MĂ©iofaune
Le terme mĂ©iofaune a Ă©tĂ© introduit et dĂ©fini par Molly F. Mare en 1942[1]. Le terme mĂ©io dĂ©rive du grec âΌΔÎčÎżÏâ qui signifie « plus petit ». Dans ce contexte, la mĂ©iofaune fait rĂ©fĂ©rence aux petits mĂ©tazoaires benthiques plus petits que la macrofaune mais plus grands que la microfaune. Pour sa part, le terme mĂ©iobenthos se dĂ©finit comme le compartiment benthique intermĂ©diaire entre le macrobenthos et le microbenthos. Pour de nombreux auteurs, mĂ©iobenthos et mĂ©iofaune sont synonymes[2] - [3] - [4] - [5]. Conventionnellement, tous les mĂ©tazoaires qui passent Ă travers un tamis de maille de 1 mm et qui sont retenus par un tamis de mailles de 42 ”m font partie de la mĂ©iofaune[4] - [6]. Il est Ă noter toutefois que plusieurs Ă©tudes utilisent des tamis de maille de 500 ”m pour la limite supĂ©rieure et de 42 Ă 20 ”m de mailles pour la limite infĂ©rieure[2] - [5] - [7] - [8] - [9] - [10].
Pour certains groupes taxonomiques, comme les nĂ©matodes, qui peuvent avoir des longueurs corporelles dĂ©passant les 2 mm au stade adulte et qui ne vivent quâune partie de leur cycle au sein de la meiofaune, il y a chevauchement des limites de tailles. On distingue alors la mĂ©iofaune temporaire, ceux qui passent par ce compartiment dans leur phase juvĂ©nile et qui termine leur cycle de vie au sein de le macrofaune, et la mĂ©iofaune permanente, ceux qui restent tout leur cycle de vie dans ce compartiment. Les mĂ©tazoaires de la mĂ©iofaune (qui comprennent Ă©galement des protozoaires de grandes tailles comme les foraminifĂšres) ne sont pas seulement un groupe de petits organismes benthiques dĂ©fini par leur taille, ils partagent entre eux un mode de vie distinctif, des relations Ă©cologiques et des traits Ă©volutifs spĂ©cifiques[2].
Habitats
La mĂ©iofaune se retrouve dans une trĂšs grande diversitĂ© dâhabitats. Ces petits mĂ©tazoaires vivent en eaux douces (lacs et riviĂšres) comme en milieux marins. On les retrouve Ă toutes les profondeurs, autant dans lâeau interstitielle entre les grains de sable de la plage que dans les fonds marins, dans les rĂ©gions polaires et dans les zones Ă©quatoriales[3].
La mĂ©iofaune se retrouve dans tous les types de substrats meubles (des sĂ©diments vaseux aux plus grossiers), mais aussi sur les surfaces vĂ©gĂ©tales inertes et dans les biofilms sur les roches[11]. Ils occupent aussi dâautres types dâhabitats : le systĂšme racinaire des vĂ©gĂ©taux, dans les mousses, sur les thalles des macroalgues, sur les banquises et mĂȘme sur certaines structures animales comme les coraux, les tubes digestifs de vers et les Ă©pines des Ă©chinodermes[3].
En milieux marins, des Ă©tudes ont rĂ©vĂ©lĂ© que la mĂ©iofaune se retrouve dans les dix premiers centimĂštres de sĂ©diments[12] et que la majoritĂ© se retrouve dans les six premiers centimĂštres[13]. Lorsquâils sont dans les sĂ©diments sableux et vaseux, ils se retrouvent dans les deux Ă trois premiers centimĂštres de sĂ©diments[3].
Distribution et structure de la méiofaune
Plusieurs facteurs abiotiques et biotiques agissent en synergie. Ils structurent lâenvironnement ainsi que les communautĂ©s de la mĂ©iofaune et dĂ©terminent lâabondance et la distribution spatiale de ces petits mĂ©tazoaires.
Facteurs abiotiques
- Les facteurs ocĂ©anographiques et hydrodynamiques tels que : lâaction des vagues et des marĂ©es, la circulation de lâeau, lâexposition aux courants.
- Les facteurs sédimentaires tels que : la granulométrie, la forme et la taille des grains, leur porosité et perméabilité, la composition chimique des sédiments et leur teneur en eau, les conditions géologiques du milieu.
- Les facteurs physico-chimiques tels que : lâoxygĂšne disponible, la salinitĂ©, lâoxydorĂ©duction (potentiel redox), la tempĂ©rature, la teneur en sulfure dâhydrogĂšne (H2S), le pH et la pollution.
Parmi ces facteurs abiotiques, la taille des grains est un facteur clĂ© puisquâil dĂ©termine la structure spatiale du milieu et, indirectement, les conditions physiques et chimiques qui prĂ©valent dans les sĂ©diments[4] - [6]. Câest la variable naturelle qui influence la distribution et la composition des communautĂ©s de la mĂ©iofaune en agissant directement ou indirectement sur lâespace interstitiel, le taux dâoxygĂšne et la nourriture disponible dans les sĂ©diments[14]. Ainsi, selon la composition des sĂ©diments, le volume que pourra occuper la mĂ©iofaune dans les pores (espaces entre les grains) peut ĂȘtre trĂšs rĂ©duit (par ex. un mĂ©lange de sable, limon et de gravier) ou beaucoup plus grand (sĂ©diments plus grossiers). Certaines Ă©tudes dĂ©montrent que la diversitĂ© des mĂ©tazoaires de la mĂ©iofaune augmente avec une augmentation de la concentration de grains de grosseurs moyennes[15] - [16] - [17]. De plus, la surface externe et la porositĂ© des sĂ©diments dĂ©terminent la surface disponible pour la colonisation par les bactĂ©ries, les microchampignons, les diatomĂ©es et les microalgues qui sont une source de nourriture pour la mĂ©iofaune.
La pollution joue un rĂŽle dans lâabondance et la structure de la mĂ©iofaune. Lâaugmentation des tempĂ©ratures et lâeutrophisation engendrent une rĂ©duction de lâoxygĂšne disponible et sont associĂ©es Ă une augmentation de sulfure dâhydrogĂšne (H2S) et dâammoniac dans les sĂ©diments, ce qui rĂ©duit lâespace disponible pour la mĂ©iofaune[4].
Facteurs biotiques
Les facteurs biotiques qui influencent et structurent les communautés de la méiofaune sont :
- la matiÚre organique particulaire (MOP : détritus et vivant) qui provient surtout des organismes morts du plancton et des détritus du phytoplancton ;
- les biofilms (mucus provenant des microorganismes benthiques et de méiofaune et macrofaune) ;
- la matiĂšre organique dissoute (MOD) qui provient surtout des excrĂ©tions et de la dĂ©composition des bactĂ©ries[18] et lâexsudation des bactĂ©ries et des plantes ;
- les bactéries ;
- la microfaune ;
- la macrofaune.
Le mucus et les biofilms produits par les microorganismes forment une matrice dans laquelle les sĂ©diments sont imbriquĂ©s, diminuant ainsi le flux dâĂ©rosion et de suspension de la mĂ©iofaune, ce qui permet une stabilisation du milieu benthique et une favorise la colonisation par la mĂ©iofaune[2].
Abondance et biodiversité
Les niveaux dâabondances les plus Ă©levĂ©s de la mĂ©iofaune se retrouvent dans les estuaires vaseux intertidaux, alors que les niveaux les plus bas sont typiques des fonds marins[2] - [7] et ce dans tous les types de milieux, partout Ă travers le monde, peu importe la rĂ©gion climatique[5].
Dans les fonds marins, la mĂ©iofaune reprĂ©sente le groupe de mĂ©tazoaires benthiques le plus abondant. On estime Ă prĂšs de 105-106 individus par mĂštre carrĂ©, ce qui reprĂ©sente une biomasse de 1-2 dW/m2[4]. La biomasse et lâabondance de la mĂ©iofaune varient naturellement selon la saison, la latitude, la profondeur, les marĂ©es, la taille des grains du substrat, le type dâhabitat, la nourriture disponible et beaucoup dâautres facteurs abiotiques et biotiques prĂ©sents dans lâĂ©cosystĂšme.
Les taux les plus Ă©levĂ©s dâabondance et de biodiversitĂ© de la mĂ©iofaune se retrouvent dans les premiers centimĂštres de sĂ©diments, c'est-Ă -dire ces zones oĂč les sĂ©diments sont les mieux oxygĂ©nĂ©s et dĂ©pourvus de sulfure[3].
La macrofaune peut aussi jouer un rĂŽle dans lâabondance et la structure de la communautĂ© de la mĂ©iofaune en crĂ©ant une pression de prĂ©dation et de la bioturbation, en rĂ©duisant la quantitĂ© de nourriture disponible, en modifiant la qualitĂ© de lâhabitat et la stabilitĂ© des sĂ©diments[19].
La meiofaune est un groupe hĂ©tĂ©rogĂšne. Ce groupe est le plus diversifiĂ© de tous les composants du biotope marin[2]. Ainsi, 24 phyla du rĂšgne animal sur 35 sont prĂ©sents dans la mĂ©iofaune. Les taxons les plus reprĂ©sentĂ©s par la mĂ©iofaune sont les Foraminifera, les Proseriata, les Gastrotricha Chaetonotida, les Nematoda, les Kinorhyncha, les Tardigrada et les Copepoda Harpacticoida. Les nĂ©matodes, les foraminifĂšres et les copĂ©podes sont les taxons les plus abondants au sein de la mĂ©iofaune. Des Ă©tudes archĂ©ologiques rĂ©vĂšlent que la composition de la mĂ©iofaune est restĂ©e inchangĂ©e depuis au moins la pĂ©riode du Trias moyen, soit il y a 250 millions dâannĂ©es[20].
Parce que les mĂ©tazoaires de la mĂ©iofaune ont besoin dâune certaine stabilitĂ© du milieu afin de sâĂ©tablir, la biodiversitĂ© et lâabondance est plus faible dans certains types de milieux perturbĂ©s (sources hydrothermales, pollution due aux activitĂ©s anthropiques)[7]. Aussi, dans les milieux plus difficiles tels que les canyons et les fonds marins, lâabondance et la biodiversitĂ© de la mĂ©iofaune sont moindre.
Les espĂšces de la mĂ©iofaune diffĂšrent selon les milieux. Celles qui vivent dans lâeau de mer ne se retrouvent pas en eaux douces. Les Kinorhyncha prĂ©fĂšrent vivre dans des sĂ©diments oĂč la grosseur moyenne des grains est plus petite que 125 ÎŒm, alors que celle des Gastrotricha et les Tardigrada est entre 125 ÎŒm et 500 ÎŒm[2].
Adaptations
Ătant donnĂ© la trĂšs grande diversitĂ© des habitats et lâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© au sein de la mĂ©iofaune, il y a peu dâadaptations morphologiques partagĂ©es par tout le groupe. Elles sont surtout reprĂ©sentĂ©es par ceux qui vivent dans lâeau interstitielle des sĂ©diments[2] - [4]. Ainsi, pour bouger et vivre dans des espaces restreints, comme entre des grains de sable, les mĂ©tazoaires benthiques ont dĂ©veloppĂ© des adaptations morphologiques telles que : la miniaturisation, la simplification du corps jusquâĂ la perte dâorganes, lâamincissement, lâĂ©longation et une trĂšs grande souplesse du corps, des organes mĂ©caniques ou glandulaires adhĂ©sifs pour lâancrage aux sĂ©diments et une longue queue postĂ©rieure. Ce sont des adaptations essentielles pour des habitats soumis Ă un fort hydrodynamisme.
Pour augmenter lâadhĂ©rence aux sĂ©diments, les animaux de la mĂ©iofaune ont dĂ©veloppĂ© des dispositifs dâancrage tel que des plaques externes rigides chitineuses, des appendices, des coquillages et des anneaux. Pour un mode de locomotion plus efficace, la sĂ©crĂ©tion de mucus, la ciliation (Gastrotricha), les Ă©pines (Kinorhyncha) et le dĂ©veloppement dâune musculature appropriĂ©e permettent une meilleure adaptation aux conditions particuliĂšres du milieu[2] - [4]. Lâaplatissement du corps permet aussi un plus grand rapport surface/volume pour la diffusion de lâoxygĂšne et une plus grande surface dâabsorption pour les Ă©lĂ©ments nutritifs[4].
De plus, ces petits mĂ©tazoaires de la mĂ©iofaune ont des structures de protection et de renforcement contre le stress mĂ©canique, la pression et lâagitation des sĂ©diments. Il y a une rĂ©duction de la pigmentation du corps et des photorĂ©cepteurs pour ce groupe, contrairement Ă dâautres groupes Ă©pibenthiques. Aussi, ils sont dotĂ©s dâorganes qui permettent lâorientation en trois dimensions dans ce systĂšme homogĂšne[2] - [4].
RÎles écologiques de la méiofaune
- La mĂ©iofaune amĂ©liore la minĂ©ralisation et la rĂ©gĂ©nĂ©ration des nutriments en stimulant lâactivitĂ© bactĂ©rienne. La mĂ©iofaune stimule lâactivitĂ© bactĂ©rienne par la sĂ©crĂ©tion de substrat pour les bactĂ©ries (excrĂ©tion de nutriments, mucus), en crĂ©ant de la bioturbation et par prĂ©dation[3].
- Elle sert de nourriture aux niveaux trophiques supérieurs.
- Elle est un intermédiaire trophique assurant le lien entre les producteurs primaires et les niveaux trophiques supérieurs.
- Elle dĂ©montre une sensibilitĂ© aux polluants qui permet de lâutiliser comme bioindicateur.
Bioindicateur
Parce quâils sont hydrophobes et lipophiles, plusieurs polluants ont une grande affinitĂ© pour les particules et surtout pour les sĂ©diments en milieu aquatique. Ils peuvent se lier avec les limons en suspension, aux argiles et aux particules organiques, notamment les polluants organiques comme les HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques). Dans un milieu aqueux, les contaminants sĂ©questrĂ©s dans les sĂ©diments vaseux prennent jusquâĂ dix fois plus de temps Ă se dĂ©grader[3].
Les mĂ©tazoaires de la mĂ©iofaune sont considĂ©rĂ©s comme de bons bioindicateurs dâimpact des polluants : ce sont des organismes ubiquistes, ils sont abondant en nombre et en espĂšce, ils sont de petites tailles, leurs mĂ©tabolismes est Ă©levĂ©, leurs cycles de reproduction courts, ils vivent dans les sĂ©diments et parce que certains taxons sont sensibles Ă plusieurs substances toxiques[21].
Par exemple : dans les sĂ©diments polluĂ©s, caractĂ©risĂ©s par un potentiel redox bas, les niveaux dâabondances de la mĂ©iofaune sont plus bas et des taxons comme les Kinorhyncha et les Tanaidacea en sont absents, alors quâils sont prĂ©sents dans le mĂȘme type de milieu mais non polluĂ©. Par contre, les genres dans les nĂ©matodes : Terschellingia spp., Sabatiera spp., Paracomesoma spp et Daptonema ssp. se retrouvent en plus grande abondance dans les milieux perturbĂ©s. Ainsi, le genre Sabatieria peut survivre dans un environnement prĂ©sentant un taux faible en oxygĂšne mais une concentration Ă©levĂ©e en sulfures[3].
Notes et références
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- Balsamo, M., G. Albertilli, V.U. Ceccherelli, R. Coccioni, M.A. Colangelo, M. Curini-Galletti, R. Danovaro, R. DâAddabbo, C. De Leonardis, M.Fabiano, F. Frontalini, M. Gallo, C. Gambi, L. Guidi, M. Moreno, A. Pusceddu, R. Sandulli, F. Semprucci, M.A. Todaro, P. Tongiorgi. (2010). Meiofauna of the Adriatic Sea: present knowledge and future perspectives. Chemistry and Ecology. Vol. 26, Supplement, June 2010, 45â63.
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