Lixiviat
Le lixiviat (lessive au sens trivial ou percolat en physique) est le liquide rĂ©siduel qui provient de la percolation de l'eau Ă travers un matĂ©riau, dont une fraction peut ĂȘtre soluble. Ce matĂ©riau traversĂ© peut ĂȘtre, par exemple, une poudre, un corps poreux insoluble ou trĂšs faiblement soluble, un amas quelconque de corps solides, avec des fractions liquides et gazeuses, etc.

La lessive la plus commune était autrefois obtenue en arrosant des cendres puis en les pressant sur un filtre textile, pour récupérer la partie liquide qui en avait dissous les alcalis, substances nécessaires à la réaction de saponification. Le mot parent lixiviat vient de l'adjectif latin lixivius, et du premier de ces deux substantifs, le féminin lixivia plutÎt que le neutre lixivium, qui signifient tous les deux : « lessive, jus de lessive ou de cendres, eau qui sert à laver[1]⊠» Ce terme désigne notamment tous les « jus » issus de déchets, de composts, de cendres, de décharges ou de dépotoirs divers, etc.
La composition chimique du lixiviat de décharge diffÚre selon la nature de cette derniÚre, toutefois sa composition varie étroitement avec les facteurs énumérés ci-dessus.
Au fil du temps sous lâinfluence de ces divers facteurs, il a Ă©tĂ© mis en Ă©vidence quatre types de polluants prĂ©sent dans le lixiviat :
- la matiĂšre organiques dissoute ou matiĂšre en suspension,
- les micropolluants organiques,
- les composés minéraux sous forme ionique,
- les métaux lourds.
En plus de ces polluants, des études ont montré la présence de composés organiques responsables de la charge polluante tels que :
- acides gras volatils,
- produits soufrés,
- dérivés phénoliques,
- acides aminés (libres ou combinés),
- micropolluants (pesticides, tensioactifs, résidus de plastiques, etc.),
- acides carboxyliques.
Lixiviats d'installation de stockage des déchets
Le lixiviat est issu de l'eau (de pluie en général) qui percole dans les massifs de déchets. Cette eau participe à la dégradation des déchets stockés, processus aboutissant notamment à la méthanogenÚse.
Le lixiviat est généralement enrichi en matiÚres dissoutes et en suspension, en polluants organiques[2], minéraux et métalliques au fur et à mesure de sa percolation ; par extraction des composés solubles (lixiviation facilitée par la dégradation biologique des déchets). Si la décharge n'est pas totalement étanche, il est source de pollution de la nappe phréatique, du sol ou d'eaux superficielles.
L'eau peut ĂȘtre gĂ©nĂ©rĂ©e dans la dĂ©charge mĂȘme (Ă partir des matĂ©riaux humides, vĂ©gĂ©taux notamment) ou infiltrĂ©e Ă partir de la surface ; elle se charge gĂ©nĂ©ralement en polluants jusqu'Ă ce qu'elle se retrouve au fond de l'alvĂ©ole de stockage (ou dans le milieu dans le cas d'une dĂ©charge ancienne ou mal conçue). Ce phĂ©nomĂšne peut perdurer plusieurs siĂšcles[3].
Divers types de tests (« en batch », « en colonnes » ou in situ grĂące Ă des bougies poreuses ou des plaques lysimĂ©triques) visent Ă Ă©valuer l'intensitĂ© de la lixiviation pour divers types de substrats (dont cendres d'incinĂ©ration ou crassiers de centrales thermiques)[4]. Certains tests s'intĂ©ressent aussi Ă la dispersivitĂ© horizontale ou longitudinale du lixiviat ou Ă la migration de certains de ses composants[4]. Ces tests doivent ĂȘtre refaits pĂ©riodiquement car selon la tempĂ©rature, l'humiditĂ© et la maturation du substrat le taux de lixiviation peut fortement Ă©voluer dans le temps « suite Ă des rĂ©actions d'hydratation, d'hydrolyse, de carbonatation, d'oxydation, de complexation, de sorption, de dissolution ou encore de prĂ©cipitation d'espĂšces minĂ©rales secondaires »[4]. Dans le cas oĂč le dĂ©chet est hĂ©tĂ©rogĂšne les tests doivent porter sur un nombre suffisant d'Ă©chantillons reprĂ©sentatifs des substrats.
Production des lixiviats
La production des lixiviats varie selon :
- la nature du dĂ©chet (plus ou moins soluble, hĂ©tĂ©rogĂšne et toxique, poudreux ou vitrifiĂ©âŠ) ; il s'agit souvent d'ordures mĂ©nagĂšres, de dĂ©chets industriels, de dĂ©chets de construction, de cendres ou mĂąchefers ou de poussiĂšres issues de filtration.
- la vitesse de percolation de cette eau, et selon le chemin parcouru par elle dans les déchets ;
- La quantité de précipitation (ou la fréquence de phénomÚne d'inondation ou remontée de nappe) sur le lieu d'implantation du site d'enfouissement ou à son amont ;
- La surface au sol, en effet pour le mĂȘme tonnage un site Ă©tendu produira plus qu'un site avec une hauteur de dĂ©chet plus importante.
- La forme du site (qui facilite ou non le ruissellement et la stagnation des eaux).
- Les conditions d'enfouissement du déchet.
- Le mode d'exploitation du site[5].
Les dĂ©chets organiques devant ĂȘtre humides pour pouvoir se dĂ©grader, la mise en place d'une couverture Ă©tanche (type gĂ©o-membrane) doit ĂȘtre accompagnĂ©e d'une humidification artificielle du massif de dĂ©chet par recirculation des lixiviats par exemple.
RĂ©glementation
En Europe et dans la plupart des pays, la législation relative à la mise en décharge impose (avec obligation de résultats) de collecter et traiter ces lixiviats pour prévenir ou réduire leurs effets nocifs sur l'environnement et la santé humaine durant tout le cycle de vie de la décharge. Les sites d'enfouissement fournissent des bilans hydriques à l'administration, mais ceux-ci sont généralement imprécis, la plupart des sites se contentant de mesurer la pluviométrie, mais pas la quantité d'eau sortant du site par les fossés d'eaux pluviales.
En Europe, la réglementation (ex. : directive sur les décharges, directive-cadre sur les déchets) a beaucoup réduit le volume de lixiviat produit et les incitations à l'économie circulaire devrait réduire à la source les déchets, mais les lixiviats restent préoccupants à long terme pour les exploitants et les régulateurs[3]. Si un lixiviat est traité dans une station d'épuration, il doit en Europe répondre aux exigences des directives-cadre l'eau et sur le traitement des eaux usées urbaines, qui ont harmonisé les normes sur les eaux usées traitées rejetées par les stations d'épuration urbaines UWWTP) dans les eaux réceptrices.
Chimie des lixiviats
La composition chimique des lixiviats dĂ©pend fortement de la nature du dĂ©chet enfoui (dĂ©chets biodĂ©gradables ou non biodĂ©gradables, organiques ou inorganiques, toxiques ou Ă©cotoxiques ou pas[3] et aussi et en particulier la gestion des apports en eau. De plus les rĂ©actions intervenante dĂ©pendent majoritairement des phĂ©nomĂšnes intervenant dans la dĂ©gradation des dĂ©chets tels que processus chimique, adsorptionâŠ[6]
Les lixiviats sont généralement caractérisés par les paramÚtres comme le pH, la conductivité, l'azote global (forme ammoniaque majoritaire), la DBO, la DCO et leurs contenus en métaux et métalloïdes toxiques ou indésirables. La DBOet la DCO sont les paramÚtres qui indiquent la concentration en matiÚre organique.
Suivant l'évolution chimique et biologique des déchets, on retrouve trois types de lixiviats :
- Les lixiviats jeunes (<5ans) qui se caractérisent par :
- une charge organique trĂšs Ă©levĂ©e (DCO>2000 mg dâO2/L)
- un ratio de biodégradabilité DBO/DCO >0,3
- un pH de l'ordre de >6[7]
- Les lixiviats intermédiaires : au fil du temps, la composition des percolats évoluent en passant de jeune à intermédiaire se caractérisant par
- un pH a voisinant 7
- une biodégradabilité assez faible (DBO5 /DCO voisin de 0,2)[8]
- Les lixiviats stabilisés (> 10 ans) présentent :
- une biodégradabilité trÚs faible (DBO5/DCO< 0,1)
- une DCO qui dépasse 3000 mg L-1[9]
Sols
La mise en place d'un centre d'enfouissement demande une Ă©tude prĂ©cise du sol afin de caractĂ©riser au mieux la nature de celui ci.Le but de lâĂ©tude du sol est la protection des nappes phrĂ©atiques,pour cela des modĂšles dâĂ©tude gĂ©ologique aident Ă mieux caractĂ©riser le sol avant la mise en place des dĂ©charges. Les terrains utilisĂ©s pour les stockages sont argileux (impermĂ©able). Si la permĂ©abilitĂ© du sol est trop importante un traitement prĂ©alable de la surface du casier est rĂ©alisĂ© pour diminuer sa permĂ©abilitĂ©.Dans certains cas un gĂ©omateriaux est nĂ©cessaire pour une bonne sĂ©paration
Captage et Stockage
Le but du captage est de limiter la hauteur d'eau dans les massifs de déchets, pour éviter un éventuel transfert de la pollution vers les sols et les nappes phréatiques. Deux techniques sont utilisées :
- Drainage gravitaire
- Pompage
AprĂšs le captage, les lixiviats sont stockĂ©s. Le conditionnement peut notamment ĂȘtre assurĂ© par une solution de stockage de liquide (citerne soupleâŠ), mais plus gĂ©nĂ©ralement dans des bassins membranĂ©s.
Traitement
Dans certains pays, les lixiviats issus de dĂ©charges sont collectĂ©s et envoyĂ©s vers des stations d'Ă©puration avant d'ĂȘtre Ă©vacuĂ©s dans la nature[3]. Certains pays (comme la France) encouragent un traitement dans la dĂ©charge (79 % des lixiviats en 2016) sur place avant de les rejeter dans l'environnement[3]. Dans tous les cas, tant que le lixiviat est toxique, son traitement doit pouvoir se poursuivre durant des siĂšcles Ă©ventuellement[3]. Les exigences rĂ©glementaires vont probablement rendre de plus en plus difficile le co-traitement du lixiviat trĂšs polluĂ© avec les eaux usĂ©es municipales. Les coĂ»ts de gestion vont augmenter pour les pays tels que la Hongrie, la Lettonie et le Portugal oĂč plus de 70 % des dĂ©chets partent encore en dĂ©charge.
Lixiviats de machefers
C'est en grande partie leur part lixiviable qui dĂ©termine la capacitĂ© des mĂąchefers d'incinĂ©ration d'ordures mĂ©nagĂšres Ă ĂȘtre rĂ©utilisĂ©s comme remblai de tranchĂ©e ou sous-couche de chaussĂ©e par exemple. En France, c'est la circulaire du [10] qui dĂ©termine les diffĂ©rentes catĂ©gories de mĂąchefers selon leur degrĂ© de lixiviabilitĂ©.
Traitement des lixiviats
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à l'extérieur
La plupart des installations ne disposent pas de traitement sur place et envoient par les réseaux d'égouts ou par camion leurs lixiviats sur des stations d'épuration urbaine, qui ne sont généralement pas équipées pour traiter ce type de pollution. Mais le flux peu important par rapport au débit de la station d'épuration permet un rejet acceptable au milieu naturel par dilution[11] avec les effluents urbains.
Sur les sites
La complexitĂ© des lixiviats rend leur traitement trĂšs technique. Pour arriver Ă les traiter avec des qualitĂ©s de rejet satisfaisantes, des techniques poussĂ©es ont Ă©tĂ© mises en place. LâidĂ©al pour ce genre d'effluent serait un traitement par voie biologique de type intensif mais cela dĂ©pend du type des lixiviats (jeune,intermĂ©diaire,stabilisĂ©), donc de leurs biodĂ©gradabilitĂ© car l'activitĂ© bactĂ©rienne est limitĂ© dans ce genre de forte pollution. Ces traitements biologiques, couplĂ©s Ă des traitements de finition, comme la filtration sur charbon actif, ont fait leurs preuves et sont Ă©conomiques ; cependant des traitements physiques tels les systĂšmes de filtration (type osmose inverse ou nanofiltration) ou par des systĂšmes thermiques d'Ă©vaporation pouvant utiliser le biogaz comme source d'Ă©nergie, mais attention, ces procĂ©dĂ©s produisent des concentrats extrĂȘmement coĂ»teux Ă gĂ©rer et le retour directement sur le site de ceux-ci, comme cela se faisait et se fait encore parfois, est extrĂȘmement dommageable Ă long terme, puisque ces polluants vont rapidement reformer des lixiviats.
Notes et références
- Le verbe déjà abrégé en latin classique est lixare , mais le latin médiéval possÚde encore lixiviare, les deux formes signifiant lessiver.
- base de données Recherche bibliographique scientifique
- Brennan, R.B., Healy, M.G., Morrison, L., Hynes, S., Norton, D. & Clifford, E. (2016). Management of landfill leachate: The legacy of European Union Directives. Waste Management. 55: 355â363. DOI:10.1016/j.wasman.2015.10.010.
- Lassin A. al (2002), Essais de comportement des dĂ©chets Ă la lixiviation et modĂ©lisation des processus "hydro-physico-chimiques" associĂ©s. Ătude bibliographique, Rapport BRGM/RP-515518-FR, 83 p
- « le traitement des lixiviats »,
- Arnauld-Amaury Sillet, « LES LIXIVIATS DE DĂCHARGES DâORDURES MĂNAGĂRES GENĂSE, COMPOSITION ET TRAITEMENTS », aricle,â
- Ătudes de traitement des lixiviats des dĂ©chets urbains par les procĂ©dĂ©s dâoxydation avancĂ©e photochimiques et Ă©lectrochimiques : application aux lixiviats de la dĂ©charge tunisienne âJebel Chakirâ
- Sihem Aliouche, Youcef Kehila et Leila Benkahoul, « ModalitĂ©s de sĂ©lection des sites dâenfouissement technique en AlgĂ©rie et leur prise en charge par les instruments dâamĂ©nagement du territoire et dâurbanisme », DĂ©chets, sciences et techniques, no N°75,â (ISSN 2268-7289 et 1271-0318, DOI 10.4267/dechets-sciences-techniques.3696, lire en ligne, consultĂ© le )
- F. Benyoucef, A. El Ghmari et A. Ouatmane, « Etude expĂ©rimentale du traitement par Ă©vaporation forcĂ©e des lixiviats des dĂ©chets mĂ©nagers. Cas de la ville de Kasbah Tadla », DĂ©chets, sciences et techniques, no N°70,â (ISSN 2268-7289 et 1271-0318, DOI 10.4267/dechets-sciences-techniques.3326, lire en ligne, consultĂ© le )
- texte de la circulaire sur aida.ineris
- Emilien Belle, « Ăvolution de lâimpact environnemental de lixiviats dâordures mĂ©nagĂšres sur les eaux superficielles et souterraines, approche hydrobiologique et hydrogĂ©ologique. », (consultĂ© le )
Voir aussi
Bibliographie
- Aran C (2001). ModĂ©lisation des Ă©coulements de fluides et des transferts de chaleur au sein des dĂ©chets mĂ©nagers. Application Ă la RĂ©injection de Lixiviat dans un Centre de Stockage (ThĂšse de doctorat en Science de la Terre et de lâEnvironnement ; MĂ©canique des Fluides; Institut National Polytechnique de Toulouse), PDF, 262 p.
- Bellenfant G (2001). Modélisation de la production de lixiviat en centre de stockage de déchets ménagers (ThÚse de doctorat , Institut National Polytechnique de Lorraine-INPL).
- Matejka, G., Rinke, M., Mejbri, R., & Bril, H. (1994). Pollution engendrée par un lixiviat de décharge d'ordures ménagÚres: Bilan hydrique et caractérisation. Environmental technology, 15(4), 313-322 (résumé)