Produit de fission
Les produits de fission sont des corps chimiques résultant de la fission d'un noyau atomique fissile : chaque noyau de matiÚre fissile subissant une fission nucléaire se casse en deux (exceptionnellement trois) morceaux, qui se stabilisent sous forme de nouveaux atomes. Les produits de fission se forment suivant une distribution statistique (qui dépend faiblement du noyau fissile) et on y trouve des isotopes d'une bonne partie des éléments chimiques existants. Ce sont les « cendres » de la réaction nucléaire, qui constituent des déchets radioactifs ultimes.
Dans leur majorité, les produits de fission initialement formés sont des isotopes trÚs instables : ils sont trÚs fortement radioactifs, dégagent une forte chaleur et des rayonnements gamma souvent trÚs énergétiques (et donc dangereux) :
- les produits de fission sont responsables de pratiquement toute la radioactivité des combustibles irradiés sortis des réacteurs. La grande majorité des produits de fission radioactifs sont à vie courte (période inférieure à cinq ans) ou moyenne (période inférieure à cent ans)[1] ;
- dans un rĂ©acteur nuclĂ©aire, la puissance dĂ©gagĂ©e par les produits de fission (de l'ordre de 6,5 % de la puissance thermique du rĂ©acteur immĂ©diatement aprĂšs l'arrĂȘt) impose de maintenir un refroidissement pendant quelques jours aprĂšs la mise Ă l'arrĂȘt pour Ă©viter une fusion du cĆur. On appelle cette puissance thermique la puissance rĂ©siduelle du rĂ©acteur. AprĂšs quelques jours, la radioactivitĂ© a suffisamment diminuĂ© pour permettre le transfert du combustible en piscine. AprĂšs quelques annĂ©es en piscine, la radioactivitĂ© a ralliĂ© un niveau suffisamment faible pour que la matiĂšre puisse ĂȘtre Ă©vacuĂ©e ou retraitĂ©e, voire simplement entreposĂ©e Ă sec en l'attente d'une des deux solutions prĂ©cĂ©dentes ;
- la radioactivité de ces produits de fission rend nécessaire une radioprotection trÚs importante pour la manipulation des combustibles nucléaires irradiés et pour tous les traitements de l'aval du cycle nucléaire : entreposage nucléaire, traitement du combustible nucléaire usé et stockage définitif des déchets radioactifs.
Introduction
Exemple d'une fission
Dans un réacteur nucléaire, lorsqu'un noyau d'uranium 235, ou d'un autre atome lourd, fissionne par absorption d'un neutron, il se forme deux (exceptionnellement trois[Note 1]) nouveaux noyaux instables : les produits de fission (PF), ainsi que deux ou trois neutrons qui vont déclencher d'autres fissions par réaction nucléaire en chaßne. Le nombre total de nucléons est conservé dans la réaction, mais la somme des masses des atomes et particules produits est toujours inférieure à celui de l'atome d'origine. Cela s'explique par le fait qu'une partie de la masse est transformée en énergie (voir E = mc2).
Voici par exemple une formule possible pour une telle fission :
oĂč E est l'Ă©nergie libĂ©rĂ©e par la rĂ©action, qui vaut environ 200 MeV (soit 3,2 ĂâŻ10â11 J).
Dans cet exemple, les deux produits de fission krypton 93 et baryum 140 ont un excĂšs de neutrons : le krypton stable le plus lourd est 86Kr (sept neutrons en excĂšs) et le baryum stable le plus lourd est 138Ba (deux neutrons en excĂšs). De ce fait, les radionuclĂ©ides sont instables, donc radioactifs : les neutrons en excĂšs se transforment en un proton et un Ă©lectron, expulsĂ©s du noyau sous forme de rayonnement bĂȘta moins. Avant d'atteindre un Ă©tat stable, les deux chaĂźnes de dĂ©sintĂ©gration correspondant Ă l'exemple ci-dessus expulseront au total sept Ă©lectrons :
- chaßne de désintégration du krypton 93 : (stable)
- chaßne de désintégration du baryum 140 : (stable)
ExcÚs de neutron et radioactivité
D'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, lâatome d'uranium 235 fissionnĂ© et le neutron provoquant la fission contenaient initialement Ă eux deux 92 protons et 144 (143 + 1) neutrons, dont deux et demi (en moyenne) sont Ă©mis quasiment instantanĂ©ment lors de la fission. Le reste, soit 92 protons et 141,5 neutrons (en moyenne), se rĂ©partit entre les deux (ou rarement trois) atomes instables formĂ©s. Chacun emporte en moyenne la moitiĂ©, soit 46 protons et 71 neutrons, soit encore 117 nuclĂ©ons (alors que le palladium, Z = 46, est stable pour 56 Ă 60 neutrons).
L'excĂšs de neutrons des deux nuclĂ©ides formĂ©s par rapport Ă la diagonale que reprĂ©sente la vallĂ©e de stabilitĂ© vaut typiquement entre trois et cinq neutrons. Cet excĂšs doit se rĂ©sorber par transformation de neutron en proton produisant une Ă©mission de rayonnement bĂȘta. Quelle que soit la rĂ©partition finale des neutrons et des protons, les corps formĂ©s Ă l' instant de la fission (c'est-Ă -dire les produits de fission, notĂ©s PF) sont instables et se dĂ©sintĂšgrent selon une demi-vie plus ou moins longue. Une fois les premiers instants post-fission passĂ©s oĂč des neutrons dits « retardĂ©s » peuvent ĂȘtre Ă©mis (quelques secondes aprĂšs la fission), les corps instables formĂ©s lors de la fission vont progressivement rallier la situation de stabilitĂ© par Ă©missions successives d'Ă©lectrons (rayonnement bĂȘta), accompagnĂ©es de rayonnements Ă©lectromagnĂ©tiques (rayons gamma) correspondant au passage des diffĂ©rents niveaux d'Ă©nergie excitĂ©s au niveau fondamental du noyau lui-mĂȘme, et du rĂ©arrangement du cortĂšge Ă©lectronique des dits atomes.
Les produits de fission tendent gĂ©nĂ©ralement Ă prĂ©senter une radioactivitĂ© ÎČ-, ou plus rarement, quand le dĂ©ficit en proton est encore plus important, Ă se dĂ©sintĂ©grer assez rapidement en expulsant un neutron, qui fera partie des neutrons retardĂ©s de la rĂ©action. Du fait de l'excĂšs de neutrons des corps instantanĂ©ment formĂ©s lors de la fission, la plupart des produits de fission sont des Ă©metteurs bĂȘta et gamma. Les rares Ă©metteurs alpha (particule α) sont de facto des corps quasi stables, obtenus lorsque l'excĂšs de neutrons a Ă©tĂ© rĂ©sorbĂ© par Ă©mission secondaire d'Ă©lectron et transformation de neutrons en protons.
Au cours du ralliement vers la situation stable, une fois les neutrons retardĂ©s Ă©mis par les prĂ©curseurs, le nombre total de nuclĂ©ons des atomes instables initialement formĂ©s ne change pas, sauf cas rarissimes ; seul le nombre de protons augmente par transformations successives de neutron en proton avec Ă©mission dâun Ă©lectron Ă chaque fois et libĂ©ration dâĂ©nergie sous forme de rayonnement gamma.
Ces considérations expliquent pourquoi les produits de fission sont :
- trĂšs gĂ©nĂ©ralement Ă©metteurs bĂȘta ;
- trĂšs souvent Ă©metteurs gamma ;
- rarement Ă©metteurs alpha et uniquement en rĂ©sultante d'une dĂ©sintĂ©gration d'Ă©metteur bĂȘta dĂ©bouchant sur un corps quasi stable, existant dĂ©jĂ Ă lâĂ©tat naturel, lui-mĂȘme Ă©metteur alpha.
Distribution initiale des produits de fission
La courbe de répartition des produits de fission, dont l'allure générale est donnée ci-contre, est dite « en dos de chameau » du fait de ses deux bosses. Dans la majorité des fissions, les deux atomes formés ont des nombres de nucléons différents avec typiquement un gros noyau de 133 à 144 nucléons et un plus petit de 90 à 100 nucléons. Les fissions donnant deux atomes de masses égales (avec 116 ou 117 nucléons) ou voisines (avec par exemple un atome de 108 nucléons et un de 125) ne représentent qu'environ 0,3 % du total des fissions.
Les fissions ternaires (qui reprĂ©sentent de l'ordre de 0,2 Ă 0,4 % des fissions) sont incluses dans cette courbe ; elles sont en nombre rĂ©duit et n'en changent pas l'allure gĂ©nĂ©rale. Cette courbe donne le rendement de produit de fission ; du fait de ces fissions ternaires, son intĂ©grale est un peu supĂ©rieure Ă 200 %, parce que pour cent fissions, le nombre de noyaux formĂ©s est un peu supĂ©rieur Ă 200. Les rendements doivent ĂȘtre divisĂ©s par cette intĂ©grale pour exprimer la proportion de chaque atome formĂ©.
La distribution statistique précise des produits de fission dépend de plusieurs facteurs : la composition isotopique du combustible (présence de plutonium dans le combustible MOX, ou à la suite du taux de combustion de l'assemblage), du spectre et du flux neutronique, de l'enrichissement du combustible (pour un réacteur à neutrons rapides), etc.
Dans le cas d'un réacteur de puissance à eau pressurisée, de type REP, utilisant de l'uranium naturel enrichi en isotope 235, les nombres de masse des produits de fission se répartissent de la façon suivante :
- les proportions des atomes de nombre de nuclĂ©ons allant de 90 Ă 100 inclus d'une part, et de 133 Ă 144 inclus d'autre part, sont trĂšs voisines et toutes de l'ordre de 2,9 Ă 3,3 % environ. Ces atomes constituent la plus grande part des produits de fission. La courbe de distribution prĂ©sente ainsi deux « quasi-plateaux » de 90 Ă 100 et de 133 Ă 144 nuclĂ©ons, pour environ (11+12)Ă3,1 %= 71,3 % des atomes formĂ©s ;
- les proportions diminuent fortement au-delà de ces deux quasi-plateaux et de façon grossiÚrement symétrique par rapport à ceux-ci : pour 84 nucléons ~ 0,5 % ; pour 105 nucléons ~ 0,4 %; pour 129 nucléons ~ 0,5 % ; pour 149 nucléons ~ 0,6 % ;
- les proportions sont de l'ordre de 0,005 % à 0,006 % pour les nombres de nucléons compris entre 112 et 121 constituant un « quasi-plateau » de valeur faible pour les fissions créant deux atomes de masse égale ou voisine ;
- 97,85 % des PF compris entre 84 et 105 nucléons inclus d'une part[Note 2] et 129 à 149 nucléons inclus d'autre part[Note 3] ;
- 99,90 % des PF compris entre 76 et 109 nucléons inclus d'une part, et 124 à 155 nucléons inclus d'autre part[Note 4].
Les fissions ternaires produisent en outre un atome léger : sur ces fissions, 90 % produisent de l'hélium 4, 7 % du tritium et 1 % de l'hélium 6 qui se transforme rapidement en lithium 6.
AprĂšs la fission et avant l'arrĂȘt du rĂ©acteur, la distribution en nombre de nuclĂ©ons des atomes formĂ©s est modifiĂ©e de façon assez marginale par rĂ©action avec le flux neutronique qui peut conduire Ă des captures augmentant le nombre de nuclĂ©ons ou Ă des transmutations des corps formĂ©s. En outre, durant ce laps de temps - qui peut durer un an, voire davantage - la dĂ©croissance radioactive en bĂȘta et gamma se produit (sans changement du nombre de nuclĂ©ons). La distribution finale des produits de fission dĂ©pend ainsi de la durĂ©e d'incubation des produits de fission dans le rĂ©acteur (durĂ©e d'exposition aux neutrons). Par ailleurs, les fissions du plutonium 239 formĂ© dans les rĂ©acteurs Ă partir de l'uranium 238 ne produisent pas exactement les mĂȘmes proportions d'atomes des diffĂ©rents Ă©lĂ©ments que dans cas de l'uranium 235, mĂȘme si les ordres de grandeurs sont en gros les mĂȘmes.
Ces considérations expliquent pourquoi il est souvent trÚs difficile d'évaluer simplement la nature et surtout les quantités de radionucléides formés par fission dans l'ensemble des réacteurs et pour toutes les énergies (ou usures) des combustibles utilisés. Pour le faire, des modélisations assez complexes sont nécessaires.
DĂ©croissance radioactive
Généralités
ImmĂ©diatement aprĂšs la fission, les produits de fission se trouvent majoritairement Ă l'Ă©tat d'oxyde solide (cĂ©sium 137, strontium 90), mais peuvent Ă©galement ĂȘtre Ă l'Ă©tat gazeux dissous dans la matrice d'oxydes (par exemple les isotopes du xĂ©non Xe 133, Xe 134 ou Xe 136, ou bien le krypton 85). Dans le cours du retraitement des dĂ©chets nuclĂ©aires ils se retrouvent en solution dans l'acide nitrique au terme duquel ils se trouvent majoritairement sous forme d'oxydes solides ; les Ă©lĂ©ments gazeux s'Ă©chappent alors.
Les produits de fission sont radiotoxiques. Ils contribuent à la radioactivité à court et moyen termes des déchets nucléaires de haute activité produits par le combustible nucléaire.
Le temps caractĂ©ristique Ă considĂ©rer est de l'ordre de l'annĂ©e pour le devenir des produits de fission entreposĂ©s en piscine, et de l'ordre du siĂšcle pour ceux dont on envisage un stockage dĂ©finitif. Ă un instant donnĂ©, ce qui pose le plus de problĂšme dans les dĂ©chets radioactifs est largement dĂ©pendant de la demi-vie de l'Ă©lĂ©ment. Pour un mĂȘme nombre d'atomes formĂ©s, au bout d'un temps T, l'Ă©lĂ©ment dont la radioactivitĂ© est prĂ©pondĂ©rante (par rapport Ă la radioactivitĂ© des autres corps) est celui dont la demi-vie est de T/log(2), soit Ă peu prĂšs 1,44 fois ce dĂ©lai :
- les produits de fission Ă demi-vie (ou pĂ©riode) plus faible sont initialement ceux qui contribuent le plus Ă la radioactivitĂ© globale du mĂ©lange de dĂ©chets, mais elles s'Ă©teignent beaucoup plus vite et cessent rapidement d'ĂȘtre un problĂšme (sauf si leur chaĂźne de dĂ©sintĂ©gration fait apparaĂźtre d'autres Ă©lĂ©ments radioactifs). Cette dĂ©croissance est exponentielle : les substances dont la demi-vie est T/10 ont perdu mille fois leur radioactivitĂ© initiale ; celles dont la demi-vie est T/20 ont perdu un million de fois leur radioactivitĂ© initiale ;
- les produits de fission à demi-vie plus longue se conservent mieux à long terme, mais étant intrinsÚquement moins radioactifs, ils contribuent initialement peu à la radioactivité globale du mélange de déchets. Cependant, cette radioactivité plus faible ne varie que proportionnellement à la demi-vie : toutes choses égales par ailleurs, il faut une demi-vie dix fois plus longue pour conduire à une radioactivité dix fois plus faible.
On peut noter qu'il n'y a aucun produit de fission radioactif (initialement formé par fission ou descendant) dont la période soit comprise entre 100 ans (93 ans pour le samarium 151) et 100 000 ans (pour l'étain 126), car, s'agissant des produits de fission radioactifs :
- ceci circonscrit le vĂ©ritable problĂšme du stockage gĂ©ologique (et donc du confinement Ă trĂšs long terme) des produits de fission aux seuls sept isotopes recensĂ©s au paragraphe ci-aprĂšs : « Produits de fission Ă vie trĂšs longue, hors Ă©chelle historique » (les actinides mineurs, gĂ©nĂ©rĂ©s par capture neutronique et qui ne sont pas des produits de fission, devant par ailleurs Ă©galement ĂȘtre gĂ©rĂ©s) ;
- le faible nombre de radionucléides recensés rend envisageable la voie consistant à rechercher les moyens de les séparer et les transmuter en corps à vie plus courte.
Produits de fission à radioactivité négligeable à long terme
Deux catégories de produits de fission n'ont pas d'incidence sur la radiotoxicité à long terme :
- d'une part, des atomes stables ou radioactifs Ă vie trĂšs courte (non radioactifs Ă moyen terme) : 71,0 %du total des atomes formĂ©s lors de la fission ont une chaĂźne de dĂ©sintĂ©gration formĂ©e de descendants qui sont soit stables, soit de pĂ©riode infĂ©rieure Ă dix ans, aboutissant rapidement Ă des nuclĂ©ides stables. Ils ne contribuent pas Ă la radiotoxicitĂ© Ă long terme. Leur liste est longue et nâest pas tracĂ©e ici. Un exemple de produit de fission radioactif Ă vie courte est fourni par le ruthĂ©nium 106 de pĂ©riode voisine d'un an qui se dĂ©sintĂšgre par Ă©mission bĂȘta en palladium 106 stable ;
- d'autre part, des corps radioactifs Ă vie extrĂȘmement longue, existants Ă l'Ă©tat naturel : 11,8 % du total des atomes formĂ©s lors de la fission ont des descendants qui sont des radioisotopes (dĂ©jĂ prĂ©sents dans la nature) de pĂ©riode supĂ©rieure Ă 100 milliards dâannĂ©es (donc trĂšs supĂ©rieure Ă l'Ăąge de la Terre, et mĂȘme de l'Univers). Ils peuvent de facto ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme des corps stables[Note 5]. Bien que certains de ces corps soient Ă©metteurs alpha, leur dangerositĂ© est bien plus faible que celle des dĂ©chets Ă vie courte, du fait de leur trĂšs longue demi-vie[2]. Le dĂ©gagement de chaleur et d'hĂ©lium (radioactivitĂ© alpha) correspondant est Ă©galement nĂ©gligeable.
Les quantités étant exprimées en proportion des atomes initialement formés par fission, ce sont :
- le zirconium 96, pour 2,96 %, Ă©metteur bĂȘta (pĂ©riode ~2 ĂâŻ1019 ans) ;
- le cĂ©rium 142, pour 2,91 % Ă©metteur bĂȘta (pĂ©riode > 5 ĂâŻ1016 ans) ;
- le nĂ©odyme 144, pour 2,71 %, Ă©metteur alpha (pĂ©riode 2,29 ĂâŻ1015 ans)[Note 6] ;
- le rubidium 87, pour 1,38 %, Ă©metteur bĂȘta (pĂ©riode 4,92 ĂâŻ1010 ans) ;
- le samarium 147, pour 1,23 %, Ă©metteur alpha (pĂ©riode 1,06 ĂâŻ1011 ans) ;
- le samarium 149, pour 0,59 %, Ă©metteur alpha (pĂ©riode > 2 ĂâŻ1015 ans) ;
- le cadmium 113, en quantitĂ© trĂšs faible : 0,0059 %, Ă©metteur bĂȘta (pĂ©riode 7,7 ĂâŻ1015 ans).
Produits de fission radioactifs à vie moyenne, historiquement gérable
6,8 % du total des atomes formés lors de la fission ont des descendants qui sont des radioisotopes à vie moyenne de période supérieure à 10 ans et inférieure à 100 ans. Les quantités étant exprimées en proportion des atomes initialement formés par fission, ce sont :
- le cĂ©sium 137, Ă©metteur bĂȘta et gamma d'une demi-vie de 30,15 ans pour 3,06 % ;
- le strontium 90, Ă©metteur bĂȘta pur d'une demi-vie de 28,79 ans pour 2,86 % ;
- le krypton 85, Ă©metteur bĂȘta d'une demi-vie de 10,76 ans pour 0,69 % ; le krypton est un gaz noble non aisĂ©ment chimiquement liĂ©, il ne se retrouve pas dans le stockage gĂ©ologique mais sĂ©parĂ© et rejetĂ© Ă l'usine de retraitement de La Hague[Note 7]. Le krypton 85 donne assez rapidement le rubidium 85 stable et solide Ă l'Ă©tat oxydĂ© ;
- le samarium 151, Ă©metteur bĂȘta d'une demi-vie de 93 ans pour 0,22 % ;
- enfin, pour ĂȘtre complet, on doit mentionner :
Parmi ces six corps, seuls le cĂ©sium 137 (Ă©metteur bĂȘta et gamma) et Ă un degrĂ© moindre le strontium 90 (Ă©metteur bĂȘta pur) sont vĂ©ritablement gĂȘnants. Le cĂ©sium 137 est le radionuclĂ©ide qui caractĂ©rise la contamination de l'environnement lors des accidents tels que Tchernobyl ou Fukushima.
Ces produits de fission peuvent ĂȘtre qualifiĂ©s d'« historiquement gĂ©rables » parce que leur radioactivitĂ© n'est prĂ©pondĂ©rante que pendant quelques siĂšcles, pendant lesquels la mĂ©moire historique peut en ĂȘtre conservĂ©e. Par exemple, si du cĂ©sium 137 avait Ă©tĂ© produit sous Charlemagne, il y a 1200 ans, le reliquat de nos jours aprĂšs quarante fois sa demi-vie ne reprĂ©senterait plus que 10-12 (un millioniĂšme de millioniĂšme) de l'activitĂ© initiale, ce qui ne correspond plus Ă une activitĂ© significative[2].
Seul le samarium 151, pour 0,22 % des atomes initialement formĂ©s et d'une demi-vie de 93 ans, est Ă la limite dâune gestion Ă l'Ă©chelle historique.
Ă la lumiĂšre du retour d'expĂ©rience des accidents de Tchernobyl et Fukushima, le cĂ©sium 137, du fait de son rayonnement gamma (rayonnement gamma de 660 keV, donc infĂ©rieur Ă celui du potassium 40 contenu dans le corps humain tout en Ă©tant du mĂȘme ordre), ressort en dĂ©finitive comme l'unique produit de fission ayant une importance pratique rĂ©elle dans la gestion du risque radiologique dans l'environnement. La capacitĂ© commode de rassembler chimiquement le cĂ©sium prĂ©sent dans l'environnement pourrait ainsi constituer une contribution efficace Ă la rĂ©duction concrĂšte des consĂ©quences radiologiques des accidents.
Produits de fission radioactifs Ă vie trĂšs longue, hors Ă©chelle historique
10,4 % du total des atomes formés lors de la fission ont des descendants qui sont des radio-isotopes artificiels à vie trÚs longue qui représentent véritablement la radioactivité résiduelle à long terme due aux produits de fission. Ils sont au nombre de sept. Les quantités étant exprimées en proportion des atomes initialement formés par fission, ce sont, par ordre d'abondance :
- le cĂ©sium 135, Ă©metteur bĂȘta d'une demi-vie de 2,3 millions d'annĂ©es, pour 3,45 % ,
- le zirconium 93, Ă©metteur bĂȘta d'une demi-vie de 1,53 million d'annĂ©es, pour 3,06 %, sachant qu'une quantitĂ© complĂ©mentaire plus faible (environ 5 %) est formĂ©e par capture neutronique du zirconium 92 des gaines (rĂ©action (n,Îł)) dont une infime partie (les fines de cisaillage) est adjointe aux produits de fission du fait du procĂ©dĂ© de cisaillage des gaines, effectuĂ© Ă l'usine de La Hague ;
- le technĂ©tium 99, Ă©metteur bĂȘta d'une demi-vie de 211 100 ans, pour 3,06 % ;
- lâiode 129, Ă©metteur bĂȘta d'une demi-vie de 15,7 millions d'annĂ©es, pour 0,64 % ,
- le palladium 107, Ă©metteur bĂȘta d'une demi-vie de 6,5 millions d'annĂ©es, pour 0,09 % ;
- lâĂ©tain 126, Ă©metteur bĂȘta d'une demi-vie de 100 000 ans, pour 0,03 % ;
- le sĂ©lĂ©nium 79, Ă©metteur bĂȘta d'une demi-vie de 280 000 ans[Note 8] - [3] pour 0,025 %.
Le chlore 36 (période 301 000 ans), parfois improprement mentionné comme produit de fission à vie longue, n'est présent qu'au niveau de traces parmi les PF[Note 9].
Pour ces corps dont la durée de vie est sans rapport avec les échelles de temps historiques, il n'existe pas de solution définitive actuellement.
- La solution généralement employée consiste à les confiner dans une matrice adaptée (mélangés aux autres produits de fission ci-dessus et aux actinides mineurs) et les stocker en couche géologique profonde.
- Des études et évaluations économiques sont en cours pour examiner dans quelles conditions il est possible de transmuter ces sept corps en d'autres corps à vie plus courte ; comme via une irradiation neutronique en réacteur[Note 10] - [Note 11].
Tous produits de fission et actinides
Actinides par chaßne de désintégration | Période a |
Produits de fission par abondance de production | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
4n | 4n+1 | 4n+2 | 4n+3 | |||||
2,25-3,5 % | 0,015-0,7 % | < 0,0065 % | ||||||
228Raâ 0 | 4â6 | â | 155EuĂŸ0 | |||||
244Cm 1 | 241PuÆ 1 | 250Cf 1 | 227Acâ 1 | 10â29 | 90Sr 1 | 85Kr 1 | 113mCdĂŸ 1 | |
232UÆ 1 | 238Pu 1 | 243CmÆ 1 | 29â97 | 137Cs 1 | 151SmĂŸ 1 | 121mSn 1 | ||
249CfÆ 2 | 242mAmÆ 2 | 141â351 |
Aucun produit de fission | |||||
241Am 2 | 251CfÆ 2 | 430â900 | ||||||
226Raâ 3 | 247Bk 3 | 1,3kâ1,6k | ||||||
240Pu 3 | 229Th 3 | 246Cm 3 | 243Am 3 | 4,7kâ7,4k | ||||
245CmÆ 3 | 250Cm 3 | 8,3kâ8,5k | ||||||
239PuÆ 4 | 24,11k | |||||||
230Thâ 4 | 231Paâ 4 | 32kâ76k | ||||||
236NpÆ 5 | 233UÆ 5 | 234Uâ 5 | 100kâ250k | ⥠| 99Tc⥠5 | 126Sn 5 | ||
248Cm 5 | 242Pu 5 | 280kâ375k | 79Se⥠5 | |||||
1,53M | 93Zr 6 | |||||||
237Np 6 | 2,1Mâ6,5M | 135Cs⥠6 | 107Pd 6 | |||||
236U 7 | 247CmÆ 7 | 15Mâ24M | 129I⥠7 | |||||
244Puâ 7 | 80M |
Aucun atome au-dessus de 15,7 Ma | ||||||
232Thâ 9 | 238Uâ 9 | 235UÆâ 9 | 0,703Gâ14G | |||||
LĂ©gende |
Produits de fission et actinides présents dans les déchets
Actinides par chaßne de désintégration |
PĂ©riode a |
Produits de fission par abondance de production | |||||
---|---|---|---|---|---|---|---|
4n+0 | 4n+1 | 4n+2 | 4n+3 | ||||
Principaux 2,25-3,5 % |
Secondaires 0,015-0,7 % |
Traces < 0,0065 % | |||||
4â6 | 155EuĂŸ 0 | ||||||
244Cm 1 traces |
241PuÆ 1 traces |
10â22 | 85Kr 1 | 113mCdĂŸ 1 | |||
243CmÆ 1 | 28-31 | 90Sr 1 | |||||
137Cs 1 | |||||||
232UÆ 1 traces |
238Pu 1 traces |
43-93 | 151SmĂŸ 1 | 121mSn 1 | |||
242mAmÆ 2 | 141â351 | Aucun produit de fission n'a une demi-vie | |||||
241Am 2 | 430â900 | ||||||
226Raâ 3 traces |
1,3kâ1,6k | ||||||
240Pu 3 traces |
229|Th 3 traces |
243Am 3 | 4,7kâ7,4k | ||||
245CmÆ 3 | 8,3kâ8,5k | ||||||
239PuÆ 4 traces |
24,11k | ||||||
230Thâ 4 traces |
231Paâ 4 traces |
32kâ76k | |||||
236NpÆ 5 | 233UÆ 5 traces |
234Uâ 5 traces |
100kâ250k | 99Tc⥠5 | 126Sn 5 | ||
242Pu 5 traces |
280kâ375k | 79Se⥠5 | |||||
1,53M | 93Zr 6 | ||||||
237Np 6 | 2,1Mâ6,5M | 135Cs⥠6 | 107Pd 6 | ||||
236U 7 traces |
247CmÆ 7 | 15Mâ24M | 129I⥠7 | ||||
ni au-dessus de 15,7 Ma | |||||||
232Thâ 9 traces |
238Uâ 9 traces |
235UÆâ 9 traces |
0,7Gâ14G | ||||
LĂ©gende : |
Gestion des produits de fission
Selon le Réseau Sortir du nucléaire, aucun pays au monde n'a résolu le problÚme du devenir des produits de fission et personne ne peut garantir la fiabilité d'un enfouissement sur de longues périodes[4].
En exploitation des réacteurs nucléaires
Dans le processus normal de l'exploitation des rĂ©acteurs nuclĂ©aires (notamment Ă©lectrogĂšnes), les produits de fission sont gĂ©rĂ©s en tant que dĂ©chets de la rĂ©action nuclĂ©aire. Dans le cas de la France, ils sont destinĂ©s Ă ĂȘtre placĂ©s en stockage gĂ©ologique profond Ă Bure.
Valorisation hypothétique du palladium et du rhodium formés par fission
Au titre de développements ultérieurs, selon certains acteurs de l'industrie nucléaire, la valorisation de tout ou partie des produits de fission pourrait contribuer à la gestion des déchets radioactifs. La radioactivité résiduelle à long terme du stockage géologique se trouverait ainsi diminuée, sans toutefois que la radioactivité totale ait changé.
Parmi les atomes formés par fission (donc les corps de numéro atomique compris entre 70 et 150), seuls le palladium et le rhodium semblent mériter un examen. Les autres substances formées par fission sont de valeur marchande trop faible, comme pour l'argent métal qui est de surcroßt pénalisé par l'argent 110, puissant émetteur gamma.
Récupération/extraction du palladium des produits de fission
Le coût trÚs élevé du palladium pourrait ainsi rendre sa séparation chimique et sa récupération attractives :
- la proportion massique de palladium 107 radioactif dans le palladium produit par fission est de l'ordre de 15 % des autres isotopes stables formĂ©s (105, 106, 108 et 110). Le palladium 107 est Ă©metteur d'un bĂȘta (pur) de 33 keV (seulement, il s'agit d'un rayonnement bĂȘta « mou »[Note 12]), avec une pĂ©riode de 6,5 Ma donc une activitĂ© modĂ©rĂ©e. Le palladium 107 est donc un radionuclĂ©ide de faible radiotoxicitĂ©, Ă moins qu'il ne soit ingĂ©rĂ©. Ces caractĂ©ristiques semblent compatibles avec les usages industriels ;
- la quantitĂ© des diffĂ©rents isotopes du palladium produite par les rĂ©acteurs nuclĂ©aires peut ĂȘtre estimĂ©e grossiĂšrement sur la base des seuls rendements de fission Ă 0,3 % en masse de la totalitĂ© des produits de fission, soit environ 180 kg de palladium par an en France ;
- le prix du palladium avoisine 15 kâŹ/kg (la moitiĂ© du prix de l'or). Le chiffre d'affaires serait donc de lâordre de 2,5 MâŹ/an, mais soumis aux fluctuations des cours des mĂ©taux prĂ©cieux, rendant l'opĂ©ration a priori non rentable dans le cas de la France ;
- toutefois, une Ă©valuation plus complĂšte de la quantitĂ© de palladium prĂ©sente dans les PF tenant notamment compte des captures neutroniques en fonctionnement conduit Ă une estimation significativement plus importante et Ă un chiffre d'affaires dĂ©passant 10 MâŹ/an.
Récupération/extraction du rhodium des produits de fission
Le cas du rhodium apparaßt comme spécialement intéressant ; en effet :
- d'une part, le prix du rhodium est trĂšs Ă©levĂ© : 15 000 âŹ/kg ;
- d'autre part, le rhodium n'a que trois isotopes :
- le rhodium 103 qui est stable,
- les deux isotopes radioactifs qui ont des périodes courtes.
Ce qui fait que le rhodium chimiquement séparé du reste des PF n'est pas radioactif.
La quantité de rhodium est voisine de 1,1 % en masse des produits de fission, soit environ 660 kg de rhodium produit chaque année par les 58 réacteurs français.
En cas dâaccident
Lors d'accidents nuclĂ©aires tels que la catastrophe de Tchernobyl ou de Fukushima, ou l'accident de TokaĂŻmura, de grandes quantitĂ©s de produits de fission peuvent ĂȘtre rejetĂ©s dans l'atmosphĂšre et dans l'eau. Les opĂ©rations de dĂ©contamination consistent alors Ă rassembler les terres les plus contaminĂ©es dans des sacs qui sont stockĂ©s sur place.
Articles connexes
Notes et références
Notes
- Dans quelques cas assez rares, il existe des fissions dites ternaires dans lesquelles trois nouveaux noyaux et non pas deux sont formés. En général, le 3e atome formé comporte un faible nombre de nucléons.
- Par exemple, le strontium 94 ou le krypton 93.
- Par exemple, le xénon 140 ou le baryum 140.
- En toute rigueur, pour des rendements de fission inférieurs à 10-7, des corps sont formés en quantité infime dans les plages 60 à 70 et 164 à 180 nucléons, et spécialement dans le cas de la fission du plutonium 239.
- On considérer généralement comme négligeable la radioactivité d'un corps lorsque sa demi-vie est supérieure à un milliard d'années.
- Cet isotope radioactif alpha du néodyme trouvé présent dans le minerai de l'uranium de la mine d'Oklo au Gabon en proportion augmentée par rapport à la composition isotopique du néodyme existant en autres endroits de la Terre est à l'origine de la mise en évidence du fonctionnement de réacteurs naturels.
- Le krypton 85 est un rejet gazeux de l'usine de La Hague. à ce titre, il a fait l'objet d'un nombre assez important d'études précises et de mesure des quantités produites par fission et rejetées. D'aprÚs les rendements de fission, la quantité de krypton 85 initialement produite lors des fissions est sensiblement de 68 000 kg/an à 0,7 % (abondance du krypton 85 dans les PF) à 85 (masse atomique du krypton 85) / 116,8 (masse atomique moyenne des PF) = 346 kg/an. La comptabilisation des rejets gazeux aprÚs traitements ne boucle pas ce bilan, parce que la durée du séjour intermédiaire en piscine de refroidissement est d'un ordre comparable à sa demi-vie et ne laisse subsister qu'une fraction significativement réduite de la production initiale.
- L'ancienne valeur de 65 000 ans de sa demi-vie a été « abandonnée » récemment à la suite de nouvelles mesures.
- Il est formĂ© par capture neutronique de traces d'impuretĂ© de chlore 35 prĂ©sentes dans le combustible. La formation par fission ne pourrait rĂ©sulter que de fissions ternaires et en outre uniquement de façon directe puisque la dĂ©croissance bĂȘta d'un noyau de 36 nuclĂ©ons en excĂšs de neutrons dĂ©bouche sur le soufre 36 ou sur l'argon 36 stables.
- La transmutation en réacteur apparaßt comme difficile dans la majorité des sept cas (difficulté de séparation chimique, fabrication parasite de corps radioactifs, etc.), mais elle est possible toutefois, dans le cas du technétium 99. Le technétium 99 représente une part importante de l'activité à long terme du fait de son abondance parmi les sept isotopes en cause et de sa période moindre que celle des autres corps.
- La transmutation réduit les quantités et la radiotoxicité, mais ne dispense pas de la nécessité d'un stockage à long terme.
- Ă titre de comparaison, l'Ă©nergie du rayonnement bĂȘta du potassium 40 prĂ©sent dans le corps humain est de 1 300 Ă 1 500 keV.
Références
- Produits de fission Ă vie courte, sur laradioactivite.com
- « Produits de fission à vie longue », sur laradioactivite.com
- Fiche radionucléide : Sélénium 79 et environnement, IRSN, 15 octobre 2002 [PDF]
- « Peut-on recycler les déchets nucléaires? » [PDF], sur Réseau Sortir du nucléaire, (consulté le ).
Annexes
Articles connexes
Liens externes
- « Rejets et effluents », sur laradioactivite.com
- « Le traitement des déchets », Société française d'énergie nucléaire
- Christian Bataille et Robert Galley, Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, L'aval du cycle nucléaire (« rapport Bataille ») (no 612), 1997-1998 (lire en ligne)