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Saumon

« Saumon » est un nom vernaculaire ambigu désignant chez les francophones plusieurs espèces de poissons de la famille des salmonidés :

Saumon
Nom vulgaire ou nom vernaculaire ambigu :
l'appellation « Saumon » s'applique en français à plusieurs taxons distincts.
Description de cette image, également commentée ci-après
Les mâles adultes des différentes espèces de saumon.

Taxons concernés

Plusieurs espèces de la famille des salmonidés
parmi les genres :

La majorité des saumons remontent (autrefois par millions) les rivières vers les sources pour aller pondre (anadromie). La plupart des adultes meurent après la ponte. Leurs millions de cadavres ainsi que les saumons mangés par les animaux sauvages (ours notamment[1]) lors de leur remontée sont une source importante d'oligoéléments d'origine marine, favorable à la biodiversité[2]. Après l'éclosion en eau douce, les jeunes migrent vers l'océan jusqu'à leur maturité sexuelle. D'autres sont exclusivement dulçaquicoles, soit en raison d'un isolement géographique (saumons des Grands Lacs, saumons Kokanee ou Ouananiche), soit parce qu'ils fréquentent des bassins fluviaux de très grande taille (bassins du Danube, de la Volga, de la Petchora, de la Iana et de l'Amour).

Il était autrefois très commun dans une grande partie de l'hémisphère nord. Depuis la révolution industrielle et agricole, les populations de saumons sauvages sont en régression constante. Il a aujourd'hui quasiment disparu de l’océan Atlantique[3].

En 2013, 90 scientifiques spĂ©cialistes du saumon nord-atlantique ont alertĂ© les reprĂ©sentants de 13 pays, de 3 organisations intergouvernementales et de 16 gouvernements non-membres du traitĂ© sur la situation toujours plus critique de l'espèce, avec mĂŞme « un niveau historiquement faible […] malgrĂ© les sacrifices consentis par les pĂŞcheurs dans de nombreux pays »[4]. Le bilan (rĂ©gression continue des populations sauvages) est similaire cĂ´tĂ© pacifique pour 6 autres espèces de saumon, bien que les populations relictuelles y soient un peu mieux conservĂ©es qu'en Europe.

La plupart des saumons mis sur le marché et consommés sont désormais issus de piscicultures ; le saumon fait l'objet d'un élevage spécifique (salmoniculture) de plus en plus intensif et industrialisé.

Frais ou fumé, il est très apprécié de nombreux restaurateurs et consommateurs. Sa pêche fait partie des pêches sportives.

Étymologie et noms vernaculaires

Le mot vient du latin salmonem, accusatif de salmo[5], dont l'origine est incertaine ; salmo et son cousin salar (qui désignait la truite) pourraient provenir d'un mot gaulois[6].

Origines

La péninsule du Kamtchatka est considérée comme le lieu d'origine d'une partie importante des saumons de l'océan Pacifique. On y trouve aussi le plus grand lieu de reproduction du saumon rouge d'Eurasie.

Cycle de vie

Des saumons du Pacifique sautant Ă  Willamette Falls, dans l'Oregon.
Les ours attrapent les saumons pendant leur remontée des cours d'eau.
La ponte du saumon rouge dans le ruisseau Becharof en Alaska.
Un saumon Ă  la sortie de l'Ĺ“uf.

Le saumon est « anadrome » (migrateur pour se reproduire), amphibiotique (adaptĂ© Ă  la vie dans deux milieux aquatiques), potamotoque (il se reproduit en rivière) et thalassotrophe (il grandit en mer) : il naĂ®t en eau douce en eaux courantes près des sources, puis descend instinctivement jusqu'Ă  la mer oĂą il vit 1 Ă  3 ans, puis retourne dans le fleuve dans lequel il est nĂ© (phĂ©nomène dĂ©nommĂ© « Homing ») pour frayer (se reproduire) et gĂ©nĂ©ralement mourir après la ponte (certaines populations de quelques espèces peuvent cependant passer toute leur vie en eau douce).

Ce cycle implique de profondes modifications physiologiques permettant une adaptation au large gradient de salinité auquel chaque individu doit s'adapter de sa naissance à sa mort. Il implique aussi une capacité (hormonale et de perception des modifications environnementales) lui permettant de migrer à la saison convenant le mieux à la « montaison » et à la reproduction[9]. Le suivi de biomarqueurs de stress chez des populations différentes remontant des cours d'eau différents montre des différences entre populations, avec un niveau de stress souvent corrélé avec le taux d'échecs dans la montaison et à la mortalité lors de celle-ci.

Les reproducteurs meurent habituellement après la ponte, mais quelques mâles du saumon royal ou saumon chinook tout comme le saumon atlantique (Salmo salar) retournent en mer et participent une seconde fois à la reproduction. Poussé par son instinct, chaque saumon parcourt des milliers de kilomètres et remonte même de tout petits ruisseaux. Certains franchissent des cascades de trois mètres ou traversent des routes en profitant des inondations[10].

Même en l'absence d'obstacle physique et hors de la prédation naturelle, de nombreux poissons meurent durant la remontée[11], probablement parce qu'affaiblis ou perturbés par la pollution de l'eau, en raison d'une pollution génétique (croisement avec des saumons d'élevages qui se sont enfuis dans la nature) et/ou en raison de difficultés de régulation osmotique[12].

Une fois sur le lieu de ponte (la frayère), la femelle creuse des dépressions dans le gravier avec sa queue. Quand elle pond, le mâle émet son sperme. Les saumons forment des couples, le mâle cherchant à éloigner les autres mâles de la femelle. La femelle recouvre ensuite les œufs de graviers, les mettant ainsi à l'abri des prédateurs, avant de mourir (comme le mâle en général).

Les Ĺ“ufs pondus Ă  l'automne passent l'hiver dans le gravier, oxygĂ©nĂ©s par l'eau froide et courante. L'Ă©closion a lieu en mars ou en avril, selon la tempĂ©rature. Les alevins s'enfouissent alors un peu plus profondĂ©ment dans le gravier, ce qui leur Ă©vite d'ĂŞtre emportĂ©s lors de la dĂ©bâcle printanière. Ils y demeurent 5 Ă  6 semaines, se nourrissant du contenu de leur sac vitellin. Fin avril, dĂ©but mai, les alevins Ă©mergent du gravier et commencent Ă  s'alimenter de plancton et larves d'insectes. Ils frĂ©quentent les endroits oĂą la rivière est peu profonde et le courant important (radiers, sub-affleurements…).

Ils profitent alors de la nourriture indirectement issue du « recyclage » des cadavres (nĂ©cromasse) de leurs gĂ©niteurs. Les bactĂ©ries et microchampignons prolifèrent en biofilms riches en oligoĂ©lĂ©ments rapportĂ©s de la mer (dont iode, qui eux-mĂŞmes alimentent des microinvertĂ©brĂ©s et/ou des macroinvertĂ©brĂ©s dulcicoles qui seront la nourriture des alevins[13]. Les cadavres de saumons gĂ©niteurs Ă©taient autrefois si nombreux que les vertĂ©brĂ©s nĂ©crophages ne pouvaient en consommer qu'une petite partie. On a comparĂ© en Alaska le biofilm naturel et la biomasse de macroinvertĂ©brĂ©s d'un cours d'eau oĂą Ă©taient venus pondre environ 75 000 saumons adultes et une partie du cours d'eau situĂ© en amont de la frayère[13]. En aval de cette dernière et après la mort des reproducteurs, la masse sèche de biofilm Ă©tait 15 fois plus Ă©levĂ©e qu'en amont de la frayère[13], et la densitĂ© totale en macroinvertĂ©brĂ©s Ă©tait jusqu'Ă  25 fois supĂ©rieure dans les zones enrichie par les cadavres de saumons[13]. Dans ce cas, (saumons morts Ă  demi-immergĂ©s dans une eau peu profonde et bien oxygĂ©nĂ©e), ces macroinvertĂ©brĂ©s benthiques d'eau douce Ă©taient principalement des moucherons chironomidĂ©s, des Ă©phĂ©mères (Baetis et Cinygmula) ainsi que des perles[13].

À la fin du premier été, les alevins mesurent environ cm et sont nommés « tacons » ; très semblables physiquement à leurs cousines les truitelles, qui fréquentent les mêmes habitats.

Après un Ă  deux ans les jeunes saumons d'environ 15 cm sont prĂŞts Ă  s'en aller en mer. Il semblerait que c'est Ă  ce moment, durant la smoltification (acquisition de la capacitĂ© Ă  vivre en milieu salĂ©) que le saumoneau mĂ©morise l'odeur et le goĂ»t de sa rivière.

Lors des crues du printemps les pré-smolts ou smolts dévalent vers la mer. Certains, trop en retard, n'iront pas au-delà de l'estuaire, leur capacité à vivre en mer ayant disparu, ils resteront en eau douce une année supplémentaire et partiront enfin en mer en temps opportun.

Les juvĂ©niles peuvent arriver relativement prĂ©cocement en mer (ils ne pèsent alors que 0,3 g) avant mĂŞme le plein dĂ©veloppement de leurs adaptations physiologique Ă  la vie en mer (par rapport Ă  d'autres salmonidĂ©s anadromes). Ils vivent alors plutĂ´t dans les deux premiers mètres de la colonne d'eau (eaux souvent un peu moins salĂ©es en aval des estuaires)[14]. Ils sont alors très voraces et grandissent rapidement (jusqu'Ă  un doublement mensuel de sa masse corporelle chez le saumon rose en mer les deux premiers mois, après quoi le saumon est parfaitement adaptĂ© Ă  la vie en mer). Le juvĂ©nile est habituellement très rĂ©silient aux maladies infectieuses et mĂŞme aux parasitoses par le pou du saumon, dont il se dĂ©barrasse facilement aux stades copĂ©podites[15] (4e mue du pou du saumon).

Les saumons sont capables de parcourir des centaines de kilomètres en remontant des rivières. En France, le Salmo salar atlantique de Loire-Allier parcourt presque 1 000 km pour atteindre les frayères du Haut-Allier). La construction de grands barrages modernes a coupĂ© de nombreux cours d'eau, mais des Ă©chelles Ă  saumon ont peu Ă  peu Ă©tĂ© installĂ©es pour permettre aux migrateurs de franchir ces obstacles. Une mortalitĂ© par Ă©puisement Ă  cause d'une mauvaise qualitĂ© de l'eau et d'obstacles encore trop difficiles Ă  franchir (et parfois d'une faible profondeur d'eau Ă  l'approche des frayères) est notablement Ă©levĂ©e ; dans la nature et plus encore dans certains cours d'eau artificialisĂ©s, ceux qui rĂ©ussissent Ă  remonter sont souvent blessĂ©s (bouche, abdomen...). Dans les zones sauvages nord-amĂ©ricaines, la prĂ©dation par les ours, lynx, loups, aigles pĂŞcheurs et autres animaux lors de la remontĂ©e Ă©tait Ă©galement autrefois très importante, mais elle restait très faible au regard du nombre total de gĂ©niteurs. Elle jouait probablement un rĂ´le en matière de sĂ©lection naturelle.

Capacités d'orientation du saumon

Elles fascinent les hommes depuis longtemps. Comme les scientifiques américains, les Européens ont tenté de comprendre comment les saumons retrouvent leur route à travers des miles d'océan, pour revenir vers leur rivière natale.

Il semble qu'en mer, les saumons, comme d'autres poissons (ou les tortues de mer) puissent s'orienter grâce au magnétisme terrestre et à des points de repère célestes. Une équipe de scientifiques de l'université d'État de l'Oregon, a Corvallis a vérifié en 2013 cette corrélation. Cela a été démontré à la suite d'une série d'expériences à l'écloserie du Centre de recherche d'Oregon (Oregon Hatchery Research Center), dans le bassin de la rivière Alsea (en). Les chercheurs ont exposé des centaines de saumons juvéniles (ou tacons) à des champs magnétiques différents. Le poisson a répondu à ces « déplacements magnétiques simulés » en nageant dans la bonne direction.

« Ce qui est particulièrement excitant à propos de ces expériences, c'est que les poissons que nous avons testés n'avaient jamais quitté l'écloserie et nous savons donc que leurs réponses n'ont pas été tirées ou fondées sur l'expérience, mais ils en ont hérité. [...] Ces poissons sont programmés pour savoir quoi faire avant qu'ils n'atteignent l'océan. »

— Nathan Putman, chercheur post-doctorant, auteur principal de l'étude

Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont construit une grande plate-forme avec des fils de cuivre s'Ă©tendant horizontalement et verticalement autour du pĂ©rimètre. En faisant parcourir un courant Ă©lectrique dans les fils, les scientifiques ont pu crĂ©er un champ magnĂ©tique et contrĂ´ler Ă  la fois l'intensitĂ© et l'angle d'inclinaison du terrain. Ils ont mis ensuite le saumon juvĂ©nile de 2 pouces dans des seaux de 5 gallons et, après une pĂ©riode d'acclimatation et de suivi, photographiĂ© la direction dans laquelle ils nageaient.

Le co-auteur David Noakes, chercheur principal à l'écloserie du Centre de recherche de l'Oregon a déclaré : « La preuve est irréfutable, les poissons peuvent détecter et répondre au champ magnétique de la Terre. Il ne peut y avoir aucun doute sur cela ! »[16]

On a longtemps pensé que chaque saumon retrouvait l'endroit où il était né et y revenait pour se reproduire. Des études basées sur le marquage ou la génétique ont confirmé ceci au milieu des années 1970[17], et il a été confirmé en 2010 que ce comportement (scientifiquement étudié depuis les années 1950[18]) était permis par une mémorisation) de nature « olfactive » du cours d'eau[18]. Le saumon peut en quelque sorte mémoriser le « goût » de l'eau et de son environnement natal, pouvant retrouver la source un peu comme un chien suit une trace olfactive.

Comme chez d'autres espèces sociables ou grégaires, on a montré que les phéromones (certaines ayant même été identifiées[19]) jouent un rôle important chez les saumons, notamment pour le comportement sexuel, les réactions d'alarme et les effets de groupe, mais aussi pour le « homing » (retour instinctif vers le lieu de naissance pour aller pondre)[20]. Des chercheurs européens ont néanmoins posé l'hypothèse que des phéromones émises par les jeunes ou les adultes serviraient de signaux. On prête aussi un rôle à certaines substances du mucus cutané, à des sels biliaires, voire à des molécules comme la morpholine (qui a d'ailleurs été utilisée pour conditionner des animaux et les inciter à s'installer sur d'autres sites que ceux vers lesquels leur instinct les poussaient).

Vitesse de nage

Chez le smolt

La vitesse et les comportements de nage affectent la vitesse de dévalisons des smolts vers la mers, leur temps de transit, le choix de l'itinéraire et leurs chances de survie dans les écosystèmes aquatiques complexes[21].

Chez le saumon quinnat (Oncorhynchus tshawytscha), la télémétrie acoustique bidimensionnelle combinée à un modèle hydrodynamique tridimensionnel a récemment (publication 2022) permis de mieux comprendre le comportement de « nage d'émigration » (dévalaison), in situ. Les vitesses de nage étaient centrées autour d'environ 2 longueurs corporelles/seconde et associées à des comportements de rhéotaxie positive, de rhéotaxie négative, de nage latérale et de transport passif. Le mouvement latéral augmentait en journée et la rhéotaxie positive augmentait en fonction des vitesses hydrodynamiques locales[21].

Chez l'adulte

Selon Kreitmann (1932), parmi les poissons d'eau douce, le saumon est l'un des plus rapides[22] (derrière l'esturgeon), il peut littéralement nager contre le courant dans une lame d'eau homogène d'une chute d'eau.

Capacités de saut du saumon

Un saumon remontant une cascade pour rejoindre la frayère.

Tous les saumons sont douĂ©s d'importantes capacitĂ©s de saut, pouvant dĂ©passer les 2 Ă  3 mètres[23] chez le saumon atlantique voire nettement plus chez certaines espèces de la zone pacifique. Cette capacitĂ© est cependant pondĂ©rĂ©e par l'âge du saumon, sa santĂ© (des parasitoses ou maladies virales, ou intoxications, etc. peuvent l'affaiblir) ainsi que par le type d'obstacle (hauteur de chute, pente…) et la configuration du cours d'eau et remous qui prĂ©cède l'obstacle. FrĂ©quemment le saut lui-mĂŞme est prĂ©cĂ©dĂ© de tentatives d'esquives de l'obstacle ou par de puissants sauts verticaux « en chandelle »[24] donnant l'impression que l'animal observe l'obstacle avant de le franchir, mais il reste difficile d’interprĂ©ter ce qui se passe dans le cerveau de l'animal Ă  ce moment. Chez certaines espèces de poissons, de brutaux sauts verticaux hors de l'eau semblent aussi ĂŞtre des rĂ©actions au stress. Selon Thioulouze (1979), le comportement du saumon semble ĂŞtre modifiĂ© par « la concentration de pĂŞcheurs lançant des leurres lourds, ou le combat d'un saumon piquĂ© Ă  l'hameçon, ou surtout l'odeur du sang d'un sujet blessĂ© »[25].

Face à un obstacle, les sauts semblent être plus ou moins aléatoires, ce qui pourrait être un comportement limitant la prédation (par des ours par exemple). Cuinat a estimé (en 1987) que la diversité des comportements des saumons lors de la remontée et face aux obstacles pouvait être « des comportements aboutissant à « partager les risques », par exemple dans le comportement du saumon dit « Loire-Allier »[26].

Parfois des lamproies fixées sur la peau du saumon « profitent » en quelque sorte du saut pour remonter plus facilement vers le haut du bassin versant.

Il a Ă©tĂ© constatĂ© qu'une infection par les poux du saumon induit, chez le jeune saumon en train de grossir en mer, une tendance Ă  revenir prĂ©maturĂ©ment en eau douce (semble-t-il pour se dĂ©barrasser de ces poux)[27], mais aussi une modification de comportement se manifestant par une nette augmentation (environ 14 fois plus) de la frĂ©quence des sauts effectuĂ©s par ces jeunes saumons (par rapport aux saumons du mĂŞme âge non infectĂ©s)[27].

Le saumon, source de nutriments rares et facteur de biodiversité

Une étude récente (2019) a confirmé que dans un bassin versant, la biomasse de saumon sauvages est étroitement liée à la densité et à la diversité des oiseaux de ce bassin versant, mais aussi à la composition de la forêt (et/ou, naturellement à la taille du bassin)[2].

Le saumon ayant un impact sur les taxons terrestres (même dans des habitats fortement dégradés[28], et aussi dans des habitats récemment restaurés[29]) les auteurs de cette étude soulignent la force et l'importance des effets transfrontalier. Le caractère de grand migrateur de l'espèce participe au fonctionnement de processus écopaysagers à grande échelle qui soutiennent les fonctions des écosystèmes concernés. Les interactions transfrontalières permises par les saumons devraient être mieux pris en compte par la gestion écosystémique[30] - [31] - [32] - [33]. Les castors et leurs barrages peuvent aussi favoriser le maintien de vastes zones humides et de cours d'eau propices à l'alimentation des jeunes saumons.

État des populations

Capture commerciale de toutes les espèces de saumons sauvages entre 1950 et 2010[34].

Des évaluations de l'état des populations sont régulièrement faites ou mises à jour. Elles sont globales[35] ou plus « régionales »[36], voire ne concernent qu'un fleuve ou une section de cours d'eau.

Tous les bilans convergent et montrent que pour chaque espèce de saumon sauvage, les populations semblent en voie de régression préoccupante depuis plusieurs décennies, sur toute leur aire naturelle de répartition ou sur une très grande partie de cette aire, en dépit des efforts faits pour leur faciliter la remontée des cours d’eau et limiter la pollution industrielle et urbaine des cours d’eau. En Amérique du Nord, partout les saumons semblent notamment plus nombreux à périr en mer avant même la remontée dans les cours d'eau.

Chez la plupart des espèces de saumons, l'essentiel des reproducteurs meurent à proximité de la frayère, juste après la ponte et sa fécondation. Cette mortalité est normale, et joue probablement un rôle très positif pour l'espèce (les nutriments remontés de la mer (phosphore, (magnésium, (iode, etc.) par les saumons reproducteurs, puis libérés à partir de leurs cadavres dans le haut du bassin versant joue un rôle a priori important pour la survie des jeunes). Ce qui est préoccupant est que de trop nombreux reproducteurs potentiels meurent anormalement et bien avant cela, soit lors de leur dévalaison, puis en mer, ou lors durant la remontaison. Ils meurent ou ne retrouvent pas leur rivière pour des raisons diverses et encore mal comprises, mais souvent non explicables par un manque de réserve énergétique[37] - [38].

Ă€ titre d'exemples :

  • après le constat (en 2009) de la poursuite d'un dĂ©clin rĂ©gulier des « stocks » de saumons rouges du fleuve Fraser depuis au moins 20 ans et sans amĂ©lioration apportĂ©e par l'interdiction totale de la pĂŞche en 2007 et 2008, la Colombie britannique a crĂ©Ă© une Commission d'enquĂŞte sur le dĂ©clin des populations de saumon rouge du fleuve Fraser, dite commission Cohen (du nom du Juge Bruce Cohen qui la prĂ©side)[39]. Peut ĂŞtre grâce Ă  ces 3 ans de fermeture de la pĂŞche, les saumons Ă©taient spectaculairement plus nombreux Ă  remonter en 2010. Cette enquĂŞte est accompagnĂ©e de 12 projets de recherche portant sur les parasitoses, les contaminants des saumons, l'Écologie du fleuve et l'Ă©tat des unitĂ©s de conservation du saumon rouge, l'Ă©cologie marine de l'espèce (encore mal connue), les impacts des fermes salmonicoles sur le saumon sauvage, les effets cumulatifs, l'impact de la pression de pĂŞches et de la gestion halieutiques, les effets de la prĂ©dation sur le saumon, les effets du dĂ©règlement climatique, la dynamique de production, l'Ă©tat des connaissances et de la gestion au MPO, l'analyse de l'Habitat d'espèce du saumon dans le cours infĂ©rieur du fleuve Fraser et en amont dans le dĂ©troit de GĂ©orgie[39].
  • Le bilan 2002[40] (publiĂ© en 2003) par le QuĂ©bec des Ă©valuations annuelles du stock de saumon faites depuis 33 ans (1969-2002) a confirmĂ© le dĂ©clin constant du nombre de saumons remontant, alors que la survie en rivière semble stable voire en amĂ©lioration, notamment grâce Ă  une diminution d’intensitĂ© de la pĂŞche sportive et commerciale (En 2000, la pĂŞche commerciale a Ă©tĂ© interdite, sauf pour quelques communautĂ©s autochtones sur une dizaine de rivières, et au sud du QuĂ©bec la pĂŞche sportive a Ă©tĂ© interdite sur plus d'une trentaine de rivières, de mĂŞme pour 5 rivières nordiques, et ailleurs la remise Ă  l'eau des saumons capturĂ©s et obligatoire ou recommandĂ©e[40]). Alors que des millions de saumons remontaient autrefois les mĂŞmes cours d'eau, en 2002, 5 499 saumons (85 % Ă©taient des grands saumons) auraient Ă©tĂ© pĂŞchĂ©s et relâchĂ©s ; 9 624 autres saumons auraient Ă©tĂ© pĂŞchĂ©s et tuĂ©s (non-relâchĂ©s) par les pĂŞcheurs sportifs (75 % de madeleineaux, 25 % de grands saumons)[40]. En plus de ceux-ci 4 902 saumons (grands saumons principalement) auraient Ă©tĂ© prĂ©levĂ©s et consommĂ©s pour la pĂŞche d’alimentation[40]. Ce dernier chiffre Ă©tait stable depuis plusieurs annĂ©es, mais comme le nombre de saumons se prĂ©sentant dans les estuaires dĂ©cline, la pression rĂ©elle de pĂŞche augmente, et continue Ă  rĂ©duire le stock des gĂ©niteurs (le bilan 2002 confirme que la rĂ©duction des retours reste plus importante que la rĂ©duction des captures) et il conclut que « le seuil de conservation n’a pas Ă©tĂ© atteint sur la majoritĂ© des rivières qui font l'objet d’une Ă©valuation »[40]. Les suivis scientifiques laissent penser que la survie en rivière n'a pas diminuĂ©[40].

La survie en mer du saumon semble être devenue plus problématique encore qu'en rivière, avec, pour les saumons du Québec, une mortalité en mer plus importante depuis 1991[40]. Les causes de ce phénomènes sont encore mal comprises ; elles semblent multifactorielles et peuvent aussi avoir une origine continentale (ex. : acquisition de microbes ou perturbation endocrinienne durant l'embryogenèse et/ou le développement en rivière, perte d'immunité à la suite d'une exposition aux pesticides, engrais, etc. drainés par les bassins versants).

Inquiète de l'augmentation des saumons du Pacifique qui reviennent pour frayer dans ses eaux et des conséquences pour la préservation du saumon de l'Atlantique, la Norvège considère le saumon rose comme une espèce invasive et tente de limiter sa population[41].

Causes de régression des saumons sauvages

40 000 saumons sur le sol d'une fabrique de conserve en 1909.
Un filet de pĂŞche rempli de saumons en Alaska.

Les explications de cette régression sont très probablement multifactorielles, impliquant notamment des changements environnementaux et globaux[42] ou des problèmes sanitaires et environnementaux qui concerneraient toutes les populations naturelles de saumons :

  • SurpĂŞche : la surexploitation de certaines populations est, dans une partie de l'Europe (en France notamment), une cause historique de la rĂ©gression du saumon, dĂ©jĂ  ancienne comme en tĂ©moignent les gravures illustrant l'encyclopĂ©die de Diderot (au XVIIIe siècle), qui dĂ©crivent des systèmes sophistiquĂ©s de filets ou barrages posĂ©s sur toute la largeur de grands cours d'eau, permettant de capturer la quasi-totalitĂ© des reproducteurs au moment oĂą ils remontaient vers les sources[43] - [44].
  • Pollutions marines : elles touchent particulièrement l'hĂ©misphère nord (historiquement le plus industrialisĂ© et anthropisĂ©). Des taux prĂ©occupants de mercure et de mĂ©thylmercure, de tributylĂ©tain ou d'autres polluants sont trouvĂ©s chez les poisons marins dont les saumons. Des molĂ©cules de type PCB, dioxines, HAP et des rĂ©sidus d'antifouling et de nombreux pesticides et d'autres polluants sont très solubles dans les graisses animales. Or, le saumon est un poisson gras. Quand pour franchir les obstacles qui le sĂ©parent de sa frayère il « brĂ»le » ses graisses (qui sont des rĂ©serves d'Ă©nergie), il libère dans son organisme les polluants qu'il a accumulĂ©s durant plusieurs annĂ©es, avec une possible auto-intoxication. L'apport continu de pesticide en mer via les fleuves, et d'autres pollutions Ă©mergentes (par exemple issues des centaines de dĂ©pĂ´ts immergĂ©s de munitions qui commencent Ă  perdre leur contenu toxique) pourraient peut-ĂŞtre expliquer une mauvaise survie des saumons en mer et aussi expliquer le dĂ©clin d'autre espèces grandes migratrices autrefois très abondantes telles que l'anguille.
  • Les populations de petits invertĂ©brĂ©s, comme cette mouche de mai dont se nourrissent les juvĂ©niles, tendent Ă  diminuer.
    Difficultés nutritionnelles : le saumon avant de pouvoir manger d'autres poissons est d'abord un prédateur de petits invertébrés terrestres et d'insectes terrestres notamment entre le moment de sa naissance et la fin de la dévalaison vers la mer. Or ces invertébrés (mouche de mai par exemple) sont globalement en régression, à cause des insecticides notamment, mais aussi à cause de la régression et fragmentation de leurs habitats naturels.
    Le stade dulçaquicole du saumon n'est pas le seul concernĂ© : des Ă©tudes rĂ©centes ont montrĂ© que mĂŞme les juvĂ©niles marins de saumons restent de grands consommateurs d'insectes au dĂ©but de leur vie marine. L'examen du contenu stomacal de juvĂ©niles de saumons chinook (de 143 mm) capturĂ©s en automne (septembre) près du littoral de la Mer des Salish (Maury Island, Puget Sound shoreline) montre que 100 % de ce contenu stomacal peut ĂŞtre constituĂ© des restes d'insectes d'origine terrestre (aphidĂ©s...), apportĂ©s par les estuaires (dont larves de chironomes) ou capturĂ©s près des laisses de mer Ă  marĂ©e haute ou en mer. Plus loin en mer, les jeunes saumons continuent de se nourrir d'insectes et mĂŞme d'araignĂ©es ayant dĂ©rivĂ© Ă  partir du continent ou d'Ă®les Simenstad (1998) Cordell et al. (1998 ; 1999a, b). De plus, certains insectes parfois devenus rĂ©sistants Ă  certains insecticides (aphidĂ©s par exemple) peuvent ĂŞtre vivants mais contaminĂ©s par des pesticides ou leurs mĂ©tabolites quand ils sont mangĂ©s par le saumon, qui peut alors bioaccumuler ces produits). Le saumon sauvage pourrait ainsi ĂŞtre une des victimes collatĂ©rales et indirectes de traitements insecticides et larvicides utilisĂ©s dans la dĂ©moustication ou depuis les annĂ©es 2000 dans la lutte contre la fièvre du Nil occidental (ex mĂ©thoprène[45]).
  • RĂ©chauffement des eaux (douces et marines) : il est constatĂ© presque partout, et souvent du haut du bassin-versant Ă  l'estuaire. Divers auteurs ont montrĂ©[46] - [47] - [48] (dans les annĂ©es 1989 Ă  1999) que la smoltification du saumon atlantique diminuait quand la tempĂ©rature dĂ©passait 16 °C[49] - [50] et que de fortes tempĂ©ratures pouvaient mĂŞme « inverser » le processus physiologique de smoltification, interdisant la survie en mer du jeune saumon[51]. Le saumon de l'Allier dĂ©vale vers la mer de manière optimale dans une eau de 7,5 Ă  13,5 °C[51], et il cesse tout mouvement migratoire au-dessus de 20 °C[51], or il a aussi Ă©tĂ© montrĂ© que la survie des saumons amĂ©ricains est maximisĂ©e si sa smoltification s'opère dans le « timing » de leur migration des eaux douces aux eaux salĂ©es[52].
    Le réchauffement des eaux est global. Il est dû au réchauffement global, mais pas uniquement. Ainsi en France (l'un des pays les plus densément nucléarisés), il est aussi localement dû aux rejets d’eaux de refroidissement de centrales nucléaires, et à certains rejets d'eaux urbaines ou industrielles réchauffées. Tout réchauffement de l’eau induit aussi une diminution de sa teneur en oxygène, et peut contribuer au phénomène d'anoxie (décès constatés à 25 °C). Les poissons étant poïkilothermes (animaux à sang froid), ils sont probablement plus sensibles que les mammifères et oiseaux au réchauffement ou à des anomalies saisonnières de température. Et il en va sans doute de même pour certains de leurs agents pathogènes, plus agressifs quand la température augmente. Marcogliese (2001) a démontré que le réchauffement de l’eau modifie le comportement du saumon remontant vers la source[53] et qu'il est un facteur de stress pour ce poisson ; il affaiblit son système immunitaire (Bowden, 2008), en le vulnérabilisant à la maladie, mais aussi indirectement à la prédation.
    Enfin, la température cumulée est aussi un signal qui déclenche le début et la fin de la migration chez le saumon[54]. Une précocité ou un retard anormal de migration (dévalaison ou remontée) peuvent être en cause dans le phénomène de déclin des saumons[51]. Le dérèglement climatique affecte de nombreuses espèces, dont les salmonidés[55].
  • Acidification des mers et des cours d’eau, pluies acides : ces trois phĂ©nomènes favorisent la mise en suspension et la bioassimilabilitĂ© de mĂ©taux lourds et mĂ©talloĂŻdes toxiques. Ils peuvent aussi contribuer au recul du saumon en l’empĂŞchant de s’adapter aux eaux salĂ©es[56] - [57], au moins en Finlande, Suède, Norvège. Dans une rĂ©gion norvĂ©gienne en cours d'acidification, une opĂ©ration de chaulage a eu un effet spectaculaire, redressant le nombre de saumons pĂŞchĂ©s (passĂ© de 1000 Ă  10000), mais dans ce cas, les 3 ou 4 annĂ©es prĂ©cĂ©dant le chaulage avaient Ă©tĂ© marquĂ©es par une remontĂ©e du nombre de prises alors que durant 20 ans il s’était effondrĂ©[58].
    En laboratoire un pH très bas (4,2 à 4,7) empêche la bonne smoltification, même à température optimale de l’eau[57] et « les tacons exposés à un bas pH deviennent intolérants à une forte salinité »[57].
  • Une passe Ă  poissons rendant le franchissement d'un barrage plus facile pour le saumon.
    Fragmentation écologique : elle découle notamment de la construction de grands barrages hydroélectriques infranchissables, ainsi que de certain barrages ou seuils plus modestes, mais parfois difficilement franchissables ou infranchissables. Cette fragmentation peut également être « immatérielle » et invisible (apports locaux en polluants, eau réchauffée, microbes très pathogènes, zones d'anoxie, etc.).
    Depuis quelques siècles, les embâcles naturels qui freinaient le cours de l'eau tendent à diminuer, alors que le nombre d'obstacles artificiels augmente. Malgré la construction d'un nombre croissant de passes à poisson, et la restauration (en Amérique du Nord) d'embâcles naturels, les saumons se présentent toujours moins nombreux ou peu nombreux à la remontée.
  • État sanitaire des saumons : une augmentation de certaines pathologies est constatĂ©e ou soupçonnĂ©e (selon les cas). Les maladies observĂ©es sont liĂ©s Ă  des virus, des bactĂ©ries et/ou des parasites externes ou internes.
    Il est démontré que la pisciculture intensive (où les poissons sont stressés[59], souvent malades[60] et éventuellement vaccinés ou traités par des antibiotiques[59]) en contact avec le milieu naturel ou immergées dans ce milieu affectent négativement les populations sauvages[61] - [62].
    Les maladies en cause peuvent être émergentes et dues à des souches nouvelles ou acquises à partir de saumons d'élevages[63] (ce sujet est détaillé ci-dessous dans la section Maladies).
    Il a aussi été constaté une forte réduction des tacons sur plusieurs kilomètres en aval de rejet de piscicultures (comparativement à l'amont)[64].
  • Pollutions gĂ©nĂ©tiques : elles peuvent avoir plusieurs origines :
    • Des hybridations avec d'autres salmonidĂ©s sympatriques (des indices d'hybridation Salmo salar Ă— Salmo trutta ont Ă©tĂ© signalĂ©s en 1981 par Beland et al[65] en AmĂ©rique du Nord ;
    • Des pertes accidentelles de saumons d'Ă©levage en mer, Ă  la suite de ruptures d'enclos ou Ă  l'occasion de tempĂŞtes par exemple. Parfois, il peut s'agir de poissons non-transgĂ©niques (mais nĂ©anmoins gĂ©nĂ©tiquement modifiĂ©s pour ĂŞtre plus productifs, dont souches hybrides crĂ©Ă©es par ou pour des pisciculteurs[66] ;
    • Des rĂ©introductions anarchiques ou non rĂ©flĂ©chies, par exemple Ă  partir de souches provenant de piscicultures et/ou d'origines Ă©loignĂ©es, ou gĂ©nĂ©tiquement peu diversifiĂ©es, ce qui les rend plus vulnĂ©rables aux maladies.
  • La pollution lumineuse près des cours d'eau expose les smolts Ă  une « surprĂ©dation » et accĂ©lère leur maturation sexuelle (MontrĂ©al vu depuis la Station spatiale internationale).
    Environnement nocturne dégradé et pollution lumineuse : comme beaucoup d'espèces, les saumons se montrent sensible à la lumière (la photopériode est — avec la température[67] — un « signal » pour la smoltification[68] et le départ en migration[67]), mais d'une manière différente selon les moments de leur vie. Là où des luminaires illuminent les cours d'eau empruntés par le saumon pour aller pondre ou par les smolts lors de la dévalaison, la lumière pourrait perturber la migration, et de plusieurs manières :
    • Les animaux sont gĂ©nĂ©ralement actifs de jour ou de nuit, mais rarement les deux[69] ; les salmonidĂ©s naissent diurnes, puis deviennent nocturnes durant la pĂ©riode de repos hivernal et/ou la dĂ©valaison, quand leurs besoins Ă©nergĂ©tiques sont les plus bas et quand la dĂ©rive planctonique est plus importante de nuit que de jour. Des « butineurs visuels » chassant Ă  vue, ils doivent alors chasser de nuit. Or une bonne acuitĂ© visuelle diurne est gĂ©nĂ©ralement incompatible avec une bonne vision nocturne[69]. En conditions expĂ©rimentales, le saumon atlantique capture efficacement ses proies au moment du coucher du soleil et Ă  l'aube, mais pas en pleine nuit[69] : par nuit claire (mĂŞme sous une pleine lune), l'efficacitĂ© prĂ©datrice chute Ă  30 % de ce qu'elle serait de jour (et Ă  10 % par nuit sans lune et nuageuse et/ou en situation simulant une rivière sous une Ă©paisse frondaison (forĂŞt galerie)[69]). Le saumon ne capture plus aucune proie quand il est plongĂ© dans le noir total[69] ;
    • Comme chez d'autres salmonidĂ©s, le smolt en dĂ©valaison est attirĂ© par la lumière nocturne, phĂ©nomène d'ailleurs exploitĂ© pour le piĂ©ger pour des comptages vidĂ©o[70], par exemple en France sur la Garonne lors de la dĂ©valaison : au droit des exutoires des barrages de Pointis-de-Rivière et Camon, des « lampes d’attrait » fonctionnant de 20 h 30 Ă  8h 30, de manière cyclique. Bien que le dĂ©bit de l'exutoire soit très faible par rapport Ă  celui des prises d'eau des turbines, les lampes attirent assez efficacement dans le piège de comptage une grande partie des smolts issus du rĂ©empoissonnement en saumons si le dĂ©bit de turbinage de la centrale hydroĂ©lectrique est de moins de 55 m3/s, avec un taux de capture qui se dĂ©grade avec l'augmentation du dĂ©bit de turbinage. Ces pièges destinĂ©s Ă  rĂ©cupĂ©rer les smolts pour les transporter par camion en aval de Toulouse et Golfech ont permis de confirmer que la dĂ©valaison est presque entièrement nocturne[71]. Ces deux pièges ont en 2009 provisoirement capturĂ© 10 079 poissons (dont 8 271 Ă©taient des saumons (5 300 Ă  Camon et 2 971 Ă  Pointis) et dont 1 768 Ă©taient des truites. En 9 ans (1999→2008) 2 744 600 saumons (alevins et stade prĂ©-estival) ont Ă©tĂ© rĂ©introduits dans la Garonne et la Neste. Ils ont produit 130 230 smolts retrouvĂ©s dans les « pièges ») ;
    • Oppedal et al. ont montrĂ© (en 1997) que l'Ă©clairage artificiel de saumons encagĂ©s en mer avait un rĂ´le de perturbateur endocrinien ; il accĂ©lère leur maturation sexuelle[72] ;
    • La dĂ©valaison est hivernale et principalement nocturne (ex : essentiellement de 21h Ă  6h sur la Garonne[73]), de simples lampadaires peuvent exposer les smolts Ă  une « surprĂ©dation ». Ainsi, en Colombie britannique, des groupes de phoques profitent chaque printemps de l'Ă©clairage Ă©lectrique pour se gorger de smolts descendant vers la mer. Ces phoques se regroupent sous deux grands ponts (parallèles) qui enjambent la Puntledge River, près de Courtenay, ils se positionnent dans le sens du courant, ventre en l'air, forment une barrière vivante et interceptent et avalent des milliers de smolts lors de leur dĂ©valaison. La dynamique des populations de plusieurs espèces de salmonidĂ©s en est affectĂ©e[74] (la Puntledge River Ă©tait historiquement l'une des zones les plus riches en saumon chinook de toute la Colombie britannique, mais en 1995, seuls 208 chinook ont Ă©tĂ© comptĂ©s en dĂ©valaison[75]). On a barrĂ© la rivière par une barrière mĂ©canique devant laisser passer les smolts mais non les phoques, sans succès. L'extinction des lampadaires du pont et un effarouchement acoustique (pingers) ont Ă©tĂ© les seules solutions efficaces[74], mais les pingers pourraient laisser des sĂ©quelles auditives aux phoques qui tenteraient de s'approcher, et on ignore s'il peut affecter d'autres espèces. Ainsi, la lumière dont on pourrait penser qu'elle pourrait aider les saumons Ă  se nourrir est en fait dans ce cas un « piège Ă©cologique ».

Maladies

Des poux du saumon, mâle, femelle, larve
Henneguya salminicola, un myxozoaire parasite couramment présent dans la chair des salmonidés sur la côte ouest du Canada, chez le saumon coho.

Le saumon est affecté par diverses maladies parasitaires et infectieuses.

Si l'on prend comme exemple le saumon rouge, pour lequel un suivi de 20 ans montre un dĂ©clin important et rĂ©gulier au Canada, 5 virus, 6 bactĂ©ries, 4 champignons et 19 parasites ont Ă©tĂ© identifiĂ©s. Ce sont des responsables avĂ©rĂ©s et/ou plausibles d'un nombre significatif de morts de saumons - mais qui ne peuvent expliquer Ă  eux seuls la forte rĂ©gression de l'espèce[39]. Plusieurs parasites ou maladies pourraient ĂŞtre favorisĂ©s par les piscicultures. Une recrudescence de certaines maladies est observĂ©e depuis la fin des annĂ©es 1980, telle la furonculose du saumon ou la vibriose des eaux froides.

Dans le cas du saumon rouge du Fraser en Colombie britannique (Canada), les pathogènes identifiés comme potentiellement à haut risque sont le virus de la nécrose hématopoïétique infectieuse (ou NHI, mortel pour les alevins en eau douce et pour les adultes de saumons élevés en cage en mer, probablement alors à cause d'un variant hautement pathogène du virus), ainsi (potentiellement) que trois bactéries (Vibrio anguillarum omniprésentes en mer mais rarement trouvées dans les saumons du Fraser, Aeromonas salmonicida et Renibacterium salmoninarum) et deux parasites (Ichthyophtheirus multifillis et le myxozoaire Parvicapsula minibicornis responsables de mortalité avant la ponte et infectant certains smolts en dévalaison). Les autres espèces de virus et bactéries sont parfois mortellement pathogènes mais néanmoins classés en risque modéré car ce sont plutôt des pathogènes opportunistes : ils peuvent devenir dangereux seulement si la qualité écologique du Fraser devait encore se dégrader. Ces pathogènes sont très probablement présents au Canada depuis des siècles et la promiscuité des saumons dans les fleuves était autrefois bien plus importante. On n'a pas encore identifié de raisons certaines expliquant l'augmentation de certains pathogènes et/ou la régression des saumons.

Plusieurs de ces maladies peuvent ĂŞtre transmises aux saumons sauvages via les piscicultures ou par les poissons Ă©chappĂ©s de piscicultures oĂą ces maladies Ă©taient d'abord traitĂ©es par des antibiotiques et de plus en plus par vaccination. La consommation d’antibiotiques aurait chutĂ© de 96 % en 10 ans ; au cours d’une annĂ©e, 1 saumon sur 200 en prend, contrairement Ă  1 bovin sur 5 ou Ă  1 humain sur 2.

Le pou du poisson est problématique ; Lepeophtheirus salmonis affecte les espèces du genre Oncorhynchus, et Caligula clemensi affecte les espèces du genre Salmo. Plusieurs études démontrent que les cages d'élevage de saumon placées en rivière ou en estuaires, avec leurs très larges excès de densité de populations et les risques ainsi grandement accrus de contagions et épizooties, propagent des infestations de poux mortelles pour les jeunes saumons (et sur les harengs pour les cages en estuaires) qui ne peuvent résister à ces attaques concentrées[76] - [77].

Le ver nématode parasite Anisakis est un parasite trouvé chez les saumons. En pisciculture, un traitement thermique des aliments à risque du saumon permet de réduire les risques de parasitose.

Actions menées en faveur du saumon

Là où les saumons venaient autrefois frayer en nombre, de nombreux États, ONG ou collectivités ont mis en place des « plans saumons », souvent appuyés par des réglementations et un projet de restauration d'une « trame bleue » permettant la libre circulation des poissons.

Océan atlantique : L'association « NASCO[78] » (North Atlantic Salmon Conservation Organization), basée à Édimbourg (Écosse), a été créée en 1984 pour la conservation et gestion halieutique du Saumon atlantique[79]. Elle rassemble une dizaine d'organismes inter-étatiques et a accrédité de nombreux groupes de représentants de pêcheurs et ONG et groupes de pression (ex European Anglers Alliance (EAA)[80].
Le bilan scientifiquement étayé établi lors de sa réunion annuelle en 2013 est que malgré les dizaines[81] de plans et actions des gouvernements et régions concernés, la situation du saumon atlantique sauvage n'a jamais été aussi mauvaise, atteignant même un niveau historiquement faible[4].

Près de 10 ans après la crĂ©ation de la NASCO, en 1994, un autre accord international dit « rĂ©solution d'Oslo »[82] est signĂ©. Il engage 7 Ă©tats-membres (Canada, États-Unis, Norvège, Écosse, Irlande, Islande et Ă®les FĂ©roĂ©, qui ont toutes une industrie piscicole dĂ©veloppĂ©e) Ă  rĂ©duire les interactions nĂ©gatives entre fermes d'Ă©levage de saumon et saumons sauvages, notamment en Ă©tablissant des zones d'exclusion d'Ă©levage Ă  proximitĂ© des rivières Ă  saumons et de corridors de migration, en testant et appliquant des systèmes prĂ©venant les fuites de saumons d'Ă©levage en mer (et les notifications de perte[83]), en dĂ©veloppant des standards de qualitĂ© et de monitoring limitant les risques de diffusion ou persistance de pathogènes, etc., y compris dans les sĂ©diments sur le fond marin[84] - [85] ;
Des plans de gestion restauratoire[86] ou conservatoire et des mesures d'assistance à la remontée vers les sources (passes à poissons) sont progressivement construites dans la plupart des pays où vivent des saumons, avec études hydrauliques et en s'appuyant sur l'étude des sauts du saumon[87], et des barrages artificiels sont « effacés », mais pas sur tous les cours d'eau.

En 2003, le bilan par le World Wildlife Fund et Atlantic Salmon Federation des actions effectuées dans les pays signataires de la résolution d'Oslo note que l'industrie de la salmoniculture n'a cessé de croître, non plus que ses conséquences néfastes sur les populations de saumons sauvages ; que la Norvège est le pays qui a pris les mesures les plus fortes avec le plus de succès, suivie par l'Écosse, le Canada, l'Irlande, L'Islande, les États-Unis puis les îles Féroé, dans cet ordre ; et que la moyenne du résultat à cette date ne dépasse pourtant guère 2 sur 10 dans l'échelle d'estimation mise en place dans le cadre de cette résolution d'Oslo[88].

OcĂ©an pacifique : En 1985, les États-Unis et le Canada ont signĂ© un traitĂ© visant Ă  mieux gĂ©rer et protĂ©ger les saumons du Pacifique. Ils ont crĂ©Ă© une « Commission du saumon du Pacifique » dotĂ©e de fonds pour surveiller la mise en Ĺ“uvre concrète de ce traitĂ©, et appuyĂ© depuis 1999 par un Fonds spĂ©cial gĂ©rĂ© par un comitĂ© ad hoc, pour soutenir le traitĂ© sur le saumon du Pacifique. De son cĂ´tĂ©, l'ONG internationale (« Wild Salmon Center ») s'est constituĂ©e pour identifier, comprendre et protĂ©ger les Ă©cosystèmes des saumons sauvages du Pacifique, en complĂ©ment du travail de la fondation (« Pacific Salmon Foundation »[89]) crĂ©Ă©e en 1987 pour fĂ©dĂ©rer les ONG Ĺ“uvrant Ă  la conservation et restauration des populations de saumons et Ă  la renaturation de « rivières Ă  saumons ». Elle a par exemple reçu en un don historique (5 millions de dollars, sur 5 ans) offert pour moitiĂ© par la « Commission du saumon pacifique (Pacific Salmon Commission ou PSF) » et pour moitiĂ© par le « Southern Fund Committee » afin de soutenir un projet dit « Salish Sea Marine Survival Project » qui vise Ă  mieux identifier les facteurs de survie du saumon en mer[90]. Le « Southern Fund Committee » avait pour sa part dĂ©jĂ  versĂ© en 8 ans (de 2004 Ă  2012) plus de 29 millions de dollars pour sauver le saumon en Colombie britannique, dans l’État de Washington et dans l'Oregon, principalement via une meilleure gestion des pĂŞcheries[90]et pour renaturer] les rivières Ă  saumon, avec des rĂ©sultats encore mitigĂ©s, ce qui a poussĂ© le fonds Ă  s'intĂ©resser en 2013 Ă  la phase de vie marine du saumon, en l’occurrence dans la Mer des Salish connue pour ĂŞtre une zone d'importance majeure pour la croissance en mer des saumons sauvages du Pacifique, mais oĂą le saumon a jusqu'ici Ă©tĂ© peu Ă©tudiĂ©[90].

Recommandations générales : Elles sont à préciser au cas par cas, mais les acteurs concernés peuvent s'appuyer sur des « recommandations » internationales, publiées par exemple par la Fédération internationale du saumon atlantique (« Atlantic Salmon Federation »)[91] ainsi que sur des réglementations environnementales nationales[92], ou encore sur des recommandations et des guides de bonnes pratiques professionnelles[93] portant par exemple sur le bon confinement des poissons d'élevage élevés en cages aquacoles, surtout s'ils sont d'origine allochtone[94] - [95] - [96] - [97] ou sur la conduite à tenir en cas d'accident avec perte de saumons en mer ou en rivière[98]. Des guides zootechniques concernent aussi la gestion de pathogènes problématiques (exemple : furonculose)[99] chez des poissons élevés en cages flottantes.

Pour contrer la tendance au réchauffement de l'eau, la restauration de ripisylves de qualité peut rafraichir l'eau[100] et le fait de laisser ou reconstituer certains embâcles naturels peuvent aussi aider les poissons dans leur remontée.

Sensibilisation : Elle peut associer des citoyens, des scientifiques et des groupes consommateurs. Elle porte notamment sur la nécessité de protéger le saumon sauvage, actuellement en voie de disparition sur une grande partie de son aire de répartition :

  • Elle peut concerner les pĂŞcheurs encouragĂ©s Ă  une gestion durable des stocks (pĂŞche durable), en s'appuyant Ă©ventuellement sur des labels tels que le MSC et les aquaculteurs qui peuvent Ă©largir leurs connaissances avec les publications d'organismes dĂ©diĂ©s[101] - [102] ;
  • Elle peut concerner les responsables politiques et divers dĂ©cideurs (d'entreprises et filières halieutiques notamment) ;
  • Elle peut enfin concerner le grand public qui sans cela prendra difficilement conscience de l'effondrement des populations sauvages alors que les Ă©tals offrent de plus en plus de saumon (aujourd'hui, 99 % des saumons dits « de l'Atlantique » dĂ©gustĂ©s dans le monde proviennent de l'aquaculture, dont la production a Ă©tĂ© multipliĂ©e par 300 depuis 1980). Aux États-Unis, la production de saumon atlantique est passĂ© de rien en 1985 Ă  plus de 14 000 tonnes 10 ans plus tard (en 1995).

En France : dès les années 1920, des arrêtés successifs cherchent à limiter la surpêche[103], mais, depuis les années 1980 principalement, la situation critique du saumon a déclenché dans ce pays des actions de comptages, de soutien des « stocks », de gestion de la pression de pêche (par attribution de quotas individuels (TAC ou Total Autorisé de Captures[104]), puis par rivières, avec variation du montant de la taxe, etc. et des opérations de repeuplement ainsi que des suppressions de barrage, non-restaurations de barrages ouverts, création de passes à poissons (dont l'une des deux plus grandes d'Europe en Alsace) et un effort général de reconquête et de protection des cours d'eau soutenu par l'Agence de l'eau et de nombreuses collectivités. Si quelques succès ont été obtenus, souvent pour de petits cours d’eau (Bretagne, Pyrénées…), la plupart des petits cours d'eau autrefois fréquentés par les saumons en sont aujourd'hui dépourvus ; là où les saumons sont encore présents, des situations de « congestion des parcours de pêche » sont fréquentes et la pression induite par la pêche est mal évaluée. La pêche au saumon est généralement ouverte en mars et fermée en septembre, mais avec des modulations possibles via des arrêtés préfectoraux. Des COGEPOMI (comités de gestion des poissons migrateurs) se réunissent chaque année sous l'égide des préfets, cherchant à améliorer la situation de tous les poissons migrateurs.

Le saumon et l'alimentation humaine

Préhistoire, Histoire

PĂŞche Ă  la senne de saumons dans le fleuve Columbia en 1914

Le saumon est l'un des gros poissons les plus traditionnellement pêchés et consommés par l'Homme dans l'hémisphère nord, au moins depuis la Préhistoire comme en témoignent les restes de squelettes de grands saumons par exemple trouvés par les préhistoriens près des foyers préhistoriques à Brassempouy[105].

Il constituait l'essentiel des protéines animales de plusieurs tribus amérindiennes et était encore abondamment pêché par certaines populations amérindiennes jusqu'au 19e ou début du 20e siècle. Néanmoins, il était déjà en régression depuis l'arrivée des colons, en raison d'une industrialisation des pêcheries, ce qui fut source d'importantes rivalités entre Amérindiens et « Eurocanadiens rivaux », par exemple dès les années 1780 avec les indiens Micmacs qui en Gaspésie se sont retrouvés rapidement privés d'une partie de leurs ressources alimentaires, et d'une part de leurs richesses (le saumon séché étant aussi une des ressources utilisées pour le troc)[106]. En effet, en 1858, la loi (« Acte des pêcheries» du ) impose aux autochtones de se soumettre au gouverneur en conseil qui peut « octroyer des baux et permis spéciaux de pêche […] et faire tous règlements qui pourront être jugés nécessaires ou expédients pour mieux exploiter et régir les pêcheries de la province »[107] ; « un système de « bail et permis » est institué, et tous les pêcheurs doivent au préalable obtenir l'autorisation de l'Office des terres de la Couronne avant de s'engager dans la pêche au saumon »[108]. Les droits de pêche des Micmacs n'ont été reconnus qu'en 1999 par un jugement de la Cour suprême du Canada[106].

Les espèces consommées

Sept espèces de saumon sont consommées :

  • Le saumon royal ou saumon chinook (Oncorhynchus tshawytscha) mesure en moyenne de 84 Ă  91 cm et pèse entre 13,5 et 18 kg. C'est le plus grand des saumons. Son dos est vert olivâtre, ses flancs et son ventre sont argentĂ©s, et ses gencives infĂ©rieures sont noires. Le dos, le dessus de la tĂŞte et les flancs sont tachetĂ©s de noir. La couleur de la chair varie de rose clair Ă  orange foncĂ©. Il est surtout commercialisĂ© frais, congelĂ© ou fumĂ© ; on le met rarement en conserve. Il est très recherchĂ© fumĂ©.
  • Le saumon rouge (Oncorhynchus nerka) est l’espèce la plus recherchĂ©e après le saumon royal. Il mesure en moyenne entre 60 et 70 cm de long, et pèse entre 2 et 3 kg. Son dos est vert bleutĂ©, ses flancs et son ventre argentĂ©s. Sa chair rouge mat est ferme et très savoureuse. Elle garde sa belle coloration rouge mĂŞme lorsqu'elle est mise en conserve. Ce poisson plutĂ´t mince, Ă©lancĂ© et de taille uniforme se prĂŞte très bien Ă  la mise en conserve. On le retrouve surtout sous cette forme, mais aussi fumĂ© ou salĂ©.
  • Le saumon argentĂ© ou saumon coho (Oncorhynchus kisutch) mesure en moyenne entre 45 et 60 cm et pèse de 2 Ă  4,5 kg. Son dos bleu mĂ©tallique est ornĂ© de petites taches noires. Ses flancs et son ventre sont argentĂ©s. Le saumon argentĂ© est la troisième plus importante espèce commerciale. Sa chair rouge orangĂ© Ă©gale presque celle du saumon rouge ou du saumon royal. Elle se dĂ©fait aussi en gros morceaux. Elle est plus pâle que la chair du saumon rouge. Très utilisĂ© pour les conserves, le saumon argentĂ© est Ă©galement vendu frais, congelĂ© ou fumĂ©. Il est aussi commercialisĂ© lĂ©gèrement saumurĂ©.
  • Le saumon rose (Oncorhynchus gorbuscha) est le plus petit du genre. Il atteint sa maturitĂ© très tĂ´t (deux ans). Il mesure en moyenne entre 43 et 48 cm et pèse entre 1,3 et 2,3 kg. Son dos vert bleutĂ© est parsemĂ© de grandes taches noires ; ses flancs sont argentĂ©s. Le saumon rose a longtemps Ă©tĂ© considĂ©rĂ© comme une espèce de qualitĂ© infĂ©rieure (tout comme le keta) car sa chair rosĂ©e est plutĂ´t molle et se dĂ©fait en petits morceaux. Il est surtout mis en conserve, mais est Ă©galement commercialisĂ© frais, fumĂ© ou congelĂ©.
  • Le saumon keta (Oncorhynchus keta) mesure en moyenne 64 cm et pèse de 5 Ă  6 kg. Son dos est bleu mĂ©tallique et ses flancs et son ventre sont argentĂ©s. Il a sur les cĂ´tĂ©s de pâles rayures pourpres. Le saumon keta a la moins belle et la moins bonne chair. Ă€ peine rosĂ©e, elle est spongieuse, molle et se dĂ©fait en petits morceaux ; elle a cependant l'avantage d'ĂŞtre moins grasse. Elle est meilleure fraĂ®che. Elle est aussi mise en conserve, congelĂ©e, salĂ©e Ă  sec ou fumĂ©e. C'est la moins coĂ»teuse.
  • Le saumon de l'Atlantique (Salmo salar) est le seul saumon qui vive dans l'Atlantique. Il semble ĂŞtre Ă  la fois plus rĂ©sistant et plus sauvage que le saumon du Pacifique et ne meurt pas après le frai ; il peut se reproduire deux, trois ou quatre fois. Le saumon de l'Atlantique est reconnu pour sa combativitĂ© et sa chair rose dĂ©licieusement parfumĂ©e. Son corps ressemble Ă  celui des autres salmonidĂ©s et sa couleur varie avec l'âge. Son dos est brun, vert ou bleu, et ses flancs et son ventre, argentĂ©s. Les spĂ©cimens capturĂ©s mesurent de 80 Ă  85 cm et pèsent en moyenne 4,5 kg.
  • La ouananiche (Salmo salar ouananiche) est un saumon d'eau douce. Il a Ă©tĂ© emprisonnĂ© dans les terres après l’époque glaciaire, ne pouvant pas retourner Ă  la mer lorsque les eaux se sont retirĂ©es. Il demeure maintenant en eau douce de façon permanente mĂŞme si, bien souvent, les cours d'eau qu'il frĂ©quente ont un accès facile Ă  la mer. On la retrouve sur la cĂ´te Est de l’AmĂ©rique du Nord ainsi qu'en Scandinavie. Ouananiche signifie "le petit Ă©garĂ©" en innu-aimun, langue d’une tribu amĂ©rindienne du QuĂ©bec. Ce poisson forme une espèce Ă  part entière, tant par son habitat que par certaines modifications corporelles qui le distinguent du saumon. Il est plus petit (entre 20 et 60 cm) et pèse rarement plus de kg. Ses nageoires plus longues et plus fortes et sa queue grosse et puissante se sont dĂ©veloppĂ©es en s’adaptant aux eaux vives de son environnement. Ses yeux ainsi que ses dents sont plus grands. Son dos noir est ornĂ© de taches rapprochĂ©es et bien dĂ©finies. Ses flancs sont gris bleuâtre et son ventre argentĂ©. La ouananiche s'apprĂŞte comme le saumon ou la truite.

Élevage et production

Production en aquaculture de toutes les espèces de saumons entre 1950 et 2010[34].
Un Ă©levage de saumons dans l'archipel de Finlande.
Salmoniculture en cage près de Vestmanna, sur les îles Féroé.
Saumons kéta artificiellement incubés.

Le saumon sauvage est pêché depuis des milliers d’années, mais l’élevage du saumon, né en Écosse et en Norvège, date des années 1960. Il fut commencé en vue du repeuplement : on élevait alors seulement des juvéniles qu’on relâchait ensuite. Ensuite, on a cherché à garder les poissons jusqu’à l’âge adulte. L’élevage a alors gagné la Nouvelle-Écosse, puis le reste de la côte Est de l’Amérique du Nord (dans les années 1970), puis la côte Pacifique de l’Amérique du Nord. Dans les années 1990, il s’est développé au Chili. En France, deux entreprises se sont lancées dans l'aventure du saumon, une en Bretagne (Aber Wrach'), l'autre en Normandie (en rade de Cherbourg). Cette dernière est autorisée à produire 3 000 de saumon par an, mais n'en a guère produit plus de 300 ces dernières années.

La filière saumon se divise en deux : le saumon d’élevage et le saumon sauvage. Le saumon de l’Atlantique est produit à 93 % par l’élevage et à 7 % par la pêche. Pour le saumon du Pacifique, la proportion est de 12 % pour l’élevage et de 88 % pour la pêche.

Le saumon est le second produit de mer le plus élevé en aquaculture après la crevette. L'espèce élevée est principalement le saumon atlantique. La production de saumon dans des fermes d'aquaculture diminue la demande de saumon sauvage, mais, paradoxalement, augmente la demande d'autres poissons sauvages. En effet, les saumons sont carnivores et sont pour le moment nourris d'aliments préparés à base d'autres poissons sauvages. En conséquence, plus la population de saumon d'aquaculture augmente, plus la demande pour les poissons utilisés pour nourrir le saumon augmente aussi. Des travaux sont menés pour substituer des protéines végétales aux protéines animales destinées à nourrir les saumons d'élevage.

L'élevage du saumon dans l'estuaire des rivières à saumons ou des rivières qui abritent des populations de truites peut être néfaste pour ces poissons indigènes. Ces fermes d'élevage seraient de véritables sites de reproduction de parasites, tel le pou de mer. Il est également possible que le bagage génétique du saumon d'élevage vienne polluer celui des saumons sauvages. De plus, l'élevage intensif du saumon peut être une source importante de pollution organique.

L'indice de consommation d'un saumon d'Ă©levage est d'environ 1,2.

Le saumon met trois ans pour arriver à maturité, mais une variété génétiquement modifiée arrive à maturité en un an. Les producteurs de cette variété cherchent à faire des saumons stériles pour éviter une dissémination dans le milieu naturel où ces saumons mettraient en danger la souche sauvage moins compétitive.

RĂ©gulièrement des tempĂŞtes dĂ©truisent des enclos, et des saumons se retrouvent dans la nature (par exemple 100 000 dans le Maine lors d’une tempĂŞte). C’est ainsi que le saumon s’est implantĂ© au Chili après s’être Ă©chappĂ© d’élevages. Cependant, 99,7 % des saumons d’élevage ne s’échappent pas.

Sous anesthĂ©sie, on extrait les ovules (on les appellera Ĺ“ufs seulement une fois fĂ©condĂ©) d'une femelle mature. Un seul animal expulse environ 10 000 petites boules recueillies dans un seau. Ensuite, par des massages prĂ©cis, l'aquaculteur prĂ©lève la semence blanche d'un mâle (appelĂ©e laitance) qu'il rĂ©pand sur les ovules orangĂ©s. La substance obtenue est alors mĂ©langĂ©e avec prĂ©caution. Ensuite on rajoutera de l'eau afin d’imiter les conditions naturelles. Pour assurer la fĂ©condation, on utilise chaque fois les semences de trois mâles diffĂ©rents.

La naissance des larves de saumon (alevins) est calculée très précisément. À une température de 2 °C, les œufs éclosent en deux cents jours, à 4 °C en deux fois moins de temps.

Âgés de quelques semaines, les alevins sont enfermés dans des conteneurs hermétiques. On les nourrit de concentrés de vitamines et de blanc d'œuf dont les doses sont soigneusement contrôlées par ordinateur. Sous la lumière électrique, ils luttent sans cesse contre un courant artificiel circulaire. À ce régime de nage forcée, les saumons grossissent deux fois plus vite que dans la nature.

Utilisation alimentaire

Le saumon est particulièrement utilisé dans la cuisine japonaise.

Huile

Consommer de l'huile de chair de saumon permettrait de lutter contre l'excès de cholestérol et de prévenir les maladies cardiovasculaires. Ce phénomène est dû à sa richesse en acides gras polyinsaturés (dont les fameux oméga 3). Sont présents particulièrement les acides eicosapentaénoïque (E.P.A.) et docosahexaéonïque (D.H.A.).) et sa pauvreté en acides gras saturés.

La prise quotidienne de cette huile contribuerait à faire baisser de façon significative le « mauvais » cholestérol (LDL - lipoprotéines de basse densité) et les triglycérides sanguins anormalement élevés qui sont à l'origine de l'artériosclérose dont les conséquences peuvent être : hypertension artérielle, infarctus, accidents vasculaires cérébraux, etc. La forme habituelle d'utilisation est la gélule, à la dose moyenne de g par jour.

Même si les poissons élevés en mer et les espèces sauvages contiennent des métaux lourds et autres polluants toxiques potentiellement néfastes pour la santé humaine[109], manger du saumon reste bon pour la santé[110].

Chair

La chair peut être vendue fraîche, congelée, fumée (emballée sous vide) ou servir d’ingrédient pour d’autres produits.

Ĺ’ufs

Œufs à différents stades de développement

Les œufs de saumon (parfois et abusivement[111] appelés « caviar rouge ») font chacun environ mm de diamètre.

Ils servent à la reproduction des saumons, sont vendus, généralement accommodés en saumure, en tant que mets gastronomiques, ou utilisés comme ingrédient de préparations cosmétiques.

Les œufs sont extraits des saumons sauvages pêchés au filet ; on peut aussi les extraire (par pression du ventre) de la femelle sans tuer l’animal. Les zones d'approvisionnement, par ordre décroissant de tonnage, sont : l'Alaska, l'État de Washington et le Canada. La meilleure qualité se fait à partir des œufs frais. Il existe une production à partir d'œufs congelés mais les œufs souffrent de cette préparation lorsqu'ils doivent être pasteurisés.

Le dĂ©lai entre la pĂŞche et la mise en seaux du produit fini est de 24 heures pour le plus court et de 3 jours pour le plus long.

La qualité dépend de deux principes de base : la maturité et la fraîcheur.

Les œufs sont débarrassés des membranes adhérentes, puis sont saumurés sans autre additif. Le taux de sel idéal est de 4 à 4,5 % ; il permet une conservation à température contrôlée de plusieurs mois.

Peau

Une fois débarrassée de ses écailles (déchet), la peau sert à faire du cuir. Cette partie de la filière date de la fin des années 1980. Il s’agit de remplacer les parties dégradables de la peau par des produits chimiques imputrescibles. Le cuir de saumon ressemble à celui du crocodile.

Marché

La production commerciale de saumon en millions de tonnes entre 1950 et 2010[34].

La lutte contre les fraudes (saumon d'élevage vendu comme saumon sauvage) devrait être facilitée par des techniques génétiques (biopuces) qui vont permettre d'immédiatement identifier l'espèce de saumon, alors qu'une analyse chimique de l'écaille permet de voir s'il s'agit d'un saumon sauvage ou d'élevage (En raison de l'alimentation artificielle des saumons d'élevages, leurs écailles portent une signature chimique et isotopique différente de celle des saumons sauvages[112]. Il est également possible de détecter si un saumon dit sauvage est en fait un saumon d'élevage qui s'est enfui en mer)[113].

La Norvège est le premier producteur mondial de saumons, les fjords du pays Ă©tant riches en salmonidĂ©s. Le pays en exporte 323 000 tonnes. Le Chili et le Royaume-Uni occupent respectivement la deuxième et la troisième position. L'image du saumon norvĂ©gien a Ă©tĂ© ternie en 2011-2012 par la controverse Ă©cologique du pesticide diflubenzuron Ă  nouveau massivement utilisĂ© comme antiparasitaires contre les infestations de poux du saumon[114] devenu en quelques annĂ©es rĂ©sistant aux autres pesticides disponibles, et source de coĂ»ts croissants pour les pisciculteurs.

La France, le Canada et le Danemark sont spécialistes du fumage.

La France est le deuxième consommateur de saumon après le Japon.

En France, la consommation de saumon s’est accrue depuis 10 ans : elle importe de 120 000 Ă  130 000 tonnes par an, dont 35 % de saumon fumĂ©. 90 % du saumon consommĂ© provient d’élevage.

La moitié du saumon consommé en France provient de Norvège.

Pour les Ĺ“ufs, le principal marchĂ© est le Japon (3 000 Ă  4 000 tonnes par an) oĂą les Ĺ“ufs sont consommĂ©s « façon caviar » très peu salĂ©s (ikura) ou très salĂ©s dans la poche entière (sujiko). En Europe, la consommation est d'environ 300 Ă  400 tonnes « façon caviar », en AmĂ©rique du Nord de 50 Ă  100 tonnes. La consommation en Russie a considĂ©rablement chutĂ©.

La migration du saumon dans la culture

L'écrivain Anton Tchekhov décrit dans le compte rendu L'Île de Sakhaline ses observations sur la migration du saumon pendant son séjour à l'île de bagne russe[115] :

« Quand il pénètre dans l'embouchure, le saumon est sain et vigoureux, mais par la suite, sa lutte incessante contre le courant, l'entassement, la faim, le frottement et les coups contre les troncs noyés et les pierres entament ses forces, il maigrit, son corps se couvre d'ecchymoses, sa chair devient flasque et blanche, il découvre les dents ; il change à ce point d'aspect que les personnes non averties le prennent pour une autre espèce et l'appellent même parfois bécard. Peu à peu, il s'affaiblit, ne peut plus résister au courant et s'attarde dans les anses ou derrière les souches, la gueule enfoncée dans la berge ; alors, il se laisse prendre à la main et les ours le sortent d'un coup de patte. À la fin, complètement épuisé par le frai et le manque de nourriture, il meurt ; et l'on en voit, au milieu de fleuve, de nombreux spécimens qui dorment de l'éternel sommeil, cependant que les rives des cours supérieurs se parsèment de poisson crevé qui exhale une puanteur infecte. Toutes les souffrances qu'endure le poisson à la saison des amours s'appellent « la migration vers la mort », car c'est là qu'elle conduit inévitablement, aucun poisson ne retourne à l'océan, ils meurent tous en rivière. « L'épanouissement du concept de migration, dit Middendorff, l'élan irrépressible de l'attraction érotique poussé jusqu'à la mort ; dire qu'un pareil idéal se loge dans la petite cervelle d'un poisson humide et froid ! »

Calendrier

Notes et références

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  115. Anton Tchékhov, L'Île de Sakhaline, Notes de voyage, Éditions Gallimard, Paris 2001, (ISBN 978-2-07-041891-6), p. 411.
  116. Ph. Fr. Na. Fabre d'Églantine, Rapport fait à la Convention nationale dans la séance du 3 du second mois de la seconde année de la République Française, p. 30.

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Organisations intergouvernementales

Plusieurs organisations intergouvernementales ont été depuis les années 1980 avec l'objectif d'une meilleure protection d'une ou plusieurs espèces de saumons comme. Elles sont associées aux travaux internationaux concernant la protection du saumon sauvage, et disposent parfois de moyens financiers, rarement de moyens directs de contrôles et de police.

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Vidéographie

Vidéos illustrant les capacités de saut du saumon

Vidéos illustrant les densités "normales" de saumons lors de la ponte

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