle rencontrée avec le xénon 135. En effet, si les chaßnes de désintégration néodyme 149 > prométhium 149 > samarium 149 d'une part, et tellure 135 > iode 135 > xénon 135 d'autre part, sont largement similaires, trois différences sont à noter:

  • le samarium 149 est stable et ne disparaĂźt que par capture neutronique sous flux;
  • les vitesses d'Ă©volution des concentrations sont beaucoup plus lentes que dans le cas de l'iode 135 et du xĂ©non 135;
  • les effets en rĂ©activitĂ© sont moindres essentiellement parce que la section efficace de capture du samarium 149 (40 140 barn) est trĂšs infĂ©rieure Ă  celle du xĂ©non 135 (2 650 000 barn).

Toutefois, la quantité de prométhium 149 à l'équilibre est supérieure à celle de l'iode 135 [Note 1]

La production du 149Pm est proportionnelle au flux neutronique; la production de Sm-149 est proportionnelle Ă  la quantitĂ© de 149Pm prĂ©sente; la consommation du 149Sm est Ă©galement proportionnelle au flux ; la concentration de 149Sm Ă  l'Ă©quilibre est donc indĂ©pendante du flux. Quand le rĂ©acteur est en fonctionnement, la concentration (et donc l'effet d'empoisonnement) atteint sa valeur d'Ă©quilibre en 500 heures environ (soit Ă  peu prĂšs trois semaines). À l'arrĂȘt du rĂ©acteur, cependant, le samarium cesse d'ĂȘtre consommĂ©, et tout le promĂ©thium 149 produit en amont (proportionnel au flux) se transforme en samarium. Pour un flux initial de 3,2 Ă— 1013 n/cm2/s typique d'un rĂ©acteur Ă  eau pressurisĂ©e, l'empoisonnement dĂ» au samarium aprĂšs un fonctionnement prolongĂ© en puissance stable vaut environ 1 300 pcm. L'anti-rĂ©activitĂ© supplĂ©mentaire apportĂ© par la dĂ©sintĂ©gration du promĂ©thium 149 aprĂšs un arrĂȘt est de l'ordre de 500 pcm; cette perte est proportionnelle au flux, et peut avoir des valeurs plus Ă©levĂ©es dans le cas d'un rĂ©acteur Ă  haut flux.

Le rĂ©acteur doit ĂȘtre conçu pour disposer d'une marge en rĂ©activitĂ© suffisante (retrait des barres de contrĂŽle ou dilution du poison soluble) pour pouvoir ĂȘtre redĂ©marrĂ© sans problĂšme aprĂšs un arrĂȘt qui peut toujours ĂȘtre nĂ©cessaire de façon inopinĂ©e. Le dĂ©lai procurĂ© par la dĂ©croissance du promĂ©thium 149 (plus de 72 heures) peut permettre un redĂ©marrage intermĂ©diaire, toutefois, la dĂ©croissance du xĂ©non 135 qui intervient entre-temps au bout de 24 heures environ procure en pratique un gain de rĂ©activitĂ© plus important que la perte due au samarium 149.

Empoisonnement gadolinium

Un autre isotope problĂ©matique qui s'accumule est le gadolinium 157, avec une section efficace microscopique de σ = 254 000 b. Sa production par fission (rendement proche de 0,004 %) est cependant plus de mille fois infĂ©rieure Ă  celle de l'iode 135 (rendement de 6,4 % + 0,4 %). La valeur de la concentration Ă  l'Ă©quilibre est Ă©gale Ă : elle est indĂ©pendante du flux et vaut 1,55 Ă— 1013 at/cm3 dans un cƓur de REP 900MWe. La section efficace macroscopique correspondante est Ă©gale Ă  3,936 × 10-6 cm-1, valeur trĂšs faible devant la section efficace macroscopique d'absorption totale qui vaut 0,1402 cm-1. L'empoisonnement exprimĂ© en pcm est trĂšs faible.

Accumulations de produits de fission poisons

Il existe de nombreux autres produits de fission qui, en raison de leur concentration et de leur section d'absorption des neutrons thermiques, ont un effet nĂ©faste sur le fonctionnement des rĂ©acteurs. Individuellement, ils sont de peu de consĂ©quences, mais pris ensemble, ils ont un impact significatif. Ils sont souvent caractĂ©risĂ©s comme des produits de fission poisons. Ils s'accumulent Ă  un rythme moyen de 50 barns par dĂ©sintĂ©gration dans le rĂ©acteur. L'accumulation des produits de fission poisons dans le combustible mĂšne Ă  une perte d'efficacitĂ©, et dans certains cas Ă  l'instabilitĂ©. En pratique, l'accumulation de poisons dans le combustible nuclĂ©aire du rĂ©acteur est ce qui dĂ©termine la durĂ©e de vie du combustible nuclĂ©aire dans un rĂ©acteur: bien avant que toutes les fissions possibles aient eu lieu, l'accumulation des produits de fission Ă  longue durĂ©e de vie absorbant les neutrons attĂ©nue la rĂ©action en chaĂźne. C'est la raison pour laquelle le retraitement des dĂ©chets nuclĂ©aires est utile: le combustible nuclĂ©aire solide usĂ© contient environ 97 % de la matiĂšre fissile prĂ©sente dans le combustible nuclĂ©aire d'origine de fabrication rĂ©cente. La sĂ©paration chimique des produits de fission restaure la qualitĂ© du combustible de sorte qu'il peut ĂȘtre utilisĂ© Ă  nouveau.

D'autres approches sont possibles pour retirer les produits de fission, notamment en utilisant du combustible solide poreux qui permet aux produits de fission de fuir[3] ou du combustible liquide ou gazeux (réacteur à sels fondus, réacteur homogÚne aqueux). Cela réduit le problÚme de l'accumulation des produits de fission dans le combustible, mais pose des problÚmes supplémentaires de sécurité d'enlÚvement et d'entreposage des produits de fission.

Les autres produits de fission avec des sections d'absorption relativement élevées sont le 83Kr, 95Mo, 143Nd, 147Pm[4]. Au-dessus de cette masse, de nombreux isotopes ayant un nombre de masse pair ont des sections d'absorption, permettant à un noyau d'absorber de multiples neutrons en série. La fission d'actinides lourds produit plus de produits de fission lourd dans la gamme des lanthanides, de sorte que la section efficace d'absorption totale des neutrons des produits de fission est plus élevée[5].

Dans un rĂ©acteur Ă  neutrons rapides, la situation des produits de fission poisons peut diffĂ©rer considĂ©rablement car les sections efficace d'absorption des neutrons peuvent diffĂ©rer pour les neutrons thermiques et les neutrons rapides. Dans le rĂ©acteur RBEC-M, rĂ©acteur Ă  neutrons rapides refroidis au plomb-bismuth). Les produits de fission classĂ©s par capture de neutrons (reprĂ©sentant plus de 5 % du total des produits de fission), par ordre: 133Cs, 101Ru, 103Rh, 99Tc, 105Pd et 107Pd dans le cƓur, avec le 149Sm remplacement le 107Pd Ă  la 6e place dans la couverture fertile[6].

Produits de décroissance poisons

En plus des produits de fission poisons, d'autres matĂ©riaux se dĂ©sintĂšgrent dans les rĂ©acteurs en des matĂ©riaux qui agissent comme des poisons neutroniques. Un exemple de ceci est la dĂ©sintĂ©gration du tritium en l'hĂ©lium 3. Comme le tritium a une demi-vie de 12,3 ans, normalement cette dĂ©sintĂ©gration ne devrait pas affecter sensiblement l'exploitation des rĂ©acteurs, car le taux de dĂ©sintĂ©gration du tritium est lent. Toutefois, si du tritium est produit dans un rĂ©acteur, puis reste dans le rĂ©acteur pendant un arrĂȘt prolongĂ© de plusieurs mois, une quantitĂ© suffisante de tritium peut se dĂ©composer en l'hĂ©lium-3 et affecter nĂ©gativement sa rĂ©activitĂ©. L'intĂ©gralitĂ© de l'hĂ©lium-3 produit dans le rĂ©acteur pendant une pĂ©riode d'arrĂȘt sera retirĂ©e lors du fonctionnement ultĂ©rieur par une rĂ©action neutron-proton.

Poisons de contrĂŽle

Section efficace d'absorption neutronique (en barns) du bore 10 (noir) et du bore 11 (bleu) par rapport Ă  l'Ă©nergie du neutron incident (en eV).

Lorsqu'un rĂ©acteur doit fonctionner pendant une longue pĂ©riode de temps (cycle d'environ 18 mois dans les REP français), une quantitĂ© initiale de combustible, plus importante que celle nĂ©cessaire pour obtenir la masse critique exacte, est chargĂ©e dans le rĂ©acteur. Pendant le fonctionnement, cette quantitĂ© de combustible contenue dans le cƓur diminue de façon monotone au fur et Ă  mesure de sa consommation. La rĂ©troaction positive due Ă  l'excĂšs de combustible en dĂ©but de cycle, doit donc ĂȘtre Ă©quilibrĂ©e avec une rĂ©troaction nĂ©gative en ajoutant un matĂ©riau absorbant les neutrons.
L'utilisation de barres de contrĂŽle mobiles contenant des matĂ©riaux absorbant les neutrons est une mĂ©thode, mais le contrĂŽle de l'excĂšs de rĂ©activitĂ© du rĂ©acteur via seulement les barres de contrĂŽle peut ĂȘtre difficile pour certaines conceptions particuliĂšres car il peut ne pas y avoir assez de place pour les barres ou leurs mĂ©canismes, mais surtout parce que ce type de contrĂŽle (par les barres) provoque une dĂ©formation du flux du rĂ©acteur qui peut engendrer des points chauds dans le cƓur. C'est pourquoi dans les REP on prĂ©fĂšre contrĂŽler cet excĂšs de rĂ©activitĂ©, prĂ©sent aprĂšs un rechargement de combustible, en partant d'une concentration maximale en bore soluble en dĂ©but de cycle, puis en faisant diminuer cette concentration en fonction de l'Ă©puisement du combustible jusqu'au prochain rechargement.

Poisons consommables

Afin de contrĂŽler la rĂ©activitĂ© due aux grandes quantitĂ©s de combustible en excĂšs sans barres de contrĂŽle, des poisons consommables sont chargĂ©s dans le cƓur. Les poisons consommables sont des matĂ©riaux qui ont une section efficace d'absorption des neutrons Ă©levĂ©e et qui sont transformĂ©s en matĂ©riaux ayant une section efficace d'absorption relativement faible lors de l'absorption des neutrons. En raison de l'Ă©puisement du poison, la rĂ©activitĂ© nĂ©gative due au poison consommable diminue durant la vie du cƓur. IdĂ©alement, la rĂ©activitĂ© nĂ©gative de ces poisons devrait diminuer au mĂȘme rythme que l'excĂšs de rĂ©activitĂ© du carburant au fur et Ă  mesure de son Ă©puisement. En outre, il est souhaitable que le poison consommable se transforme en un isotope non absorbant du mĂȘme Ă©lĂ©ment chimique afin de limiter les perturbations dans le matĂ©riau. Les poisons combustibles les plus utilisĂ©s sont les composĂ©s de bore ou de gadolinium. Ils forment un rĂ©seau de barres ou de plaques, ou sont ajoutĂ©s comme des Ă©lĂ©ments additionnels dans le combustible. Comme ils peuvent gĂ©nĂ©ralement ĂȘtre rĂ©partis plus uniformĂ©ment que des barres de contrĂŽle, ces poisons perturbent moins la distribution d'Ă©nergie dans le cƓur. Du poison combustible peut aussi ĂȘtre chargĂ© localement dans des endroits spĂ©cifiques du cƓur pour façonner la forme ou contrĂŽler la distribution du flux de neutrons et ainsi Ă©viter un flux excessif et un pic d'Ă©nergie local dans certaines zones du rĂ©acteur. Cependant, la pratique actuelle est d'utiliser des poisons non-consommables pour ce dessein particulier[7].

Poisons non consommables

Un poison non-combustible est celui qui maintient une valeur de rĂ©activitĂ© nĂ©gative constante au cours de la vie du cƓur. Bien qu'aucun poison neutronique ne soit strictement non-combustible, certains matĂ©riaux peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des poisons non-combustibles, sous certaines conditions. Un exemple est hafnium. L'Ă©limination (par absorption de neutrons) d'un isotope de hafnium conduit Ă  la production d'un autre absorbeur de neutrons, et continue sur une chaine de cinq absorbeurs. Cette chaĂźne d'absorption fait que le poison bien que combustible se comporte comme un poison Ă  long durĂ©e de vie, pouvant ĂȘtre considĂ©rĂ© comme non-combustible[8]. Ce type de poison est spĂ©cialement intĂ©ressant pour les barres de contrĂŽle d'urgence qui doivent conserver une efficacitĂ© constante sur toute la vie du cƓur.

Poisons solubles

Les poisons solubles produisent une absorption des neutrons uniforme dans l'espace, lorsqu'ils sont dissous dans le liquide de refroidissement d'un réacteur nucléaire.

Le poison soluble le plus commun dans les rĂ©acteurs Ă  eau pressurisĂ©e (REP) est l'acide borique, qui est souvent appelĂ© bore soluble, ou tout simplement Solbor. L'acide borique prĂ©sent dans le liquide de refroidissement absorbe les neutrons, provoquant une diminution de la rĂ©activitĂ©. En faisant varier cette concentration en acide borique, un processus dĂ©nommĂ© borication / dilution, la rĂ©activitĂ© du cƓur varie: lorsque la concentration en bore est augmentĂ©e (par borication), plus de neutrons sont absorbĂ©s ce qui diminue la rĂ©activitĂ© ; a contrario, lorsque la concentration en bore est rĂ©duite (par dilution), la rĂ©activitĂ© augmente.
L'évolution de la concentration de bore dans un REP est un processus lent et est principalement utilisé d'une part pour compenser l'épuisement du combustible ou l'accumulation de poison, mais aussi d'autre part, pour compenser l'empoisonnement xénon lors des variations de charge.

La variation de la concentration en bore permet de rĂ©duire le recours aux barres de contrĂŽle, ce qui conduit Ă  un flux de neutrons plus uniforme dans le cƓur que celui obtenu par l'insertion des barres de contrĂŽle. En effet, en contrĂŽlant le flux par la variation de la concentration en bore, il n'y a pas de rĂ©duction de flux dans les rĂ©gions du cƓur situĂ©es aux environs des barres de contrĂŽle insĂ©rĂ©es, et surtout pas d'augmentation du flux dans les rĂ©gions du cƓur Ă©loignĂ©es de ces barres de contrĂŽle (risque de point chaud), la rĂ©partition du flux dans le cƓur est donc plus homogĂšne. Cependant ce type de fonctionnement, notamment lors des variations de charge, a pour inconvĂ©nient majeur une augmentation du volume d'effluents produits lors des opĂ©rations de borication/dilution, ce volume Ă©tant limitĂ© par les capacitĂ©s de stockage et les limites lĂ©gales de rejets des centrales concernĂ©es[9].

Dans les REP, la teneur en bore dissous dans l'eau primaire aprĂšs un rechargement ainsi que les valeurs maximales d'insertion des barres de contrĂŽle du rĂ©acteur, sont toutefois limitĂ©es par l'augmentation du coefficient de tempĂ©rature du modĂ©rateur qui doit rester largement nĂ©gatif (marge de sĂ©curitĂ©). La dilatation de l'eau avec la tempĂ©rature provoque une expulsion hors du cƓur d'une quantitĂ© de bore d'autant plus grande que la teneur est Ă©levĂ©e pouvant aller, sinon jusqu'Ă  rendre positif le coefficient de tempĂ©rature modĂ©rateur, mais du moins, risquer de rĂ©duire la marge de sĂ©curitĂ© pour certains cƓurs neufs[7] - [10].

Les poisons solubles sont Ă©galement utilisĂ©s dans les systĂšmes d'arrĂȘt d'urgence via l'injection de sĂ©curitĂ© destinĂ©e au noyage du cƓur en situation accidentelle. En effet lors de telles situations, les automatismes, puis les opĂ©rateurs, peuvent injecter des solutions contenant des poisons neutroniques directement dans le liquide de refroidissement du rĂ©acteur. Diverses solutions, y compris polyborate de sodium et du nitrate de gadolinium (Gd(NO3)3·xH2O), sont utilisĂ©es[7].

Absorbants notables

Les valeurs données ci-dessous de sections efficaces d'absorptions neutroniques (en barns) se réfÚrent à des neutrons d'une énergie bien particuliÚre, selon l'application considérée.

  • Le lithium 6 absorbe un neutron et se transforme en tritium aprĂšs Ă©mission d'une particule alpha. Sous irradiation neutronique constante, le tritium est en Ă©quilibre avec son produit de dĂ©sintĂ©gration l'hĂ©lium 3 lui-mĂȘme absorbant neutronique reproduisant du tritium.
  • Le bore est un excellent absorbant neutronique. Le bore naturel est constituĂ© de 19,9 % de bore 10, dont la section efficace d'absorption est de 3837 barn, et 80,1 % de bore 11, de section efficace 5 barn. L'essentiel des captures neutroniques se fait donc sur le 10B, le transmutant en lithium 7 (capture n-α, prĂ©pondĂ©rante par rapport Ă  la capture n-Îł, qui aboutit au 11B). Les quelques captures neutroniques subies par le 11B le transforment en bore 12 (de pĂ©riode 20 ms) puis carbone 12 stable.
  • Le cadmium 113, qui constitue 12 % du cadmium naturel, prĂ©sente une section efficace trĂšs importante (20600 barn), trois ordres de grandeurs au-dessus de celle des autres isotopes. Les isotopes instables Ă©ventuellement crĂ©Ă©s par capture neutronique (115Cd et 117Cd) sont Ă  durĂ©e de vie de l'ordre de l'heure, conduisant Ă  une production marginale d'indium. L'indium 117 est radioactif et dĂ©croĂźt rapidement en samarium 117; l'indium 115 est pratiquement stable, mais est lui-mĂȘme un absorbant neutronique assez efficace, conduisant transitoirement Ă  de l' 116In qui se dĂ©sintĂšgre en 116Sn stable.
  • Le samarium 152, qui constitue 27 % de l'Ă©lĂ©ment naturel, a une section efficace assez importante de 206 barn. Le 153Sm qu'il forme a de mĂȘme une section efficace importante (420 barn) qui conduirait Ă  du 154Sm stable, mais il est par ailleurs radioactif (de pĂ©riode 46h), et dĂ©croĂźt en europium 153. Ce dernier est stable, mais a une section efficace importante de 312 barns, qui conduit Ă  du 154Eu de 1340 barn, puis du 155Eu de 3950 barns. La radioactivitĂ© potentiellement gĂȘnante du 154Eu (demi-vie de huit ans et demi) est masquĂ©e par les captures neutroniques, qui accĂ©lĂšrent sa transformation en gadolinium 155 (lui-mĂȘme excellent absorbant neutronique).
  • L'europium (2 980 barn pour le produit naturel) qui a ses deux isotopes stables 151Eu (prĂ©pondĂ©rant avec 5 900 barn) et 153Eu capturants est utilisĂ© comme poison consommable.
  • Le gadolinium a deux isotopes naturels trĂšs absorbants, le 155Gd (61 000 barn) et le 157Gd (254 000 barn). L'isotope 158Gd est stable et de section efficace trĂšs faible (2 barn), rendant nĂ©gligeables les captures ultĂ©rieures et les produits d'activation qui peuvent en dĂ©couler.
  • Le dysprosium, dont l'isotope 164Dy (28,18 % d'abondance naturelle) a une section efficace de 2 600 barn a Ă©tĂ© utilisĂ© comme poison consommable.
  • L'erbium 167 constitue 23 % du produit naturel, et a une section efficace de 660 barn. Les transmutations qu'il induit par la formation de 169Er ou de 171Er sont relativement marginales, et conduisent l'une et l'autre Ă  du 171Yb.
  • Le hafnium est principalement absorbant par son isotope 177Hf (373 barn), qui reprĂ©sente 18 % du produit naturel. Ses autres isotopes naturels prĂ©sentent des sections efficaces non nĂ©gligeables de quelques dizaines de barn. En fin de chaĂźne d'absorption, le 180Hf peut produire du 181Hf (de pĂ©riode 42 jours) qui se dĂ©sintĂšgre en 181Ta, conduisant Ă  une chaĂźne de produits transmutĂ©s plus ou moins absorbants.
  • Le mercure a un profil intĂ©ressant, son isotope 199Hg, qui reprĂ©sente 17 % de la composition naturelle, prĂ©sente une section efficace trĂšs Ă©levĂ©e de plus de 2 000 barn. Les isotopes suivants ont une section efficace trĂšs faible (moins de dix barn), ce qui rend les transmutations chimiques nĂ©gligeables en pratique. Il n'a cependant pas d'application en tant qu'absorbant neutronique.

Notes

  1. Le produit du rendement de fission par la pĂ©riode est plus Ă©levĂ© dans le cas du promĂ©thium 149 que dans le cas de l'iode 135: 1,09% × (53,08 + 1,728) contre (6,4% × 6,58). Les concentrations Ă  l'Ă©quilibre sont respectivement dans le mĂȘme rapport

Références

  1. Kruglov, A. K. The history of the Soviet atomic industry, Taylor & Francis, 2002 (ISBN 0415269709), p. 56-57 "The capture of neutrons by long-lived and stable isotopes is usualty called "reactor slagging", the capture of neutrons by short-lived isotopes is known as "reactor poisoning"."
  2. DOE Handbook, p. 35–42.
  3. (en) Liviu Popa-Simil, « The advantages of the poisons free fuels »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?) [abstract], Space Nuclear Conference 2007, (consultĂ© le )
  4. « Table B-3: Thermal neutron capture cross sections and resonance integrals – Fission product nuclear data »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?) (consultĂ© le )
  5. « Evolution of Fission Product Cross Sections »(Archive.org ‱ Wikiwix ‱ Archive.is ‱ Google ‱ Que faire ?) (consultĂ© le )
  6. A. A. Dudnikov, A. A. Sedov, « RBEC-M Lead-Bismuth Cooled Fast Reactor Benchmarking Calculations », International Atomic Energy Agency
  7. DOE Handbook, p. 31
  8. DOE Handbook, p. 32.
  9. Les rejets d’effluents radioactifs liquides - Rapport dĂ©veloppment durable 2010 - site EDF
  10. Examen des critÚres techniques de sûreté du combustible nucléaire - OCDE - Agence pour l'énergie nucléaire - 2001 - pp19-20 (Googlebook)

Bibliographie

  • (en) DOE Fundamentals Handbook: Nuclear Physics and Reactor Theory, DĂ©partement de l'Énergie des États-Unis, (lire en ligne)
  • (en) Cet article est partiellement ou en totalitĂ© issu de l’article de WikipĂ©dia en anglais intitulĂ© « Neutron poison » (voir la liste des auteurs).
Cet article est issu de wikipedia. Text licence: CC BY-SA 4.0, Des conditions supplĂ©mentaires peuvent s’appliquer aux fichiers multimĂ©dias.