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Odeur

Une odeur est le résultat, perçu par le sens de l’odorat, de l’émanation des corps volatils contenus dans certaines substances comme les molécules souvent qualifiées de molécules odorantes ou de parfum, ou de fragrance dans le cas des fleurs. Les aérosols (particules solides ou liquides) dégagent aussi une odeur (vapeur, fumée).

Nature chimique

Les molécules odorantes sont caractérisées par leur composition chimique.

Les signaux odorants peuvent être répartis dans différentes classes. Chez les espèces aquatiques, les composés générateurs d’odeurs sont en majorité des acides aminés ou des sels biliaires.

Perception

Un ĂŞtre humain brasse en moyenne 12 m3 d’air par jour Ă  raison de 23 000 respirations, ce qui lui donne la capacitĂ© de dĂ©tecter quotidiennement un nombre très Ă©levĂ© d’odeurs.

Une Ă©tude parue le dans la revue Science laisse Ă  penser que l’humain pourrait dĂ©tecter plus de 1 000 milliards d’« odeurs » diffĂ©rentes[1] - [2] ce qui est très supĂ©rieur a ce qui Ă©tait admis jusqu'alors (10 000 odeurs diffĂ©rentes).

80 % des odeurs perçues par l’humain donnent une aversion (cela correspond à la fonction d’alerte acquise par l’odorat de l’humain au cours de l’évolution) tandis que 20 % suscitent des émotions positives[3].

La sensation agréable, neutre ou désagréable associée à une odeur est propre à chaque individu et pour partie innée, pour partie socialement construite. Elle dépend aussi de la concentration du produit dans l’air et du fait qu’il soit ou non associé à sa source naturelle[4].

Cette perception très variable selon les individus et les sociĂ©tĂ©s explique que les Ă©tudes qui tentent de catĂ©goriser les odeurs soient controversĂ©es, tels les rĂ©sultats d’une recherche factorielle en 2013[5] qui rĂ©duit une liste de 144 combinaisons olfactives en 10 odeurs de base[6]. Une autre mĂ©thodologie pour dĂ©crire les odeurs, le Champ des Odeurs, a Ă©tĂ© Ă©laborĂ© en 1983 par le CNRS. Au lieu de classer les odeurs, il s'agit de dĂ©finir un langage commun de description[7].

Persistance

Certains parfums sont très Ă©phĂ©mères et d’autres plus durables. Le système olfactif peut aussi faire preuve d’accoutumance (la terminologie mĂ©dicale emploie le terme « habituation »), certaines odeurs n’étant plus perçues après un certain dĂ©lai.

Odeurs et pollution de l’air

La pollution de l’air se traduit elle-même souvent par des odeurs (gaz d’échappement, fumées, odeurs de décomposition, de fermentation, etc.).

De plus, les conditions environnementales (hygrométrie, température, lumière, ultraviolets, vent ou turbulences) influent sur la durée et la portée d’une odeur. Elles font que les odeurs portées par l’air voyagent plus ou moins loin ; par exemple, un air propre et humide porte loin la plupart des odeurs.

Il semble aussi que la pollution de l’air ait une importance qu’on a pu sous-estimer ;

  • Un air polluĂ© dĂ©grade les molĂ©cules odorantes et freine la dispersion de nombreuses odeurs, dont le parfum des fleurs ;
    Des chercheurs de l’universitĂ© de Virginie (États-Unis) ont modĂ©lisĂ©[8] l’impact de la pollution de l’air sur la dispersion des fragrances de fleurs : dans un air pur, ces fragrances se dispersent sur des distances pouvant parfois dĂ©passer le kilomètre, alors que dans un air polluĂ©, l’ozone, les acides, divers oxydants et radicaux libres (hydroxyles et nitrĂ©s) et d’autres polluants dĂ©gradent ou modifient ces molĂ©cules en rĂ©duisant fortement la portĂ©e de la fragrance des fleurs (50 % du parfum d’une fleur est alors “ perdu ” avant d’avoir parcouru 200 m).
    Selon Jose D. Fuentes, coauteur de l’étude “Cela rend beaucoup plus difficile la localisation des fleurs par les pollinisateurs”. Il estime que ces arômes sont détruits jusqu’à 90 % par la pollution (par rapport à des périodes où les industries lourdes et les véhicules n’existaient pas encore).
  • des molĂ©cules qui ne sont pas consciemment perçues (hormones, phĂ©romones, et leur Ă©quivalent vĂ©gĂ©tal, phytohormones dans le monde des plantes) pourraient peut-ĂŞtre Ă©galement ĂŞtre dĂ©truites ou modifiĂ©es par la pollution de l’air.
  • Ce phĂ©nomène de dĂ©gradation des odeurs par la pollution pourrait en partie expliquer le dĂ©clin de certaines populations d’abeilles et d’autres pollinisateurs (dont certains oiseaux, chauve-souris nectarivore) constatĂ© dans tous les pays industriels et agricoles[9]. Il pourrait aussi expliquer les difficultĂ©s qu’ont les individus de certaines espèces (lĂ©zards, serpents, amphibiens, certains mammifères) Ă  se reproduire (mâles et femelles ne se retrouvant plus, ou moins bien) ou de certaines espèces Ă  se nourrir (l’individu ne percevant plus aussi bien l’odeur qui le conduisait Ă  sa source de nourriture).
  • Il est possible que certaines phytohormones ne jouent plus normalement leur rĂ´le de messages de communication et que des vĂ©gĂ©taux soient alors plus facilement victimes de leurs prĂ©dateurs.
  • Des proies pourraient ĂŞtre plus vulnĂ©rables si elles sentent moins l’odeur de leurs prĂ©dateurs, et inversement un prĂ©dateur qui chasse Ă  l’odorat peut avoir plus de mal Ă  dĂ©tecter ses proies dans une rĂ©gion oĂą l’air est polluĂ©. Un phĂ©nomène identique a Ă©tĂ© rĂ©cemment identifiĂ© en laboratoire puis vĂ©rifiĂ©s in situ dans l'eau (sur un rĂ©cifs du centre de la barrière de corail de Papouasie-Nouvelle-GuinĂ©e naturellement acidifiĂ© par un dĂ©gazage volcanique sous-marin permanent de CO2). Les poissons exposĂ©s par les chercheurs Ă  une eau acidifiĂ© (comparable Ă  celle qui baignera la plupart des rĂ©cifs coralliens du monde entier dans 50 Ă  80 ans, selon les chercheurs) sont victimes de troubles comportementaux inattendus et très marquĂ©s : ils ne fuient plus l’odeur de leur prĂ©dateur, et ils s’exposent anormalement, de manière suicidaire au risque d’être mangĂ©[10]. L'Ă©tude in situ, qui a confirmĂ© ce phĂ©nomène, a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© dans un documentaire australien diffusĂ© sur Arte en 2014[11]). On ignore si c'est l'acidification ou l'effet du CO2 en tant que molĂ©cule sur le poisson qui est en cause.
    De plus beaucoup d’animaux qui se déplacent de nuit en utilisant leur odorat sont par ailleurs perturbés par le phénomène dit de pollution lumineuse.

Les odeurs chez l’humain

L’odeur de la mère a une grande importance pour le nourrisson, et inversement. Certaines odeurs sont mĂ©morisĂ©es et durablement associĂ©es Ă  des souvenirs positifs ou nĂ©gatifs (comme une « madeleine de Proust », par exemple).

La sociologie du corps montre que si certaines odeurs corporelles sont facteur d’attraction[12], sexuelle notamment, d’autres (ou les mêmes en d’autres circonstances) sont au contraire facteur de répulsion[12]. La culture hygiéniste du XIXe siècle a probablement renforcé le dégoût pour certaines odeurs associées aux microbes ou aux maladies[13] (excréments, urines, aliments en décomposition, eaux fétides, etc.). Les parfums naturels ou de synthèse peuvent être des moyens de séduction ou de masquage des odeurs supposées désagréables pour soi ou pour autrui. Des parfums sont depuis l’Antiquité aussi utilisés pour masquer les odeurs d’animaux, de cuisine, de moisi, de cadavre, etc.

Notes et références

  1. « L'homme sait distinguer 1 000 milliards d'odeurs au moins », sur http://www.journaldelascience.fr/, .
  2. « Humans Can Discriminate More than 1 Trillion Olfactory Stimuli », sur http://www.sciencemag.org/, .
  3. Bernard Sablonnière, La chimie des sentiments, Paris, Jean-Claude Gawsewitch Éditeur, , 208 p. (ISBN 978-2-35013-359-1).
  4. Article[PDF] « Pourquoi sommes-nous gênés par les odeurs ? Le rôle de quelques facteurs psychosociaux », par Barbara Bonnefoy (Revue Air Pur no 73).
  5. (en) Jason B. Castro, Arvind Ramanathan, Chakra S. Chennubhotla, « Categorical Dimensions of Human Odor Descriptor Space Revealed by Non-Negative Matrix Factorization », PLoS ONE, vol. 8,‎ (DOI 10.1371/journal.pone.0073289).
  6. « ParfumĂ© Â», « boisĂ© », « rĂ©sineux », « fruitĂ©, autre que citron », « Ă©cĹ“urant », « chimique », « mentholĂ©, menthe poivrĂ©e », « sucrĂ© », « pop-corn », « citronnĂ© Â» et « Ă˘cre Â».
  7. Sylvie Briet, « Un alphabet des odeurs », Libération,‎ (lire en ligne)
  8. Quinn S. McFrederick et al., Air pollution modifies floral scent trails, Atmospheric Environment 42(10): 2336-2348, 2008 DOI 10.1016/j.atmosenv.2007.12.033
  9. Étude sur le statut des pollinisateurs en Amérique du nord (2006) ; ”Status of Pollinators in North America ”, Committee on the Status of Pollinators in North America, National Research Council Accès à l’étude.
  10. TV5 Les poissons perdent leur instinct de survie quand les océans s’acidifient, brève mis en ligne le 14/4/2014 dans la rubrique « Actualités » (Coraux, Gaz à effet de serre, Océans)".
  11. Arte Quand les océans deviennent acides, reportage australien (52 min), 1re diffusion : à 22 h 20.
  12. Annick Le Guérer, « Le déclin de l'olfactif, mythe ou réalité ?[PDF] », Anthropologie et Sociétés, vol. 14, no 2, 1990, p. 25-45. URI: http://id.erudit.org/iderudit/015126ar DOI 10.7202/015126ar, consulté 2012-12-02. Voir p. 5/22 « L'olfactif et la relation sexuelle ».
  13. Alain Corbin, Le Miasme et la Jonquille, Paris, Aubier-Montaigne, 1982.

Annexes

Bibliographie

  • Robert Muchembled, La Civilisation des odeurs (XVIe-dĂ©but XIXe siècle), Les Belles Lettres, 2017, 272 p.
  • "Chap. 14 - Les sens chimiques", dans Purves D. et al., Neurosciences, 3e Ă©dition, De Boeck UniversitĂ©, "Neurosciences & Cognition", Bruxelles, 2005, pp. 337-367 ( (ISBN 978-2804147976), (en) lire en ligne, consultĂ© le ).
  • RĂ©my, E., Estades, J., « Nez Ă  nez avec des nuisances odorantes, l’apprentissage de la cohabitation spatiale Â», Sociologie du travail, vol. 49, no 2, 2007, p. 237–252.
  • Brigitte Proust, Petite gĂ©omĂ©trie des parfums, Science ouverte, Seuil, 2006. (ISBN 978-2-0208-0279-6)
  • Alain Corbin, Le Miasme et la Jonquille, Paris, Aubier-Montaigne, 1982, 332 p.
  • (en) Baron R. et Kalsher, Psychology : Better World Books, 1998. (ISBN 978-0-2053-1402-7)
  • (en) Robert A. Baron, Deborah R. Richardson, Human aggression, New York, Plenum, 2e Ă©d., 1994.
  • (en) Ehrlichman & Halpern, « Affect and memory: Effects of pleasant and unpleasant odors on retrieval of happy and unhappy memories Â», Journal of Personality and Social Psychology, 1988, 55, 5, p. 769–779.
  • Schaal et al., Les stimulations olfactives dans les relations entre l’enfant et la mère, 1980, Reprod. Nutr. Dev. 20, p. 843–858.
  • (en) Raudenbush, Corley et Eppich, « Enhancing athletic performance through the administration of peppermint odor Â», Brief Report Journal of Sport & Exercise Psychology, 2001, 23, p. 156–160.
  • Pierre Laszlo,  Rivière, S., Les sciences du parfum, Que sais-je ?, PUF, 1997. (ISBN 978-2-1304-8798-2)
  • Annick Le GuĂ©rer, Les Pouvoirs de l'odeur, Paris, François Bourin, 1988 ; Odile Jacob, Ă©dition revue et augmentĂ©e, 2002, 320 p. (ISBN 978-2-7381-8085-8) (en ligne)

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