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Le Miasme et la Jonquille

Le Miasme et la jonquille : l'odorat et l’imaginaire social, XVIIIe – XIXe siècles est un ouvrage de l'historien Alain Corbin publié en 1982. L'auteur propose une histoire de la perception des odeurs du milieu du XVIIIe siècle à la fin du XIXe siècle et veut montrer une intolérance nouvelle et croissante envers des odeurs jugées désagréables[1].

Le Miasme et la Jonquille
Auteur Alain Corbin
Pays France
Genre Essai

Ouvrage historique

Éditeur Flammarion
Collection Champs
Date de parution 1982
Nombre de pages 342

Le livre s'insère dans un contexte historiographique qui voit l'émergence de l'histoire des sensibilités et en France, le livre de Corbin est considéré comme un ouvrage clef de ce courant.

Pascal Ory, dans L'Histoire culturelle, rapproche le travail de Corbin, déployé à partir du Miasme et de la Jonquille, du courant de la microhistoire (microstoria) avec Giovanni Levi ou Carlo Ginzburg qui partagent la « même volonté d’affiner l’analyse d’une société par celle de ses imaginaires »[2].

Génèse

Lors de ses recherches pour son ouvrage paru en 1978, Les Filles de noce. Misère sexuelle et prostitution au XIXe siècle, Alain Corbin a été impressionné par les références olfactives qualifiant la personne prostituée. Les Éditions du Seuil lui demandant, par la suite, de sélectionner des extraits de l'hygiéniste du XIXe siècle, Parent-Duchâtelet, il est également frappé de voir que l'auteur assimile l'étymologie, erronée, de « putain » à « la fille qui sent mauvais ». Cela recroise les travaux qu'il avait entrepris, et ajouté à cela, Corbin est amené à lire l'ouvrage de Huysmans, À rebours, où le personnage principal cherche à retrouver les parfums du passé.

Ce fil logique de ses travaux, avec notamment la prostituée et cet imaginaire olfactif, l'a poussé à étudier ce qui est également vrai pour les autres types sociaux : les élites du XIXe siècle cherchaient à se désodoriser pour se distinguer du peuple, de se distinguer de cette « marée humaine », la gestion de l'odorat permet de se distinguer. Au XIXe siècle, la désignation péjorative s'accompagne très souvent en effet de références olfactives.

L'ouvrage

Les sources

Le point de départ du travail de Corbin repose sur l'étude des Mémoires de Jean-Noël Hallé, premier titulaire de la chaire d'hygiène publique de la faculté de médecine de Paris en 1794[3]. Il veut combattre l'émanation de miasmes au niveau des berges de la Seine à Paris, issus selon lui des fosses d'aisance et des hôpitaux[4]. Jusqu'aux découvertes de Louis Pasteur, l'air stagnant était suspecté de véhiculer les maladies[5].

Une partie de son travail a donc reposé sur l'étude des discours scientifiques sur la médecine et la chimie entre le XVIIIe et le XIXe siècle. À cela s'ajoute les études d'urbanismes (exhalaison des sols, lutte contre les « stagnations excrémentielles », nouveaux plans urbains et systèmes d'égouts)[6].

Contenu

L'auteur s'intéresse dans l'ouvrage à ce qu'il nomme la « révolution olfactive » et explique que l’odorat est un « construit social » qui s'est transformé au fil de l'histoire en Occident.

Alain Corbin montre comment les représentations des élites — et notamment des savants — ainsi que celles du peuple vont se répercuter sur les grands principes qui régissent l'urbanisme. Les rues du XVIIIe siècle sont en effet connues pour leur fétidité. L'eau suscite la méfiance ; les médecins l'associent à la notion de malsain. La puissance des odeurs corporelles est supposée témoigner de la vigueur des individus. Prisons, hôpitaux mais aussi tribunaux ou casernes incarnent alors l'insalubrité.

L'auteur explique que le « seuil de tolérance » aux odeurs va évoluer, notamment sous l'effet de l'émergence d'une nouvelle perception des odeurs très clivée socialement. C'est l'époque où naissent les premières théories hygiénistes qui visent à « purifier » les villes en permettant à l'eau et à l'air de mieux circuler et d'emporter avec eux détritus et miasmes. C'est également la période durant laquelle on cherche à dédensifier les villes en « dés-entassant » les hommes. On tente de « désodoriser » la sphère publique en se focalisant sur la puanteur supposée des plus pauvres de leurs habitants.

Au XIXe siècle, un tournant s'opère. On n'amalgame plus les mauvaises odeurs et le peuple. On considère au contraire que la salubrité urbaine est le produit de celle de la population dans sa globalité. La bourgeoisie crée de nouveaux codes, valorisant les parfums discrets. Une épidémie de choléra, en 1832, fait toutefois renaître l'idée selon laquelle les classes défavorisées seraient des vecteurs de maladies et de puanteur. Un mouvement d'inspection sanitaire et sociale est créé.

Le XXe siècle marque enfin l'entrée dans un relatif « silence olfactif » : c'est la discrétion voire l'absence totale d'odeur qui est à présent recherchée.

Réception

Avec cet ouvrage, Alain Corbin s'est inscrit dans la continuité d'un courant historiographique ouvert en France par Lucien Febvre[4].

L'historien Dominique Kalifa a été influencé par les travaux de Corbin, avec notamment Le miasme et la Jonquille.

Articles connexes

Références

  1. « Le miasme et la jonquille », sur France Culture (consulté le )
  2. Pascal Ory, L'Histoire culturelle, Paris, PUF, , 128 p. (lire en ligne), Chapitre II. Une généalogie, page 41
  3. Jean-Noël Hallé, Recherches sur la nature et les effets du méphitisme des fosses d'aisance,
  4. Jérôme Bouillon, « Alain Corbin, Le miasme et la jonquille. L'odorat et l'imaginaire social, XVIIIe- XIXe siècles », Revue d’Histoire Moderne & Contemporaine, vol. 30, no 1,‎ , p. 179–182 (lire en ligne, consulté le )
  5. Michel Delon, « Alain Corbin : Le miasme et la jonquille. L'odorat et l'imaginaire social. 18e-19e siècles, («Collection historique ») 1982 », Dix-Huitième Siècle, vol. 15, no 1,‎ , p. 461–462 (lire en ligne, consulté le )
  6. Françoise Dierkens-Aubry, « Corbin (Alain). Le miasme et la jonquille. L'odorat et l'imaginaire social, XVIIIe-XIXe siècles. », Revue belge de Philologie et d'Histoire, vol. 65, no 4,‎ , p. 915–916 (lire en ligne, consulté le )

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