Saponification
La saponification est, dans le cadre général, une réaction chimique transformant un ester en ion carboxylate et en alcool. Il s'agit en fait de l'hydrolyse d'un ester en milieu basique. Cette réaction permet la synthèse du savon.
Histoire
Initialement cette réaction est connue pour transformer le mélange d'un ester de glycérol et d'une base forte en un mélange de savons (ou sels d'acide gras) et glycérol, d'où son nom. Elle a été identifiée en 1823 par le chimiste français Michel-Eugène Chevreul, qui a montré que les triglycérides peuvent être considérés comme des combinaisons chimiques entre le glycérol et des acides gras (autrement dit, un triglycéride est un composé dont la molécule contient un résidu de glycérol et trois résidus d'acides gras).
Réaction
Propriétés
La saponification est une réaction lente, mais totale. C'est une réaction exothermique.
Il existe plusieurs procédés de saponification :
- le procédé discontinu ou marseillais est ancien, mais toujours utilisé ;
- les procédés continus.
Pour accélérer la réaction, on peut agir sur plusieurs facteurs :
Mécanisme
Le mécanisme de la réaction se décompose en trois étapes (plus une acidification du milieu si on veut ré-obtenir un acide carboxylique, et non plus un ion carboxylate).
- Première étape : addition nucléophile de l'ion HO− sur l'ester.
- Seconde étape : élimination du groupe alcoolate.
À ce stade, la réaction pourrait être terminée et avoir une utilité (pour hydrolyser un ester, il suffirait de rajouter de la soude ou de la potasse). Cette étape forme un acide carboxylique, acide faible (pKa compris en général entre 3 et 4, mais relativement le plus fort dans le milieu, l'autre étant l'eau) et une base très forte, l'ion alcoolate (pKa compris entre 18 et 20). Il y a donc une réaction acide-base entre l'acide le plus fort et la base la plus forte, donc transformation de l'acide carboxylique en ion carboxylate.
- Troisième étape : réaction acide-base entre l'acide carboxylique et l'ion alcoolate.
Comme on peut le remarquer, cette réaction est la seule du mécanisme qui soit irréversible, et (quasiment) totale (1014 < K < 1017). Ainsi elle déplace les équilibres des réactions précédentes (en consommant entièrement leurs produits), les rendant elles aussi totales (ou presque).
Dans le cadre de la synthèse d'un savon, on peut s'arrêter à cette dernière étape. En revanche, si l'on veut obtenir un acide carboxylique, il faut ré-acidifier le milieu :
Techniques de saponification
Saponification à chaud
La saponification à chaud ou méthode au chaudron est une technique industrielle de fabrication du savon, où les matières grasses sont chauffées en présence d'une grande quantité de soude, afin d'assurer la transformation totale des corps gras en savon[1]. Le mélange est chauffé plusieurs heures voire jours et remué régulièrement. La pâte à savon est ensuite rincée abondamment afin d'éliminer la soude en excès. Puis le savon est coulé et refroidi, et laissé à sécher pendant 24 heures. Il est utilisable immédiatement après.
C'est la méthode de fabrication la plus couramment utilisée dans les industries savonnières, rapide, et consommatrice en énergie et en eau. Elle produit un savon de qualité moyenne, avec un fort pouvoir lavant et une longue tenue, mais agressif pour la peau. Le savon à chaud produit industriellement est souvent composé d'huiles peu onéreuses (huile de palme, huile de coprah), permettant une fabrication massive à prix moindre. Cette technique est notamment utilisée pour produire le savon de Marseille (à base d'huile d'olive) et le savon d'Alep (à base d'huile de laurier)[2].
Saponification à froid
La saponification à froid consiste à réaliser la réaction de saponification à température ambiante ou légèrement supérieure (entre 40 °C et 50 °C)[3]. Cette méthode ne requiert pas de source de chaleur complémentaire, hormis celle utilisée pour faire fondre et mélanger les huiles[3]. On intègre à la recette la quantité exacte de soude nécessaire à la transformation des graisses en savon. C'est une réaction chimique totale, qui ne s'achève que lorsque l'un des composants est complètement épuisé. Des corps gras additionnels sont ajoutés en fin de préparation (procédé appelé le « surgraissage ») afin de garantir une transformation totale de la soude en savon, et une grande douceur pour la peau. La saponification à froid produit également un savon naturellement riche en glycérine (le glycérol), qui possède un fort pouvoir lavant et des propriétés adoucissantes[4].
La pâte est ensuite coulée et isolée thermiquement pendant 48 heures, pendant lesquelles elle va monter en température. Au bout de 48 heures, les savons sont encore tendres et peuvent être modelés. Ils subissent ensuite une période de « cure » allant de quatre à six semaines, dans un lieu sec et aéré, permettant au savon de sécher et durcir, voire à la réaction chimique de saponification de s'achever totalement. Un savon qui contiendrait trop d'eau fondrait rapidement au contact de l'eau, d'où l'importance de la cure[5].
Cette méthode est lente et moins polluante que la méthode à chaud. Elle ne permet pas une production industrielle du fait de sa durée de fabrication. Elle produit un savon de qualité, qui conserve les propriétés des huiles utilisées à la fin de la réaction chimique totale, car elles ne sont chauffées que pour être mélangées, contrairement à la saponification à chaud.
La tenue du savon à froid est plus courte, et son prix est plus élevé au vu du temps nécessaire à sa fabrication[6] - [7].
Application : synthèse de savon
Au cours de cette réaction, des corps gras (graisses ou huiles) sont hydrolysés en milieu basique par une base, généralement l'hydroxyde de potassium (KOH) ou l'hydroxyde de sodium (NaOH), à une température comprise entre 80 °C et 100 °C. La température élevée sert à accélérer la réaction de saponification, car c'est un facteur cinétique. La saponification des corps gras produit du glycérol et un mélange de carboxylates (de sodium ou de potassium) qui constitue le savon. À noter que les carboxylates de sodium (Na) produisent des savons « durs » et que les carboxylates de potassium (K) produisent des savons « mous ou liquides ».
L'indice de saponification est un des paramètres qui permettent d'apprécier la qualité d'une huile végétale. C'est la quantité de KOH, exprimée en milligrammes, nécessaire à la saponification d'un gramme d'huile.
Chaque corps gras ayant un indice de saponification particulier, il existe des calculateurs de saponification en ligne permettant de calculer les bonnes proportions nécessaires à la fabrication d'un savon en fonction des corps gras utilisés[8].
Références
- « Le surgraissage », sur revonssavons.fr (consulté le ).
- « Zoom sur le savon à froid », sur Atelier Populaire Paris (consulté le ).
- Kelly Cable, Fabriquer des savons, Améthyste éditions, 3 trimestre 2020, 277 p. (ISBN 979-10-97154-58-5), p. 9.
- Jean d'Arcet, Claude-Hugues Lelièvre et Bertrand Pelletier, Rapport sur la fabrication des savons, sur leurs différentes espèces, suivant la nature des huiles et des alkalis qu'on emploie pour les fabriquer ; et sur les moyens d'en préparer par-tout, avec les diverses matières huileuses et alkalines, que la nature présente, suivant les localités. Par les c[itoye]ns. Darcet, Lelievre et Pelletier. Imprimé par ordre du Comité de Salut public, (lire en ligne), sur Gallica.
- « La cure ou la patience du savonnier – Botanica Practica », sur bijasante.ca (consulté le ).
- Leanne Chevalier et Sylvain Chevalier, Je crée mes savons au naturel : l'art de la savonnerie à froid, Terre Vivante, , 119 p. (ISBN 9-782360-980079).
- Encyclopédie Méthodique, Ou Par Ordre De Matieres : Par Une Société De Gens De Lettres, De Savants Et D'Artistes : Précédée d'un Vocabulaire universel, servant de Table pour tout l'Ouvrage, ornée des Portraits de MM. Diderot et D'Alembert, premiers Éditeurs de l'Encyclopédie. Manufactures Et Arts ; T. 4 : Contenant : Le Dictionnaire Des Teintures …, Le Traité Des Huiles …, Le Traité Des Savons, Panckoucke, (lire en ligne).
- Calculateur de saponification, sur aroma-zone.com.