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Innu-aimun

L’innu-aimun, Ă©galement appelĂ© innu ou montagnais, est une langue parlĂ©e par les Innus, un peuple autochtone de l'Est du Canada. Il s'agit d'une langue polysynthĂ©tique[2].

Innu-aimun
Pays Canada
Région Québec, Labrador
Nombre de locuteurs env. 10 000 (2022)
Typologie ordre libre, polysynthétique
Classification par famille
Codes de langue
IETF moe
ISO 639-2 alg[1]
ISO 639-3 moe
Étendue langue individuelle
Type langue vivante
Échantillon
Apu nanitam ntshissentitaman anite uetuteian muku peuamuiani nuitamakun e innuian kie eka nita tshe nakatikuian.


Je ne me souviens pas toujours d'oĂč je viens dans mon sommeil. Mes rĂȘves me rappellent qui je suis. Jamais mes origines ne me quitteront.

— JosĂ©phine Bacon, extrait de Tshissinuatshitakana (BĂątons Ă  message)

Les Innus habitent dans les rĂ©gions de la CĂŽte-Nord, le Nord-du-QuĂ©bec et le Saguenay–Lac-Saint-Jean, au QuĂ©bec, et au Labrador.

L'innu-aimun, le cri et l'atikamekw forment un continuum linguistique, qui s'Ă©tend du golfe du Saint-Laurent jusqu'aux montagnes Rocheuses.

L’innu-aimun est maintenant enseignĂ©e dans les institutions tel que le centre de langues Ă  l’UniversitĂ© de MontrĂ©al et Ă  l’Institution de Kiuna dans le profil des arts, lettres et communication[3] - [4].

Selon Statistique Canada, en 2021, l'innu-aimun est la langue maternelle de 9 490 personnes[5] au Canada. MalgrĂ© son nombre de locuteurs relativement Ă©levĂ© comparĂ© Ă  d'autres langues autochtones du Canada, l'innu-aimun est considĂ©rĂ© comme Ă©tant menacĂ© d'extinction[6].

« Attachez vos enfants » signe en innu-aimun à Nutashkuan au Québec.

Uniformisation

À la fin des annĂ©es 1980 et au dĂ©but des annĂ©es 1990, un processus d'uniformisation de la langue a Ă©tĂ© entrepris par diffĂ©rentes organisations.

Cette uniformisation concerne seulement l'Ă©criture et l'orthographe. Elle ne dicte pas la façon dont les mots doivent ĂȘtre prononcĂ©s selon les diffĂ©rents dialectes et ne privilĂ©gie pas un mot provenant d'un dialecte ou d'un autre.

C'est ainsi qu'un dictionnaire innu-français a été publié en 1991 par Lynn Drapeau[2].

Grammaire

La linguiste Danielle Cyr[7] dĂ©finit l'innu comme une langue polysynthĂ©tique : « On signifie par lĂ  que cette langue offre la possibilitĂ© de construire des mots si complexes qu'ils incorporent une quantitĂ© de sens souvent Ă©quivalente Ă  celle qui est contenue dans toute une phrase d'une autre langue, le français par exemple. Ainsi, le mot auass (prononcer « wass »), qui veut dire enfant, prendra diffĂ©rentes significations si on y ajoute des affixes (prĂ©fixes, mĂ©dianes et/ou suffixes) :

  • auass : enfant
  • auassat : (les ou des) enfants
  • nitauassim : mon enfant
  • nitauassimat : mes enfants
  • nitauassimissat : mes jeunes (petits) enfants »

L'ordre des mots est relativement libre en innu. Les trois classes de base des mots sont les noms, les verbes et les particules. Les noms prĂ©sentent deux genres, animĂ© et inanimĂ©, et peuvent porter des affixes indiquant le pluriel, la possession, l'obviation et la localisation. Les verbes sont divisĂ©s en quatre classes basĂ©es sur leur transitivitĂ© : intransitif animĂ©, intransitif inanimĂ©, transitif inanimĂ© et transitif animĂ©. Les verbes peuvent porter des affixes indiquant l'accord (aussi bien avec le sujet ou avec le complĂ©ment d'objet), le temps, le mode et l'inversion. Deux ensembles diffĂ©rents d'affixes verbaux peuvent ĂȘtre utilisĂ©s selon le contexte syntaxique du verbe.

Alphabet

L'alphabet innu comprend 11 consonnes : h, k, kᔘ, m, mᔘ, n, p, sh, ss, t et tsh. Il comprend sept voyelles : a, ā, e, i, Ä«, u et Ć«[8].

Consonnes
Lettre h k kᔘ m n p sh ss t tsh
Prononciation /h/ /k/ /kʷ/ /m/ /n/ /p/ /ʃ/ /s/ /t/ /tʃ/
Voyelles longues
Lettre Ăą e Ăź Ă»
Prononciation /a/ /e~ɛ/ /i/ /o/
Voyelles courtes
Lettre a i u
Prononciation /ʌ~ə/ /ÉȘ~ə/ /o~ʊ~u/

Dialectes

L'innu est une langue parlée dans neuf communautés, dans différents dialectes.

Mashteuiatsh et Pessamit sont deux communautés prononçant le « n » en « l » ; Uin (lui) se dit « uil » dans ces deux réserves innues. Ensuite, il y a Essipit, communauté presque totalement francophone.

Uashat mak et Mani-utenam sont situĂ©es Ă  Sept-Îles. Dans ces deux villages sĂ©parĂ©s par 16 km, on peut dĂ©jĂ  trouver quelques diffĂ©rences orales.

Ensuite, il y a Ekuanitshit (Mingan), Nutashkuan, Unamen Shipu (La Romaine) et Pakuashipu (Saint-Augustin), tous parlant avec une forte intonation.

Enfin il y a Matimekush (Schefferville) qui se rapproche du dialecte de Uashat mak Mani-utenam.

Il y a en tout 16 412 Innus, en incluant les deux communautĂ©s du Labrador Tshishe-shatshit et Natuashish.

Compte tenu des différences linguistiques entre les Innus de la CÎte-Nord et les Pekuakamilnuatsh (Ilnus du Lac-Saint-Jean), la communauté de Mashteuiatsh a adopté en 2004 une langue officielle du nom de « nehlueun ».

Proportion de locuteurs

Les recensements effectués par le gouvernement canadien permettent de se faire une idée sur l'évolution du pourcentage d'innus continuant à pratiquer la langue.

Les chiffres montrent une bonne transmission de la langue Ă  l'exception de la communautĂ© d'Essipit, faible en nombre et francisĂ©e depuis longtemps et de Mashteuiatsh oĂč la langue est en voie de disparition au profit du français.

Province
canadienne
RĂ©gion
administrative
RĂ©serve
indienne correspondante
% population autochtone
de langue maternelle autochtone
% population autochtone
qui utilise le plus souvent
la langue autochtone Ă  la maison
en 2006[9] en 2011[10] en 2016[11] en 2006 en 2011 en 2016
Québec Saguenay-Lac Saint Jean Mashteuiatsh (Pointe-Bleue) 19 15,9 13,3 7,7 5,4 14,2
CĂŽte-Nord Essipit (Les Escoumins) - - - - - -
Pessamit (Betsiamites) 97,2 96,2 97,1 94,9 94,4 97,6
Uashat et Maliotenam 88,7
88,6
85,3
90
75,2

86,8

77,2
76,7
67,3
75,8
80,3

88,5

Ekuantshit (Mingan) 98,8 97,8 95,4 93,9 98.9 99,1
Nutukuan (Natashquan) 98,8 99,4 99,4 94,4 98,3 99,4
Unamen Shipu (La Romaine) 99,5 100 99,5 98,9 99 99,5
Pakuashipi (St-Augustin) 96,5 - 97,7 96,5 - 97,7
Matimekosh et Lac-John 97 98,1 92,2 93,9 97,1 99,1
Nord-du-Québec Kawawachikamach - 96,6 91,6 - 94,9 97,5
Terre-Neuve-et-Labrador Labrador Sheshatshiu - 89,5 82 - 83,2 81,6
Natuashish 91,7 97,2 92,7 91,7 90,4 93,3

L’absence de donnĂ©es pour les rĂ©serves d’Essipit et de Pakuashipi s’explique par le fait qu’elles comptaient moins de 250 habitants au moment du recensement. 

Exemples

Extrait d'un texte innu-aimun

  • Texte
    • Mashten-atushkan nene, katshi unian ekue mitshishuian. Atauitshuapit ekue ituteian. Mina nitaiati tshetshi minaputsheian. Nimishta-aiati.
    • Katshi takushinian nitshinat, ekue minaputsheian. Nimishta-minaputsheti. Katshi tshishi-minaputsheian ekue tshishtapunitishuian. Nuitsheuakan peikᔘ nitaimikuti tshetshi natshi-kutueiat.
  • Traduction française
    • Dimanche dernier, aprĂšs m'ĂȘtre levĂ©, j'ai mangĂ©. Puis, je suis allĂ© au dĂ©panneur. J'ai achetĂ© des baies pour faire de la confiture. J'en ai achetĂ© beaucoup.
    • Rendu chez moi, j'ai fait la confiture. J'en ai fait beaucoup. AprĂšs en avoir fait, je me suis lavĂ©. Une de mes amies m'a appelĂ© pour aller pique-niquer.

Expressions courantes

  • Innu-aimi ma! - Parle donc innu-aimun !
  • Kuei! - Bonjour !
  • Tan eshpanin? - Comment ça va ?
  • Niminupanin - Je vais bien
  • Miam a = Ça va bien
  • Tan eshinikashuin? ou Tan eshinikatikauin? - Comment t'appelles-tu ?
  • Auen tshin? = Qui es-tu ?
  • Tanite uetshipanin? - D'oĂč viens-tu ?
  • Tan etatupipuneshin? - Quel Ăąge as-tu ?
  • Tshekuan etutamin? - Que fais-tu ?
  • Apu tshekuan tutaman - Je ne fais rien
  • Eshe - Oui
  • Mauat - Non
  • Tshinashkumitin - Merci (Je te remercie)
  • Iame ou Niaut - Au revoir
  • Tanite etat? - OĂč est-il ? (objet animĂ©)
  • Tanite tekuak? - OĂč est-il ? (objet inanimĂ©)
  • Tshekuan ma ? - Pourquoi ?
  • Tanite nana etutamin nitassi? - Qu'as-tu fait de mon pays ?

Conjugaison

Voir

AniméInaniméTraduction
NuapamauNuapatenJe le vois
TshuapamauTshuapatenTu le vois
UapameuUapatamᔘIl le voit
NuapamananNuapatenanNous le voyons (Exclusif)
TshuapamananTshuapatenanNous le voyons (Inclusif)
TshuapamanauTshuapetenauVous le voyez
UapameuatUapatamuatIls le voient

Notes et références

  1. code générique, correspondant aux langues algonquiennes
  2. Yvette Mollen, « Transmettre un hĂ©ritage : la langue innue », Cap-aux-Diaments, no 85,‎ , p. 21-25 (ISSN 1923-0923).
  3. « Innu - Centre de langues - UniversitĂ© de MontrĂ©al », sur centre-de-langues.umontreal.ca (consultĂ© le ).
  4. (en) « DEC Arts, Lettres et Communication | CollÚge Kiuna », sur kiuna-college.com (consulté le ).
  5. Statistique Canada, « Langues maternelles selon la géographie, Recensement de 2021 », sur statcan.gc.ca, (consulté le ).
  6. (en) « Montagnais », sur Ethnologue (consulté le ).
  7. Yvette Mollen, « Transmettre un hĂ©ritage : la langue innue », Cap-aux-Diamants : la revue d'histoire du QuĂ©bec, n° 85,‎ , p. 21-25 (lire en ligne)
  8. « Montagnais (Innu-Aimun) », sur Omniglot (consulté le ).
  9. « Profil de la population autochtone de 2006 », sur statcan.gc.ca (consulté le ).
  10. « Profil de la population autochtone de l'ENM, 2011 », sur statcan.gc.ca (consulté le ).
  11. Statistique Canada Gouvernement du Canada, « Profil de la population autochtone, Recensement de 2016 », sur statcan.gc.ca, (consulté le ).

Voir aussi

Bibliographie

Ouvrages :

  • (en) Anne-Marie Baraby, The Process of Spelling Standardization of Innu-Aimun (Montagnais), , 17 p. (lire en ligne [PDF]).
  • Kevin Brousseau, Les MĂ©dianes en Nehiramewin, dialecte historique du cri-montagnais-naskapi, UniversitĂ© du QuĂ©bec Ă  MontrĂ©al, 82 p. (lire en ligne [PDF]).
  • (en) Sandra Clarke, North-West River (Sheshatshit) Montagnais: A grammatical sketch, Ottawa, National Museums of Canada, coll. « National Museum of Man, Mercury Series, Canadian Ethnology Service Paper » (no 80), , 185 pages (lire en ligne).
  • (en) Sandra Clarke et Marguerite MacKenzie, Labrador Innu-aimun: An introduction to the Sheshatshiu dialect, Terre-Neuve, Department of Linguistics, Memorial University of Newfoundland, .
  • (en) Sandra Clarke et Marguerite MacKenzie (avec Kanani Penashue et Laurel Anne Hasler), Labrador Innu-Aimun: an introduction to the Sheshatshiu dialect, Memorial University of Newfoundland, , 2e Ă©d. (lire en ligne).
  • Lynn Drapeau, Dictionnaire montagnais-français, QuĂ©bec, Presses de l'UniversitĂ© du QuĂ©bec, , 940 p..
  • JosĂ© Mailhot, Pour une orthographe unique de la langue innue, Sept-Îles, Institut culturel et Ă©ducatif montagnais (ICEM), .
  • GeneviĂšre Maneau et coll., ÉnoncĂ© de politique sur la langue innue, Secteur du dĂ©veloppement de la langue innue, Sept-Îles, ICEM, .
  • Antoine Silvy, Dictionnaire montagnais-français, MontrĂ©al, Les Presses de l'UniversitĂ© du QuĂ©bec, .

Articles :

  • Alan Ford, Lynn Drapeau et M. Noreau-HĂ©bert, « Phonologie et morphologie des flexions (Rapport prĂ©liminaire sur la dialectologie des parlers cri-montagnais du QuĂ©bec : premiĂšre partie) », Revue quĂ©bĂ©coise de linguistique, vol. 10,‎ , p. 85-117.
  • (en) Anne-Marie Baraby, Anne Bellefleur-Tetaut, Louise CanapĂ© et Marie-Paul Mark, « Incorporation of Body-Part Medials in the Contemporary Innu (Montagnais) Language », Papers of the 33rd Algonquian Conference, Winnipeg (Manitoba), H.C. Wolfart,‎ , p. 1-12.
  • Danielle Cyr, « La langue montagnaise : grammaire et ethnographie », Les langues autochtones du QuĂ©bec, Les publications du QuĂ©bec,‎ , p. 247-286.
  • (en) David Pentland, « Proto-Algonquian Stop Clusters in Cree-Montagnais », International Journal of American Linguistics, vol. 43, no 2,‎ , p. 154-156.
  • (en) David Pentland, « A Historical Overview of Cree Dialects », Papers of the Ninth Algonquian Conference, Ottawa, William Cowan,‎ , p. 104-126.
  • (en) Lynn Drapeau, « Medials in Innu », Papers presented at the 40th Algonquian Conference, Minneapolis (Minnesota),‎ .
  • (en) Lynn Drapeau, « Passives in Innu », International Journal of American Linguistics, University of Chicago Press, vol. 78, no 2,‎ , p. 175-201 (ISSN 1545-7001)
  • (en) Marguerite Ellen Mackenzie et Sandra Clarke, « Dialect Relations in Cree/Montagnais/Naskapi », MontrĂ©al Working Papers in Linguistics, MontrĂ©al, Lynn Drapeau,‎ , p. 135-191.
  • (en) Sandra Clarke et Marguerite MacKenzie, « Montagnais/Innu-aimun (Algonquian) », Morphology: An international handbook on inflection and word formation, Berlin, New York, Walter de Gruyter, vol. 2,‎ , p. 1411-1421.
  • (en) StĂ©phane Goyette, « A Grammatical Study of Innu-Aimun Particles », The Canadian Journal of Native Studies, vol. 30, no 1,‎ , p. 186-189 (lire en ligne [PDF]).
  • (en) Truman Michelson, « Linguistic Classification of Cree and Montagnais-Naskapi Dialects », Smithsonian Institution: Bureau of American Ethnology, Anthropological Papers, vol. 123, no 8,‎ , p. 67-95.
  • Yvette Mollen, « Transmettre un hĂ©ritage : la langue innue », Cap-aux-Diamants, Les Éditions Cap-aux-Dimants inc., no 85,‎ (ISSN 1923-0923, lire en ligne [PDF]).
  • William Cowan, « *xk/ek proto-algonquian dans le montangnais du 17e siĂšcle », Actes du huitiĂšme congrĂšs des algonquinistes, Ottawa, William Cowan,‎ .
  • (en) William Cowan, « Montagnais in the 17th century », Anthropological Linguistics, vol. 25,‎ , p. 404-410.
  • (en) William Cowan, « Two Prayers in 17th century Montagnais », Journal of the Atlantic Provinces Linguistic Association, vol. 10,‎ , p. 16-27.

Articles connexes

Liens externes

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